Cons comme la lune
Les Américains sont-ils allé sur la lune ? Beaucoup de gens vous répondront "non", certains sondages, dont j'ignore la réelle fiabilité, montreraient même que c'est la majorité dans certains pays.
Je ne suis pas un ami de M. Reichstadt, je ne commence pas une carrière de débunkeur. Aussi, je ne mets pas toutes les théories "alternatives" à ce qu'on appellera une "théorie officielle" dans le même sac. Ce qui fonctionne dans les deux sens : on peut constater l’émergence assez récente d'une catégorie de personnes prêtes à croire tout et n'importe quoi dès lors qu'on les assure que ça contredit une "théorie officielle". Ceux-là sont évidemment les idiots utiles de nos amis "débunkeurs", et je suspecte très fortement qu'ils sont encouragés dans cette attitude par ceux-là même qu'ils croient combattre.
Les enjeux autour de la question d'Apollo 11 ne sont en eux-mêmes pas gigantesques. On peut constater qu'il s'agit surtout d'un business, comme souvent, il s'agit pour quelques individus de vendre du papier, à la rubrique divertissement. Cependant, du fait de leur succès, l'étude de ces théories, est intéressante sur le plan sociologique. On retrouve des grands classiques comportementaux : la question de la lune n'a aucune importance, ce qui est important, c'est de se définir dans un groupe antagoniste à un autre : "dissidents" contre "officiels". Dès lors, la question n'est plus une question technique et historique, c'est une question identitaire qui entraîne des réactions grégaires. Première victime du phénomène : l'esprit critique. La réflexion est remplacée, "compensée" par l'hystérie, la posture. Le piètre niveau de culture scientifique et technique du grand public fait le reste.
Comme disait je-ne-sais-plus-qui, "le miracle de la providence fait que la Sainte Vierge n’apparaît qu'à ceux qui sont susceptibles d'y croire". L'immense majorité de ceux qui prennent connaissance des "théories alternatives" lunaires ne le font que pour renforcer une croyance préexistante. Et d'ailleurs, ils "n'étudient" la question qu'au travers de ces récits alternatifs. C'est une caractéristique importante : contrairement à d'autres sujets, les "théories lunaires alternatives" ne sont pas une critique d'une "version officielle", c'est un système qui fonctionne en vase clos et qui a une très nette tendance, au contraire, à dissimuler la "version officielle".
Avant de poursuivre, quelques clarifications. Premièrement, l'article ne vise pas à vous dire, "oui, les Américains sont allé sur la lune", mais simplement a montrer que les arguments qui veulent appuyer la réponse négative sont irrecevables. Vous pourrez vous convaincre en consultant mes articles précédents que je ne suis ni un ami des Américains, ni un "chasseur de conspis" ou que sais-je. Je publie cet article à la demande de mon camarade agoranaute Gégène qui me l'a aimablement proposé. Pour la suite, je me baserai principalement sur un article disponible sur le site "Réseau International", intitulé "Apollo et l'empire du mensonge". Je ferai aussi quelques références à une interminable vidéo produite par un Italien, qui connaît un très grand succès. Objectivement, l'article de RI est un bon résumé de ce qu'on retrouve partout ailleurs, il est représentatif des "récits lunaires alternatifs".
Je l'évoquais plus haut, une caractéristique de ces récits, c'est qu'ils ne mentionnent jamais la chronologie ni la structure du programme lunaire américain, qui dépasse le simple cadre du programme Apollo. L'article de RI n'est pas une étude structurée, mais un amas hétéroclite d'affirmations et d'informations de sources diverses. Cela renvoie, comme chez notre ami italien, l'impression que toute cette histoire d'Apollo est une risible mystification bricolée à la va-vite. Que rien de sérieux ne s'est produit entre 1961 et 1969, sauf des accidents. Et soudain, les Américains débarquent sur la lune. Dans l'article, l'auteur suggère que ce n'était qu'une diversion pour détourner l'attention sur la situation au Vietnam, citant l'ouvrage d'un "chercheur".
C'est la technique sur laquelle repose tout l'édifice de ces théories alternatives, et c'est pour ça que je disais qu'elles ne sont pas une réfutation d'une théorie officielle, mais sa dissimulation. En effet, si on prend la peine -et le temps- de faire quelques recherches, on s’apercevra de deux choses : tout ce qui constitue la mission Apollo 11 a été testé morceau par morceau, étape par étape, système par système pendant une décennie, et tout cela est documenté par des milliers d'heures de vidéo, des centaines de milliers de documents écrits ou photographiques. C'est un véritable continent d'archives qui est disponible. Il faut comprendre que le programme Apollo a été mené dans la lignée des programmes Mercury, Gemini et Surveyor. Il s'agit de dizaines de missions, de dizaines de fusées tirées, où chaque sous-système qui fera la mission Apollo 11 a été testé. D'autre part, il y a eu les dix missions Apollo avant l'alunissage, qui suivent exactement la même logique de test des composants un par un.
