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Accueil du site > Tribune Libre > Corruption : la justice entravée

Corruption : la justice entravée

Le rapport de l'OCDE sur la mise en oeuvre par la France de la Convention de sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers permet un constat rapide : cinq condamnations ont été prononcées depuis son entrée en vigueur, en 1999, dont une seule visant une personne morale :la société Safran, qui a du payer 500 000 euros d'amende pour le versement de pots-de-vin à des fonctionnaires nigérians afin d'obtenir un marché public de 170 millions d’euros pour la fabrication de cartes d’identités au Nigéria.

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Stop Corruption - photo de kmillard92
http://www.flickr.com/photos/kennymiller/

La lutte contre la corruption dans les transactions commerciales est souvent présentée comme une variante du dilemme du prisonnier : c'est une situation dans laquelle deux joueurs ont intérêt à coopérer, mais les incitations à trahir l'autre sont si fortes que la coopération n'est jamais choisie quand le jeu n'a lieu qu'une fois. En revanche, quand le jeu est répété, les acteurs réalisent qu'ils ont intérêt à coopérer. C'est aussi vrai pour les entreprises. La corruption peut permettre d'emporter un marché. Mais à moyen terme, les coûts et l’importance des aléas politiques et juridiques donnent une rationalité économique au respect des règles.

 Car la corruption a un coût pour les entreprises. 32% des entreprises françaises considèrent qu'elles ont perdu un contrat sur les douze derniers mois pour avoir refusé de payer un pot de vin (22% des entreprises du Royaume-Uni, 28% des entreprises allemandes).

 Mais la France n'a pas encore réalisé qu'elle avait intérêt à coopérer, par une application loyale de la Convention. Les entraves à la justice sont connus de longue date. Certaines ont été mises en place dès la transposition de la Convention en droit français.

 Ainsi, le parquet a le monopole et l'opportunité des poursuites. Et la lutte contre les pratiques corruptrices des entreprises française n'est pas une priorité de politique pénale. Depuis 2007, les effectifs des magistrats et des enquêteurs spécialisés ont même diminué (d'environ un tiers, par exemple, au pôle financier de Paris).

 Le trafic d'influence n'est pas punissable en ce qui concerne les agents publics étrangers. Des actes qui, en France, seraient poursuivis pour trafic d'influence ne peuvent être atteints par la justice lorsqu'ils sont commis à l'étranger.

 La classification "secret défense" est extensive. La solution de facilité, qui consiste à couvrir du secret l'ensemble d'une opération commerciale, est souvent retenue. Et la déclassification résulte entièrement d'une décision politique, non soumise à contrôle. L'affaire des frégates de Taïwan et le dossier Karachi sont emblématiques du détournement des finalités du secret défense.

 Enfin, les peines ne sont pas dissuasives. Une société encourt pour des faits de corruption d'agent public à l'étranger une amende de 750 000 euros, sans proportion avec les profits qui peuvent être réalisés. Si jamais elle est sanctionnée, l'infraction demeure donc lucrative. Et la sanction peut être discrète : depuis la loi du 13 décembre 2011, la procédure de comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité s'applique aux faits de corruption, ce qui peut exonérer l'entreprise éventuellement poursuivie des débats devant un tribunal correctionnel.

 Cela explique la 11ème position de la France dans l'indice de corruption des pays exportateurs de Transparence International (les pays étant classés du plus honnête - les Pays-Bas, au moins honnête -la Russie). Dans le récent rapport de Transparence sur le suivi de la Convention OCDE, la France est classée parmi les pays qui font une application "modérée" de la Convention.

 Pourtant à l'étranger, d'importantes avancées ont été réalisées. Au Royaume-Uni, la loi anticorruption du 9 avril 2010 fait obligation aux entreprises de mettre en place des mesures pour prévenir toute action corruptrice. Le non respect de cette obligation est sanctionné. Toute personne morale ayant une activité, même partielle, au Royaume-Uni, peut voir sa responsabilité pénale engagée, sauf à démontrer qu'elle avait mis en oeuvre des procédures adéquates pour prévenir des actes de corruption. En cas de corruption, l'amende encourue par les entreprises n'est pas plafonnée. Aucune prescription ne limite les poursuites. Seules les poursuites excessivement tardives sont prohibées par la théorie de l'abus de droit.

