Chine. Parti unique n’est pas pensée unique... !
J’écrivais, la semaine dernière, que ce que nous appelons « démocratie » en Occident, n’est plus qu’un subterfuge pour faire tenir la population tranquille – dans une société de plus en plus inéquitable – en lui laissant croire que c’est ELLE qui choisit les politiques qui sont appliquées ! Cette façon qu’a le système de se moquer des gens me devient de plus en plus insupportable,

En réalité, la population n’a d’autres choix que celui du discours - pour décrire les politiques que d’autres « qui savent » auront choisies -… et celui de la figure de proue qu’elle préfèrera, entre les politiciens de carrière auxquels une chaîne de filtres mise en place par « ceux qui possèdent » aura permis qu’ils puissent solliciter d’être ainsi adoubés.
Le but du présent article n’est pas de discuter de ce subterfuge – il reste peu de gens de bonne foi qui conteste que c’en soit un – mais de voir si ce qu’on fait en Chine ne pourrait pas nous guider vers une VRAIE démocratie, en nous montrant un modèle différent.
Ici, je vous invite à jeter un coup sur ce que fait en Chine une démocratie encore embryonnaire. Je ne feindrai pas d’y connaître quelque chose, en me faisant par copicollés une réputation usurpée de sinologue. Je vous propose plutôt ce lien vers un article de Gunther Schubert qui me semble instructif. L’immense majorité des lecteurs, comme moi, n’ont pas la moindre idée de ce qui se construit en Chine et n’en connaissent que ce que nous disent les journaux. Ce texte est un peu long, mais c’est un effort qu’il nous faudra tous faire… et mieux vaut le faire tôt que tard.
http://perspectiveschinoises.revues.org/56#tocto1n1
J’ajoute ci-dessous quelques remarques. Ne croyez surtout pas qu’elles peuvent remplacer la lecture du texte de Schubert ! Je profite simplement de l’occasion pour clarifier trois (3) malentendus auxquels on se bute souvent quand on parle de démocratie en Chine.
1. Première remarque, je suggère de s’en tenir au sens réel des mots, sans nous en laisser distraire par ceux spécieux dont les affublent ceux qui ont des agendas à promouvoir. La réalité ? La démocratie, c’est quand on peut passer sans solution de continuité d’une décision prise par une majorité à son application effective, sans que le sens de cette décision ne soit changé ou ses conséquences substantiellement modifiées.
Ce qui n’est pas évident. Nous savons tous, par exemple, que ce n’est pas parce qu’une « république socialiste soviétique » se disait démocratique que le pouvoir y appartenait au peuple. Bien des forces s’exerçaient pour que ce ne soit pas le cas…. De la même façon, dans nos démocraties à l’occidentale, sous couvert de représentativité déléguée, la décision populaire est elle aussi dénaturée par paliers successifs et devient, hélas, n’importe quoi. Le fonctionnariat et le judiciaire y veillent.
D’ailleurs, le sort du référendum sur le Traité de Lisbonne a fait la preuve irréfutable qu’on a cette distorsion même en restant dans le volet législatif ! Il n’est même pas nécessaire, non plus, d’introduire l’omniprésente corruption par l’argent, ni le contrôle de la pensée par les médias, pour remettre ainsi en question la QUALITÉ de la décision : la construction de la décision est viciée dans ses assises mêmes…
Ne perdons donc pas plus de temps à faire le post mortem de notre démocratie. Voyons plutôt, dans le texte de Schubert, les instances en Chine qui prennent des décisions à la majorité de ceux qu’elles concernent et dont l’application est pleinement soutenue par le pouvoir de l’État. Ces décisions SONT démocratiques et leur champ d’application définit un espace ou prévaut la démocratie. Prenons en modèle.
