Collège de Marseillan (suite) : une notation administrative vindicative annulée par le tribunal administratif de Montpellier
Chacun a pu être édifié par le jugement du 15 décembre 2009 du tribunal administratif de Montpellier qui a estimé que l’affichage en salle des professeurs des courriers administratifs confidentiels de deux professeurs par une principal ne constituait pas une attaque qui méritât la protection statutaire. On en a rendu compte dans un article précédent (1).
Voici maintenant un second recours adressé en même temps que le premier au même tribunal par l’une des professeurs de Marseillan (Hérault). Or, cette fois, contre toute attente, il a reçu le meilleur accueil et de la part de la rapporteur publique et de celle des juges qui l’ont cette fois encore suivie. Un tribunal connaîtrait-il des éclipses de la raison ?
L’affaire éclaire, en tout cas, les méthodes employées par cette principal du collège de Marseillan pour tenter de nuire à une professeur. La proposition de notation administrative à sa disposition en est une de taille. Elle peut être, en effet, détournée de son objet pour assouvir une vindicte. Qu’on en juge ! Le juge administratif a annulé, en effet, la notation administrative que le recteur avait décidé d’attribuer à cette professeur en suivant les yeux fermés la proposition de son irréprochable principal.
1- Les dons de voyance extra-lucide de la principal
À la fin de janvier 2007, appelée à prendre connaissance de sa proposition de notation administrative pour l’année 2006/2007, Mme Blanc (2) découvre que la principal s’en sert pour lui régler son compte : sa note est baissée arbitrairement de 2,8 points. Pour quels motifs ? Hilarants et pitoyables à la fois, tellement les leurres sont cousus de fil blanc !
La principal prétend d’abord que, malgré un blâme qui lui a été infligé pour des faits commis la même année, l’intéressée « entrave considérablement le travail de tous en s’obstinant à saper l’autorité et l’image de l’équipe éducative du collège auprès des parents et de la commune ». Le problème, c’est que cette principal se fait voyante extra-lucide : le blâme allégué n’est toujours pas infligé le 18 janvier 2007 ; il ne le sera que le 2 mars 2007. Seule, une procédure disciplinaire est en cours, ouverte sur la recommandation de la mission d’inspection (1). Et qu’on sache, tant que le recteur n’a pas tranché, personne ne peut savoir encore ce qui en sortira à moins que la décision ne soit déjà prise sans même attendre la défense de l’intéressée dont on se fiche éperdument ! Cette anticipation en dit long sur les méthodes odieuses en vigueur ! La principal peut-elle, dans un acte administratif, anticiper sur ce que sera la décision du recteur plus d’un mois plus tard ? Où en aurait-elle eu vent ? Lors d’une partie de tennis ou de bridge ?
2- La mention illégale d’opinions dans un dossier administratif
Mme Blanc n’est pourtant pas au bout de ses découvertes. Un rapport circonstancié, joint à la notation administrative fait référence « à (son) appartenance au bureau de la FCPE locale avec son mari et responsable, à ce titre, de différents courriers qui ont scandalisé l’ensemble de l’équipe éducative » Il faut que ces courriers aient été particulièrement offensants, car on ne sache pas que la fameuse équipe éducative se soit beaucoup émue de l’affichage des courriers administratifs confidentiels que l’on sait ! N’importe, cette mention d’une appartenance associative et politique trouve-t-elle place dans un dossier administratif ?
C’est une question que l’on connaît assez bien pour avoir l’honneur de figurer en la matière, depuis juin 1982, au Recueil Lebon qui recense les arrêts de référence du Conseil d’État. On avait vu aussi soi-même un chef d’établissement et un vice-recteur en Guadeloupe, parfaitement indifférents à la loi, régler leurs comptes en 1975, en faisant mention de ses convictions dans une notation administrative. Le tribunal de Basse-Terre s’était livré à la basse besogne de ne pas statuer pour rejeter le recours. C’est le Conseil d’État qui l’a fustigé ainsi en annulant la notation administrative illégale en juin 1982, soit sept ans plus tard ! Avec des délais aussi déraisonnables, le délinquant administratif n’a-t-il pas toute raison de se soucier de la justice comme d’une cerise ? On se retrouve dans le même cas de figure avec la principal de Marseillan.
3- Des allégations sans la moindre preuve
Enfin, pour faire bonne mesure, celle-ci va jusqu’à qualifier de « passable » la ponctualité et l’assiduité de Mme Blanc qui n’a connu que des « très bien » jusqu’ici. Or, celle-ci n’a rien changé à ses habitudes, elle n’a jamais manqué et ne s’est jamais absentée ! La principal est bien en peine pour apporter la preuve du contraire. Mais qui veut noyer son chien l’accuse de la rage !
Notation annulée et indemnités accordées
Aussi déconcertant que cela soit, le même tribunal qui n’a trouvé rien à redire à l’affichage par la principal en salle des professeurs des courriers administratifs confidentiels de l’intéressé se montre ici particulièrement impartial et soucieux du respect de la loi, comme on aimerait qu’il le fût toujours (3) !
1- Il n’a pas de mal a relever ici la farce du blâme qu’allègue la principal extra-lucide un mois avant qu’il ne soit infligé. Elle ne pouvait raisonnablement y faire référence dans sa proposition, pas plus que dans sa décision le recteur, décidément bien aveugle ! Cette motivation du tribunal résonne comme une belle gifle administrée à des administrateurs qui se moquent de la loi et du monde.