Par exemple, vous trouverez sur cette chaîne des centaines d'heures de rapports d'avancement des programmes des fusées Saturn I puis Saturn V, sous la direction de Werner von Braun, où l'on voit les nombreux problèmes techniques et industriels rencontrés, et la manière dont ils sont résolus. Je reviendrai sur ces questions plus loin, car elles sont en réalité au cœur de l'affaire.
J'insiste sur cet aspect de dissimulation. Par exemple, j'ai cru comprendre qu'une rumeur circulait, dont j'ignore l'origine, prétendant que les plans du LEM auraient été perdus. Je suis tombé de ma chaise en lisant ça. Si vous prenez la peine de chercher, vous trouverez sans difficulté une masse considérable de documentation, voyez ici par exemple, vous saurez tout sur l'ordinateur de guidage du LEM et son programme informatique, sur le matériel de transmission des signaux, et beaucoup d'autres choses encore. Et vous trouverez des piles de documents sur tous les sous-systèmes, du LEM, du module de commande, de la Saturn V et ses moteurs etc., etc., etc. D'autre part, il existe de nombreux exemplaires de ces matériels exposés dans des collections publiques ou privées, il s'agit généralement du matériel qui a servi à faire les tests au sol ou des pièces de rechange prévues et jamais utilisées. Sur le site précédemment cité, vous pourrez suivre le processus de restauration d'une partie de ces matériels, avec quantité de détails et d'explications.
Image : Ken Shirriff (https://www.righto.com/search?q=Apollo) Le transpodeur voix, vidéo et télémétrie.
Image : Ken Shirriff, un des ordinateurs de guidage.
Donc, quittez définitivement l'idée que cette affaire relève d'un bricolage merdique en carton-pâte. Coltinez-vous la série des rapports d'avancement, et voyez les infrastructures de production, de test et de lancement. Si c'est du trucage, il faudra à minima admettre que c'est du trucage à gros, très gros budget. Et quand on a des compétences en ingénierie, on comprend en plus que tout ceci est rudement bien pensé, et que c'en serait bien dommage qu'ils n'aient pas essayé pour de vrai. Mais même sans connaissances techniques, nous verrons plus loin que la seule logique (avec l'honnêteté intellectuelle) permet à un profane de se faire une idée de la véracité de la chose.
Pour clore ce chapitre sur la dissimulation dans les théories alternatives, un dernier mot sur notre ami italien, dans un registre similaire, mais sur un sujet différent. À un moment de la vidéo, il nous dit, droit dans les yeux, "il n'y a aucune explication à la démission de James Webb". On est exactement dans le même cas de figure, si dans sa bouche "il n'y a aucune explication" et que ça semble flagrant pour l'auditeur, c'est tout simplement parce qu'il a omis de donner les éléments qui permettent de comprendre la chose. En l'occurrence, je ne vais pas rentrer dans le détail parce que c'est fastidieux, mais Webb, qui était un homme politique, très impliqué dans le parti démocrate, a démissionné suite à l'annonce du président Johnson qu'il ne se représenterai pas aux elections suivantes, signant l'aveux d'échec de son administration (Vietnam), tandis que les républicains étaient donné gagnant sans suspens.
L'auteur de l'article, après toutes sortes de commentaires sans réel rapport direct avec la question -autre technique de "noyage" de poisson- rentre enfin dans la critique. Il écrit :
Certains se grattaient même la tête : les astronautes n’avaient-ils rien de mieux à faire sur la lune que de planter le drapeau américain et ramasser des cailloux [...] pourquoi n’avaient-ils pas apporté plutôt un télescope pour observer les étoiles, par exemple ?
Il dit explicitement que la portée scientifique du programme n'a pas dépassé le ramassage de cailloux. Si certains se grattent la tête, d'autres se sont apparemment gratté le c*l pendant leurs recherches, parce que si notre cher auteur avait pris la peine ne serait-ce que de consulter la page wikipédia de la mission, il aurait appris que ce qu'il dit est faux. Il suffit de rechercher au mot-clef "ALSEP" pour constater que c'est totalement faux. Même si vous voulez appeler ça "la version officielle", elle précise bien les différentes missions scientifiques prévues par le programme Apollo :
L’Apollo Lunar Surface Experiments Package (ALSEP) est un ensemble d'instruments scientifiques installé par les astronautes des six missions du programme Apollo à la surface de la Lune entre 1969 et 1972. La mission Apollo 11 installe une version simplifiée de l'ALSEP : l’Early Apollo Scientific Experiments Package (EASEP).
