Colonisation : le complexe français
La France a mal à son histoire coloniale. La République - sa classe politique en tout cas - est sens dessus dessous. Le président cogite. Le premier ministre s’agite. Le ministre de l’intérieur rumine. La majorité se divise. L’opposition l’engueule.
Pourquoi ? Parce que l’article 4 d’une loi votée le 23 février 2005 stipule que "les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord". Une préconisation votée comme un seul homme par l’UMP et qui recueille l’approbation massive des Français, selon un sondage CSA.
"Le rôle positif de la présence française outre-mer" : devrait-il y avoir polémique sur ce fragment de phrase ? Est-il raisonnable de réagir comme si cette évidence historique sous-entendait que la France et les Français ne savent pas, comme le reste de la planète, que la colonisation a été brutale, cruelle, source de violations des droits de l’Homme, ainsi que crime contre l’humanité à travers l’esclavage ?
Non seulement ce n’est pas raisonnable, mais c’est absurde. En effet, en dépit de la violence unilatérale générée par la colonisation, en dépit de la monstruosité représentée par l’esclavage de l’Homme par l’Homme, "le rôle positif de la présence française outre-mer" constitue aussi une réalité incontournable. Le nier constitue une autre forme de révisionnisme.
Si tel n’avait pas été le cas, la Francophonie aurait-elle un sens ? Un 23e sommet franco-africain viendrait-il de se tenir à Bamako ? Les populations des Antilles seraient-elles démocratiquement et librement françaises ? Sachons raison garder ! La colonisation a bien été le point de départ de la rencontre entre les Français et les Africains. Faut-il la regretter, cette rencontre historique, encore féconde de nos jours ?
Reste que le président de la République prépare une intervention solennelle sur le sujet pour apaiser les esprits, notamment outre-mer. L’Élysée compte d’excellents rédacteurs de discours, mais je me permets néanmoins de suggérer les phrases suivantes :
"Une République fondée sur l’égalité de tous était devenue une prison pour des millions (...) ces fils et filles volés à l’Afrique ont aidé à éveiller la conscience de la France (...) Les hommes vendus comme esclaves ont aidé à construire une France libre (...) Le cheminement de ma Nation vers la justice n’a pas été facile et il n’est pas encore achevé..."
Soyez gentils de ne surtout pas lui signaler qu’il s’agit d’un extrait du discours ("Amérique" remplaçant "France") prononcé par George W. Bush sur l’île de Gorée, lors de sa visite officielle au Sénégal. Jacques Chirac déteste plagier les bons auteurs...
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