Comprendre l’avant de l’Évangile (texte inédit)
Ce n’est pas parce qu’on essaie de comprendre des textes qui font largement appel aux allégories, au symbolisme, au mysticisme ou même à l’ésotérisme qu’on est soi-même un ésotérique. Ce n'est pas parce que César et Vercingétorix ont commis des actes de répression que notre morale réprouve aujourd'hui qu'il faut leur refuser la noblesse de leurs motivations. Ce n'est pas parce que les hommes sont ce qu'ils sont qu'il faut refuser aux Églises leurs soucis d'humanité. Enfin, je ne pense pas qu'on puisse comprendre et expliquer l'Histoire si on l'enferme dans des thèses "doctorantes" sans essayer d'y voir une volonté d'évolution.
En revanche, je suis bien d'accord qu'on ne peut pas raisonner dans le vide. Voilà pourquoi je m'attache à ne jamais me séparer de mes deux béquilles que sont les textes anciens et les vestiges d'époque. Je crois l'avoir prouvé pour la relocalisation de Bibracte et de Gergovie.
I. Je viens de relire mes ouvrages. Contrairement à ce que j'ai écrit dans mon article http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-christianisme-est-il-ne-en-108280, les sculpteurs de Vézelay et de Notre-Dame du Port ne se sont pas inspirés de l'évangile de Luc pour représenter les scènes de l'Annonciation, de la Visitation et de l'annonce aux bergers, mais du Protévangile de Jacques, texte considéré comme un apocryphe.
Je cite mon ouvrage. Luc a puisé dans le livre prophétique de Jacques pour raconter tout en les résumant l'annonce à Zacharie, l'annonciation à la Vierge et la naissance de Jésus. Sous la plume de l'évangéliste, le texte de Jacques a perdu ses lourdeurs, gagné en style et en réalisme, mais nous ne retrouvons plus le sens caché que le prophète y avait mis. Le livre de Jacques s'achevant sur la naissance de Jésus, Luc est allé chercher d'autres documents pour raconter l'enfance de Jésus. Et il est tombé sur le livre de Thomas l'Israélite, document considéré comme un apocryphe du IVème siècle, mais que nous faisons remonter au tout début de notre ère.
Voilà pourquoi nous ne voyons pas de scènes sculptées de Jésus enfant, ni à Vézelay au IV ème sècle, ni à Notre-Dame du Port au V ème, comme Luc le montre pourtant dans son évangile. L'explication est toute simple. A Vézelay, l'esprit de Dieu, après être descendu, est passé dans l'empereur Julien, comme le veut le nouveau culte impérial, tandis qu'à Notre-Dame du Port, il s'incarne et reste dans une Marie/Gergovie en attendant mieux.
Voilà aussi pourquoi nos sculptures évoquent les rois mages dans la foulée, parce que Jacques les met en scène de même, alors que Luc ne les mentionne pas. Il est vrai que Mathieu a rattrapé, en partie, l'oubli de Luc.
II. Oublions donc les évangiles et essayons de comprendre ce qui s'est passé avant l'an 30, date vers laquelle Jean-Baptiste a commencé son ministère. Et pour cela, reprenons la chronologie des événements.
- 78. Prise de Bethsaïde et de Gamala par le roi asmonéen Alexandre Jannée. Crucifixion de 800 Esséniens de Bethsaïde. Naissance du mouvement de résistance galiléen/essénien/anti-asmonéen "Anne" (ma thèse).
- 63. Prise de Jérusalem par Pompée. Libération de Gamala par Pompée (et par Anne).
- 59 (?). En Gaule, fresques judaïques du temple de Gourdon, au pied de Bibracte. Nativité prophétisée. Apparition du nom de Marie pour désigner la colonie. Offrande de prépuces. Espérance essénienne dans la venue d'un messie guerrier (Dumnorix ?) et d'un messie sacerdotal (Divitiac ?). Un peu avant, sacrifice judéo-druidique d'un personnage auréolé dans le temple de Perrecy-les-Forges. http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/extraits-d-ouvrages/article/jesus-2007-ans-apres-33849
- 58. Projet d'union entre Dumnorix et la fille d'Orgétorix (espoir d'une naissance ?). Mouvement des Helvètes. Leur défaite.
- 52. Défaite gauloise à Alésia face à JULES CÉSAR.
- 40. Hérode le Grand, roi de Judée jusqu'en - 4.
- 30. Alexandrie occupée par les Romains.
- 27. AUGUSTE EMPEREUR jusqu'en +14.
Vers - 23. Dans le Nord de la Palestine, Anne met sur pied un contingent pour aller travailler à la construction du temple d'Hérode. Le Protévangile de Jacques donne à cette colonie qui va s'installer à Jérusalem le nom de Marie (ma thèse).
