Colonialisme, pillage et exotisme
Le colonialisme perdure. D’une part sous ses uniformes des siècles précédents, avec, comme toujours, de faux prétextes, les armes et leur cortège de linceuls, et, d’autre part, depuis quelques années, sournoisement et selon une nouvelle stratégie, qui lui a permis de s’installer dans plusieurs continents en toute « légalité ».
Dans ce dernier cas, le colonialisme « new look » ne tue pas. Il affame !
Lentement mais sûrement, il sème la famine dans plusieurs des nations où il s’est infiltré afin de s’empiffrer, remplir les panses des siens, sans bourse délier ou presque
Il y a peu, outrées, puis compatissantes et enfin larmoyantes, les nations les plus riches de la planète, hantées d’une saine morale saupoudrée de tartufferie, crient à tue tête qu’un peu partout de par le monde, des milliers, que dis-je, des dizaines de millions d’humains crèvent de faim. Et de surtout pointer à nouveau du doigt, images télévisées (souvent insoutenables) à l’appui, l’Afrique dans son ensemble avec, en prime de la monstruosité, les contrées dites subsahariennes.
Ethiopie, Soudan, Congo, Centre Afrique etc… n’arrivent plus à nourrir leurs peuples, dit-on ?
Mais, cela va de soi, ces mêmes nantis imités par l’ONU ont oublié de dénoncer le fait que les millions d’hectares de terres arables de ces affamés sont cultivées (à « haut rendement ») par et pour d’autres. L’Inde, le Qatar, l’Arabie Saoudite, le Koweït et surtout la Chine s’en donnent ainsi à cœur joie (tout comme, ô surprise, en… Russie et au Brésil où autant de terres sont mises à leur disposition mais dans d’autres conditions).
Louant d’immenses lots, domaniaux la plupart du temps, donc avec l’aval du pouvoir local, à des prix dérisoires (moins de 7 euros par an l’hectare en Ethiopie), ou les achetant, pour trois fois rien, à des particuliers, ces vautours d’un nouveau genre défrichent, labourent, sèment, arrosent et moissonnent, légumes, fruits et riz, à leurs frais, avec leurs hommes et selon les techniques les plus avancées, pour finalement expédier l’intégralité (vous avez bien lu, l’intégralité) des récoltes chez eux.
Sous les yeux envieux et effarés des autochtones, africains faméliques au ventre creux, agonisant à petit feu par la charité du FMI ou des associations caritatives qui se sont bien gardés de les aider directement à cultiver eux-mêmes leurs propres terres en leur fournissant équipements et conseils nécessaires.
Ayant été dépouillé depuis belle lurette, par la volonté mercantile de ses dirigeants, des immenses richesses de son sous-sol (pétrole, uranium, diamants, fer etc…), ce continent qui aurait donné naissance à l’Homme voilà des millions d’années, se voit désormais privé de son propre pain quotidien.
Afrique toujours, mais dans le Nord cette fois. Au Maroc plus précisément. Une région très prisée par les européens « bobos », français pour la plupart, en mal d’exotisme et de …profits faciles. On s’y installe sans vergogne et on y affiche avec un aplomb déroutant une attitude de gros patron à la dégaine coloniale et au propos paternaliste.
On n’affame plus, on attaque la dignité en faisant preuve d’une condescendance… méprisable.
Trois sujets télévisés d’un magazine consacré au pays, diffusé récemment sur une chaîne française de grande écoute ont donné le ton. Tous trois étaient axés sur « la réussite » de nouveaux pionniers tricolores, installés pas loin de Marrakech, bien entendu. Pour s’installer dans ce nouveau nirvana, deux de ces « émigrés » ont quitté Paris et Cannes, et le troisième, un « caldoche », la Nouvelle Calédonie.
Mêmes discours, mêmes arguments, même dédain pour les gens du cru. Mêmes attitudes conquérantes devant les caméras et les micros. Même suffisance provocatrice. Et d’expliquer qu’ils sont venus là parce qu’entre autres, « la terre y est vendue à un prix très intéressant… qu’en dehors des villes on n’y paie pas d’impôt foncier… et surtout, surtout que la main d’œuvre y est abondante, obéissante et ne coûte pas grand-chose…. » Et de pérorer ainsi devant des dizaines d’employés marocains, jeunes pour la plupart, timides et serviles, dans un palais destiné à être transformé en hôtel de grand luxe, pour l’émigré parisien (une femme), ou au centre d’un atelier immense où se construisent les maquettes « grandeur nature » de bateaux luxueux, pour le cannois, ou enfin, dans une immense discothèque à ciel ouvert où, selon le « caldoche », la jet set internationale, et non locale, vient souvent se distraire.
Afrique encore et toujours dans sa bande méditerranéenne. Dans ces régions où le véritable syndicalisme n’existe pas, ou si peu (toujours aux ordres du pouvoir), le colonialisme dédaigneux s’est, il est vrai, infiltré voilà longtemps, masqué et insidieux.
A travers une myriade de sociétés et avec la complicité de sous-traitants locaux, servant de paravents très bien rémunérés, il ferme, par exemple, les yeux sur les centaines de milliers d’humains qui turbinent pour lui, sans le savoir, une douzaine d’heures au quotidien, dans des manufactures ou ateliers, du lundi, au dimanche souvent inclus.
Là se fabrique des produits exclusivement réservés à l’Europe, fabriqués pour des salaires mensuels dérisoires qui n’excèdent pas l’équivalent de 130 euros en monnaie locale, qui ignorent les « heures supplémentaires » et que l’on verse presque toujours avec deux à trois mois de retard.
Des milliers d’esclaves du 21° siècle qui du jour au lendemain, en fonction des humeurs du marché européen ou international, se retrouvent sur le carreau, temporairement ou définitivement, sans aucune indemnité ni aucun secours, les lois et services sociaux, lorsqu’ils existent dans ces contrées, n’étant qu’une peau de chagrin.
Pauvre Afrique. Le colonialisme y campe toujours. Son visage a peut-être changé mais pas son appétit. Il a su conserver la même envie de s’emplir les poches à moindre frais, voire piller sans aucun remords. Il y campera d’autant plus longtemps qu’il a su associer à sa goinfrerie les chefs locaux, ses frères.
Jusqu’au jour où les peuples africains se réveilleront, c’est-à-dire dans plusieurs décennies ou quelques…siècles.
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