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Commentaire de l’article de Denis COLLIN « Faut-il enterrer l’État-nation ? » publié le jeudi 09 février 2017 sur son site

Mon commentaire de l’article de Denis COLLIN publié le jeudi 09 février 2017 sur son site «  Philosophie et politique  » et intitulé « Faut-il enterrer l'État-nation ? » URL : http://denis-collin.viabloga.com/news/faut-il-enterrer-l-etat-nation.

 

Monsieur,

 

Bonjour,

 

J’aime à vous lire car votre érudition en matière des œuvres de Marx et plus généralement des auteurs socialistes du XIXe siècle est très instructive pour moi. Cependant, et sans vouloir vous offenser, j’ai l’impression que cette érudition a tendance à vous confiner dans les concepts du XIXe siècles notamment en matière de travail, de nation et d’internationalisme. Ce cadre adéquat à une époque révolue, bien que permettant encore certains éclairages sur notre société contemporaine, me semble trop limité pour y contraindre notre pensée et nos analyses sur les faits contemporains ou les tendances sociales à venir.

L’Etat-nation territorialisé est par excellence un des concepts inventés au XIXe siècle à, la suite des grandes révolutions et en particulier de la révolution Américaine qui a vu la colonie Anglaise s’affranchir de la mère patrie.

La territorialisation est en elle-même un concept parfaitement libéral en ce qu’elle consiste à une appropriation du sol et de ses richesses par une communauté restreinte cela même si elle n’était pas morcelées en propriétés privées. Ce qui me semble avoir échappé à Marx.

Au surplus la nation territorialisée nécessite l’uniformisation politique, culturelle et sociale du territoire notamment par la langue. On sait ce que cela a pu coûter aux régions, sous-cultures et patois de France. Cette uniformisation plus ou moins imposée (plutôt plus que moins) est en elle-même un acte de domination. Cet acte de domination, lui aussi, semble avoir échappé à Marx. L’échec historique de cette uniformisation en Belgique, alors que la langue française ait été la langue des dominants dans toutes la Belgique et qu’elle ce soit imposée en Wallonie contre le wallon et le picard mais pas en Flandre où les patois flamands ont survécus du fait de la pauvreté de cette région, démontre qu’elle n’a rien d’évident et encore moins de naturel ou de pertinent.

Le XXe siècle nous a largement démontré les dérives auxquelles cette représentation du monde expose l’humanité et devrait nous enseigner que ses limites ne sont plus adaptées dans la perspective d’une vie commune plus apaisée.

Détrompez moi si je fais erreur, à vous lire, il m’apparait, que vous défendez, en réaction à un internationalisme qui nierait la réalité nationale et les spécificités des nations, la nation comme seul lieu politique à l’échelle appropriée (Cela indépendamment des échelles effectives des états-nations actuelles et de leurs frontières, souvent arbitrairement, imposées –notamment à la Belgique–).

Moi je perçois, au contraire, que ce néonationalisme est un repli sur soi dont l’origine se situe dans l’échec de l’exercice démocratique des états-nations territorialisés. Notamment parce que la normalisation nationale est contestée mais aussi parce que l’échelle nationale éloigne du citoyen la décision politique et favorise l’émergence d’une classe dominante déconnectée des réalités locales qui renforce cette caste dans sa conviction d’être une élite éclairée au dessus des lois puisque c’est elle qui les écrits. Cela d’autant que, à l’exception notoire de Rousseau, les penseurs libéraux des XVIIIe et XIXe siècles –puis de la Société du Mont Pèlerin– ont toujours justifié la légitimité de la domination de la classe des propriétaires (fonciers et financiers) et accordé l’accès à la liberté à cette seule classe (il a fallu Condorcet, Engels, Spinoza et Marx pour qu’émerge une pensée cohérente et apte pour le contester).

L’internationalisation décriée n’est en réalité que l’extension des nations elles-mêmes voulue par l’élite auto-déclarée. Cette prétendue élite ne souhaite d’ailleurs pas la disparition des nations, la division internationale lui permettant à la fois justifier sa légitimité, le contrôle politique et la justification de la défense de ses intérêts impérialistes. Les institutions internationales, en réalité, ne sont que les caches sexe des décisions de cette oligarchie démagogique. Les institutions nationales, elles-mêmes, ne constituant que, d’une part, la caution d’un apparent processus décisionnel démocratique et que, d’autre part, un dispositif pour réguler toute tentation insurrectionnelle des citoyens –La peur, notamment du terroriste, étant instrumentée à cette fin–. La publicité, le sport et les médias quant à eux sont les médiums permettant l’uniformisation nationale et l’adhésion consentie aux valeurs du néolibéralisme mais aussi à la soumission volontaire des citoyens à la caste dominante.

