Conflit russo-ukrainien : la position de la Hongrie et ses raisons
La Hongrie, enfant turbulent de l’UE, a voté les sanctions à l’encontre de la Russie. Il est vrai qu’elle ne peut pas toujours s’opposer frontalement à Bruxelles, comme ce fut le cas avec son refus, dès 2015, d’accueillir les clandestins arrivant d’Afrique ou plus récemment avec sa loi de protection des mineurs contre la propagande LGBT. Des concessions sont parfois nécessaires, mais pas trop.
Dès le vote de ces sanctions Orbán et son ministre des affaires étrangères se sont empressés de faire savoir aux Hongrois que ces sanctions étaient complètement stupides car elles nuiraient plus aux européens qu’à la Russie. On veut punir les russes en commençant par porter préjudice aux citoyens de l’UE en rationnant l’énergie et en réduisant leur pouvoir d’achat par le biais d’une inflation galopante.
Par ailleurs Orbán a déclaré que la Hongrie se tenait à l’écart de ce conflit et que, contrairement à nombre de pays de l’Est européen, elle n’accepterait ni le stationnement de troupes de l’OTAN sur son territoire ni le transit d’armes en direction de l’Ukraine. Par contre les réfugiés arrivant d’Ukraine – la Hongrie a une frontière d’environ une centaine de kilomètres avec ce pays – sont parfaitement accueillis bien qu’il y ait une proportion très importante d’africains (la Hongrie s'oppose à toute immigation extra-européenne).
Les relations entre la Hongrie et la Russie sont toujours restées correctes, même après le récupération de la Crimée par la Russie en 2014. C’est l’entreprise russe Rosatom qui a été choisie pour moderniser l’unique centrale centrale nucléaire hongroise de Paks fournissant plus de 50 % de l’électricité au pays. En 2021 la Hongrie a signé un contrat de fourniture de gaz à long terme avec la Russie, le gaz transitant par un pipeline contournant l’Ukraine. Tout cela déplaît fortement à Bruxelles. Mais ce sont les Hongrois qui paient leur gaz le moins cher dans l’UE. Il faut noter que 65 % du pétrole et 85 % du gaz importé par la Hongrie provient de la Russie. On comprend que Orbán s’oppose à toute sanction de l’UE contre la Russie dans le secteur de l’énergie.
Par contre les relations entre l’Ukraine et la Hongrie sont assez tendues depuis plusieurs années. Il faut se souvenir que la Transcarpatie, l’extrême ouest de l’Ukraine a été détaché de la Hongrie par le traité du Trianon en 1921. Il reste encore dans cette région environ 150 000 hongrois ethniques. Lorsqu’il y a quelques années le gouvernement hongrois a décidé d’accorder un passeport à ces hongrois d’outre-frontière les Ukrainiens, qui n’admettent pas la double nationalité (sauf pour les proches du régime), ont violemment réagi. Le consul hongrois dans la région a été expulsé et les nationalistes ukrainiens ont commis quelques exactions dans les communes majoritairement hongroises. Puis est venue ensuite la loi d’ukrainisation, interdisant l’enseignement des élèves dans leur langue maternelle, loi visant les russophones mais touchant aussi les magyarophones qui possèdent leurs propres écoles en Transcarpatie.
Si on constate en France une hystérie anti-russe qui a même un peu contaminé Eric Zemmour et Marine Le Pen, ce n’est absolument pas le cas en Hongrie. Comme le pays votera pour le renouvellement de son parlement le 3 avril prochain, l’opposition unie allant des socialistes à l’ancienne extrême-droite anti-sémite et anti-tzigane a bien tenté d’utiliser le conflit à des fins électorales. Son chef de file Márky-Zay a d’abord réclamé l’envoi de troupes hongroises et d’armes en Ukraine avant de rétropédaler, un sondage ayant montré que seuls 9,5 % des Hongrois soutenaient cette idée folle. Il se contente maintenant d’exiger que la Hongrie accepte le transit par son territoire des armes que l’Ouest européen destine à l’Ukraine. Une députée européenne de son entourage voudrait aussi que la Hongrie annule le contrat de modernisation de la centrale nucléaire signé avec une entreprise russe. Manifestement cela ne rapporte pas beaucoup de voix car la popularité de Márky-Zay ne cesse de décroître et la victoire du FIDESZ d’Orbán est quasiment assurée le 3 avril prochain.
En attendant ces législatives le Parlement vient d’élire à une écrasante majorité le nouveau Président de la République. Il s’agit de Novák Katalin, une parfaite francophone, ancienne vice-présidente du FIDESZ et ministre de la famille. Elle prendra ses fonctions le 9 mai.
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