 Aux Etats-Unis, la loi contre les pratiques de corruption à l'étranger date de 1977. C'est aussi un moyen efficace de lutter contre des sociétés étrangères corruptrices. Siemens, condamnée en Allemagne à 395 millions d'euros pour des commissions illicites, a aussi du payer l'équivalent 450 millions de dollars aux Etats-Unis.

 En Allemagne, depuis l'affaire Siemens, les sociétés ont développé des mesures internes pour prévenir la corruption. De façon symbolique, les chefs d'entreprise ont publié en août dernier une lettre ouverte demandant à l'Etat d'aller plus loin dans la lutte contre la corruption internationale.

 Les moyens pour améliorer la situation en France sont identifiés et d'un coût modeste. Ils sont développés dans le rapport de l'OCDE, qui révèle, au-delà de l'application de la Convention, nombre de faiblesses de la France en matière de lutte contre la corruption.

 D'abord, réformer le statut du parquet et donner aux procureurs l'indépendance nécessaire pour une application de la loi égale pour tous. Ensuite, supprimer le monopole du parquet pour la poursuite des faits de corruption commis à l'étranger. En particulier, les associations qui ont pour objet la lutte contre la corruption devraient pouvoir se constituer partie civile. Le secret défense ne doit plus relever de la seule conscience d'un ministre : comme chez nos principaux voisins, la justice doit apprécier la possibilité de déclassifier au regard des intérêts en cause. Le trafic d'influence doit être punissable à l'étranger. Enfin, la corruption active doit être sanctionnée en fonction de l'importance du dommage causé à l'économie et de la situation de l'entreprise corruptrice, comme c'est déjà le cas pour les pratiques anti-concurrentielles.

La plupart de ces propositions font partie des promesses du président élu. Pourquoi encore attendre pour les mettre en oeuvre ?

 


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27 réactions à cet article    


  • L'enfoiré L’enfoiré 26 octobre 2012 17:33

    Exact. Après Washington, c’est Bruxelles qui en a le plus.

    J’en sais quelque chose, je les ai appelés « Lobsterbies ».
    En plus, on rappelait aussi dans la semaine que les espions fréquentaient la capitale.

  • Cassiopée R 23 octobre 2012 19:15

    Les baisses massives d’impôts pour les riches font partie des choix politiques depuis des années ou des décénnies. Celà (vise en réalité) favorise l’évasion fiscale, le laisser faire ou le laxisme par la dénonciation du mode d’évasion sans intervention, permets aux paradis fiscaux comme aux îles Caraïbes, de prospérer avec des sommes d’argents qui permettraient de résoudre nombres de problèmes mondiaux.

    Cette concentration (très massive) des richesses a eu pour prétexte politique, de redynamiser l’économie nationale par des baisses massives d’impôts. Ceci dans de très nombreux pays. Ce qui n’empêchera pas leurs grandes entreprises ou multinationales de se délocaliser en masse, avec une baisse constante des droits de douanes pour l’ouverture des frontières.

    Les multinationales sont aussi concernés par des baisses massives d’impôts, et qui de nouveau favorise l’évasion fiscal. Une multinationale se constitue avec plusieurs entreprises, entre elles, les factures vont vers des pays fiscalement plus avantageux. Ainsi, les bénéfices sont maximisés alors que le pays fiscalement avantageux a des effectifs faible en nombre de travailleurs. Les bénéfices ne se concentrent que sur des zones à faible fiscalité, pour réaliser un maximum de profits.

    Les baisses massives d’impôts sont à la fois pour les riches, et pour les propriétaires et les actionnaires des multinationales ou des banques.

    Par leurs arsenaux juridiques, avocats, conseillers, corruption de la justice (problèmes de santé publique, environnement,...), et le soutien des lois des politiques. Les multinationales ne paient non seulement pas les impôts mais se font reverser des centaines de millions d’euros, de dollars,ect...et c’est aussi le cas des riches.

