Chronique d’une haine ordinaire
Trop d’ignorance et un manque de références culturelles certain illustrent de façon flagrante le déficit d’éducation que j’ai cherché à stigmatiser dans mon précédent propos. Le résultat est bien au-delà de ce que j’avais escompté... Et l’excellent Hertoghe, qui s’est fait conspuer parce qu’il a osé soulever le voile qui tentait de cacher hypocritement la pantalonnade des étiquettes sataniques... Il est temps de bouger, si on ne veut pas se laisser emporter par les flots de la haine communautaire qui se déversent sur nos rivages où, jusqu’à présent, les étrangers venus chercher un peu de liberté, de dignité dans le travail et de solidarité sociale, avaient la délicatesse de ne pas vouloir imposer à leur patrie d’accueil leur mode de vie et de pensée.
Ne pas vouloir tenir compte des clivages qui apparaissent régulièrement dans les sociétés occidentales qui, contrairement à d’autres, ont intégré dans leurs structures sociales le principe d’évolution et d’introspection, est une faute grave, car, par lâcheté, aveuglement ou fainéantise intellectuelle, on s’interdit de pouvoir remédier un jour à leurs effets les plus néfastes. Cultiver un angélisme unidirectionnel dès qu’on touche aux préceptes élaborés dans la culture musulmane tient d’un comportement bête et dangereux. Je me l’interdis. Sans me refuser d’analyser objectivement l’apport culturel des différents religions dans l’histoire de l’humanité - mais c’est un autre propos - je tiens à conserver la liberté de me battre contre toutes les escroqueries religieuses et philosophiques, d’où qu’elles viennent. La terre en a supporté de bien monstrueuses pendant des siècles, sans qu’on donne à tous ceux qu’on avait soigneusement endoctrinés la possibilité de les contester. Aujourd’hui, cette possibilité, nous l’avons arrachée à un environnement culturel que des préjugés d’un autre âge sclérosaient, et je ne veux pas m’émasculer avant d’en avoir joui autant que faire se peut. A d’autres, si ça leur chante ! Si je dois me faire traiter de raciste pour cette liberté d’esprit, je m’en fous. Un jour, on fera les comptes, et on verra qui était vraiment raciste. L’histoire nous rattrapera. Désolé de ne pas me satisfaire de réflexions à la petite semaine, je cherche à avoir raison dans le futur. Ce n’est pas prétentieux, c’est tout simplement humain et légitime (et peut-être aussi un peu humaniste, quoi qu’en pensent certains). On est sur la Terre pour ça, et non pour tartiner à longueur de journée les mêmes mélasses idéologiques, gluantes de bonne intentions qui ne mèneront à rien d’autre qu’au grand écœurement final ou à se taper dessus. C’est un boulot de longue haleine, aux antipodes de la complaisance qui se manifeste tous les jours et de mille façons. Beaucoup de ceux qui m’ont agoni d’insultes ces jours derniers me font penser aux diatribes indignées de Doriot, quand il jetait des tombereaux d’injures à ses collègues de la Chambre des députés, à l’époque de la Guerre du Rif. Certains savent encore comment ça a fini... Pour les autres, il vaut mieux qu’ils restent dans l’ignorance crasse dans laquelle ils aiment patauger...
Affirmer qu’il y a un déficit d’éducation dans les sociétés musulmanes n’est en rien un jugement raciste. C’est un constat lucide, que la plupart des observateurs avisés des pays du Maghreb et du Moyen-Orient (qu’ils soient du cru ou d’ailleurs) ont fait bien avant moi. Et je n’ai pas besoin de me réfugier derrière l’analyse imparable de M. Mohamed Arkoun, auteur d’un ouvrage traitant du rapport entre l’islam et l’humanisme. Il disait la même chose, il y a peu, sur l’antenne de RFI, en des termes plus virulents et plus argumentés que les miens. (Sauf qu’il situe la rupture de l’Orient avec la raison dès le XIe siècle, alors que j’avais tendance à la placer trois siècles plus tard)... Je n’ai pas non plus besoin d’aller disséquer ce qui se passe dans les facultés de Rabat ou d’Alger, encore moins dans les lycées de Guelmim, de Beni Mellal ou de Tébessa, pour être effaré par la qualité d’enseignement qu’on y dispense depuis que le tsunami d’une arabisation pratiquée au forceps a éradiqué les racines d’une double (ou triple) culture, riche d’immenses valeurs humanistes, dont Mohamed Dib reste un des porte-flambeaux les plus illustres. Je m’entretiens régulièrement avec des professeurs marocains du secteur public ou avec des directeurs d’instituts d’enseignement privé qui ne me parlent que de ça. Mais peut-être qu’en France on est mieux informé ?
Je pense, d’autre part, qu’il est faux de croire que c’est exclusivement la pauvreté qui est la cause d’un déficit de culture dans bien des sociétés, même s’il est évident qu’elle y contribue d’une façon non négligeable. D’autres facteurs sont à prendre en compte, la plupart d’origine éducative : peur de la confrontation des idées, peur de perdre son identité, peur de l’acculturation, peur des interrogations sur les mécanismes qui régissent sa propre société depuis des siècles, sur le rapport aux parents ou à l’autorité, peur de désobéir, peur d’être différent. A partir du moment où l’on prétend donner un code de conduite clés en mains à un enfant pour qu’il s’en serve tel quel toute sa vie et dans une forme de « respect » absolu dû aux anciens, comment parler d’ouverture d’esprit et de culture ? La culture n’est pas un acte de réplication, c’est un acte de créativité, et le moteur de la créativité, c’est avant tout le doute et le changement qu’il peut induire.