Ces instruments permettent d'étudier, jusqu'à leur arrêt en 1977, plusieurs caractéristiques de l'atmosphère, du sol et du sous-sol lunaires : sismicité, vent solaire, température, composition de l'atmosphère, champ magnétique, etc.
NB : oui, il y a bien une atmosphère lunaire, mais sa densité est extrêmement faible.
L'auteur poursuit et s'enfonce. Vieille tarte à la crème du sujet, il ne comprend pas pourquoi les astronautes déclarent qu'ils n'ont pas vu d'étoiles, chose fréquemment citée aussi concernant les photos. Le ciel est noir, mais on ne voit pas d'étoiles. Et pour cause. La lune est un très mauvais endroit pour observer les étoiles. C'est de la science de niveau collège. Il faut rappeler à notre auteur que sur terre, les étoiles ne vont pas se coucher quand le jour se lève. Simplement, on ne les voit qu'en fonction de la luminosité ambiante. Un simple clair de lune, la nuit, en dissimule la plus grande partie. En ville, la pollution lumineuse les a fait disparaître de notre quotidien. Sur la lune, quand le soleil n'éclaire pas la surface, la terre lui sert de réflecteur, comme une gigantesque lune. Donc non, au grand étonnement de notre auteur pourfendeur de version officielle, on ne voit que très rarement des étoiles dans le ciel de la lune, du fait de la luminosité ambiante.
L'auteur rajoute quelques propos hors sujet et décrit des photos en parlant de module en "papier mâché". Technique classique aussi, le ricanement, des propos de dénigrement gratuit, sans aucun argument.
Il s'étonne ensuite :
Cinquante ans après, on continue de se gratter la tête, et de plus en plus énergiquement. Pourquoi l’exploit n’a-t-il jamais été reproduit ? Imaginez ce qu’auraient pensé les gens en 1977 si, depuis Charles Lindbergh en 1927, aucun avion n’avait jamais plus traversé l’Atlantique
La réponse est un tout petit poil subtile, je la développerais plus loin, mais disons dans un premier temps que ça ne présentait aucun intérêt et que c'est très cher. Les Américains l'ont fait, parce qu'ils en avaient les moyens, et qu'ils voulaient laver les affronts de sputnik et de Gagarine avec une première spectaculaire. Nous y reviendrons en détail à la fin. Selon la "version officielle", les vols ont été arrêtés pour deux raisons : plus aucun intérêt scientifique et extrêmement coûteux.
On appréciera la perspicacité de l'auteur qui compare la traversée de l'Atlantique en avion avec le voyage sur la lune. Je signale au passage que les Chinois ont très récemment annoncé un programme lunaire, concurrent du nouveau programme américain (il s'agit en fait dans les deux cas de programmes internationaux, sous direction de l'un et l'autre pays).
Autre tarte à la crème, l'auteur poursuit avec une coupure de presse qui annonce des difficultés à fabriquer les nouvelles combinaisons lunaires prévues pour le nouveau projet américain. C'est un grand classique, et une question légitime "pourquoi on n'arrive plus à faire ce qu'on faisait il y a 50 ans ?". La question est légitime, mais la réponse n'a rien de spécifique au domaine spatial. Après un siècle d'expérience dans le coulage d'hélices de bateau en bronze, 60 ans après les porte-avions Foch et Clemenceau, on n'a pas été capable de fabriquer correctement les hélices du Charles de Gaulle. Pourtant, le coulage de bronze, et même de grosse pièce est une technologie maîtrisée depuis... l'antiquité. Je passe sur les projets de construction de centrales nucléaires en France, où durant les années 70, on terminait un réacteur en 5 ans avec 15 chantiers en parallèle, et l'état des chantiers EPR, dont le retard est de 3 à 5 fois la durée de chantier planifiée... Les exemples sont légion, et oui, il s'agit bien d'un effet de la crétinisation des masses, dont je redoute une manifestation dans les commentaires sous cet article, au passage.