    Celà va jusqu’à la création d’impôts (?) avantageux, fait sur mesure pour les riches. Les lois sont très variés, comme les niches fiscales en France et qui vont jusqu’aux aides financières pour les servants et les servantes.

    Pour éviter tout changement de cette forte concentration des richesses, on parle de matraquage pour victimiser, et de toute façon l’opposition ne revient pas (ou rarement que très partiellement) sur ses baisses massives d’impôts pour les riches, les multinationales ou les banques.


    • Montagnais .. FRIDA Montagnais 23 octobre 2012 19:22

      Excellent papier. 


      - La plupart de ces propositions font partie des promesses du président élu. Pourquoi encore attendre pour les mettre en oeuvre ?

      Tout le monde à la réponse..

      Vous avez noté.. dans le Monde, et hier au spectron : même le juge Thiel s’inquiète.. C’est dire !

      Il y a consubstantialité entre Mafia et capitalisme. Je sais.. on risque.. le Fisc.

      • Marc Chinal Marc Chinal 24 octobre 2012 01:18

        Et il est facile de corrompre parce que, tous, on accepte d’utiliser de la monnaie...
        Mais bon, soyons réaliste, la monnaie est une super avancée pour l’humanité ! (grâce à elle maintenant l’humanité est devant un mur ou un gouffre, au choix du marchand.)


      • Romain Desbois 24 octobre 2012 01:56

        Chinal
        Non vous confondez l’outil et l’utilisateur. Comme d’hab.


      • lebreton 24 octobre 2012 20:47

        pourquoi ce presser le temps passe les interlocuteurs meurs ,les menteurs ,les violeurs ,les criminels en col blancs ,et les politiciens regent commes des chiens sur une meute qui aboie au gré des infos qu’on lui jette à la gueule , salauds de français tous aussi lâche ,bourges de MDR 


      • Marc Chinal Marc Chinal 25 octobre 2012 11:07

        @ Robin des bois :
        non, je ne confonds pas l’outil et l’utilisateur. Vous aurez beau dire et beau faire, tant qu’on a de la monnaie, c’est la mafia qui sera la plus forte. Vous ne pourrez jamais dissocier « l’argent propre » de « l’argent sale ». C’est le même ! Vos billets ont des traces de coke (en tous cas, sur les dollars c’est ainsi, suivant une études qui ne date pas d’hier).
        .
        Ou alors, expliquez nous comment « interdire » l’argent sale.


      • Romain Desbois 25 octobre 2012 21:45

        Marc Chinal

        L’argent ( la monnaie)n’est ni sale , ni propre , c’est un objet !!!!!

        Ce sont les humains qui l’utilise mal qui sont sales.

        Se tromper de maladie ne soigne pas le malade.


      • Marc Chinal Marc Chinal 29 octobre 2012 11:15

        @ Robin des bois :
        .
        L’argent « sale » n’existe pas dans votre monde ?
        .
        Vous êtes aveugle ou définitivement incapable d’avoir un argument qui tient la route ?
        .
        Evidemment, un couteau peut tuer aussi, mais vous n’êtes pas obligé d’utiliser un couteau qui peut tuer pour tuer : c’est ça le libre arbitre.
        Par contre, la monnaie, dans un monde monétiste (qui oblige à utiliser de la monnaie), est obligatoire. Et comme elle est rare (obligatoirement sinon elle ne vaut rien), la monnaie doit être prise à « l’autre ». (ça se matérialise entre autres par des délocalisations : pour que l’un ait, il faut que l’autre n’ait plus).
        Que faire lorsque chacun « mérite d’avoir » ?
        .
        La monnaie n’est donc pas un « simple moyen » puisque sa rareté oblige à choisir qui survivra dans de bonnes conditions, et qui crèvera.


      • Cassiopée R 23 octobre 2012 19:26

        Définition du stage

        Un(e) stagiaire est une personne humaine travaillant gratuitement pour un patron qui se goinfre d’argent sur un individu.

        Le patron, tout en mettant la pression constante sur l’individu stagiaire pour faire plus de chiffres, encaisse à taux plein les bénéfices du stagiaire et se voît verser une somme d’argent (non négligeable pour le patron) par l’ Etat pour avoir fait bosser (ou trimer) un être humain sans versement de rémunération ou gratuitement.

