Cher Monsieur Bariani
Forum des Démocrates, Seignosse, 15 septembre 2007, 18 h 30. Les participants au Forum commencent à converger vers la grande salle où doit se tenir, dans quelques minutes, le second débat de politique générale du Forum. A l’entrée, des jeunes distribuent une feuille intitulée : « Pour un Mouvement Démocrate pluriel, par Didier Bariani ». Une heure et quinze minutes après le début du débat, la parole est à Didier Bariani. Son intervention dure 8 minutes et 26 secondes. Elle appelle des réponses. En voici une.
Cher Monsieur Bariani,
Lors du Forum des Démocrates de Seignosse, vous vous êtes présenté devant 2 500 adhérents et militants MoDem pour demander du temps (lire la transcription intégrale de l’intervention de Didier Bariani).
Vous
avez osé le faire, disant d’ailleurs vous-même que lorsque l’on a quelque chose
à défendre, "on vient le défendre devant les copains", et c’est
bien. J’aimerais cependant souligner qu’en ce qui me concerne, je ne me
considère pas comme votre "copain" mais, plus modestement, comme une
relation politique. Ou bien n’étais-je pas concerné par votre intervention ?
Les participants se sont, dans leur très grande majorité, montrés respectueux de votre parole, et c’est bien. Le Mouvement Démocrate a ainsi pu montrer, au-delà des mots et des slogans, qu’il était foncièrement démocrate.
Cependant, il est un temps pour parler, un autre pour réfléchir et un troisième pour agir. S’agissant du temps pour parler, c’est fait : vous avez conclu vos 8 minutes et 26 secondes d’intervention sur cette phrase : "Je demande de laisser un tout petit peu de temps ensemble pour que nous nous connaissions mieux, c’est ma seule revendication".
Mais qu’avez-vous dit dans les 8 minutes et 20 secondes qui ont précédé cette ultime phrase ? Vous nous avez parlé du sous-emploi des seniors, de plaque commémorative, ou encore de shakers agités produisant des cocktails improbables.
Pour vous dire la vérité, il m’a fallu transcrire par écrit l’intégralité de votre intervention, puis la relire de nombreuses fois pour commencer à entrevoir le sujet dont vous sembliez vouloir nous entretenir. Oui, je le confesse, je suis un nouveau venu en politique et, n’étant pas encore très accoutumé aux demi-teintes, je crains de n’avoir pas saisi immédiatement toute la finesse de vos propos. Evidemment, je m’en excuse.
Pourtant, votre introduction s’achève sur cette phrase : "Alors, moi je... je dis simplement les choses. C’est très simple". Très simple ? Voyons cela d’un peu plus près.
Voici que vous introduisez un questionnement sur le sujet "confédération ou fédération". Puis vous vous ravisez ("Sans doute ça ne répond pas à la question du moment, sans doute ça ne répond pas, c’est vrai, à ce qui est présentement exigé"), avant de disserter sur l’agitation du shaker sans développer davantage. Posez-vous la problématique "confédération ou fédération" ? Non. Exprimez-vous des arguments ? Non point. Faites-vous valoir une position ? Pas davantage.
Cher Monsieur Bariani, que voulez-vous que nous fassions d’une énumération de sujets que vous ne posez pas, et sur lesquels vous ne faites valoir aucune position alors même que vous les inscrivez dans le débat ? Sommes-nous censés deviner vos pensées profondes ? Attendez-vous de nous que l’on se dise : "Ah oui, c’est vrai, ça. Il a bien fait d’en parler. Faudrait qu’on y réfléchisse" ?
Avant de demander que l’on vous laisse "un tout petit peu de temps", voici ce que vous déclarez à propos des dizaines de milliers de nouveaux adhérents :
"Maintenant il
faudra les fédérer dans le temps. Et c’est pour ça que, pour terminer, voilà :
j’suis pas emballé par la tentation de la fusion immédiate. Je demande, moi,
que euh cet enthousiasme qu’il s’agit pas de freiner, qu’il s’agit pas de
retarder, qu’il s’agit pas de diluer, ben je demande que pendant quelque temps,
le plus court possible, que pendant quelque temps, le plus court possible...".
Je ne saurais vous cacher que j’avais, au moment où vous avez prononcé cette phrase inachevée, une envie furieuse et sincère de vous aider à la finir, ne serait-ce que pour que l’on puisse ensuite en parler un peu sérieusement. Mais c’est à ce moment que vous nous avez exhortés à la vigilance, alors que le mécontentement enflait dans la salle : "Ecoutez les gars, commencez pas à vouloir faire un parti moderne et à avoir des réflexes anciens, c’est-à-dire de pas entendre ceux qui s’expriment".
Laissez-moi vous dire que votre leçon de démocratie est assez cocasse. Vous avez pu faire distribuer un texte à l’entrée de la salle sans que personne ne vous en empêche, on vous a offert la tribune pour faire valoir votre point de vue, vous avez parlé mais vous n’avez rien dit, et vous exigez de nous que l’on vous entende ? Mais cher Monsieur Bariani, nous avons fait mieux que de vous entendre : nous vous avons écouté. Et moi, je n’ai rien compris.