On passe désormais au plat de résistance. Les ceintures de Van Allen et les radiations dans l'espace au-delà de la ceinture. Sujet qui n'a pas bien sûr échappé à notre ami italien, qui en parle avec des termes qui satisferaient la plus exigeante des esthéticiennes. L'auteur écrit :
Il existe des centaines de documents émanant d’ingénieurs de la NASA expliquant pourquoi les déplacements au-delà de l’orbite terrestre basse restent impossibles pour les missions habitées.
Et il a tout à fait raison. Avec une nuance cependant, ces documents, dont celui qu'il met en source, parlent de voyage vers mars, et pas vers la lune. La différence ? Une poignée de jours aller-retour pour la lune, et 2 ans aller-simple pour mars. À ce stade, soit c'est un débile profond, soit il se fout de la gueule de ses lecteurs, puisqu'il est censé avoir lu les sources quil cite. Expliquons la problématique des radiations.
Premièrement, la nocivité des radiations pour un humain est le produit de leur intensité avec la durée d'exposition, vous comprendrez donc que la NASA n'est pas schizophrène, et que la nuance que je citais plus haut est en réalité le cœur du problème.
Ensuite, il faut savoir ceci : la part significative des radiations dans les ceintures et au-delà provient du soleil, sous forme de particules. L'activité solaire n'est pas stable, il y a un "vent solaire" permanent, mais parfois, on assiste à des "tempêtes solaires" qui font considérablement augmenter l'intensité des radiations. L'intensité des radiations à l'intérieur des ceintures n'est pas la même partout, il y a des zones de plus forte concentration de particules. Hors d'une activité solaire exceptionnelle, le danger de traverser les ceintures dépend directement du temps passé et des zones traversées.
Finalement, il faut comprendre que ce type de radiation (particules élémentaires) peut être atténué avec des blindages légers et des matériaux spécifiques. On peut donc gagner quelques dizaines de pourcents en moins en ajoutant des blindages, en sélectionnant certains alliages et matériaux, et en optimisant la disposition des humains dans le vaisseau par rapport au matériel embarqué (le matériel sert de bouclier).
La "version officielle" nous informe que tous ces points ont été considérés dans la conception des modules et dans les trajectoires de traversée des ceintures. D'autre part, la durée de la traversée n'a pas excédé 53 minutes. Quand on calcule la dose de radiation reçue par les astronautes, même sans prendre en compte les blindages, elle est, au pire, 5 fois inférieur au seuil de danger (11 mSv au pire, 2 mSv au mieux, 6 mSv en moyenne, le seuil de nocivité est à 50 mSv). Concrètement, les appareils de mesure à bord des capsules ont, selon la "version officielle", enregistré des doses très faibles.
Il est donc tout à fait possible de traverser les ceintures de Van Allen. De même, on peut séjourner en dehors pendant un certain temps, qui dépend de l'intensité de l'activité solaire, facilement 15 jours. On connaît les données historiques, y compris via les Soviétiques, il n'y a jamais eu d'activité solaire intense durant les missions Apollo. Vous pouvez donc immédiatement jeter à la poubelle tout cet "argumentaire" bidon que nous ressert malhonnêtement l'auteur de l'article RI.
Remarquons ceci cependant : dès avant les missions Apollo, la NASA (comme le reste du monde scientifique) avait cherché à savoir si les tempêtes solaires étaient prévisibles ou non. La réponse est non, et ils le savaient. Si par malheur, une tempête solaire était survenue au mauvais moment durant une mission sur la lune, il est probable que les astronautes auraient pu revenir sur terre, mais seraient possiblement morts quelques semaines plus tard du fait de leurs lésions. Je parle du pire des cas possibles, c'est-à-dire une tempête solaire violente, qui se déclenche à un moment où le retour sur terre prend le plus de temps, et persiste lorsque les astronautes doivent traverser les ceintures dans le sens du retour. L'affaire était donc risquée, mais le risque était tout de même limité. En août 1972, un événement solaire intense a eu lieu, il n'y avait pas de mission alors. Dans le cas contraire, les conséquences auraient été graves.
Remarquons encore ceci, Elon Musk et ses fariboles, concernant mars se fout de la gueule du monde (en fait, il manipule les marchés financiers, mais c'est une autre affaire). Dans l'état actuel de la technique, il n'est pas possible de faire deux ans de voyage dans l'espace sans atteindre des seuils d'exposition aux radiations inacceptables. Non seulement, vous subiriez le rayonnement ambiant durant une longue période, mais pire encore, les chances de rencontrer une tempête solaire ne seront que plus grandes. Sauf à trouver un nouveau matériau de blindage hyper-efficace en restant léger, ou une autre technique aujourd'hui inconnue ou non maîtrisée.