        Le stagiaire vît à déficit constant, avec un coût de la vie qui augmente régulièrement, pour plus de profits pour les (et petits) patrons, les multinationales et les banques.

        Le stress au quotidien du stagiaire se situe dans son emploi actuel et, dans sa recherhce future d’un emploi (souvent précaire) à rémunération réelle, tout en sachant que plus d’ 1,5 millions d’emplois stages sont présents en exemple de la France, chiffre en augmentation régulière.

        Ce travailleur gratuit est la cible marketing afin de faire croire qu’il ou elle débute pour se former, afin que les patrons ou les multinationales, légalement soutenu par l’ Etat, s’en mette plein les poches pour se goinfrer d’argent.


        • chmoll chmoll 23 octobre 2012 19:29

          toutes les entreprises à pot de vins ont un solide alibi ,pour se défendre
          le fourre tout ,plus connu sous secret défense

          cela dit sans pot de vin , pas de marché, faut pas oublier que dans les affaires , on est dans un monde de requins,c’est une tradition obligatoire le pot de vins

          sinon couic


          • appoline appoline 24 octobre 2012 12:39

            Effectivement même la grande distribution n’y échappe pas leurs fournisseurs arrivent toujours les bras chargés de cadeaux pour s’y implanter. Le mal est profond en France


          • Dolores 23 octobre 2012 19:42

            Pourquoi vouloir poursuivre ce style de délinquance quand elle est protégée - et parfois soutenue, voire encouragée - par nos « élites » elles-mêmes ?


            • appoline appoline 24 octobre 2012 12:40

              Chirac n’a t il pas ouvert un musée à ce propos ?


            • xmen-classe4 xmen-classe4 23 octobre 2012 20:00

              les interventions des finances de l’état pour favoriser certaines entreprises sont plus évidentes.


              « 32% des entreprises françaises considèrent qu’elles ont perdu un contrat sur les douze derniers mois pour avoir refusé de payer un pot de vin. »
              ici, un pot de vin peut il être considéré comme un rabais sur son offre.

              qui plus est, les incohérences entre les lois qui ne sont pas appliqué de la même manière suivant le contexte incinuent des affaires de corruption et du trafique d’influence.

              • xmen-classe4 xmen-classe4 23 octobre 2012 20:06

                on reviens de loin : les droits sur l’exploitation de l’alambic et les http://fr.wikipedia.org/wiki/Bouilleur_de_cru

                étais nominatif, Ce privilège fut héréditaire jusqu’en 1960.
                etc....

                • xmen-classe4 xmen-classe4 23 octobre 2012 20:15

                  on fait comme safran, on se feurais simplement tuer.


                  • BA 23 octobre 2012 22:59
                    Mardi 23 octobre 2012 :

                    Affaire de Karachi : les juges établissent le rôle central d’Edouard Balladur.

                    Les juges Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, chargés du volet financier de l’affaire de Karachi, en ont acquis la certitude : l’ancien premier ministre Edouard Balladur et l’ex-directeur de son cabinet Nicolas Bazire auraient été les architectes d’un vaste réseau de financement politique occulte, à travers des contrats d’armement. Nicolas Bazire, déjà poursuivi pour « complicité d’abus de biens sociaux », risque une nouvelle mise en examen, pour « recel » de ce même délit.

                    Celui qui fut aussi directeur de la campagne présidentielle de M. Balladur en 1995 est convoqué à cette fin, lundi 29 octobre, par les deux juges. Nicolas Bazire n’est plus seulement soupçonné d’avoir supervisé la signature de contrats d’armement douteux, mais aussi d’avoir détenu des fonds illicites issus desdits contrats. Fonds qu’il aurait eu pour mission de remettre à M. Balladur...

                    DEVANT QUELS JUGES ?

