« Connais-toi toi-même » : des conneries II Le Retour
C’est comme « The Amazing Spider-Man » avec Andrew Garfield (aucun lien avec le chat), que vous ayez aimé ou pas, c’est pareil, la suite est là. A part que moi, c’est gratuit.

Le texte précédent se terminait en insultant Socrate, une insulte aussi technique et manipulatrice que le reste du discours, il est si facile de dire ce que l’on veut, encenser quelqu’un, le détruire, se moquer de lui, le porter aux nues. Si facile de dire quoique ce soit, et de se foutre comme d’une guigne de ce qui est commun, c’est-à-dire le pain, l’amour et l’espace à bâtir. Je vais donc réitérer ce que je pense (ou pas), Socrate est une imposture, la connaissance de soi est une imposture, et j’ai pensé à quelques arguments supplémentaires pour étayer la provocation et me donner une raison de plus d’écrire quelques lignes de plus (c’est marrant, tout le monde me voyait devenir écrivain quand j’étais jeune, je n’ai jamais compris pourquoi, non seulement je ne sais pas écrire autrement que confusément et nanti d’un correcteur d’orthographe, non seulement je n’aime pas écrire, mais je déteste les écrivains, je les trouve prétentieux comme moi mais je me fous bien d’avoir une quelconque reconnaissance, la gloire, les femmes et le fric c’est de la merde, ce que je veux c’est l’immortalité, et je ne la veux que pour moi, je me fiche bien de vous tous, allez tous vous faire foutre). J’espère ne pas vous avoir perdu après ce que vous venez de lire entre les parenthèses, s’il vous plait, restez. J’ai besoin de vous pour que ce texte ait un sens. Alors allongez-vous, mettez votre disque préféré de Morbid Angel, détendez-vous et parcourez-le en diagonale au moins. Je vous le garantis, vous allez apprendre quelque chose, si vous aimez apprendre (est-ce que ça existe encore les gens qui aiment apprendre ? en tout cas, moi j’aime pas). Merci.
Argument numéro 1 : comment se connaitre soi-même si cette connaissance est vouée à n’être jamais finie ? A quoi bon un exercice qui ne se termine par rien d’autre que la mort ? Qu’y gagne-t-on ? Ce qui est bon quand on s’engage dans une compétition sportive ou sur le marché financier, c’est que démolir l’adversaire en lui plantant des tonnes de buts ou en faisant plus de fric que lui (ou elle, on va éviter le sexisme facile, la cupidité existe aussi chez les femmes) amène une satisfaction puissante. Quand on perd, ça fait mal, mais qui penserait à perdre quand l’objectif de gagner est tellement intéressant en lui-même ? Alors que se connaitre soi-même, c’est vain, on perd avant même d’avoir commencé. C’est un but solitaire, et on ne l’atteint jamais en fait, parce que tous les mots du monde, toutes les expériences possibles ne viendront jamais dire ou illustrer la singularité, l’universalité, la particularité ou quoique ce soit d’autre. Ils diront la joie, l’enthousiasme, la tristesse, la rage, la colère, des sentiments que tout le monde connait et qu’il n’est pas nécessaire de passer sa vie à détailler (le diable n’est-il pas dans les détails ?), ils n’énonceront jamais des faits comme « merci », « félicitations », « tu m’as fait du mal », « va te faire foutre » ou « je t’aime quand même ». Ce sont ces faits-là qui comptent. Le reste, on s’en fout. Et si on tient vraiment à se prendre la tête, l’histoire de la culture bourgeoise nous amène à Dostoïevski, à Beethoven, à Mahomet, à Borges et à plein d’autres gens connus qui sont voués à rester, les pilotis officiels de la ville encyclopédique sur laquelle aujourd’hui est bâtie, les stars d’aujourd’hui n’existent pas, les stars de demain n’existent plus, mais les stars d’hier restent pour assurer un semblant de cohérence entre Google et vous (non, les jeunes, c’est pas à vous que je m’adresse, vous seuls savez que la globalisation c’était avant, que c’est une lubie du passé, que c’est une idée, une culture même, morte, qu’on traine encore dans les médias pour faire plaisir aux quarantenaires qui sont nés avec la télé et pour faire peur aux vieux, surtout aux nationalistes).