Notons donc que notre auteur de RI trompe ses lecteurs en citant des sources authentiques, mais en occultant le contexte. C'est une forme de mensonge par omission, telle que celles décrites plus haut. Il poursuit avec toute une panoplie de citations tronquées et sources marécageuses, tandis que jusqu'à présent, il n'a strictement rien dit qui soit pertinent ou simplement exact. Typiquement, la NASA est tellement conne qu'au lieu de recruter des acteurs, elle recrute de vrais candidats astronautes, et plutôt que de les congédier sous un prétexte quelconque, "parce qu'ils parlent trop", elle préfère les assassiner avec toutes sorties de combines. Le limogeage avec un simple bilan médical truqué aurait été infiniment plus économique, mais dans ce genre d'exercice littéraire, l'explication la plus tordue est toujours la meilleure, c'est ce que le lectorat réclame.
L'auteur utilise toujours la même technique de dissimulation, cette fois concernant les interviews et déclarations des astronautes. À savoir qu'on n'aurait pas de détails, qu'ils se sont tous terrés dans le silence, comme terrorisés, etc. Même technique, même remède, il y a des dizaines d'heures d'interview disponibles, il suffit de chercher un peu. Certes, Armstrong n'a jamais fait de zèle, mais son collègue Aldrin a largement compensé la chose, tout comme Collins. Aldrin était sur les listes des agences de conférence pendant des décennies, il a fait des centaines de discours dans des séminaires d'entreprise et autres événements, j'ai des anciens collègues qui y ont assisté, en France...
Continuons : l'affaire de la fausse pierre lunaire du musée hollandais. Gros titre dans l'article, avec deux liens différents vers la même histoire. En fait pas vraiment la même histoire, ici encore, notre investigateur n'a pas fait beaucoup de travail d'investigation. Chose frappante en recherchant sur cette affaire, dans une version, les membres de l'équipage Apollo offrent une roche lunaire au Premier ministre Hollandais. Dans un autre article, c'est l'ambassadeur des E-U qui fait le cadeau. Finalement, la presse suisse nous informe de la bonne version des faits : c'est lorsqu'un spécialiste de ces questions a constaté que jamais les Américains n'avaient offerts de pierre lunaire au Premier ministre en question que l'enquête a été ouverte. Si vous savez lire le français et que vous avez quelques neurones en état de marche, vous pourrez conclure que les Américains n'ont strictement rien à voir dans cette histoire, et qu'elle n'a donc aucun rapport de près ou de loin avec Apollo. Encore du remplissage hors-sujet.
Je passe rapidement sur l'affaire de l'appareil photo et les pellicules des missions Apollo, également abondamment commenté par notre Italien, qui a même convoqué un photographe pour l'occasion. Comme pour le reste, tout est faux ou grossièrement mal interprété. D'abord, la "version officielle" dit explicitement que le film de l'appareil n'était pas un film standard, sans pour autant avoir été produit spécifiquement pour la mission. Ensuite, non, les rayons X d'un appareil de radiographie, bien qu'on puisse les appeler "radiations", n'ont absolument pas le même effet sur une pellicule photographique que les radiations spatiales. Passons, il s'agit de détails sans importance.
Nouvelle tarte à la crème, celle des photographies et de leur aspect bizarre. Je vous avais dit plus haut que même sans connaissance technique, on peut répondre à certaines questions avec une démarche logique, c'est le cas ici aussi, mais je vais faire durer le suspens et donner d'abord l'explication technique. Pourquoi le ciel est bleu sur terre ? C'est l'effet de l'atmosphère et de tout ce qui s'y trouve, plus spécifiquement, c'est un effet provoqué par la diffusion (dite "Rayleigh") de la lumière solaire. Quand bien même le soleil est une source quasi-ponctuelle, la lumière que nous recevons est diffusée dans toutes les directions. Si vous avez fait de l'optique ou pratiqué la photographie, vous connaissez les filtres polarisants, qui permettent de supprimer des reflets de lumière ou de voir en transparence à travers l'eau. Ils ont justement pour effet de supprimer une partie de cette diffusion. Sur la lune, pas d'atmosphère dense, pas de diffusion de la lumière, le soleil éclaire donc comme un projecteur directionnel. Vous pouvez faire l'expérience chez vous, avec une LED de puissance dépourvue de diffuseur. C'est très désagréable, et totalement inefficace comme moyen d'éclairage, car les objets projettent des ombres très sombres tandis que les surfaces exposées sont aveuglantes. En gros, soit vous ne voyez rien, soit vous êtes aveuglé. Sur la lune, c'est pareil, en pire, et compliqué par le fait que la terre agit comme une super-lune, un réflecteur géant, vous pouvez donc avoir deux sources de lumière relativement intense dans des directions différentes, ponctuelle pour le soleil, la plus intense, et un poil plus diffuse pour la terre. Le caractère directionnel de la lumière fait qu'un bord de cratère assez haut ou un monticule quelconque peut très facilement agir comme un réflecteur. Je vous le dis comme je le pense, toutes les déblatérassions et commentaires sur les photos sont de l'enc*lage de mouche, dans des conditions comme ça. Et je vous l'ai promis, il n'y a même pas besoin de l'explication technique pour le comprendre.