2. Ensuite, il faut rester conscient que la démocratie n’est pas une fin en soi ; elle est un expédient. Elle vise à garder à l’individu un maximum de liberté, dans le cadre d’une société, un regroupement qui limite cette liberté, mais dont on pose l’hypothèse que l’individu accepte d’en être partie prenante parce qu’il en tire des avantages qu’il juge suffisants.
Dans cette optique, la meilleure démocratie n’est pas celle qui soumet tout à la décision collective. Au contraire, cest celle qui réduit l’espace démocratique a ce qui est essentiel au bien commun tel qu’en décident les participants, laissant tout le reste à la libre discrétion de chaque individu.
Tout serait bien, en ce cas, si chaque individu était libre de son appartenance au groupe. Mais si on prétend décider « démocratiquement » de ce qui constituera l’espace démocratique lui-même auquel l’individu est TENU d’appartenir et où s’exercera la volonté de la majorité, on est en terrain logique bien douteux. Il faut alors choisir une valeur transcendante qu’on place AU-DESSUS de la démocratie, et il est crucial que nous, Occidentaux, ne vous arrogions pas le droit de définir pour toute l’humanité, ce que doit être cette valeur transcendante.
3. Enfin, parlant de la Chine, il faut cesser cette mauvaise foi de nier qu’il puisse y exister une quelconque démocratie, sous prétexte qu’on y est en régime du Parti Unique. On joue alors sur les mots, et ce n‘est ni honnête ni innocent…
La vérité,c’est qu’il y a en Chine, comme dans toute société, un corpus qui fait consensus de principes, d’objectifs et de moyens d’action jugés acceptables. On peut appeler ce corpus, une éthique, une constitution, la « légitimité socialiste » … ou la « démocratie ».
Affaire de vocabulaire, mais il faut comprendre que ceux qui acceptent ce corpus peuvent ensuite se reconnaître, aussi, dans des idées, des opinions des intérêts divergents… et s’opposer farouchement sur le plan des politiques qu’ils préconisent. Ils le peuvent sans renier en rien leur accord avec l’intégralité du corpus de base, lequel est alors tenu pour un acquis commun, AU-DESSUS du débat.
La pensée en Chine n’est PAS monolithique. Il est certain que, dans le « Parti Unique » en Chine, existent des factions, des groupes, des sensibilités tout aussi distinctes entre elles que celles que manifestent en France le PS, le FN, L’UMP etc… ces « partis » qui ne sont que des variantes d’une seule pensée politique qu’on appelle, nous, la « démocratie« … et qui est notre Parti Unique à nous.
Une pensée contraignante et un Parti unique, car comment croyez vous que serait accueilli sur la scene politique, en Europe ou pire en Amérique, quiconque voudrait proposer une option politique SÉRIEUSEMENT différente de cette démocratie ? Quelque chose comme une dictature fasciste, un retour des Bourbons ou même un vrai communisme ? Proposer quoi que ce soit qui ne s’insèrerait pas dans les normes de ce qui, sans dire son nom, est essentiellement le « Parti Unique de la démocratie à l’Occidentale »... et ce corps étranger serait expulsé sans trop de ménagements.
Il serait expulsé, comme la Loi Gayssot a expulsé le négationnisme, et Ils seraient bien peu à s’en plaindre, car on y verrait l’affirmation d’un consensus fondamental qui reflète NOTRE culture. Soit. Mais gardons en tête cette notion de culture, et du fait qu’elle ne parle pas de « partis » pour identifier ses divergences, n’inférons pas que la Chine ne peut pas implanter d’institutions démocratiques.
Pourquoi ne pourrait-elle pas souligner les similitudes plutôt que les oppositions, au sein du Parti Unique qui lui semble définir le consensus de base sur les valeurs de SA culture ? N’est-il pas bien indélicat et un peu saugrenu de reprocher à la Chine de vouloir résoudre ses contradictions à sa manière, autrement que par le cirque partisan médiatique sponsorisé par lequel nous amusons périodiquement nos badauds ?
Pierre JC Allard
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