Argument numéro 2 : la connaissance de soi c’est la nouvelle police. Avant, il y avait ce qu’on appelait la loi, mais la loi ça coûte cher et ça plait pas à l’oligarchie qui aime que ça coûte pas cher parce que leurs sous doivent absolument dormir dans des banques ou être dépensés en nouveaux bateaux qui naviguent sur les mers polluées par les détritus et les pauvres qui viennent y mourir en embarcations de fortune (ce sont pas des migrants, ce sont des pauvres, si l’Afrique était riche et pacifiée telle l’Europe, ils y resteraient). Donc, à la place, on a la norme, c’est plus flou, plus vague, ça peut changer plus souvent et sans justification, et c’est plus efficace que la loi parce qu’on a pas besoin de la faire voter d’abord. On a une grosse vague de gens en ce moment qui veulent faire du mal aux autres sous l’excuse de la religion, on ne les jugera pas, ils n’auront pas de procès, on les étiquette sous l’appellation « malades mentaux » et on les envoie chez le psy. Dire « X est malade » permet d’éviter de sanctionner, d’éviter de donner le spectacle de la haine des victimes envers leurs agresseurs, et d’éviter de remplir les prisons qui coûtent cher. Ces gens malsains iront donc chez le psy et y feront connaissance avec eux-mêmes, ils y verront peut-être leur rage aveugle. Ou peut-être pas. Si vous avez vu « Terrain Miné » de Steven Seagal, cette grande fresque écologiste, vous savez la vérité. Et la vérité c’est que parfois faut savoir taper sur les méchants, surtout sur les méchants corrompus. Comme questionnait justement le personnage de Forrest Taft après en avoir cogné et humilié un, « qu’est-ce qu’il faut pour changer la nature d’un homme ? », et ce méchant répond « du temps ». La connaissance de soi ne dispense pas de l’action immédiate, irréfléchie, en somme du mal.
Argument numéro 3 : se connaitre soi-même ça passe par une faim de liberté (liberté de faire quoi, de dire quoi, je cherche encore). Sachez que votre appétit finira par vous couper de tout collectif possible. Vous passerez tellement de temps à vous connaitre vous-mêmes que vous n’aurez plus de temps pour qui ou quoi que ce soit d’autre. Je le sais, c’est que j’ai essayé de faire pendant des années, de me connaitre moi-même, et je peux vous garantir qu’à la fin, vous finissez triste et amer à écrire des textes comme celui-ci pour convaincre les autres de ne pas s’aventurer dans les méandres de l’esprit, mais plutôt de passer du bon temps en compagnie à faire les choses vaines que la société occidentale de notre temps et ses diaboliques médias nous poussent à faire, comme boire un verre en terrasse, voyager à l’étranger voir comment les autres ils vivent, jouer de la musique comme celle que vous entendez à la radio ou aux concerts, devenir le nouveau Michel Houellebecq ou aller vous (faire) défoncer la gueule en boite de nuit. Avec l’âge, vous gagnerez peut-être assez d’argent pour acheter un camping-car et aller trainer de partout comme les gens du voyage que vous méprisez d’habitude. Il n’y a rien de plus agréable que les loisirs.