2- De même, la mention des opinions de l’intéressée dans sa notation administrative est une faute que l’administrateur le plus médiocre ne saurait commettre. L’article 18 de la loi du 13 juillet 1983 et toute la jurisprudence dont celle de juin 1982, citée plus haut, sont formels : il ne peut être fait état des opinions ni des activités politiques et syndicales dans un dossier de fonctionnaire. Il faut avoir perdu la raison par animosité pour se rendre coupable d’une telle énormité ! On voit qu’en ces hiérarques, un tyranneau est toujours prêts à s’éveiller, si on les laisse faire.
3- Enfin, le tribunal constate que le recteur est bien incapable de « (prouver) ou même ( d’alléguer ) aucun retard ni aucune absence non justifiée » ! C’est le coup de bambou final asséné à un recteur toujours aveugle qui a pris fait et cause pour une admirable principal que son animosité égare. La fonction d’un recteur n’est-elle pas de se garder des emportements des fonctionnaires d’autorité qu’il a sous ses ordres ? Quelle piètre image de l’institution est ainsi donnée !
On reste tout de même sidéré devant un tel déchaînement de violence morale de la part d’une principal et d’un recteur que la loi n’arrête pas pour tenter de détruire une professeur demandant seulement le respect de la loi. Ils n’hésitent pas à user des moyens que leur confère le pouvoir administratif, pour assouvir une vindicte personnelle. Comment expliquer autrement cette violation méticuleuse de la loi ? Ce qui pose problème, c’est que la réparation du préjudice que ces hiérarques causent à autrui, sont pris en charge par l’État. Ils ne subissent, eux, aucune conséquence pour avoir manqué aux devoirs de leur charge. Fort de cette impunité, comment ne seraient-ils pas prêts à recommencer ? Pareille organisation perverse ne peut être que génératrice de violations des droits de la Personne. Paul Villach
(1) Paul Villach, « Afficher sa lettre confidentielle au recteur n’est pas une attaque contre un professeur, juge le tribunal administratif de Montpellier ! », AgoraVox, 22 décembre 2009.
(2) C’est un pseudonyme pour préserver l’anonymat de la professeur.
(3) Extrait du jugement rendu par le Tribunal administratif de Montpellier le 15 septembre 2009
« (…) Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 17 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées » ; qu’il résulte des dispositions précitées que la notation d’un fonctionnaire, qui n’est pas une sanction, est fixée uniquement au regard de sa valeur professionnelle ;
Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que la notation de Mme BLANC pour l’année 2006-2007, laquelle a baissé de 2,8 points, est fondée sur le fait que, malgré un blâme qui lui a été infligé pour des faits commis cette même année, l’intéressée « entrave considérablement le travail de tous en s’obstinant à saper l’autorité et l’image de l’équipe éducative du collège auprès des parents et de la commune » ; que le chef d’établissement pouvait, dans le cadre de la notation de la requérante tenir compte des fautes dont celle-ci s’était rendue coupable et qui avait donné lieu à l’ouverture d’une procédure disciplinaire ; que, toutefois, la sanction disciplinaire, infligée à Mme BLANC, n’est intervenue que par décision du recteur de l’académie de Montpellier en date du 2 mars 2007, postérieurement à la notation établie le 18 janvier 2007 ; que, dans ces conditions, si le chef d’établissement pouvait prendre en compte les faits fautifs de Mme BLANC pour abaisser sa note, elle ne pouvait légalement faire menstion de la sanction de blâme qui n’était pas encore intervenue dans l’appréciation générale qu’elle a portée ;
Considérant, en second lieu, qu’à l’appui de ses conclusions aux fins d’annulation, Mme BLANC soutient que la mention, dans le rapport joint à sa notation, de son appartenance à une association de parents d’élèves, la FCPE, méconnaît l’article 18 de la loi du 13 juillet 1983 qui prévoit que « Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l’intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité. Il ne peut être fait état dans me dossier d’un fonctionnaire, de même que dans tout document administratif, des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l’intéressé » ; que le rapport circonstancié en date du 23 janvier 2007, joint à la notation administrative de Mme BLANC, est au nombre des pièces intéressant la situation administrative de l’intéressée qui figureront à son dossier ; que ce document, en faisant référence « à l’appartenance de Mme BLANC au bureau de la FCPE locale avec son mari et responsable, à ce titre, de différents courriers qui ont scandalisé l’ensemble de l’équipe éducative », fait état des opinions et activités politiques et syndicales de la requérante et contient donc une des mentions prohibées par l’article 18 de la loi du 13 juillet 1983 ;
Considérant, en dernier lieu, que Mme BLANC, s’agissant de sa valeur professionnelle, a été notée « passable » en ponctualité/assiduité alors que celles-ci avaient été appréciées élogieusement les années précédentes ; qu’alors que la requérante soutient qu’elle n’a jamais fait preuve de manque de ponctualité ou d’assiduité au cours de l’année litigieuse, et qu’ell ne s’est jamais absentée irrégulièrement, l’administration ne prouve ni même n’allègue aucun retard ni aucune absence non justifiée ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme BLANC est fondée à demander l’annulation de la décision par laquelle son chef d’établissement a fixé sa notation au titre de l’année 2006/2007, ensemble les décisions en date des 22 mars et 18 juillet 2007 du recteur de l’académie de Montpellier et du ministre de l’éducation nationale rejetant ses recours administratifs ;
(…)
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il sera fait une juste réparation du préjudice moral et de carrière subi par Mme BLANC en lui allouant la somme de 1.000 euros ; que, par suite, il y a lieu de condamner l’État à lui verser la somme de 1.000 euros, que Mme BLANC a droit aux intérêts au taux légal sur la somme qui lui est due par l’État, à compter du 13 septembre 2007, date d’enregistrement de la requête (…) »