Conventions citoyennes : un droit à conquérir
À l'heure où l'humanité aurait besoin de mettre en œuvre des mesures rapides et efficaces pour tenter d'enrayer l'effondrement climatique, écologique et civilisationnel, on ne peut que constater l'échec et l'inaptitude de tous les systèmes politiques pour œuvrer à la sauvegarde de notre planète.
Les politiques européennes et nationales sont défaillantes, incapable même de poser la question sur le problème ; et pour cause, puisque le problème, ce sont elles. Comment ce système pourrait-il régler un problème qu'il n'est pas capable d'énoncer ?
Quels sont les obstacles au changement ?
Ils sont de deux sortes. En premier il y a le capitalisme ; c'est le mal qui ronge l'humanité. Il se traduit par une volonté de puissance, de jouissance et d'accumulation de richesses. C'est la dictature de l'argent et des marchés financiers. Le capitalisme est intimement lié à la démocratie représentative qui a permis son essor.
En second, il y a une dissonance cognitive qui fait que nous sommes incapables de luter contre nos propres démons, comme luter contre le réchauffement climatique et ses conséquences, tout en conservant notre mode de vie, ce qui, objectivement, est impossible.
Nous sommes pris en étau entre les deux.
Compter sur la technologie pour nous tirer d'affaire n'est qu'une fuite en avant.
Les dirigeants politiques obéissent à la logique du capitalisme et il en sera ainsi tant qu'il n'y aura pas une volonté populaire d'imposer le changement.
Cette volonté populaire, c'est la démocratie. Le problème, c'est qu'elle n'existe pas, elle n'est que balbutiante. Pour la faire émerger, il faudra vaincre cette dissonance cognitive qui nous empêche de faire les bons choix. Mais surtout, une fois que les choix seront faits, il faudra que le peuple ait le pouvoir d'imposer sa volonté.
La démocratie, ce n'est pas l'élection qui est aristocratique ; ce n'est pas le référendum qui donne le pouvoir à la foule (ochlocratie) ; c'est l'égalité politique de tous les citoyens qui n'est possible que par le tirage au sort des représentants.
À ma connaissance, il n'y a pas d'autres formes de démocratie que les Conventions Citoyennes (CC), et si je milite pour leur développement, ce n'est pas par idéologie, mais par pragmatisme, car elles me paraissent l'outil le plus efficace pour proposer des solutions conformes à l'intérêt général.
Il faudrait que le gouvernement ait pour obligation d'organiser a minima, une fois par an, une convention citoyenne dans les domaines les plus courants de la politique, par exemple, la transition écologique, le social, l'économique, la bio éthique, la culture, les territoires d'outre-mer, les affaires européennes.
Ces conventions, obligatoires, devraient être un droit fondamental inscrit dans la constitution, ainsi, il ne serait plus nécessaire d'attendre le bon vouloir du Prince pour en organiser une.
Il pourrait par ailleurs y avoir des CC d'initiative citoyenne, c'est-à-dire déclenchées par une pétition. Elles seraient donc hors cadre des conventions obligatoires, et pourraient, dans certains cas, n'avoir qu'un caractère consultatif, par exemple, pour ce qui concerne la politique extra-nationale.
L'initiative pourrait aussi revenir à des organismes comme le conseil économique et sociale ou le conseil d'État, ou suite à une décision de justice.
Comme la France fait partie de l'UE et que cette dernière interfère dans nos vies, il faudrait également organiser des CC au niveau européen et inscrire ce droit dans la constitution européenne.
Une fois que ces conventions ont eu lieu, comment rendre concret l'avis émis par les citoyens pour une légitime application ?
Comme je pense que les Français ne sont pas près d'accepter que l'avis émis par une CC puisse s'appliquer directement, sans passer par le vote d'une assemblée élue, alors je propose qu'un référendum permette de trancher entre l'avis citoyen et l'avis du gouvernement.
Voici comment.
Étape 1.
Les citoyens émettent un ou plusieurs avis qui sont d'ordre règlementaire ou parlementaire.
Étape 2.
S'il s'agit d'une décision d'ordre règlementaire, le gouvernement aurait pour obligation de faire une proposition correspondant aux attentes des citoyens dans un délai fixé par la convention.
S'il s'agit d'une décision d'ordre parlementaire, ce serait au parlement de le faire.
Dans les deux cas, les propositions du gouvernement ou du parlement reviendraient devant les membres des conventions citoyennes. Il y aurait ainsi une sorte de ''navette'' entre les citoyens et leurs institutions. En cas de désaccord persistant, les membres de la convention citoyenne auraient le pouvoir de déclencher un référendum.
Si vous êtes favorable à l'avis émis par les citoyens de la convention, cochez la case A. Si vous êtes favorable à l'avis émis par le gouvernement ou le parlement, cochez la case B. Si vous n'êtes favorable à aucun des deux, cochez C.
Par exemple, on se souvient que lors de la convention citoyenne sur le climat organisée par Macron lors de son 1ᵉʳ mandat, sur les 150 propositions faites par la convention, trois n'avaient pas été retenues. On organise donc un référendum spécifique sur ces trois propositions.
Étape 3.
C'est le suivi de la mise en application des décisions finales par le pouvoir exécutif. Cette étape est très importante et doit être réalisé par un organisme indépendant ou par des citoyens tirés au sort préalablement formés.
Étape 4.
C'est l'évaluation de la politique mise en œuvre à l'issue des conventions. Ces évaluations pourraient être réalisées par des citoyens volontaires tirés au sort qui auraient reçu une formation, ou par un organisme indépendant. Le but est donc d'évaluer la loi ou les décrets, voir si c'est toujours applicable, proposer des axes d'amélioration, ou proposer une abrogation si on se rend compte qu'on s'est trompé.
Pourquoi les conventions citoyennes ? Dans une CC, on se sent valorisé, fier d'être pris en compte, conscient de sa responsabilité. On ne veut ni décevoir, ni se décevoir, on veut être à la hauteur de la confiance que la société met en nous, on met de côté nos intérêts particuliers au profit de l'intérêt général. Cet altruisme, cette "humanitude", comme le qualifie Jacques Testart n'apparaît que dans ces moments privilégiés.
"Ce que j’ai constaté en regardant ça, nous dit Jacques Testart, c’est à quel point il y a un gâchis de l’humanité. C’est-à-dire qu’on maintient les gens dans un état d’abêtissement, de suivisme, de conditionnement. Et, je dois dire, je n'y croyais pas avant de voir ça. Je pensais que c’était triste mais que l’humanité, elle n’était pas vraiment belle à voir. Mais elle n’est pas belle à voir parce qu’on la met dans cet état-là. Mais je suis maintenant convaincu qu’il y a chez la plupart des individus, il y a des ressorts, il y a quelque chose qu’on n’exploite pas, qu’on n’utilise pas, qu’on ne met pas en valeur. Mais les humains valent beaucoup mieux que ce qu’on en fabrique."
Le problème, c'est que cet état d'humanité ne paraît que lors des conventions citoyennes, et qu'il peut apparaître bien mesquin au regard des sentiments que l'on exprime à brûle-pourpoint lors les référendums.
Conventions citoyennes et référendums ont deux logiques opposées, et cependant ils sont complémentaires.
Le référendum, malgré ses nombreux défauts, apporte à la CC une légitimité supplémentaire, dont il paraît, à l'heure actuelle, difficile de se passer.
Malgré toutes les difficultés, un autre futur est possible, j'exhorte les citoyens à imaginer comment sortir du système dans lequel nous vivons, à proposer de nouvelles idées, justes, équitables, simples et accessibles.
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