Vers - 20. Début de la construction du temple d'Hérode. Marie, dans le temple, a trois ans. Elle y travaille pendant neuf ans.
Vers -11. Retour de Marie à Nazareth. Elle a douze ans (d'après Jacques).
- 7. Recensement en Judée et Galilée. Marie est âgée de seize à dix-sept ans. Naissance secrète du Jésus de Jacques (du sein de Marie). Proclamation du Deutéro-Zacharie sous le nom-code de Zacharie (un ou des prêtres du temple) contre le "berger insensé" (Hérode), ma thèse.
- 4. Affaire de l'aigle d'or. Répression. (Assassinat du grand prêtre Zacharie d'après Jacques). Mort d'Hérode le Grand. Fuite d'Elisabeth et de son fils Jean (d'après Jacques).
- 4. Répression de la manifestation galiléenne par Archélaos. "Marie" est le mouvement de résistance galiléen, plus ou moins clandestin, face au pouvoir hérodien (ma thèse).
- 4. Épître et Protévangile de Jacques (de la tribu d'Aser ?).
6. Recensement de Coponius et Quirinus. Révolte du Galiléen Judas à Sephoris et à Gamala. Naissance du Jésus de Thomas et de Luc.
14. TIBÈRE EMPEREUR jusqu'en 37.
21. Révolte en Gaule de Sacrovir.
26. Ponce Pilate est procurateur de Judée jusqu'en 36.
28 à 31. Prédication de Jean.
III. Explications et éléments de preuves suivant l'ordre chronologique précité.
Anne. Luc la dit âgée de 84 ans au moment où il fait naître Jésus, en l'an 6 après notre ère, lors du recensement de Quirinius. Anne serait donc née en l'an - 78. Or, c'est très précisément en l'an - 78 que le roi asmonéen Alexandre Jannée s'empara de Gamala. J’en déduis que Anne est le nom-code de la population galiléenne "résistante" qui est née ce jour-là, ou avant ce jour-là. Faisons la supposition logique que cette "résistance" ait libéré Gamala avec l'aide des Romains en l'an - 63, date de la prise de Jérusalem par Pompée. Alors, on comprendrait pourquoi Luc dit qu'Anne, depuis sa virginité, a vécu sept ans avec son mari (avec Pompée), de l'an - 63 à l'an - 56, date de l'accord de Lucques qui donna les territoires d'Orient à Crassus. Le fait qu'elle soit restée veuve indique que, depuis le départ de Pompée, elle a gardé ses distances avec l'occupant. Luc ajoute qu'elle était issue de la tribu d’Aser (au nord du lac de Tibériade). Il s'agit donc bien d’une population galiléenne (pro-essénienne). Enfin, quand il dit qu’elle fréquentait le temple jour et nuit, cela ne signifie nullement qu’elle y résidait mais qu’elle y maintenait une présence de prêtres et de pélerins.
Certes, Jacques la dit mariée à Joachim (le roi de l'exil de Babylone) mais c'est dans un contexte beaucoup plus large.
Cléopas. A Gourdon, la fresque de l'offrande des prépuces prouve, selon moi, une origine d'avant César http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/gaulois-gauloises-offrez-a-dieu-105874. L'inscription "Cléopas" qui désigne ce messie sacerdotal pose problème. Pourquoi le messie guerrier qui lui fait face n'est-il pas désigné par une inscription, lui aussi ? Je repousserais donc cette inscription à plus tard.
La datation précise que je donne de ces fresques s'appuie sur deux indices :
premièrement, le carquois d'Apollon que porte, et la fille d'Orgétorix sur une médaille helvète frappée pour les Eduens, et le messie guerrier de la fresque.
deuxièmement, la médaille où Dumnorix est représenté dans le même symbolisme du messie guerrier précité, descendant du ciel http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-ciel-astrologique-gaulois-et-107175.
La fresque ci-jointe confirme la venue imminente du nouveau David en le faisant sortir du tombeau massif, toujours existant, en entrant dans l'église, à gauche. Ce nouveau David, identifié par l'instrument favori de son grand aïeul, la harpe, a été enfanté par la colonie juive éduenne à laquelle la fresque précitée a donné le nom de Marie. Son ventre qui s'encastre dans le tombeau l'indique on ne peut plus clairement.
la partie haute de la fresque apporte une précision importante. Le roi David étant devenu vieux, avait donné l'ordre que l'on fasse monter Salomon sur sa mule pour qu'il aille se faire consacrer (1 Rs 33-34). La fresque montre la mule du roi grimpant la pente pour y aller chercher un nouveau Salomon. Quelle est cette localité et plus particulièrement cette haute tour qui se trouve à l'entrée. En toute logique, il devrait s'agir de Jérusalem et du Cénacle tel qu'il existait à cette époque. C'est là que se trouvait le tombeau de David.
