• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Coke en stock (XCIII) : on revient toujours à la même chose

Coke en stock (XCIII) : on revient toujours à la même chose

C'est fou ce que l'histoire peut nous apprendre, très souvent. Pour s'apercevoir, par exemple, que la Floride, le fief d'un futur candidat républicain à la Maison Blanche, contient des bribes d'événements reliant le pays à l'import de cocaïne, en provenance des principaux cartels colombiens ou péruviens, via le Venezuela comme on a pu le voir. Et c'est fou aussi si l'on retrouve à chaque coin de dossier soit un enquêteur de la DEA, soit son collègue de la CIA, constamment cachés derrrière les arbres qui masquent la vraie forêt. La double histoire qui va suivre va montrer le même chemin, absolument incontournable : elle va même passer par la famille Ben Laden !

Et puis parfois, cela commence aussi par un étonnant avion abandonné. Ou plutôt saisi, après une plainte de son propriétaire, et l'arrestation d'un homme à Miami, son partenaire vénézuélien en affaire. L'avion a fière allure encore malgré son grand âge. C'est un Gulfstream de 22 places, photographié ici le 30 avril 2011 sur le parking de l'aéroport de West Kendall à Miami. Il porte, bien visible, l'immatriculation N222NP. L'avion a 21 enregistrements différents depuis sa mise en service, et le moins que l'on puisse dire, c'est que son début de carrière est plutôt explosif. Mais allons d'abord découvrir ce qui se passe en Floride avec cet avion.

L'avion qu'on se déchire

Il s'en est passé de belles, à Opa Locka, on le sait. Mais à West Kendall aussi (avec ce Douglas B26B Invader, exposé, de la Cuban Air Force de la baie des cochons, N°931) mais surtout avec ce Gulfstream, objet d'une dispute entre Jose Avelino Goncalves, un habitant de Doral, demandeur d'asile politique aux USA, et détenteur de casinos au Venezuela avec son frère Domingo et Luis Enrique Nuñez-Villanueva, un ancien fabricant de machines à sous lancé avec les deux frères Goncalves dans les casinos vénézuéliens. Une dispute qui se résume ainsi : "Nuñez-Villanueva a bien acheté l'avion en 2009, mais comme étant de nationalité vénézuélienne, il a été obligé de créer une société écran... dans le Delaware, pour pouvoir entrer aux USA avec un registre américain en "N". (à gauche l'avion sous des couleurs de 2009). En octobre 2010, le même décide de le vendre à Goncalves, qui est aussi citoyen portugais, pour 4,5 millions de dollars. Ce dernier est interdit de séjour dans son pays d'origine, le Venezuela, pour diverses malversations mais aussi pour avoir soutenu la candidature d'Henrique Capriles en 2012, c'est pourquoi il s'est réfugié à Miami. Dans le deal passé, Goncalves s'était engagé à payer tout d'abord 1,5 million de dollars, et le reste en versements échelonnés de 500 000 dollars. Mais à ce jour alors qu'il est entré en possession de l'avion, il n'a versé que 829 196 dollars exactement à son ancien partenaire Nuñez-Villanueva, et a changé depuis l'enregistrement de l'avion à trois reprises.  Pour ajouter au problème, Gonclaves a mouillé une tierce personne, Miguel Rodriguez-Fambona, en lui demandant de créer une compagnie fantôme dans le Delaware pour devenir le nouveau propriétaire de l'avion : recherché au Venezuela, il comptait, à coup sûr, pouvoir ainsi avec ce stratagème l'utiliser sur place malgré son interdiction... pour quoi faire, exactement, c'est une autre question ; sachant que c'est quelqu'un qui doit beaucoup d'argent. L'avion s'est retrouvé stocké dans un hangar de Fambona, dans sa société CR Aviation, sans que ce dernier ne demande quoi que ce soit à José Goncalves pour le gardiennage. Etrange comportement.

"En 2014, Goncalves a transféré l'avion chez Feed Mix Industries une société dirigée par un pilote bien connu appelé Andres Guillermo Schrocci Mendoza. L'avion a de nouveau été transféré depuis à une autre compagnie"... elle s'appelle Strong Tower Services LLC Trustee, et elle est bien entendue enregistrée dans le Delaware, à New Casttle depuis le 5 mars dernier seulement. On note que l'avion, au moment de la vente première, est passée de Jets of The Atlantic LCC à une banque bien connue : la Wells Fargo de Salt Lake City, via une fiducie ("trustee") pour passer en 2001 chez Aeroborca USA Inc, quatre jours à peine après !!! Aeroborca possédant également un BAE Raytheon 800  (ici vu à Van Nuys en 2009) immatriculé N957MB surpris le 12 septembre 2012 à effectuer un vol Miami-Paraguana qui laisse entendre autre chose qu'un simple vol d'agrément : en 2011, une rumeur de la German press agency (DPA) laissait entendre que Chavez y installerait des missiles venus d'Iran ! Le site avait été visité par Amir al-Hadschisadeh, à la tête de l'aviation des Gardiens de la Révolution iraniens... Mais bon, pensons à des vacances seulement, pourquoi pas, cette fois-ci.