                    Ce nouvel épisode d’une enquête portant sur les dessous de ventes d’armes négociées par le gouvernement dirigé, entre 1993 et 1995, par M. Balladur, confirme l’implication de ce dernier et pourrait bientôt le contraindre à répondre judiciairement de ses actes. Mais devant quels juges ? Ceux de la Cour de justice de la République (CJR), seuls compétents pour enquêter sur des faits commis par des ministres pendant l’exercice de leurs fonctions ? Ou ceux du droit commun, en l’occurrence les juges d’instruction qui enquêtent sur l’affaire ? L’ex-premier ministre pourrait en fait devoir répondre devant les deux juridictions.

                    En effet, si les actes relatifs aux ventes d’armes conclues par son gouvernement relèvent à l’évidence de la CJR – s’agissant d’Edouard Balladur à Matignon et de son ministre de la défense, François Léotard –, les faits d’enrichissement personnel éventuels, postérieurs à 1995, peuvent continuer à être instruits par les deux juges du pôle financier. Ces derniers enquêtent notamment sur l’acquisition, en 1996, d’une propriété en Normandie par le couple Balladur.

                    Les derniers développements de l’enquête mettent un peu plus en lumière le rôle décisif joué par les duos Balladur-Bazire (à Matignon) et Léotard-Donnedieu de Vabres (à la défense) dans la mise en place d’un réseau d’intermédiaires, dans des marchés d’armement portant sur des milliards d’euros, en contrepartie de financements occultes. Questionné le 17 octobre sur l’arrivée suspecte en avril 1995 de plusieurs millions de francs sur le compte de campagne de M. Balladur, dont il était le trésorier, René Galy-Dejean a ainsi directement mis en cause l’ancien candidat et M. Bazire. Et cet été, l’ex-femme de Thierry Gaubert, un proche de Nicolas Sarkozy, a déclaré à la police judiciaire que les rétrocommissions étaient destinées à M. Balladur.

                    Récemment versée à la procédure par la police judiciaire, une « chronologie non exhaustive » de 35 pages retraçant les principaux événements intervenus entre 1989 et 2000 s’agissant des contrats d’armement suspects atteste que, à leurs postes respectifs, MM. Balladur et Léotard s’activèrent à partir de 1994 pour décrocher de juteux marchés avec le Pakistan et l’Arabie saoudite. Et surtout imposer dans ces marchés deux intermédiaires d’origine libanaise (Ziad Takieddine et son associé de l’époque Abdul Rahman El-Assir), qui auraient eu pour mission principale de rapatrier en France une partie des commissions perçues lors de la vente de sous-marins à Islamabad (contrat Agosta) ou de diverses armes au royaume wahhabite (contrats Sawari II, Mouette, Shola et SLBS).

                    LOURDES PERTES

                    Les démentis outragés opposés par M. Takieddine se heurtent aux nombreuses découvertes faites en Suisse par les magistrats, qui ont retracé les multiples allers-retours effectués par celui-ci entre Paris et Genève, pour récupérer des fonds, y compris après la défaite de M. Balladur en avril 1995. M.Takieddine a même été « lâché » par son ancien ami, M. El-Assir, qui a confirmé le système d’évasion des fonds. MM. Van Ruymbeke et Le Loire disposent par ailleurs du témoignage d’une fonctionnaire du ministère du budget, Patricia Laplaud, interrogée par la police, puis par les juges, le 4 octobre.

                    Mme Laplaud suivait, entre 1993 et 1995, les négociations des fameux contrats, le ministère du budget – dirigé alors par Nicolas Sarkozy – y jouant un rôle-clé. Lors de sa dernière audition, elle a témoigné qu’ils avaient été signés sur l’insistance du ministère de la défense, contre l’avis du budget, qui redoutait de lourdes pertes – ce qui fut le cas. Et que Matignon avait tranché en faveur de la défense. Ainsi, s’agissant d’Agosta, elle assure que « la direction du budget y était opposée », mais que « le ministre du budget et la direction du budget ne gagnent pas toujours les arbitrages ».