Que faut-il comprendre ? Pour ma part, j'y vois une volonté d'intervenir en sauveur, à Jérusalem, pour y rétablir le royaume de David. Autrement dit, Bibracte se propose d'intervenir dans les affaires de la Palestine et d'y envoyer des combattants.
Après la défaite d'Alésia de l'an - 52, des Gaulois qui avaient suivi César se trouvaient auprès de la reine Cléopâtre. Octave les détacha auprès d'Hérode le Grand. Hérode conquit le pays et y régna de -37 à -4. Il était accompagné d'une troupe gauloise qui semble avoir été une unité d'élite de confiance, peut-être l'effectif d'une cohorte. Cette troupe défila derrière son cercueil en grande tenue de guerre (Flavius Josèphe).
L'archéologie nous apprend que des tombes de légionnaires portent les noms de Panthéra, d'autres de Cléopas. Je fais l'hypothèse qu'il puisse s'agir d'une première levée de combattants et d'une deuxième levée faites à Bibracte/Mont-Saint-Vincent. Epiphane de Salamine déclare que Jacob, père de Joseph et de Cléopas, était surnommé Panthéra (Adv. hæreses 787/P.G. 42, 708 D). En réalité, il s'agit plutôt de Joseph/Panthéra, père de Cléopas, ce qui s'accorde avec notre fresque et avec mon hypothèse d'un premier appel sous les drapeaux "Panthera" puis d'un deuxième appel "Cléopas" (à la génération suivante). Le Joseph et le Cléopas de la fresque seraient donc des unités qui seraient venues combattre en Palestine à la suite d'un Hérode/messie (messie s'il s'était moralement mieux conduit). Notre Cléopas éduen aurait donc précédé Jésus de Nazareth avant de se rallier à lui dans les évangiles, apparemment.
Argument supplémentaire, Emmaüs est attesté comme ayant été un lieu de garnison des légions romaines. Dans la scène de l'évangile de Luc, si Cléopas se rend à Emmaüs, il faudrait donc comprendre qu'il rejoignait son lieu de garnison (Luc 24, 13).
Marie. Vint le grand jour du Seigneur, et les fils d'Israël apportaient leurs présents, c'est ainsi que commence le Protévangile de Jacques http://catholicus.pagesperso-orange.fr/Apocryphes/Apocryphe5.html. Ce grand jour, c'est la date, selon moi, où il a été décidé de construire le temple. Les présents sont les contingents d'ouvriers que chaque tribu devait fournir. Les trois premières années de Marie - contingent galiléen - sont des années de formation essénienne, manuelle, religieuse et combattante. Puis neuf ans d'activité dans le temple (idem). Puis retour à Nazareth, dans la "maison" de Joseph, pour tisser le voile du temple. L'effectif de ce "présent" était de 10 agneaux, 12 veaux et 100 chevreaux, soit un effectif de 122 hommes. http://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/les-evangiles-sont-des-textes-49157
Le Deutéro-Zacharie de la Bible succède sans transition au Zacharie proprement dit. Le Prophète situe son territoire revendiqué du pays de Damas en partie jusqu'à la côte de Tyr et de Sidon, la source d'Aram comprise : car à Yahvé appartient la source d'Aram, comme toutes les tribus d'Israël (Zach 9,1). Traduction : Zacharie revendique, au nom de Yahvé, la source du Jourdain et toutes les tribus d'Israël de part et d'autre du fleuve http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-paradis-terrestre-d-adam-et-le-47114. De toute évidence, il n'y a que les "revenus" de Babylone qui peuvent justifier une telle prétention. Comme je l'ai expliqué plus d'une fois, ce sont ces "revenus d'exil" qui sont à l'origine du mouvement essénien et des textes de Qûmran ; des textes retrouvés près de la mer Morte mais rédigés près de la mer de Galilée. Je cite : Tu m'as placé dans un lieu d'exil parmi de nombreux pêcheurs qui étendent leurs filets sur la surface des eaux (Rouleau des Hymnes, V, 7 et 8). La mer Morte n'a ni poissons, ni pêcheurs. La mer de Galilée est riche de poissons, riche de pêcheurs. Je situe la capitale de la cité essénienne au bord de cette mer, la ville à Betsaïde, la citadelle à Gamala, au pays de Damas.