Un trafic qui fiche les mauvaises personnes en prison

Paraguana est aussi il est vrai une des têtes de pont des envois maritimes de cocaïne vers l'Europe : en 2009, le 6 février,  3,8 tonnes d'un coup avaient été saisis à bord d'un navire, le MSC Nuria, un énorme porte-container de 248 mètres de long. Les containers étaient venus du Brésil, de Sao Paulo. L'alerte avait été donnée bien loin de là en décembre 2008, à la suite de la découverte de 1,2 tonne de coke extrêmement pure dans le port de Konstanza, en Mer Noire, sur un cargo en provenance du Brésil. L'histoire du Nuria allait conduire cette fois jusqu'à l'île de Wight, où les pêcheurs anglais du petit chalutier Galwad-y-Mor seront accusés d'avoir attrapé dans leur filets douze sacs de coke, attachés à un long filin comme des paniers de crabes, et laissés consciemment à l'eau par des membres d'un porte container géant, le MSC Oriane. Ils les avaient ensuite attachés à une bouée, selon eux, parce qu'ils n'arrivaient pas à les remonter à bord. Ils seront alors accusés d'être des trafiquants par la police anglaise. Chaque sac contenait 560 livres de coke (254 kilos !). En fait le bateau de la douane anglaise, le Vigilant, remarquera, mais un peu tard, que le filin pouvait provenir non pas de l'Oriane, qu'il soupçonnait de trafic, mais plutôt... du MSC Nuria, dans les parages (alors que l'Oriane, vérifications faites, n'y était pas !). Les policiers brésiliens, qui suivaient de loin le Nuria, avertirons bien les anglais que c'était un serbe, Damir Simic, qui avait monté toute l'affaire à bord du Nuria, et non de l'Oriane, et qu'en aucun cas le chalutier anglais n'était de la partie. Un bateau de type zodiac devait récupérer la traîne avec les paquets de coke, et non le chalutier, comme l'avait prévu Simic dans des conversations téléphoniques interceptées. Or, au final, les pauvres cinq marins anglais ont bien été condamnés à 104 ans de prison au total... les policiers de la Serious Organised Crime Agency (Soca) les ayant vus attacher les sacs, en ont fait un peu vite semble-t-il des coupables idéaux, semble-t-il ! On attendra les suites et la remise en cause de ce qui semble bien une belle erreur judiciaire. Le procédé de laisser filer des paquets à l'eau est devenu un classique, puisqu'on le retrouve sur les côtes belges, également...

La bête qu'on se déchire est passé par la famille Ben Laden !

Revenons sur terre et en Floride avec notre fameux Gulfstream N222NP.  L'avion, je l'ai dit, n'est plus tout jeune : sorti de chez Grumman en 1979, sous l'immatriculation N829GA, son tout premier client vaut le détour. Il s'agit de James Bath. Pour ceux qui l'ignorent, ce n'est autre que le grand pote d'un certain Georges W.Bush (ils se sont connus au Texas Air National Guard, où G.W. n'a jamais volé, comme on le sait, il buvait du Champagne dans son escadron surnommé ainsi, car rempli de fils à papa qui étaient exemptés de tout). Bath, c'est aussi l'ancien directeur de la scandaleuse Banque de Crédit et de Commerce international (BCCI) mais aussi le copropriétaire d'Arbusto Energy... avec G.W.Bush (Bath lui a refilé 50 000 dollars à l'occasion pour démarrer l'affaire). Arbusto deviendra Bush Exploration, puis en fusionnant avec Spectrum 7 deviendra Energy Corporation en1984, que Bush quittera pour devenir responsable d'Harken Energy Corp, une société pétrolière fort lié au Bahreïn. Avant d'arriver à la BCCI, il avait dirigé la Main Bank, basée à Houston, Texas, où on trouvait bien en vue les saoudiens Ghaith Pharaon et Khaled bin Mahfouz, tous deux à la BCCI, le second étant un gros investisseur dans le Carlyle Group. Une banque qu'on reliera aussi au cartel de Medellin, ou à Noriega !!! Et ce n'est pas tout ; en 1980, Bath était aussi devenu le responsable de Skyway Aircraft Leasing Ltd, qui fournira des jets privés, dont un jet à la firme Abu Dhabi National Oil Co., appartenant au Cheik Zayed, le président des Émirats arabes Unis : or c'est justement le fameux N829GA. Mais il y a mieux encore : si l'on regarde bien les enregistrements du fameux exemplaire, on s'aperçoit qu'il y a un personnage intermédiaire, avant la vente du Gulfstream à Zayed. Et ce personnage n'est autre qu'un... Ben Laden !!! Salem ben Laden exactement, le demi-frère et cousin d'Oussama Ben Laden, qui a alors choisi James Bath comme fondé de pouvoir à Houston (voir document ci-contre). Bath qui entre aussi à la CIA en 1976, l'année ou George Bush père en devient le directeur !!! Salem ben Laden est mort en 1988 dans un accident d'ULM au Texas, près de Garden Ridge : il a heurté des câbles électriques alors qu'il évoluait sans casque de protection. L'avion en litige, dont on ne sait si le frère devenu terroriste s'en est servi, présente une sacré histoire, en fait !!!
 