                    Selon elle, l’équipe de M. Léotard aurait été jusqu’à truquer des documents : « Le ministère de la défense (...) assurait qu’il n’y aurait pas de pertes et avait même présenté des documents écrits (courbes de financement du contrat) où ce contrat semblait être à l’équilibre. » Or, elle affirme avoir appris depuis, par l’ex-contrôleur général des armées Jean-Louis Porchier, qu’un fonctionnaire de la direction générale de l’armement « avait donné des instructions pour que ces courbes ne soient pas représentatives de la réalité ». A l’époque, comme l’a précisé Mme Laplaud, le directeur du cabinet du directeur général de l’armement n’était autre que Benoît Bazire, le frère de Nicolas. « De par sa fonction [Benoît Bazire] regardait les dossiers sensibles, tels qu’Agosta, c’était évident », a-t-elle confié.

                    M. SARKOZY AURAIT DONNÉ SON « APPROBATION »

                    Pour les contrats saoudiens, Mme Laplaud a été interrogée sur le fait que, comme pour Agosta, le versement de « balourds » (paiement accéléré des commissions) avait aussi été décidé en dépit de l’opposition de la direction du budget. Et que M. Sarkozy avait donc donné son feu vert contre l’avis de ses fonctionnaires. M. Sarkozy n’avait d’autre choix, selon Mme Laplaud, puisqu’aucune vente d’armes ne peut être effectuée sans lettres de garantie signées des ministres de la défense et du budget. Ainsi, « pour le contrat Mouette, une instruction était venue au préalable de Matignon ».

                    Ainsi, M. Sarkozy aurait donné son « approbation », « conformément aux instructions données par Matignon, passa[nt] outre aux objections de la direction du budget ».

                    Quant à la création de Heine, structure offshore constituée en 1994 pour évacuer les commissions suspectes, Mme Laplaud a dédouané M. Sarkozy : « Le cabinet du ministre [du budget] pouvait peut-être être au courant (...), mais je ne vois pas pourquoi il aurait dû donner son autorisation (le cabinet ou le ministre) ».

                    Ce témoignage conforte la chronologie policière dans laquelle l’omniprésence de MM. Balladur, Bazire, Léotard et Donnedieu de Vabres contraste avec l’absence de M. Sarkozy. En l’état de la procédure, si l’ex-président de la République – dont plusieurs proches sont mis en cause dans l’affaire – devait être interrogé, ce ne pourrait être qu’en qualité de témoin.

                    Gérard Davet et Fabrice Lhomme.


                    • eau-du-robinet eau-du-robinet 24 octobre 2012 00:28

                      Ecellent article !
                      Merci pour votre témoignage et surtout pour vos propositions concrètes vers la fin de votre article !

                      — Début de citation —
                        D’abord, réformer le statut du parquet et donner aux procureurs l’indépendance nécessaire pour une application de la loi égale pour tous. Ensuite, supprimer le monopole du parquet pour la poursuite des faits de corruption commis à l’étranger. En particulier, les associations qui ont pour objet la lutte contre la corruption devraient pouvoir se constituer partie civile. Le secret défense ne doit plus relever de la seule conscience d’un ministre : comme chez nos principaux voisins, la justice doit apprécier la possibilité de déclassifier au regard des intérêts en cause. Le trafic d’influence doit être punissable à l’étranger. Enfin, la corruption active doit être sanctionnée en fonction de l’importance du dommage causé à l’économie et de la situation de l’entreprise corruptrice, comme c’est déjà le cas pour les pratiques anti-concurrentielles.

                      La plupart de ces propositions font partie des promesses du président élu. Pourquoi encore attendre pour les mettre en oeuvre ?
                      — Fin de citation —

                      J’en doute très fort que vos propositions vont être mis en place, car elles se dirigent contre l’oligarchie, classe qui défend ses intérêts notamment par son pouvoir de corruption par intermédiaire de l’argent, le chantage, et toute autre méthode d’influence ou pression pour arriver à leurs fins.

                      La corruption à pris des proportions qui rendent un changement de notre modèle de société de plus en plus difficile. Les hommes politiques sont devenus de marionnettes des lobbyistes (groupes d’influences aient des gros moyens financiers).

                      L’Europe (Bruxelles) est aujourd’hui devenue un levier majeur (par excellence) pour les lobbyistes. 