Argument numéro 4 : se connaitre soi-même ne protège pas de la pauvreté. Au contraire même. Les collégiens reconnus comme pas assez doués par leurs professeurs pour grimper les classes générales sont généralement expédiés ad patres vers les voies socialement répudiées des diplômes professionnels, et s’ils sont assez intelligents, ils finiront, non seulement par gagner pas mal d’argent, mais en plus par exercer des métiers plus utiles que celles des nombreux cadres et agents de maîtrise répétiteurs de banalités qu’on trouve dans les grosses boîtes. Les agriculteurs, les maçons, les électriciens, les plombiers, les mécaniciens, les éboueurs, les balayeurs, autant de techniciens qui ne sont pas des techniciens en surface comme les aboyeurs de service des plateformes téléphoniques, les psychologues ou les experts en ressources humaines. Pour cela, ils auront été exemptés de philosophie dans les dernières années de scolarité. Force est de constater qu’ils ne s’en portent pas plus mal. Et ils se connaissent certainement mieux que les autres, parce qu’ils vont jouer ensemble à la pétanque ou aux cartes les dimanches (j’écris volontiers cette phrase pour que les bobos moralisateurs me tombent dessus).
Argument numéro 5 : vous avez vu « La Vie est belle » de Frank Capra ? Celui où George Bailey se moque tellement de lui-même et voit dans la survie de sa banque le moyen de pérenniser un outil au service des autres plutôt que d’une institution qui assure sa propre survie au point qu’il s’effondre et va jusqu’à la limite du sacrifice égoïste quand il se rend compte que sa famille est ruinée ? Non, vous ne l’avez pas vu ? (c’est bien dommage parce que c’est au moment où il s’intéresse enfin à son propre sort que le personnage interprété par James Stewart se rend compte de la misère de sa condition et décide, enfin !, de lâcher prise) Alors on va parler de « L’Extravagant Mr. Deeds » à la place. C’est celui où Longfellow Deeds reçoit un héritage important d’un oncle lointain et voit nombre de gens qui se connaissent eux-mêmes à travers l’argent venir soudainement s’intéresser à lui en tant que personne, et où il leur fait un gros bras d’honneur en donnant sa fortune aux pauvres, entrainant un procès où on l’accuse d’être fou et irresponsable. Entre temps, il rencontre quelqu’un à qui il donne le merveilleux don de sa joie de vivre, de son charme et de son intérêt pour les autres et pour les mots et qui semble le lui rendre mais qui n’est en fait pas différente de la méchante sorcière du « Magicien d’Oz », en tout cas jusqu’à ce qu’elle prenne conscience de son erreur et se métamorphose en soutien pour lui. L’amour véritable finit toujours par vous trouver à la fin. Que vous soyez plus ou moins intelligent n’y change rien. Chacun voit midi à sa porte, et ce qui était vrai à l’époque de Frank Capra l’est autant en cette époque de « Brice 3 ». Comme me le disait un être cher il y a moins de deux ans, tu rencontreras des gens qui seront plus qu’imparfaits, qui seront de véritables idiots voire d’authentiques salopards, qui toute leur vie n’aspireront à rien, et il leur suffira d’une journée où ils auront été « formidables » pour se trouver un job parfait ou un(e) compagnon (compagne) pour la vie (ou mieux, pour chaque jour), et ils élèveront leurs enfants en faisant de multiples erreurs qui ne les rendront pas pour autant plus idiots qu’eux, puisqu’ils sont déjà au bas de l’échelle. Tous les efforts que tu feras chaque jour pour être « meilleur » que la veille ne sont en fin de compte d’aucune utilité. Quel intérêt à vouloir apprendre de soi-même quand l’évidence est que d’autres sont parfaitement heureux sans être capables d’une remise en question, d’une curiosité soutenue ou de la moindre bienveillance ? Répondez pas tous en même temps. La jalousie est un droit élémentaire.
En un mot, et puisque c’est le but de toutes les démarches d’introspection philosophique, psychanalytique, et de toutes les choses qui finissent en « -ique » : vous voulez vivre heureux ? Connaissez les autres. Erigez la naïveté en principe. Faites confiance à tout le monde, à absolument tout le monde. Si jamais quelqu’un vous déçoit ou que quelque chose se passe mal, il faudra juste souffrir un peu, ce n’est pas grave, rien ne presse. Après l’hiver, le printemps. Et l’hiver n’est-il pas merveilleux avec ses flocons de neige ?
Je vous souhaite d’avoir de merveilleux souvenirs de vous-mêmes.
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