Constitutionnelle la « loi Avia » ?
Constitutionnelle la "loi Avia" ?
Il n’y a pas besoin d’attendre la décision du Conseil constitutionnel pour que nous ayons une opinion et que nous la manifestions :
La loi dite "Avia", est manifestement inconstitutionnelle.
La liberté de penser et la liberté d’exprimer sa pensée sont gravées dans nos institutions et sont censées irriguer nos veines.
Encore faut-il avoir lu (si autre chose coule dans les veines) la déclaration des Droits de l’Homme et des Citoyens pour le savoir : Article 10. - Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ».
Encore faut-il comprendre que des propos quels qu’ils soient, ne troublent pas "forcément" , même s’ils sont haineux, l’ordre public.
Et que des propos ne sont pas haineux du seul fait que des personnes privées, des politiciens, ou leurs subordonnés, proclameraient qu’ils le seraient. Ce qui, évidemment et en plus, ne « colle » pas tout à fait avec le principe de la légalité des délits et des peines. (autre principe à lire dans la DDHC) .
Encore faut-il savoir qu’il existe une différence entre le contrôle préalable sur une liberté et le reste.
Cette différence a été rappelée par le Conseil constitutionnel lui-même dans sa décision de 1971 sur les associations. Une association avait été dissoute. Certains de ses membres en constituèrent une autre, dont ils allèrent déclarer les statuts à la préfecture de police de Paris. Le préfet refusa de délivrer sur le champ le récépissé qui permet de procéder à la publication (qui donne juridiquement naissance aux associations). Les membres de l’association saisirent le tribunal administratif lequel annula le refus.
Le ministre (Raymond Marcellin), réputé pour son mordant, renonça à faire appel. Il crût être malin en faisant voter par sa majorité une modification à la loi de 1901 sur les associations, afin de permettre à l’autorité administrative de se livrer à divers contrôles préalables.
Le pauvre Marcellin devait penser ( fût-il le seul ?) que dès lors qu’on est élu et qu’on a une majorité qui vote n’importe quoi, on est légitimement fondé à faire n’importe quoi. Patatras ... Le président du Sénat déféra la loi au Conseil constitutionnel, lequel déclara la loi non conforme à la constitution.
Des parlementaires vont saisir le Conseil constitutionnel.
On aurait préféré que ce soit le président de la République qui le fasse, puisque l’article 5 de la constitution (autre article à lire) lui impose de « veiller au respect de la constitution ».
Les membres du Conseil constitutionnel prendront évidemment le parti qu’ils veulent.
S’ils rejettent la demande des parlementaires, ceux qui ont voté pour la loi auront eu arithmétiquement raison.
Mais l’Histoire leur donnera tort, ainsi, le cas échéant qu’au Conseil Constitutionnel (*) .
Marcel-M. MONIN
Constitutionnaliste.
(*) En attendant il est vrai, que des parlementaires différents, aux conceptions différentes sur l’Etat et sur les rapports entre les citoyens, abrogent cette loi (et d’autres quand ils les estimeront constituer des « scandales » au regard de ce qui fut des progrès). Et remplacent, eux ou le peuple par référendum, le Conseil constitutionnel par autre chose. En profitant de l’occasion pour placer dans la constitution des garde-fous que les citoyens pourront actionner.
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