Drôle d'oiseau en effet
 
Et pas que cela : car l'appareil d'aujourd'hui avec ses winglets caractéristiques n'est pas vraiment le même appareil, extérieurement. Comme on peut le voir ci-dessus, l'original était en effet muni de réservoirs supplémentaires en bout d'ailes. Une photo le montre en Angleterre, à Hatton Cross encore muni de ses réservoirs le 9 juin 1980. Une rareté sur ce modèle : c'est un modèle GII-TT en réalité, certifié le 13 mai 1977 seulement. D’une capacité totale de 2300 L, ces réservoirs permettent au "Gulfstream II TT" d’augmenter sa distance franchissable de 920 km, et d'en faire un avion privé intercontinental, atteignant 7500 km de portée. Ce qui en fait aussi un oiseau rare, puisqu'on en a construit que 16 exemplaires sur les 258 modèles "GII" construits. A se demander comment a-t-on pu faire pour rater Ben Laden s'il voyageait avec ça, après, par exemple, le décès de son frère ! Mais ses réacteurs Rolls-Royce Spey MK 511-8 ont aujourd'hui un défaut : ils sont trop bruyants, dépassant la norme Stage 3 de la plupart des aéroports modernes et le privent par exemple d'aller en Europe, à moins de le faire équiper d'un "QTA Stage 3 Hush Kits" (ici la définition du "hush"). Ses frais d'entretien sont aussi exorbitants : un G-II A GII requiert près du double de maintenance qu'un modèle GIV âgé de 10 ans, mais sa cellule, selon certains experts, tiendra bien 100 ans. Comme le B-52 !!!
 
Après l'atterrissage

En Floride, c'est bien connu, la cocaïne foisonne partout. Une fois arrivée en avion il reste cependant à la déverser dans le pays. Et pour ça, rien ne vaut la route pour remonter dans le pays. Il faut dire pour cela qu'elle possède en effet ses relais et ses passeurs, parfois bien cachés dans le paysage. C'est ainsi qu'on apprend en avril 2014, qu'un ressortissant mexicain plutôt discret, Pedro Delgado Sánchez (ici à gauche), âgé de 47 ans, habitant le lotissement de Forest Lakes Gardens de la ville était à la tête d'un important trafic de drogue. L'homme est un commerçant, spécialisé dans les tacos avec sa compagnie El Rinconcito Mexican Catering dont on a peu de preuves de l'existence réelle, en fait selon l'enquête (le nom El Rinconcito, proche comme définition "d'un bon coin", étant fréquent sur place). Il était devenu un résident permanent en Floride le 25 mars 2008, alors qu'il a habité West Kendall dès 2001 (comme clandestin ?). Or notre ressortissant avait une double vie, a découvert la Police, qui a basculée quand on a arrêté loin de là un dénommé Leo Sharp, "un homme âgé de 90 ans et écrit par des enquêteurs fédéraux comme l'un des plus anciens et plus efficaces des passeurs de drogue servant le cartel " comme le décrit en détail cet étonnant article du NYT. Etonnant personnage en effet !