                      Je me rappel de l’affaire Van Ruymbecke et ses obstacles insurmontables dresse par l’état français :

                      Le pouvoir politique a utilisé un droit régalien exorbitant pour museler et détruire l’indépendance de la Justice. Des frégates de Taïwan à l’affaire Clearstream, un juge se voit opposer depuis des années, systématiquement, le « Secret défense » pour l’empêcher de remplir sa mission.

                      En annonçant la suppression du juge d’instruction en janvier 2009, Nicolas Sarkozy comptait orienter la procédure pénale vers un système accusatoire à l’anglo-saxonne. En proposant de transférer les pouvoirs d’enquête des juges d’instruction aux magistrats du parquet – sans leur accorder l’indépendance tant réclamée –, le chef de l’État n’a cependant pas convaincu.

                      La France reste au 25ème rang selon l’ndice de Perception de la Corruption 2011 publie par Transparency International

                      La controverse sur les conflits d’intérêts suscitée par l’affaire Woerth-Bettencourt qui a éclaté durant l’été 2010, a jeté un peu plus le doute sur les pratiques de la classe politique française. Celles-ci doivent évoluer vers plus de transparence et mieux garantir la primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers.

                      La corruption s’étant sur toutes les étages de notre société ...
                      Recemment on à parle de la police marseillaise qui est gangrénée par les soupçons de corruption !

                      Un retour en arrière vers l’affaire des frégates de Taïwan :
                      En 1991, Thomson CSF et la DCN signent un contrat de vente de six frégates destinées à la marine taïwanaise. Plus de 500 millions de dollars sont versés sous forme de pots-de-vin aux autorités taïwanaises mais aussi chinoises. Une partie est revenue sous forme de rétrocommissions.

                      Une affaire de corruption massive, avec deux morts suspectes (par défenestration), et tous les coupables en liberté… L’affaire des frégates de Taïwan, jamais élucidée, pollue le paysage politico-financier depuis des années, mais vous savez quoi ? Ce sont les Français qui vont payer pour les corrupteurs et les corrompus. L’amende de 630 millions d’euros devra être payée à l’Etat de Taïwan par la société Thalès, mais surtout par l’Etat français. C’est à dire par le contribuable, qui paiera les deux tiers de la somme.

                      Les dindons de la farce, comme montre l’exemple précédent, ce sont les contribuables qui sont les premiers victimes de la corruption !

                      J’entend souvent dire les gens « J’ai confiance dans la justice ». Hors avec toutes les affaires qui sont étouffé et toutes les erreurs de justice j’ai personellment pas confiance dans la justice.

                      Malgré tout votre témoignage me redonne de l’espoir ...


                      • Eric Alt Eric Alt 24 octobre 2012 14:17

                        Si les Anglais et (dans une moindre mesure) les Allemands sont su mettre en oeuvre des mesures pour réduire la corruption internationales, alors qu’ils sont de grands exportateurs et qu’ils ont connu d’importantes affaires de corruption, la France devrait pouvoir faire de même, sans attendre...


                      • Romain Desbois 24 octobre 2012 11:07

                        Je rappelle tout de même que nous avions une incorruptible candidate aux présidentielles, Eva Joly.

                        Les français n’en n’ont pas voulu !!!!


                        • eau-du-robinet eau-du-robinet 24 octobre 2012 12:29

                          J’apprécie bien Eva Jolie, mais elle n’avait vraiment pas du tout le profil pour devenir présidente de la République Française.

                          Elle est très compétente dans les questions judiciaires et j’espère quel puisse un jour exercer son métier sans entraves pour poursuivre les gros fraudeurs ce qui n’est plus possible en ce moment !

                          Vous avez par contre raison, les français se sont de nouveau laisser « berner »devant les urnes !

                          La clés pour changer les choses sont les électeurs, qui ont ouvert durant les dernier 30 années que les mauvaises portes.

                          J’ai l’avait dit avant les élections ne votez plus pour l’UMP ou le PS...

                          Personnellement j’ai soutenu la candidature de François Asselineau (UPR) smiley


                        • leypanou 24 octobre 2012 18:26

                          « La plupart de ces propositions font partie des promesses du président élu. Pourquoi encore attendre pour les mettre en oeuvre ? » : vous risquez d’attendre longtemps.