Vous voulez du temps, dites-vous. Mais pour faire quoi ? Du temps pour que l’on se connaisse mieux, avez-vous ajouté. Pour que qui connaisse mieux qui ? Qui est "on", selon vous ?
En ce qui nous concerne, je crois que nous avons maintenant de votre parti une physionomie assez précise et, en dépit de notre inexpérience, il nous a été assez facile d’y distinguer les démocrates et les autres. Permettez-moi de vous livrer le résultat de nos observations en espérant que cela vous aide, comme vous l’avez souhaité, à mieux nous connaître ou, en tout cas, à réaliser que nous ne sommes pas les naïfs que l’on pourrait penser :
Il y a chez vous trois familles qui ne partagent pas nécessairement le même patrimoine génétique. Il y a les élus, qui font de l’UDF ce "parti de notables" dont François Bayrou a lui-même parlé à plusieurs reprises.
Il y a les militants de terrain, qui n’ont jamais exercé
aucun mandat électif et n’aspirent pas davantage aujourd’hui qu’hier aux ors de
Et puis il y a les "jeunes UDF" et, chez ces jeunes, ceux qui y croient et qui travaillent, et ceux à qui l’on a sans doute déjà promis quelque chose et qui, à en juger par leur comportement, se rêvent déjà en sénateurs ventripotents avec voiture de fonction, chauffeur, secrétaire et ruban bleu.
Puisque vous avez bien voulu nous faire partager vos
problèmes, je vais à mon tour tenter de vous faire partager les miens, moi qui
ne suis qu’un tendre adhérent MoDem sans expérience. En fait, des problèmes,
j’en ai trois. Juste trois, que je vais essayer de vous expliquer. Et moi
aussi, comme vous, je vais dire "simplement
les choses".
Mon premier problème concerne cette fraction des élus UDF de longue date qui, au fil du temps, se sont habitués au confort de la chose politique, et dont ils tirent aujourd’hui suffisamment d’avantages pour être préoccupés par leur réélection bien davantage que par la promotion du projet de François Bayrou.
Pour eux, la question est simple : puisqu’ils tirent de leur
mandat électif, et bien davantage encore des activités annexes qui en découlent
- je vous fais grâce des détails ‑, les revenus qui leur permettent de nourrir
leur famille et d’obliger leurs amis, ils doivent être réélus pour éviter la
terrible humiliation d’avoir à se présenter au guichet des services sociaux du
Conseil général dont, la veille, ils assuraient la direction.
Mon deuxième problème tient à ces "jeunes UDF" à qui l’on a promis quelque chose. Ils sont assez faciles à reconnaître. D’abord ils chassent en meute, à tel point qu’il est presque impossible de parler avec l’un d’eux sans voir presque aussitôt accourir tous les autres. Ensuite, ils disparaissent à la première averse pour reparaître au premier grand soleil, le plus souvent pour expliquer à ceux qui sont restés sous la pluie pourquoi il a plu. Peu friands d’activités récréatives (distribution de tracts ou collage d’affiches), ils déploient un talent fou à expliquer aux autres comment s’y prendre. Enfin, ils sont de ceux qui, dans les réunions publiques, arrivent en retard, s’installent à l’arrière des salles et, persiflant plus souvent qu’à leur tour et à longueur de meetings, en perturbent sans vergogne le déroulement. Bref, des démocrates très très potentiels...
Et puis le troisième problème, c’est qu’il y a ‑ et pour cause ‑ une alliance objective entre les seconds et les premiers, et que les premiers tiennent depuis quelques décennies ce qu’il est convenu d’appeler "l’appareil du parti", alors même que le MoDem, en devenir, n’a pas le début du commencement d’une organisation structurée.
Vous nous auriez dit, cher Monsieur Bariani, sans circonlocutions et sans paraboles excessives, qu’il vous paraissait de stricte humanité d’assurer à quelques vieux élus UDF méritants une préretraite confortable, j’aurais dit oui.
Vous nous auriez proposé d’échanger l’assurance d’un soutien
contre tout ou partie d’un pactole législatif que vous feignez de croire vôtre, mais dont vous savez aussi qu’il ne vous est pas dû, j’aurais dit oui.
Vous nous auriez parlé comme à des citoyens adultes et responsables, j’aurais tout entendu, tout écouté, et tout compris. Mais au lieu de cela, vous nous proposez de donner du temps au temps pour faire quelque chose dont vous ne parlez pas, dans un but que vous ne dévoilez pas davantage. Alors je vous dis non.
Je vous dis non, car ce que vous avez dit, quand bien même vous ne l’auriez pas conçu ainsi, est une offense à l’intelligence de tous ceux qui ont rejoint le Mouvement Démocrate. Et cela, Monsieur Bariani, c’est impardonnable.
Quand viendra le temps de voter pour la pose de la plaque commémorative dont vous avez parlé lors de votre discours, je voterais "oui". Mais s’il faut alors demander à l’UDF l’autorisation de percer quatre trous dans les murs du 133 bis de la rue de l’Université pour accrocher la plaque, comptez sur moi pour l’accrocher ailleurs.
Car en même temps que je vous dis non, je ne peux méconnaître ni vos mérites ni vos apports. C’est pourquoi, en démocrate, je me battrai pour que cette plaque soit scellée dans le mur de la Maison MoDem, quand bien même l’auriez-vous à cet instant désertée.
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