J'interprète ce texte comme un appel "essénien" à la mobilisation de toute le diaspora, et en premier, de l'importante communauté juive d'Alexandrie à qui il est demandé de franchir de nouveau la mer rouge (Zach 10, 10-13). Il s'agit d'une véritable guerre "subversive" engagée contre Hérode par un ou des prêtres du temple agissant clandestinement sous le prête-nom de Zacharie, en liaison avec les Esséniens du pays de Damas précité. Je constate que le Zacharie de la classe d'Abiyya de Luc n'était que prêtre et je fais l'hypothèse que Jacques le considérait comme le grand prêtre légitime au lieu du grand prêtre en titre désigné par Hérode.
Deux arguments pour dater la proclamation du Deutéro-Zacharie en l'an - 7 : Premièrement, le berger insensé qui n'a pas le souci de ses brebis, qui mange la chair des bêtes grasses et arrache leurs sabots (Zach 11, 15-17) correspond à ce que rapporte Flavius Josèphe : Les gens disaient que ce n'était pas un roi, mais le plus cruel des tyrans. Beaucoup étaient tombés sous ses coups et beaucoup avaient souffert de lui. Il a soumis à la torture non seulement de simples citoyens, mais des cités entières. Il a décoré des villes étrangères, et les siennes, il les a enlaidies. Il a semé partout l'injustice et la discorde... Deuxièmement : le fait que Jacques identifie le grand prêtre assassiné par Hérode à Zacharie.
La grande boucherie de l'an - 4. Hérode a commis l'insigne maladresse d'accomplir la prophétie de Zacharie : Quant à celui qui a été transpercé, ils se lamenteront comme on le fait sur un fils unique et sur un premier-né (Zach 12, 10). Alors, le peuple comprit très certainement qu'il fallait, après la mort de Zacharie, accomplir jusqu'au bout la prophétie. Aux funérailles d'Hérode, le peuple grondait. Les gens gémissaient et se frappaient la poitrine en cadence, non pour pleurer la mort du roi, mais pour pleurer ceux qui, disaient-ils, étaient morts pour défendre la Loi, lors de l'affaire de l'aigle d'or du temple. Ils lancèrent des pierres contre la cohorte chargée du maintien de l'ordre, puis ils la massacrèrent. C'était la fête de la Pâque. Des campagnes, une multitude de provinciaux étaient montés à Jérusalem.Voyant que la foule ne pouvait être reprise en mains par la persuasion, Archélaos fit donner la troupe. On dénombra 3 000 morts. Flavius Josèphe ne le dit pas, mais nous devinons que le peuple scandait en marchant et d'une façon continue le mot : ZA-CHA-RIE.
L'épître de Jacques rappelle le jour de la grande boucherie (Ja 5, 6). Je la date de l'an - 4.
C'est une longue plaidoirie de réconfort adressée à ceux qui ont fui la persécution et une violente attaque contre les riches qui les ont chassés tout en s'emparant de leurs biens. Mais c'est aussi un cours de morale et de bonne conduite, un évangile avant la lettre, adressé, là aussi, aux douze tribus. C'est un évangile antérieur aux quatre évangiles : un évangile d'avant Jésus de Nazareth. Perdu dans les écrits du Nouveau Testament, cet évangile/épître est tombé un peu dans l'oubli pour la simple raison qu'en le plaçant après les quatre évangiles, on n'y a vu qu'une répétition sans grand intérêt de ce que Jésus de Nazareth avait déjà révélé. Hélas ! il fallait comprendre que Jacques ne répétait pas Jésus, mais qu'il l'annonçait.
Les Hébreux ont souvent senti la présence plus forte de Yahvé pendant les périodes de tension et de guerre. Ainsi s'est ébauchée, tout naturellement, l'idée d'une certaine dualité de Dieu dans la notion de de "Yahvé" tout court et de “Yahvé des armées”. “Yahvé des armées” serait Yahvé quand il se manifeste dans les moments critiques. Il serait en quelque sorte “Yahvé qui vient”. Qu'on fasse un pas de plus et on arrive au Jésus, Christ, de Jacques, qui est toujours dans le ciel, mais dont il attend la venue, puis au Jésus qui vient dans l'Apocalypse de Jean, puis au Jésus qui est "venu" dans les Evangiles.
Textes, photos, croquis, extraits d'ouvrages sont de l'auteur.
Note : je précise que, tant dans mes ouvrages que dans mes articles et commentaires, je ne fais qu'interpréter la pensée complexe, diverse, parfois contradictoire, des personnages et des communautés dont je raconte l'histoire et que ce serait une grave erreur que de m'attribuer leurs croyances même si je donne parfois l'impression d'y adhérer pour des raisons littéraires. J'ajoute que l'Histoire ne se diséque pas et qu'elle doit être prise dans son fil et comme un tout.
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