Le pickup chargé de "grand-père"

Les enquêteurs l'avaient arrêté après une longue filature sur une nationale près de Kalamazoo, dans le Michigan, en octobre 2011, avait auparavant rapporté le New-York Times, et dans son pick-up en forme de dépotoir ambulant, ils avaient trouvé un simple bout de papier avec un numéro de téléphone à Miami, remontant à Delgado Sánchez. D'autres contacts notés par Sharp avaient tous des surnoms hispaniques : "Gordito, Primo, Cuatro, Viejo". L'homme, plutôt discret, arrêté l'année suivante dans l'Indiana, menait pourtant à l'un des pires responsables de cartels, à savoir El Chapo Guzman : "les agents fédéraux ont arrêté Delgado Sánchez en 2012 à Fort Wayne, dans l'Indiana, pendant un de ses fréquents voyages en Floride du Sud pour coordonner les envois de drogues de l'Arizona à Detroit, Selon Jeff Moore, un agent spécial de la DEA qui a enquêté sur l'affaire. Delgado Sánchez était l'une des 18 personnes inculpées pour trafic de drogue par le bureau du procureur des États-Unis à Detroit en 2012. Parmi elles, Antonio (Pancho) Simmons, un unijambiste multirécidiviste qui coordonnait la vente de coke à Detroit." Mais à certains égards, c'étaient les courriers qui conduisaient à travers les routes du pays, les plus étonnants personnages.  Leurs voitures étaient de vrais paniers à transporter avec des compartiments pour cacher des kilos de drogue, ils jouaient le rôle au bas de l'échelle, mais c'était le plus crucial. Et aucun courrier n'a été plus prolifique que "Tata" ("grand-père"), celui qui conduisait un pickup Lincoln le 21 octobre 2011. Tata, alias Leo Sharp, était devenu une vraie fontaine a cocaïne, en travaillant sur une échelle que le bureau de la DEA n'avait jamais rencontré à Detroit. Selon les livres manuscrits du cartel de la drogue qu'a obtenus le gouvernement, il avait livré 246 kilos en février 2010, 250 kilos en mars, 250 autres kilos le mois suivant ; 200 kilos juste après ; et 200 un autre encore. "Avant qu'on ne le démasque", dit, l'enquêteur Moore qui ajoute "il aurait pu passer pour une vraie légende urbaine."

Des fleurs d'un jour à la livraison de coke mensuelle

La déclaration du procureur chargé de l'affaire comportait "les noms de Delgado Sánchez, avec ceux de José Roberto Lucero-Bustamante et Armando Dias-Lucero, identifiés en tant que leaders d'une organisation de trafic de drogue responsable de l'expédition et la distribution de cocaïne sur une base régulière du Mexique au Michigan.," dit le document, une organisation était en fait "une partie de celle de Joaquín Guzmán alias « Chapo » Guzman cartel Sinaloa basé à Sinaloa, au Mexique." La déclaration se poursuivait en disant que "le groupe du Michigan distribuait entre 100 et 300 kg de cocaïne par mois dans la région métropolitaine de Detroit Entre 2008 et 2011".  Huit membres du groupe (sur 18) avaient été arrêtés dans une maison le 14 octobre 2012. "M. Gamez, avec M. Delgado-Sanchez, ont coordonné un certain nombre de livraisons, a dit Eric Doeh, le procureur fédéral. Un envoi en particulier, dont le gouvernement peut rendre compte de est celui de 104 kg de cocaïne qui a été livrés ici, coordonné par M. Gamez et M. [Delgado] Sánchez en octobre 2011". L'adresse du courrier pour l'expédition était en effet celle de M. Leo Sharp. Aux policiers l'arrêtant, le vieillard avait dit : "je possédais une compagnie aérienne dans les années 1970 et j'ai vécu en Floride, à Hawaii, en Indiana et en Iowa" et il s'était présenté comme étant devenu horticulteur, spécialisé dans l'entreprise de plantes hybrides.  "Je crée des nouveaux hybrides de plantes pour faire du monde un endroit meilleur," avait-il dit avec aplomb aux policiers : le passeur de coke fournissait les petites vieilles de tout le canton... en fleurs (ici une photo de concours en Floride !). Il avait effectivement une serre réputée semble-t-il, composée d'Hémérocalles (des "lis d'un jour ou "belle d'un jour") à Apopka, en Floride. Sa société florale s'appelant Brookwood Gardens. Le jour de son arrestation, filmée ici, où il tendait l'oreille au policier (un coup de canon pendant la guerre lui avait détérioré les tympans), il transportait en fait 104 kilos de coke. Fort discrètement. Ce qu'il faisait depuis des années... chaque mois !