La déconnexion entre les « élites » et le « peuple, mais aussi entre les promesses faites par l’oligarchie et la réalité des résultats perçus par les citoyens devenant trop criante a généré de la part de ces derniers la défiance et un repli réactionnaire sur l’idée mythique d’une nation idéalisée et préservée des affres de la mondialisation financière débridée (qui dans les faits, si pas dans la revendication, a toujours existé même bien avant le XVIe siècle). Replis évacuant, par cécité volontaire –même si pas assumée–, les effets horrifiants du nationalisme du XXe siècle. Ce repli national est assez naturellement le contre-pied, il me semble, défiant le projet mondialiste revendiqué par la caste dominante.

Mais, dans une perspective non plus tournée vers le passé des XVIIIe, XIXe et XXe siècles mais vers le XXIe siècle, que pourrait-il émerger comme modèle social et comme espace politique autre que l’espace de l’Etat-nation territorialisé ?

Je pense que nous assistons, mais cela doit se confirmer, à l’émergence d’un espace politique établi en multiples réseaux non territorialisés interpénétrés et en recomposition permanente. Les frontières dans un tel système n’ont plus de justifications (on peut le constater dès à présent notamment par le terrorisme, dit international, fait de la fédération de nombreux réseaux concurrents mais, je pense aussi, dans les réseaux financiers et économiques). Même la propriété et le médium argent semblent être potentiellement pouvoir être abolis (on peut le constater dans l’émergence de la communauté de partage et du financement Participatif –crowdfunding–). Même les modalités de la régulation politique semblent émerger par des forums délibératifs, des pétitions en lignes, des contre-pouvoirs tels les Anonymous ou Wikileaks…. J’envisage même, sur ces modes, la possible création d’une nation non territorialisée, avec ses institutions, sa monnaie (non financiarisée), l’absence de propriété (remplacée par le seul droit de jouissance temporaire), sa diplomatie, ses passeports…

Voici donc, en quelques longs traits méritant plus de prospections et développements, ma réflexion sur la nation, le néonationalisme et leur devenir possible.

Je vous remercie pour votre patiente lecture et reste ouvert à toute poursuite du débat avec vous.

 

Bien à tous,

 

Olivier MONTULET


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12 réactions à cet article    


  • howahkan 14 mars 2017 09:11

    @La Baudruche négrière patronale verdie

    Sur le fond, comme nous mettons en avant des différences, sensées aux yeux de chacun avoir une valeur marchande + eh connard je mérite plus !!! , comme l’univers entier est fait de différences superficielles , le combat entre tous est assuré....de notre faute, parce que nous sommes devenus des êtres totalement superficiels , ce que nous n’étions pas à nos débuts ..comment saurais je cela ? parce que je n’ai même pas mon BAC.....c’est notre intellect qui nous rends cons... smiley


  • howahkan 14 mars 2017 09:19

    Mon post réponds à la baudruche , or il n’y a pas de post de la baudruche, parce que deux de ses posts et un des miens ont été supprimé....sûrement une intervention divine...


    • Parrhesia Parrhesia 14 mars 2017 09:46
      @howahkan
      Bonjour howahkan,
      Ceux qui voient dans la communication via le net un moyen de lutter contre la censure ont raison, mais ils n’ont raison que partiellement !
      Le net est en cours de « normalisation » sur le plan de la censure comme de toutes nos autres libertés. 
      Les manieurs de ciseaux mondialistes, qu’ils soient mondialistes de la première génération (j’entends par là mondialistes de la première génération celle de l’internationale socialiste) ou ceux de la seconde génération (issus du capitalisme exclusivement financier qui ont adopté les mêmes méthodes que les premiers) sont désormais bien installés partout ! Ils ne pouvaient pas laisser Agora Vox leur échapper. Le mal s’étend !!!
      Bonne journée à vous.

    • howahkan 14 mars 2017 10:42

      @Parrhesia

      Salut, cela ne m’effraie pas, si internet est bloqué il y a d’autres moyens, mais au moins ce sera clair que nous sommes alors en mode totalitaire pas sympa....si la masse ne bouge pas, le maître va essayer de tout contrôler..ceci est impossible..son action, il ne le sait pas est d’avance vouée à l’échec d’une manière ou d’une autre..

      mais tant que la masse n’est pas réunie dans une optique coopérative de partage équitable volontaire, la seule voie...le maître va continuer...par jeu et démence...rien de plus..

      il est sans le savoir un élément de Mère Nature pour nous forcer à aller là où l’on doit aller..j’ai conscience de l’aspect dément de ces propos évidement..

      pour faire simple

      si compétition = élimination = guerres = conflit = vols = violence = totalitarisme = pauvreté qui tue= vie de merde ...= etc

      que produirait donc l’absence de la competition-élimination entre les humains..

      en y rajoutant l’élément suivant : êtes vous le centre du monde ou le centre de vous même sans même le savoir ?

      vous avez 4 heures + la vie ..sujet philo du Bac...

      je te salue


    • CN46400 CN46400 14 mars 2017 11:28

      Dans « état-nation » il y a deux mots qui, chacun, a un sens.