Dieu merci, nous approchons de la fin de l'article, des deux articles, le mien et celui de RI. Pour finir en beauté, je vais citer un paragraphe entier de notre ami "alternatiste" :
Il existe de nombreux invraisemblances techniques dans les missions Apollo, comme les capacités ridicules des ordinateurs embarqués, ou celles des batteries installées sur les modules lunaires (documentée par la NASA), insuffisantes pour la transmission d’un signal vidéo jusqu’à la terre (ce point est bien expliqué dans cette vidéo du photographe et ingénieur en radiofréquence américain Joe Frantz).
Les ordinateurs pas assez puissants, argument bidon typique qui mise sur l'ignorance du grand public, je ne vais pas élaborer sur le sujet, il sera réglé comme les autres dans la conclusion. Une petite perle d'escroquerie dans la suite tout de même : admirez le double sens de la formulation de la phrase "les capacités ridicules [...] des batteries installées sur les modules lunaires (documentés par la NASA)". La NASA a-t-elle documenté "les capacités ridicules des batteries" ? Évidemment, non, encore une fois, ils ne sont pas schizophrènes. Il faut interpréter la phrase comme ceci : "le circuit électrique est parfaitement bien documenté par la NASA", c'est la seule chose qui ressort du lien que notre auteur met en source. Le caractère "ridicule" de la capacité des batteries n'est l'œuvre que de M. Joe Frantz, dont le titre d'ingénieur est absent de sa page Wikipédia. Il est seulement connu pour être le réalisateur de plusieurs œuvres audio-visuelles de haute volée, telle la série des "Jackass". On peut difficilement faire mieux en matière de crédibilité scientifique, pour parler doctement de ce qui est le domaine le plus pointu de l'électronique et de la physique. Un mot technique tout de même, la problématique de transmission de signal sur de longues distances est très simple à résoudre : si votre émetteur n'est pas puissant, vous devez avoir un très gros récepteur. Comparé à d'autres missions spatiales, soviétiques, américaines ou européennes, la lune, c'est de la rigolade. Et pour mémoire, les communications des programmes Apollo étaient assurées par trois antennes paraboliques, en Californie, en Espagne, et en Australie, pour avoir toujours une antenne pointée vers la lune. Ces antennes existent encore, elles font 64 mètres de diamètre. C'est le merveilleux secret que notre ami "ingénieur en radiofréquence" semble ne pas bien comprendre...
L'expert ingénieur de l'article sur "l'empire du mensonge" est un producteur de "Jackass", tout est dit.
Dernière arnaque de l'article, après avoir caressé le lectorat pro-russe du site dans le sens du poil, la une d'un article sur Internet proclamant : "La Russie dit qu'elle vérifiera si l'alunissage américain a vraiment eu lieu". Là encore, il suffit de consulter la source pour constater qu'il s'agit d'un misérable titre "putaclique" qui ne correspond pas au contenu. En fait de "Russie", c'est un obscur fonctionnaire russe, en dehors de tout mandat, fonction ou cadre officiel dont on rapporte les propos. Imaginez si chaque fois que Sandrine Rousseau nous sort une nouvelle ânerie, la presse internationale titrait : "La France déclare que...". Non, jamais une autorité compétente russe n'a déclaré officiellement quoi que ce soit dans ce sens. Et vous ne trouverez aucun journal russe sérieux qui diffusera de tels propos, c'est même le contraire, il y a beaucoup d'articles qui déplorent le succès de ces "théories alternatives". Voyez ici un article russe très intéressant sur le sujet, qui fait l'historique de la rumeur. À l'époque non plus, les Soviétiques n'ont jamais contesté la chose, ce que notre ami italien évacue en quelques secondes. Nous reparlerons plus loin de la réaction de la presse soviétique.
Kommersant - "C'était plus facile à faire qu'à truquer", à propos de l'Histoire du programme Apollo.