Une banqueroute en 1986

Pour tout dire, il n'avait pas totalement menti aux policiers : on retrouve facilement le nom de son agence de voyages charter ; "Carefree Vacations", enregistrée dans l'Illinois. Tous ses vols s'étaient arrêtés brusquement le 25 septembre 1987, Leo Sharp, son directeur d'alors ayant mené l'entreprise à la banqueroute, laissant des clients avec des réservations déjà payées, 931 avaient porté plainte. Son associé s'appelait Danny Huang (qui semble avoir refait sa vie commerciale dans le bâtiment depuis), et ses voyages menaient à Cancun, au Mexique, dans les Caraïbes ou à Orlando et Las Vegas (aurait-il eu l'idée déjà à cette époque ?.... il possédait (ou louait ?) alors "deux 747", et aurait aussi travaillé pour une autre entreprise d'aviation appelée "Worldwide Airlines" enregistrée en 1986 dans le Delaware dont je n'ai trouvé aucune trace (et pour cause !), avait-on appris. En fait, Carefree Vacations utilisait par contrat de sous-traitance pour ses vols de Minneapolis à Honolulu des appareils de la société Global International Airlines : un Boeing 707-320 de 184 places ou un 727-100 de 119 places, remplacés tous deux après par un McDonnell Douglas DC-8, alors que des publicités émises par Sharp pour ses clients parlaient d'un 747 (on en trouve la trace ici, ce que n'a pas cherché à exploiter le NYT, comme l'aurait dit Gary Webb)... D'où la fureur de certains clients, à la découverte des fausses annonces. C'était aussi un héros de la seconde guerre mondiale, ayant reçu une Bronze Star pour son courage au sein de la 88th Infantry, durant la campagne de l'Italie à l'Autriche. Son job de passeur lui rapportait : il recevait 1000 dollars par kilo de coke transportée... Lors de son procès, il avait été révélé qu'il transportait aussi de la coke et du haschich provenant de la côte ouest dans les années 2000. Le groupe du Michigan passait aussi la drogue du Mexique, à la frontière de l'Arizona, vers la Floride, la Californie et le Michigan. Au final, il a été condamné à 3 ans de prison le jour de ses 90 ans (il risquait 14 ans), en ayant tenté d'apitoyer le juge en déclarant qu'il se tuerait plutôt que de finir en prison !

Retour historique : on retombe sur les mêmes

A bien regarder le cursus de Sharp, on retombe sur un personnage bien connu, comme l'a noté Daniel Hopsicker, dont je résume ici la page fondamentale sur le sujet, lisible ici. Les avions de Global International Airlines qu'il louait en charter étaient en effet ceux d'un personnage bien connu. Global n'avait pu fournir les avions à Sharp, car la société était tombée elle-même en banqueroute entraînant avec elle dans sa chute l'Indian Springs State Bank, de Kansas City, et l'Utica National Bank and Trust Co. de Tulsa, en Oklahoma. Des banques alimentées par les dépôts mirobolants de Farhad Azima, un businessman iranien partisan du Shah (il travaillait pour la Savak)... mais aussi l'homme de l'ombre de la CIA. La banque d'Utica était derrière les deux avions de Global : son président, Ray Adams avait signé des traites pour 2 millions de dollars pour le Boeing 707 de Global, et le Boeing 727 appartenait à Aviation Leasing Group, Inc, créé par Azima (qui détenait aussi Capitol Air). Global avait comme surprenant contrat d'envoyer de la viande sur pied en Iran, dans des avions cargos, un service débuté en 1978 : au plus haut du trafic, la compagnie avait engagé 14 Boeing 707 cargos pour ça. Ils transportaient des bœufs, des moutons ou des... chameaux !!! Un des grands spécialistes du genre étant la compagnie Maverick (*). Les avions ont été soupçonnés de transporter aussi des armes pour l'Iran. Global ne pouvant pas toujours répondre à la demande a alors demandé à Southern Air Transport de Miami, liée à la CIA, de l'aider : Southern Air Transport a été on le sait mêlé aux envois d'armes à l' Iran et aux Contras. Un ancien pilote de Global, Van Geyso, selon Hopsicker, a affirmé avoir fait de nombreux voyages de Miami au Chili, au Pérou et en Colombie with avec des avions cargos contenant des voitures, des ordinateurs, des réfrigérateurs et des télévisions, à l'aller, avec au retour... de la coke. Les avions de Global étaient aussi liés à EATSCO (Egyptian American Transport and Services Corp), un paravent de la CIA (ses membres du conseil d'administration étaient tous de la CIA). Bref, Global International Airlines n'avait rien d'une compagnie anodine, et on imagine mal le vieillard passeur de coke l'ignorer...

