Cour de Strasbourg. Les trois candidats français ajournés. Pourquoi ?
La deuxième session plénière de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe à Strasbourg, comportait en préalable, par la réunion d’une sous-commission, l’examen des dossiers de candidatures de très éminents juristes, à trois postes de juges à la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Celle-ci est composée de 47 juges, soit un par Etat, élus pour 9 ans et mis à la retraite d‘office à 70 ans. Cette fois, seules la Norvège, la Suisse et la France étaient concernées par ce renouvellement partiel, chacune d’elles présentant trois candidats à ce premier tri avant que l’Assemblée Parlementaire n’en élise qu’un seul
Une procédure sérieuse et digne.
Après publication d’un appel à candidature dès Août 2010 par le ministère de la Justice et celui des Affaires Etrangères pour remplacer Jean-Pierre Costa, juge et même président de la Cour atteint par la limite d’âge, n’ont été retenus que cinq candidats alors que six étaient demandés. Cette première sélection avait été décidée par le groupe français d’une poussiéreuse Cour Permanente d’Arbitrage, une institution internationale datant de 1899, sorte de gérontocratie, la moyenne d’âge y étant de 75 ans, ce qui, ici, semble ne nuire en aucun cas à la compétence et à l’indépendance incontestables de ces magistrats vénérables. Sur les cinq admis à concourir, deux éminents juristes étaient recommandés particulièrement (Mme Edwige Belliard et Mr André Potocki), avec des CV éblouissants : diplômes, langues pratiquées, décours de carrière prestigieux tant sur le plan juridique et judiciaire que dans les affaires européennes, poste de très haute responsabilité. Pas de carrière politique cependant ni d’engagement patent.
Une manœuvre maladroite peut nuire au « pistonné ».
Le gouvernement français les présentait donc sereinement mais en y ajoutant le député de Loire-Atlantique, trois fois réélu, aujourd’hui NC, issu de l’UDF, réputé « modérément sarkozyste », Michel Hunault. Ce candidat était donc considéré comme celui de l’Elysée, suspecté en outre de permettre par son départ à Strasbourg, de libérer un siège de député au profit d’un conseiller du président de la république, bien en grâce. Manœuvre ou manigance considérée comme infamante par les tenants d’une Assemblée soucieuse d’assurer à tout prix l’indépendance des juges de la Cour. Attitude pourtant fréquente en France : les Institutions Européennes sont souvent un point de chute généreux et facile pour les « parachutes dorés ». Il ya des exemples célèbres. La France n’est d’ailleurs pas la seule à pratiquer ce dévoiement, mais elle est trop souvent condamnée par la CEDH…
De là à considérer que Me Michel Hunault est dépourvu de tout mérite en compétence juridique parce qu’il n’est titulaire que d’une maîtrise en droit, est abusif. Son CV montre au contraire une réelle implication et donc une bonne expérience dans les domaines juridiques et les affaires européennes.
L’expérience et l’engagement valent parfois bien des « peaux d’âne ». Non ?
L’anglais n’est pas encore acquis mais il a eu l’honnêteté de déclarer qu’il prenait des cours intensifs… Pourtant la ficelle était trop grosse et cet avocat bien sympathique au demeurant, doit s’en vouloir d’avoir « marché ».
La France doit donc revoir sa copie pour ne pas prendre le risque d’une nouvelle humiliation. Plût au ciel que les deux autres candidats extrêmement méritants n’en pâtissent pas, la prochaine fois, à la prochaine session.
Antoine Spohr. (article paru également sur Mediapart)
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