Je l'ai écrit à plusieurs reprises et plusieurs propos, avec une logique simple, on peut contre vérifier un grand nombre d'éléments du récit. Essentiellement par comparaison avec le programme spatial soviétique. Reste une position "ultra-complotiste" qui pourra toujours nier la pertinence de l'argumentaire en niant catégoriquement toute la conquête spatiale, russe et américaine, mais je ne pense pas que cette opinion soit très répandue.
Il faut savoir ceci : les Soviétiques ont envoyé des modules, ces modules se sont guidés avec précision jusqu'à l'orbite lunaire, ont fait descendre un sous-module ou sont descendus en douceur à la surface de la lune, à un endroit exactement prédéterminé. Certains modules ont récupéré des échantillons, ont décollé de la surface de la lune, ont refait le chemin vers la terre, et ont été récupérés avec leur précieuse cargaison intacte. D'autres modules sont restés sur la surface, étaient télécommandés depuis la terre grâce à des caméras (jusqu'à 5 en même temps !) qui transmettaient en direct, en plus de toute sorte de données issues des appareils scientifiques embarqués. Les photos prises par ces robots, comme les plus récentes prises par les modules chinois, ont exactement le même aspect "bizarre", inhabituel, que les images américaines.
Donc tout le pseudo-argumentaire consistant à dire "les ordinateurs n'étaient pas assez puissants", "on ne peut pas transmettre des signaux télé", etc., etc., etc., et bien les Soviétiques l'on fait. Que vous transportiez un module robotique ou une capsule avec des bonshommes à bord, les problèmes techniques à résoudre sont strictement les mêmes. Et le problème de faire une capsule "habitable" est le même qu'elle soit occupée par Gagarine ou par Armstrong. Même en orbite basse, dès lors que vous êtes dans l'espace, il fait 100 °C côté soleil et -100°C à l'ombre. Que vous sortiez avec une combinaison en orbite ou sur la lune, le problème technique est le même. La lune ne change rien là-dedans. Les conditions sont similaires, à l'exception du niveau des radiations. J'ai montré que celui-ci est acceptable pour des humains (sauf tempête solaire) compte tenu des durées de mission, et l'électronique soviétique a été autant que l'américaine soumise à ces radiations. Plus soumise en réalité, puisque les "rovers" soviétiques ont opéré pendant des mois.
En résumé, quand on décompose fonctionnellement la mission Apollo, il n'y a qu'un seul élément qui a empêché les Soviétiques de battre les Américains, il n'y a qu'un seul dispositif technique que les Américains ont développé qui a rendu possible des missions habitées sur la lune : la fusée Saturn V, c'est-à-dire une fusée hyper-lourde. La différence entre une mission habitée et une mission robotique, c'est la masse nécessaire à emporter. Le problème étant que dans le cas d'un module habité, vous devrez nécessairement faire revenir une grosse partie du matériel, sauf à faire des "missions suicides", il faut faire revenir les bonshommes et donc tout ce qui leur permet de vivre. Ça demande notamment d'emporter énormément de carburant. Dans le cas des missions soviétiques avec retour, il faut savoir ceci : ils ont ramené 100 grammes d'échantillon. J'ai bien écrit "grammes".
L'ultime question, c'est donc de savoir pourquoi il n'y a pas eu de fusée hyper-lourde soviétique. À vrai dire, ils ont essayé, mais ce qui a fait la différence n'est pas un problème de technologie, de compétence, de savoir-faire ou de niveau scientifique. C'est un pur problème de moyens. Quel que soit le domaine d'ailleurs, jamais les Soviétiques n'ont disposé des mêmes moyens que les Américains. C'est tout à leur honneur d'avoir réussi pendant très longtemps à leur tenir tête, chose qui recommence aujourd'hui avec la Russie. Les Soviétiques ont toujours dû faire des choix, développer une filière aux dépens d'une autre. Par exemple, la marine de surface soviétique a toujours été une blague, à côté de l'US Navy. C'est la flotte de sous-marins qui a bénéficié de tout l'effort. Ce n'était pas une volonté, mais une nécessité, il n'y avait pas de moyens pour les deux.
Qu'est-ce qui a donné tant d'assurance à Kennedy lorsqu'il a annoncé que les Américains iraient sur la lune avant la fin de la décennie, tandis que les Soviétiques semblaient en avance dans le domaine spatial ? Je suis intimement convaincu, à défaut d'avoir les moyens matériels de prouver la chose, que les Américains se sont basés sur deux éléments.