Trafic d'armes

En 1979, on avait déjà un peu pris conscience du rôle de Global avec l'affaire du Boeing utilisé par l'Organisation de Libération de la Palestine pour transporter 50 tonnes d'armes aux rebelles nicaraguayens. L'avion avait été bloqué quelque temps en Tunisie, à Bizerte, son commandant Paul Marable, de Kansas City, ayant été forcé de s'y poser pour y charger les armes, ce qu'il avait refusé de faire, faisant échouer l'opération de l'OLP.  L'avion de Global International Airlines, avait été affrété par la société belge Young Cargo de Bruxelles, avaient indiqué les sources. "Young" avait été créée en 1974 par Edouard Le Jeune, ancien pilote en chef de Trans European Airways et de la Sabena. Son premier avion était un un Canadair CL-44, originaire de Cargolux, puis il a possédé un Bristol Britannia 253F et plus tard un Boeing 707-338C siglé VH-EAB, acheté d'occasion, devenu OO-YCL, il avait 34 274 heures de vol pour 11 882 rotations. 

Un avion de trafiquant d'armes qui retourne à l'armée !

La société avait très vite effectué des livraisons d'armes vers le Libéria et l'Angola, ou l'Ouganda pour Idi Amin Dada, souvent sous le couvert du nom du Croissant-Rouge. L'avion du 16 juillet 1979 était décrit comme étant du Croissant Rouge, en effet, transportant officiellement des "médicaments" de Beyrouth au Costa Rica (les sandinistes prennent le pouvoir le 20 juillet au Nicaragua). Bien que le manifeste de l'avion affichait qu'il transportait des fournitures médicales et de secours, l'engin emportait des armes et des munitions, dont trois pièces d'artillerie. Selon les témoignages toutes étaient d'origine chinoise. En février, l'OLP avait publié une déclaration conjointe avec une partie de la direction sandiniste condamnant Israël. Israël avait soutenu le président nicaraguayen Anastasio Somoza et lui avait vendu des quantités généreuses d'armes à sa Garde nationale. La société Young ne survivra pas au scandale et fermera le 25 juillet suivant. Son Boeing après bien des tribulations dans le Pacfique, était redevenu militaire pour l'US Air Force en mars 1996 (N4131G), retournant à la base de Woodbridge A.F.B pour y être immatriculé AF 92-3289 et servir au 93rd Air Control Wing, sur la base de Robins A.F.B, devenant un des 17 Boeing E-8C JStars (Joint Surveillance Target Attack Radar System) de contre mesures électroniques et de renseignement ! On l'enverra aussitôt en Bosnie, pour l'opération "Joint Endeavour" en octobre 1996 !!!

 Or Azima avait pour associé Wally Hilliard, lié aux Contras, mais ça vous le savez aussi depuis cet épisode-là. Retour à la même case !

 

(*) lire ici ses aventures : http://www.oldjets.net/index_bestanden/Page4738.htm

"L'avion cargo utilisé pour transporter du bétail avait été modifiée pour faire circuler un flux élevé d'air à des températures très basses pour empêcher le bétail d'étouffer dans sa propre chaleur corporelle et le CO2 dégagé. Des milliers de livres de sueur, d'urine et de fumier de vache étaient déposées par les passagers indisciplinés, ce qui était hautement corrosif et devait être entièrement contenu dans une bâche de plastique épais et de la sciure. Cela devait être immédiatement nettoyés et lavés après chaque voyage : parce que, souvent, le même avion apporterait, par exemple, au retour, des tulipes de Pays-Bas ou des chaussures d'Italie. Il va sans dire qu'il ne fallait laisser aucune trace des déjections des vaches, qui n'étaient ni agréables, ni acceptables."

Le document sur les armes via la Belgique est ici :

http://www.grip.org/sites/grip.org/files/DOSSIERS_NOTES_ET_DOCUMENTS/ND-007.pdf

sur les marins de Wight :

http://www.5men104years.com/just-a-normal-fishing-trip.html

Pour les liens CIA-Cartels de la drogue, on recommande le visionnage du très bon film "Secret d’Etat", (Kill The Messenger) le troisième long métrage de Michael Cuesta, avec un très bon Jeremy Renner. Le film est produit par Naomi Despres, qui mérite qu'on suive ce qu'elle décide de faire. Les deux photos montrent le chargement de coke à bord d'un DC-3 de la CIA, rempli de poisson surgelé, la bonne vieille méthode des trafiquants. 


Moyenne des avis sur cet article :  2.83/5   (46 votes)




Réagissez à l'article

14 réactions à cet article    


  • A. Nonyme A. Nonyme 27 avril 2015 10:30
    Coke en stock (XCIII) : on revient toujours à la même chose

    Pas mieux !