       Pour Marx l’état est un outil qui, entre les mains de la classe dominante, permet à celle-ci d’imposer aux autres classes, ses intérêts. La dimension de l’état, et de ses pouvoirs doivent s’adapter à la puissance des moyen de production qu’elle commande, et qui ont, toujours, tendance à s’accroître. Pour vendre 1000 pôts de confiture, le capitaliste n’a pas besoin du même marché qui s’il doit en vendre 1 000 000...etc.

      Avec la nation, on entre dans une autre dimension, plus subjective, faite d’histoire, de culture, de religion que la classe dominante doit contrôler, et manipuler. Parce que si la nation peut être un vecteur freinant son développement, elle peut aussi favoriser puissamment ses intérêts (guerres, conquêtes ...etc).
       Certains pensent que les étrangers sont un danger pour la nation, pourtant c’est un corse (Napoléon) et un géorgien (Staline) qui ont boosté les nationalismes français et russe. En fait l’avenir de la nation dépends surtout des services qu’elle peut apporter à la classe dominante. Si la nation entrave la fabrication ou la diffusion des pôts de confiture, les prolos eux-même réclameront sa disparition...Et l’état sera alors le premier outil utilisé pour la destruction de la nation.

       Par contre si la nation est un moyen pour mobiliser le peuple et se protéger, militairement, des agressions extérieures (Cuba, Vietnam, Chine...etc), elle redeviendra essentielle.


      • Olivier MONTULET Olivier MONTULET 14 mars 2017 12:15

        La nation c’est une « identité » de l’état territorialisé, L’état c’est l’organisation politique qui dirige le territoire de la nation. Nation, État, territoire (pays) sont indissociables.
        Il me semble, et le XXe siècle en a fait démonstration, que la nation territorialisée est source de guerre (les pires qu’il y ait jamais eu) et non de paix. Le nationalisme est l’instrument de domination des « élites » pour justifier leurs guerres contre les autres Etats.


      • CN46400 CN46400 14 mars 2017 13:12

        @Olivier MONTULET

        « Le nationalisme est l’instrument de domination des « élites » pour justifier leurs guerres contre les autres Etats. »

        Quelles « élites » pouvaient avoir intérêt à l’invasion de l’URSS en 1941 sinon le capital allemand ?
        Qui poussait Napoléon dans ses campagnes européennes sinon les bourgeois français qui voulaient stabiliser leurs nouveaux pouvoirs découlant de la Révolution ?
         Dans les deux cas le nationalisme n’est que le moyen utilisé pour faire marcher, efficacement, le bas peuple dans une direction, qu’au fond, il répugne !


      • Olivier MONTULET Olivier MONTULET 14 mars 2017 14:03

        @CN46400
        Nous sommes donc bien d’accord (même si vos exemples sont très réducteurs de la réalité historique). Ce sont bien les « élites » qui utilisent le nationalisme pour envoyer le peuple à la guerre (la chaire à canon au champ d’horreur) pour défendre les intérêts de la seule « élite ».
        « Élites » au sens de ceux qui se définissent comme tels mais qui en réalité ne constituent que la caste des dominants monopolisant le pouvoir de soumettre tous les autres (d’où les guillemets) au sein du territoire de la « nation ».


      • CN46400 CN46400 14 mars 2017 17:02

        @Olivier MONTULET

        «  exemples réducteurs de la réalité historique) »

        Ah bon, sont-ce les chercheurs, Einstein par exemple, qui faisait partie des « élites » de la nation allemande, qui ont poussé Hitler à la guerre ? ou bien le capitalistes allemands ?
         
        Je sais bien que des mots, capitalistes, bourgeois, prolétaires, ouvriers... etc sont parfois mal connotés, mais qu’il ont au moins un avantage sur les « élites » ; leur précision !


      • Olivier MONTULET Olivier MONTULET 14 mars 2017 12:17

        Il est étonnant de constater comme le nationalisme, et le replis identitaire, est en vogue en France aujourd’hui alors que c’est un des pays qui en a été le plus victime.


        • Sparker Sparker 14 mars 2017 13:20

          @Olivier MONTULET
          Beaucoup de poissons rouges....


        • non667 14 mars 2017 22:54

          J’envisage même, sur ces modes, la possible création d’une nation non territorialisée,

          il en existe une , c’est la nation/diaspora juive qui à 4500 ans d’avance !

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