D'une part, ils disposaient de Werner Von Braun et de son équipe "historique", on a tendance à oublier qu'il a émigré aux E-U avec environ 130 de ses meilleurs collaborateurs. L’électrochoc produit par sputnik avait balayé les réticences américaines à le promouvoir, compte tenu de son passé embarrassant. Il faut comprendre que c'était le meilleur spécialiste mondial, qui a commencé à travailler 10 ans avant tout le monde, dès le milieu des années 30, qui a disposé de moyens considérables, humains et matériels pendant la guerre, qui lui ont permis de quasiment tout inventer -avec son équipe- dans le domaine des fusées.
Dès cette époque, il est clair que la problématique d'aller sur la lune avait déjà été réduite au développement d'une fusée hyper-lourde. Von Braun a très certainement dit deux choses aux Américains : "je peux le faire", et "ça va coûter très cher". De là, les Américains ont pu déduire "les Soviétiques n'auront pas les moyens de nous suivre". C'est comme ça que j'explique l'assurance de Kennedy.
Une chose fondamentale à comprendre : déjà à l'époque, envoyer des hommes sur la lune ne servait strictement à rien, sauf à faire du spectacle. On pourrait naïvement croire qu'en-dehors des missions lunaires habitées, une fusée hyper-lourde serait utile et serait un avantage dans un domaine quelconque, mais ce n'est pas le cas. Ça le devient plus ou moins aujourd'hui, et encore, c'est contestable, mais à l'époque, c'est une pure perte. Il n'y avait aucun débouché commercial, militaire ou scientifique à développer une telle fusée, contrairement aux fusées Proton soviétiques ou Saturn I américaines. Même si quelques éléments développés spécifiquement pour Apollo ont été très utiles pour des projets ultérieurs dont la pertinence était réelle, le programme lunaire reste une pure dépense de luxe, destinée à faire du spectacle, une première spectaculaire, comme je l'écrivais plus haut, pour laver le double affront de sputnik et de Gagarine (et bien d'autres en fait, mais sans le même retentissement). C'était aussi un moyen déguisé de subventionner par l'état les entreprises de technologie américaine, chose censée être contraire aux principes "sacrés" du capitalisme, qui est la religion d'état aux E-U.
Les Soviétiques étant des gens fiers et susceptibles, ils ont malgré tout tenté de miser à quitte ou double. Dans son aspect général, comme c'est souvent le cas dans ces domaines, le projet lunaire habité soviétique était très similaire au projet américain. Et comme je l'écrivais plus haut, le seul problème nouveau était celui de la fusée. Ils vont construire et tester sans succès la fusée N1, qui leur explosera à la figure trois fois de suite, avant que tout espoir de devancer les Américains soit abandonné.
La fusée N1 soviétique
Les facteurs qui expliquent cet échec sont économiques. Les choix techniques, surtout pour les moteurs, ont été faits dans l'optique d'être pérennes, contrairement aux Américains qui savaient qu'il s'agissait de dépenses "somptuaires". Plutôt que de développer un énorme moteur pour le premier étage de leur fusée, tel le F-1 américain, inutilisable sur des fusées normales, "rentables", les Soviétiques choisirent la solution de moteurs petits et nombreux, 30 pour le premier étage, utilisables sur des fusées conventionnelles. 60 ans plus tard, c'est la solution tentée par SpaceX avec sa fusée "StarShip", avec pour l'instant le même succès. C'est une complication majeure du point de vue technique, qui n'a d'avantages que sur le plan économique, non seulement avec la capacité de réutilisation sur d'autres modèles, mais aussi en ne nécessitant pas d'investissements majeurs pour les lignes de production, on reste à la même échelle que la production courante.
D'autre part, contrairement au programme américain qui a pu mener de nombreux tests destructifs, des moteurs, des réservoirs et des fusées toutes entières, jusqu'à pouvoir garantir un haut niveau de fiabilité, la maigreur du budget soviétique les obligeaient, à peu de chose près, à réussir du premier coup. Finalement, à l'annonce du succès de la mission Apollo 11, la presse soviétique parlera de gâchis et du caractère inutile et non-scientifique, et même non-éthique, pour avoir risqué la vie des astronautes, de la présence humaine sur la lune.
Si d'aventure, j'avais converti quelqu'un par cet article, c'est la ligne que je l'invite a suivre désormais, lorsqu'il parle du sujet. Car c'est tout à fait exact. Ceux qui prétendent louer cet événement comme un grand accomplissement scientifique se trompent : c'est un événement médiatique à but de propagande, qui a pénalisé la science et la véritable recherche en dilapidant des ressources qui auraient été mieux employées ailleurs. C'est de la "science spectacle".
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