Coup de grisou sur les communes
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Jules, Jules, du calme, tu vas encore prendre un coup de sang. Tu peux rester tranquille au père Lachaise à astiquer tes os, ici nul besoin de casseurs, de barricades, de violence, de bruit, de fureur. Nous sommes entre gens civilisés, quand l’état veut imposer la disparition des communes, c’est en douceur, en silence. Terminés les canons, les baïonnettes chères à ton temps, terminé l’autoritarisme déplacé de Raymond Marcellin ; place aux fakirs, aux illusionnistes de tout poil, aux danseuses du ventre. A notre époque les représentants de l’état ne veulent plus se salir les mains et font preuve de plus créativité. Ils innovent, sont devenus machiavéliques et font faire le travail par les communes elles-mêmes. Les maires, pourtant représentants de leurs concitoyens, sont les instruments de ce funeste dessein. Ils sont sommés de dissoudre leur commune et de faire disparaître le pouvoir qu’ils exercent, au nom de leurs administrés, c’est à dire le pouvoir du peuple lui- même, pour le bien des communes. Ils sont devenus leurs propres fossoyeurs. Disparaitre, se dissoudre, voilà qui relève plus de la psychanalyse que de la gestion communale.
Psychanalyse, quel rapport avec les communes nouvelles ! Non, cette histoire est politique. Ah, j’oubliais la politique n’a pas sa place dans les villages, c’est une règle tacite. Pourtant, Jules, tu peux être sûr que ceux qui clament ne pas faire de politique sont ceux qui en font le plus, ils font celle du moment, celle de la pensée dominante.
Cette affaire ne serait donc pas non plus politique. Alors économique ? Non, tous les témoignages de maires concordent, ce n’est pas l’argument moteur du projet, même si allez comprendre, ceux-ci nous disent aussi, que sans incitation financière, ils n’auraient pas fusionné. Ce qui me semble être une contradiction est sans doute due à une paresse intellectuelle de ma part, car nous avons affaire là, à des visionnaires de haute volée, des gens qui ont toujours un coup d’avance, des élus qui ont un projet commun travaillé et re-travaillé, et ils y ont intérêt, car si l’état sait se montrer persuasif pour la création des communes nouvelles, il n’aide pas pour la mise en œuvre. (Cf le compte rendu de la table ronde du 31 mars 2016 au Sénat sur la question). A titre anecdotique, je serais curieux de savoir combien d’Audoniens (non Jules, ce n’est pas le nom d’un nouveau mouvement communard) vont à Montreuil en Touraine en une année, car tous les défenseurs de la commune nouvelle le disent, il faut un socle commun et solide entre les habitants, qui me semble ici faire défaut ou être à tout le moins friable.
Mais Jules ne désespère pas, car nous avons notre Chè, pas celui qui est devenu un produit marketing pour révolutionnaires égarés, mais Jean Pierre Chevènement (et oui Jules on l’aurait pourtant plutôt rangé du côté de Jules Ferry). Celui-ci dans les questions cribles au sénat le mardi 17 novembre 2009 déclarait : « Pourquoi vouloir revenir à l’esprit de la loi Marcellin de 1971 ? Est-ce une prédisposition génétique ? Dès lors que l’intercommunalité a mis en commun les compétences stratégiques et les ressources de la taxe professionnelle des communes, il n’y a pas lieu de vouloir fusionner les compétences de proximité qui restent l’apanage de celles-ci. » « Ce sera un mauvais coup porté à la démocratie communale qui est la base de la démocratie tout court. La loi de 1999 avait prévu, avec la mise en commun des compétences stratégiques, une solution simple et pratique. Votre réforme est non seulement inutile : elle est dangereuse. Elle laisse penser – et c’est la logique de votre projet – que la démocratie communale est une base et que 2 600 communes nouvelles doivent à terme remplacer les 36 600 communes existantes. Ce serait un grave coup porté à travers le bénévolat de 500 000 conseillers municipaux et la disponibilité de dizaines de milliers de maires et de maires adjoints à l’esprit de solidarité qui maille encore le pays. » CQFD.
La démocratie, concept protéiforme et personnel, qui fabrique ses propres anticorps, peut encore nous éviter pareil fléau. Charles le grand et François le premier, qui n’étaient pourtant pas deux grands révolutionnaires ont montré la voie à plusieurs reprises. Le référendum est nécessaire sur les questions relatives à la perte de droit du citoyen.
Mais au fait Jules Vallès, si la commune nouvelle est une affaire ni psychanalytique, ni politique, ni économique, alors elle touche à quoi ? Au néant, tu me diras.
Muykovic - Cifsom (Collectif d'information sur la fusion Saint-Ouen/Montreuil)
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