Coup de gueule
Parmi toutes les informations diverses et variées qui nous sont dispensées quotidiennement, certaines nous surprennent, nous choquent ou nous laissent dubitatifs avant de se noyer dans le magma de ce que nous appelons communément : les infos. Parfois l’une d’elles ressurgit soudain et trouve son éclairage, parce qu’elle nous touche plus précisément, directement ou non et provoque un « coup de gueule ».
Pauvres professeurs !
Déjà mis à mal dans leur autorité, perdus dans le fatras d’indications pour l’application des programmes, les directives données pour la notation et bien d’autres choses que je ne connais pas n’étant pas du métier, voilà que maintenant, outre la notation administrative, dont ils peuvent quand même discuter, ils sont confrontés à cette aberration : la notation par les élèves ! Et sans discussion possible pour celle-là !
Est-ce bien raisonnable de doter collégiens et lycéens d’une telle possibilité ? De plus sous couvert d’anonymat permettant de donner libre cours à l’expression d’un ressenti souvent partisan à cet âge.
Un anonymat dédouanant l’examinateur en herbe de toute retenue !
Même si le dialogue est parfois difficile, conseils de classe, rencontres parents-professeurs, contact avec l’équipe pédagogique et la hiérarchie dans les cas les plus extrêmes permettent de formuler les remarques quant à cette appréciation.
Est-ce raisonnable, la scolarité étant souvent vécue à cet âge dans une certaine « révolte », de mettre à leur disposition un outil aussi incisif dont ils useront en ce domaine avec la subjectivité propre à l’adolescence.
En maths un plus un feront toujours deux, en français être et avoir se conjugueront toujours de la même façon, le Massif central sera toujours en France et Louis XIV portera toujours le nom de Roi Soleil. Je schématise.
Et un professeur mettra toujours un zéro si la réponse n’est pas celle-là.
Zéro très mal vécu par le malheureux détenteur, mais dont il sera le seul responsable. Il faut apprendre ses leçons !
A celui-ci doit-il répondre un zéro de l’élève assorti d’un commentaire plus que douteux bien souvent, diffamatoire parfois et certainement dénué de toute objectivité.
Comment mesurer l’impact que peuvent avoir ces appréciations sur le professeur consciencieux, totalement investi dans sa mission et qui prépare ses cours avec tout le temps qu’en demande le soin ?
Peuvent-ils imaginer ces jeunes gens, si heureux de pouvoir se défouler dans cet exercice où ils sont pour une fois maîtres et juges qu’ils peuvent conduire certains de leurs professeurs, déjà fragilisés par la difficulté de leur mission face à un public de plus en plus désinvolte, irrespectueux, voire agressif, vers le gouffre de la dépréciation et de la perte de confiance en soi. Professeurs dont le soutien de la hiérarchie est plus que discutable parfois, je ne reviendrais pas sur les cas portés à la connaissance du grand public à travers diverses affaires odieuses. La dernière en date jugeant une agression physique. Inadmissible.
Le concepteur d’un tel site recherchait-il à travers cela un effet cathartique pour son propre ressenti de la scolarité ? S’est-il une seule fois interrogé sur la portée que pouvait avoir un tel acte ?
Le monde devient fou au point de donner à l’assassin le rôle du bourreau !
Touchée de plein fouet par le désarroi profond et incommensurable d’un de mes proches, enseignant, touchée par l’ampleur et la violence de son ressenti face aux appréciations le concernant, je n’ai pu m’empêcher d’écrire, également peut-être à la recherche d’un effet cathartique.
Ces sites sont en passe d’être enfin sous contrôle voire interdits. Je m’en réjouis.
La liberté d’expression dont je suis une inconditionnelle ne peut supporter malgré tout une diffusion de tout et n’importe quoi, sous couvert d’anonymat qui plus est, ceci étant le plus dangereux car il autorise tous les débordements.
Le Corbeau, dénomination de l’anonyme le plus célèbre, dispensant son venin à tout va et conduisant ses victimes dans les affres les plus profondes.
Ne faisons-pas de nos enfants des Corbeaux, ils ne savent pas encore apprécier la portée d’un tel acte, la portée des mots, armes terribles si l’on ne sait en user dans le respect de l’autre et l’objectivité nécessaire.
Apprenons-leur le respect de la différence, celle de la hiérarchie et le dialogue, seule façon de donner aux parties la possibilité d’argumenter, d’expliquer et de comprendre l’autre dans la sérénité.
Comprendre ne veut pas dire souscrire, comprendre veut dire avant tout entendre. Les fondements de la vie en société sont dans ces mots et cette attitude.
Rendons à César ce qui est à César, rendons aux professeurs l’exclusivité de la notation.
Gardons aux élèves le dialogue avec ces mêmes professeurs, il reste ouvert.
Chris.
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