                          Cela étant, merci pour cet excellent article. Heureusement qu’il y a des personnes comme vous qui continuent de dénoncer ce qui devrait être changé dans notre système judiciaire. Mais ce sont les politiques qui décident et les politiques, ils sont « lobbyisés ».

                          Tout ceci bien sûr sous prétexte de « on va perdre des marchés, des emplois, si on ne fait pas, les autres vont faire », etc, etc. Bref, la lithanie rituelle pour ne rien changer. Pire, le gouvernement précédent a voulu aller encore plus dans le « muselage » de la justice par la suppression des juges d’instruction. Un parquet indépendant est une condition nécessaire, mais ... non suffisante.

                          La France a toujours gardé un « esprit bonapartiste » dans ses pratiques. C’est seulement petit à petit que cela peut changer.


                          • Eric Alt Eric Alt 24 octobre 2012 23:38

                            Oui, les choses peuvent changer. Une résistance de la société civile est possible. C’est ce que j’ai découvert en travaillant sur le sujet, et j’en ai fait la dernière partie de mon livre. Des formes nouvelles de contre pouvoirs émergent : lanceurs d’alerte, entreprises de notation, associations dédiées à la lutte contre la corruption, mobilisation d’acteurs généralistes, coalitions informelles ou mouvements spontanés issus des réseaux sociaux. 

                             Ces interventions sont très diverses. Pour certains, il s’agit de quantifier le chiffre noir de la corruption par la construction d’indices (comme le font Transparency ou Tax justice network), pour d’autres de dénoncer certains acteurs de la corruption et leur faire honte (naming and shaming) (comme le fait Alter-EU), pour d’autres encore d’imaginer des actions de plaidoyer pour sensibiliser les acteurs institutionnels, de construire une contre-expertise (comme la coalition « Publiez ce que vous payez » qui vise les industries extractives). Certains choisissent tout simplement de militer et de permettre à une opinion publique de s’exprimer. D’ailleurs, une partie des informations du rapport de l’OCDE provient d’experts de la société civile.

                            Et dans des contextes politiques plus difficiles, d’autres peuples ont su réagir. Le Brésil a destitué pour corruption le président Collor de Mello, le Vénézuéla le président Carlos Andrès Pérez, la Lituanie le président Rolandas Paksas. Le Pérou a poursuivi et condamné le président Fujimori, le Costa-Rica le président Miguel Angel Rodriguez, la Thaïlande le président du conseil Thaksin Shinawatra. Trois présidents ont été poursuivis pour corruption en Corée du Sud, dont deux ont été condamnés. Une partie des fonds Marcos (Philippines), Abacha (Nigéria), Salinas (Mexique) ont été récupérés...


                          • L'enfoiré L’enfoiré 26 octobre 2012 16:29

                            La corruption, le mal de l’époque.

                            Dimanche, ce sont les élections en Ukraine.
                            Là-bas, la corruption est une institution.
                            On achète les électeurs avec de petits cadeaux.
                            10% des électeurs sont prêts à vendre leur droit de vote.
                            Et on y va par les « sentiments ».
                            Le vote en Odessa se fait même à coup de cadeau d’un agneau vivant.
                            J’avais déjà parlé de cela avec les élections en Inde 
                            And the winner ?



                            • Vipère Vipère 26 octobre 2012 17:02

                              Bonjour à tous

                               

                              Tenez j’aurais parié un bras que M. ALT Eric ne serait pas intervenu sur le site, en personne pour répondre aux lecteurs !

                              Je me suis trompée ! Habituellement les magistrats suivistes et condescendants (ceux avec lesquels j’ai eu affaire) ne daignent pas descendre de leur piédestal pour rencontrer les petites gens !!!

                              Que dire de la corruption au niveau locale ? des magistrats ne sanctionnant pas des bailleurs louant des logements insalures, suivi en cela par la Préfecture ???

                               


                              • curieux curieux 28 octobre 2012 19:55

                                « La justice entravée » Pas toujours. On le voit bien dans l’affaire Kerviel. Le principal est de condamner le lampiste, les autres peuvent courir ;

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