    • soi même 27 avril 2015 12:58

      @A. Nonyme, question idiote d’après vous pub où militantisme ses articles de Tintin  ?


    • A. Nonyme A. Nonyme 27 avril 2015 14:44

      @soi même

      Pub, via la création d’un buzz qui naît (naissait) de très nombreux commentaires et qui faisaient que les articles se retrouvaient indexés par Google. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Reste la psychologie de l’auteur qui reste un mystère dans ce besoin vital d’exister, même à travers des articles illisibles alors qu’il est capable de moins pire, comme sa série sur les « briques volantes » qui m’avait bien éclaté.


    • soi même 27 avril 2015 15:15

      @A. Nonyme, il es vrai quand l’on commence à écrire, il est vite arrivé l’ivresse de l’encre, et les cornes de la renommé de donne souvent l’aspect d’avoir des cornes de bouc mugissant !


    • foufouille foufouille 27 avril 2015 11:03

      c’est plus un navion pour 1000$ ?


      • FALCON 27 avril 2015 14:28

        « C’est un Gulfstream de 22 places, photographié ici le 30 avril 2011 sur le parking de l’aéroport de West Kendall à Miami. Il porte, bien visible, l’immatriculation N222NP. L’avion a 21 enregistrements différents depuis sa mise en service »


        Ce n’est pas parce qu’il est immatriculé N222NP qu’il a 22 places, pourquoi pas 222 places pendant que vous y êtes ! Il n’a que 10 sièges passagers, ce qui est la norme pour un Gulfstream.

        Parmi les 21 propriétaires successifs, il y a eu Sir James « Jimmy » Goldsmith (N871D Diamond International), basé à Paris, et le producteur de la série les Simpson, James Brooks (N222NB 222 Aviation LLC).



        • morice morice 28 avril 2015 09:48


          Ce n’est pas parce qu’il est immatriculé N222NP qu’il a 22 places, pourquoi pas 222 places pendant que vous y êtes ! Il n’a que 10 sièges passagers, ce qui est la norme pour un Gulfstream.


          ah ah ah c’est la meilleure celle-là : ai-je insinué que le numéro était en rapport avec le nombre places . En aucun cas... à ce stade, ce n’est plus chercher la petite bête, mais bien de la crétinerie profonde...

          le Gulfstream peut contenir 22 places, en rapport à la taille de son fuselage : en jet privé, les places sont bien moins nombreuses, ça tout le monde le sait. Cessez donc de me prêter ce que je n’ai PAS dit.


        • FALCON 30 avril 2015 07:38

          @morice

          Ce que vous n’avez PAS dit ? Je vous cite : « C’est un Gulfstream de 22 places ». Vous auriez pu écrire qu’un Gulfstream est certifié jusqu’à 22 places, mais vous avez encore pompé cette phrase sur un de vos sites sud-américains.

          A ma connaissance, seuls les G-IV à porte cargo de l’US Air Force peuvent être aménagés en haute densité, avec 3 sièges de front.

        • sls0 sls0 28 avril 2015 06:30

          Voir revenir la CIA liée à la drogue, je préfère, c’est assez dans les habitudes de la maison, du moins les compagnies d’aviation liées à la CIA.

          Les ennemis de mes ennemis sont mes amis. On peut aussi dire les ennemis de mes amis sont mes ennemis ou les amis de mes amis sont mes amis.

          En impliquant le gouvernement vénézuélien avec la drogue alors que la CIA c’est aussi sa partie donnait cette phrase :
          Les amis de mes amis sont à la fois mes amis et mes ennemis.
          Amis par la drogue et ennemis du fait de l’aide à la déstabilisation et peut être aide à coup d’état.

          J’avoue avoir eu des doutes ce qui m’a obligé à chercher l’erreur, je réside en Amérique latine, la recherche a été facilité et je suis assez vite tombé sur la NED pour les témoins à charge contre le Venezuela, il y avait des incohérences.
          Je suis retombé sur une phrase plus logique : les ennemis de mes ennemis sont mes ennemis malgré les allégations made in NED.

          Pour essayer de comprendre l’article je suis obliger de le passer à la moulinette d’un logiciel d’analyse relationnel.

          @ Morice, freeplane le logiciel est gratuit, pour des enquêtes il est très bien. Il vous serait d’une grande utilité pour vos analyses, pour le lecteur ce serait beaucoup plus clair un schéma relationnel.
          On s’en sert pour synthétiser une enquête policière assez compliquée pour un juge ou un tribunal.