S’interroger sur l’attitude des parents dans le laisser-aller moral qu’on peut constater chez certains jeunes issus de l’immigration n’est pas non plus un jugement raciste. C’est une simple prise en compte d’une réalité qui saute aux yeux dès qu’on sort des beaux quartiers, tant en France qu’au Maghreb. Bien sûr, je n’ai jamais dit que tous les enfants issus de ces familles se retrouvaient dans cette situation. Tant s’en faut. Mais ce n’est pas rendre service à ceux qui connaissent de telles difficultés que de nier qu’une partie non négligeable (et trop voyante) d’entre eux apprend le code de la rue dès son plus jeune âge. Avec pour corollaire : la misère intellectuelle, la misère du comportement, la misère du vocabulaire, la misère des réflexes brutaux, la misère des envies inassouvies, et pour finir, dans les cas les plus durs, la misère carcérale...
Alerter l’opinion sur les thématiques haineuses des chaînes de télé Al Jazira, et el Arabia ? Mais je n’ai fait que reprendre les arguments des ministres de l’Intérieur de la Ligue Arabe, réunis dernièrement au Caire pour tenter d’enrayer, dans leurs propres pays, la montée du fanatisme, et du terrorisme qu’il génère trop souvent. Ils savent très bien (ils ont des services suffisamment bien renseignés pour ça) que ces médias officient dans le lavage de cerveau à grande échelle, car ils sont devenus le seul outil de représentation du monde pour une jeunesse désoeuvrée et privée d’avenir. Ces chaînes sont, elles aussi, des chaînes nées de la rue. Elles sont basées sur une mise bout à bout de séquences micro-trottoir durant lesquelles on donne la parole à n’importe quel analphabète ou prétendu savant de la foi (parfois ce sont les mêmes), à condition qu’ils aient le verbe haut et la barbe réglementaire, ce qui leur permet de se retrouver en position de cracher tranquillement leur haine des autres, qu’ils soient juifs, Américains, Danois, artistes, homosexuels ou autres... Mais le plus insupportable reste l’image de ces mères qui viennent régulièrement y crier leur fierté d’avoir engendré un fils ou une fille qui s’est transformé en bombe humaine... Mais peut-être n’est-ce, après tout, qu’un préjugé dont je dois me débarrasser...
Pour en revenir au meurtre d’Ilan Halimi, cessons de tourner autour du pot : Ilan Halimi a bel et bien été kidnappé en raison de son nom de famille, et donc essentiellement parce qu’il était juif. Sa vie de modeste vendeur en téléphonie ne le prédestinait pas à subir un tel sort. Il est donc avéré, aujourd’hui, qu’à force d’amalgames crapuleux et de confusion mentale entretenue par ceux qui savent profiter depuis toujours de la détresse des autres, son seul nom en a fait une cible privilégiée pour des êtres inhumains qui se revendiquent eux-mêmes comme des barbares... Si le mobile de l’appât du gain est bel et bien réel, il est avant tout déterminé par le patronyme de la victime, ce qui n’est le cas ni du salarié de PSA, ni du gendarme de Saint-Martin. Arrêtons de déterrer des cadavres pour se les jeter réciproquement à la figure, et ouvrons les yeux ! Etre kidnappé puis torturé en raison de son nom !!! LE NOM !!! Ça ne rappelle pas à certains les heures les plus sombres de notre histoire ? C’est aussi monstrueux que d’être jeté à la Seine parce qu’on a le cheveu « un peu trop noir et un peu trop frisé » au goût des bons-à-rien qui, depuis longtemps, devraient laisser Jeanne d’Arc tranquille. Ces deux actes sont des faits de société, et non de simples évènements. Ils méritent autant de raffut médiatique l’un que l’autre. Alors, pourquoi n’a-t-on pas vu les membres de l’UOIF dans la manifestation du 26 février ? Parce que leurs copains du MRAP, toujours prêts à crier à l’islamophobie, n’y étaient pas ? N’avaient-ils pas une bonne occasion d’y porter ensemble le merveilleux message de solidarité et de tolérance dont ils se vantent tant ? Que la famille d’Ilan Halimi n’ait pas participé à cette manifestation, quoi de plus naturel ? Ça s’appelle la dignité, la pudeur, l’intimité du deuil, et il n’y a que des charognards pour essayer d’en tirer argument. Mais les autres, les ferrailleurs de la tolérance, où étaient-ils ? Et demain ? Vont-ils se rendre à Sarcelles pour tenter de calmer les "déstructurés" - j’emprunte le qualificatif au maire de cette ville - qui, depuis quelques jours, s’en prennent à ceux qui portent la kippa, et qui se permettent de le faire de plus en plus ouvertement, maintenant qu’ils ont compris qu’ils trouveront toujours de bons penseurs pour justifier leur geste imbécile et criminel ?
Dernière précision anecdotique, mais ô combien significative, de l’état d’esprit de certains intervenants à ce forum qui se drapent dans les haillons d’une vertu qu’ils passent régulièrement à tabac : à ceux qui, handicapés par l’étroitesse de leur culture et qui ne se font une opinion des autres qu’en fonction de leur patronyme, à ceux qui ne savent pas que le nom de « Adam » est porté tant par des juifs, que par des chrétiens ou des musulmans, ou par des non-croyants (dont je m’honore de faire partie), je me permets de signaler que le dernier chef des Sioux s’appelait Patrick Adam... Qui sait ? C’était peut-être mon grand-père...Quant à savoir si je suis réellement juif ou pas, qu’ils aillent se faire... voir. Je ne m’abaisserai pas à leur répondre, même s’ils cherchent à me coudre une étoile sur la peau.
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