          Malgré ce logiciel en analysant le texte, je me retrouve avec des relations sans liens entre elles, pour une analyse relationnelle c’est gênant. C’est un peu Al Capone portait un chapeau, donc le voleur de poules ce ne peut être que le voisin du troisième car il a un même chapeau.

          Si dans un texte un peu confus ça peut éventuellement passer, une analyse relationnelle montre tout de suite l’incohérence.

          La DEA emploie analyst’s notebook c’est plus performant à condition de savoir s’en servir, même un bon enquêteur s’il n’a pas la formation foutra une enquête en l’air, Je déconseille, il est payant et si l’on pratique pas tout les jours, il y a de la perte en ligne.


          • morice morice 28 avril 2015 09:52

            Morice, freeplane le logiciel est gratuit, pour des enquêtes il est très bien. Il vous serait d’une grande utilité pour vos analyses, pour le lecteur ce serait beaucoup plus clair un schéma relationnel.


            Wikipedia n’est PAS ma source privilégiée, loin de là. Aucun intérêt, donc.

            Amusant comment un retraité parti s’installer en République Dominicaine, pays de la coke, connaît les logiciels de tracking comme ceux qu’utilise la DEA... 

            je rappelle le rôle de la DEA ou pas ???

            ah ah ah ....

            • sls0 sls0 28 avril 2015 19:28

              @morice
              Je ne vois pas la relation entre freeplane et wikipédia.

              Chaque pays a ses particularités au sujet de la délinquance et criminalité.
              Tout les trimestres j’épluche les stats à ce sujet du pays pour l’école de criminologie de Montréal qui s’y intéresse au niveau mondial.
              Au cours des échanges pour expliquer les particularités locales, il arrive que les relations évoluent vers l’amical et qu’il s’en suis des invitations.

              J’ai donc séjourné à Montréal, j’ai eu droit à une visite des différentes disciplines, j’ai assisté à des colloques ou réunions, on a été au bistrot, au restaurant. Les canadiens sont vraiment accueillants et sympas.

              Dans tout ça il y avait analyst’s notebook, il est employé par la DEA mais aussi par la plupart des polices importantes, la France l’emploie aussi.
              C’est un outil très puissant qui demande de la formation et surtout de la méthode.

              Je n’emploie pas CATIA pour faire le plan d’un meuble, pour une analyse relationnelle simple je n’emploie pas analyst’s, freeplane est suffisant.

              C’est suffisant pour mettre en boite tout les nostalgiques de la dictature pour une journaliste d’investigation locale. Le latin et la discrétion c’est vraiment pas ça, sur facebook si dans les paramètres on met anglais US, ça devient très indiscret via les likes.
              On comprend que le NSA soit intéressé par les facebooks et compagnies, c’est une mine d’or d’informations.

              Pour le peu qu’il y ait plus d’un certain nombres d’intervenants dans une affaire, une feuille A3 est assez vite limite et on use beaucoup de gommes, c’est là qu’intervient freeplane, le casse tête de l’ordonnancement et les liens c’est pour lui.

              A priori vous en avez pas l’utilité, il faudra écrire un livre sur votre méthode, ça pourra servir des analystes et enquêteurs.
                


            • sls0 sls0 29 avril 2015 01:57

              @COVADONGA722
              Que morice écrive ’’un retraité parti s’installer en République Dominicaine, pays de la coke’’ ça ne me dérange pas, ça fait parti de son style aux raccourcis assez rapides et souvent sans lien.

              Par contre il n’a pas écrit que j’étais lié aux cartels, là c’est vous qui faites un raccourci rapide.

              Ca aurait pu rester à ce niveau mais sur tout forum les injures sont interdites et illégales, comme sur les autres forums que je fréquente, je me dois de le signaler.

              Avec une modération plus active, les débats gagneraient en qualité sans problème.


            • morice morice 21 mai 2015 15:44

              j’adore avoir des lecteurs, mais certains beaucoup moins



              il aime pas trop, le Collon, il aime pas trop être informé, vu que lui sa spécialité est la désinformation à la Meyssan....

              • morice morice 21 mai 2015 15:51

                Il est très bon le Collon : les avions atterrissent et repartent en pleine jungle, dont le 727 crashé au Mali en 2009, mais le Venezuela n’y est pour rien. La faute entièrement à son voisin la Colombie/.


                bien sûr, Michel, bien sûr...

                et la photo du Gulfstream, elle a été prise où et détruite par qui, GROS MALIN ???

                signé : Alias Morice, puisque c’est comme ça qu’il m’appelle, le grand pote de Dieudonné et de Meyssan. là aussi j’ai la photo, d’ailleurs...


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité