CPE : contrat premières embûches
L’objectif de cet article est de souligner le fait que les dispositifs « contrats aidés », et particulièrement le CPE, ne répondent pas aux attentes des citoyens, non seulement parce que les dispositions s’attaquent au contenant et non au contenu, mais aussi parce qu’elles sont, à terme, des dispositions générant de la précarité, et par conséquent, fabriquant une bombe sociale à retardement.
La question fondamentale qui se pose alors est de savoir si réellement le problème du chômage en France est lié aux contrats de travail ? Est-ce réellement cela, le point de blocage, le frein à l’emploi ?
Le contrat première embauche (CPE) succède à plusieurs séries de dispositifs d’aide à l’insertion des jeunes en agissant sur la qualité du contrat. Sous les gouvernance de droite comme de gauche, ces contenants (emploi jeune, CES, CIVIS, CAE, CNE, etc.) ne sont que des réponses temporaires et s’avèrent in fine contre-productifs pour l’insertion des jeunes. La course à l’immédiateté des résultats statistiques occulte les réalités de fond issues tout droit des dysfonctionnements cumulés de l’Éducation nationale et des politiques de l’emploi.
En effet, ces contrats ne font que fournir « un emploi » temporaire aux cibles du moment. Lorsqu’il s’agit d’emplois pour les jeunes, l’écueil est d’autant plus fort que ce type de contrat change suivant les courants de majorité, et finalement, instaure un régime précaire par nature pour le « bénéficiaire ».
Précaire, parce que limité sur la qualité de la mission, donc sur la perspective d’évolution à terme, aussi bien sur le plan de la rémunération que sur la projection à l’avenir.
Précaire car, sous couvert d’apporter une expérience et une rémunération, il amène le signataire à se trouver en première ligne des fluctuations de conjoncture, en première ligne également sur les difficultés financières des entreprises ou même des collectivités.
Exposés à tous les feux, ces contrats sont des moyens de vivoter un temps, mais nullement de se construire un avenir.
Ce n’est pas en isolant la classe d’âge « jeunes » comme étant une couche de population « malade » que l’on donne un signal fort de confiance pour l’avenir.
De plus, il serait erroné de confondre les multitudes de situations des jeunes, qu’ils soient diplômés ou non, dans une seule et même réponse. Alors qu’il serait préférable de requalifier le statut des stages, de renforcer l’adéquation entre formation et attentes des entreprises, de renforcer les effectifs dans les secteurs pourvoyeurs d’emplois, et plus globalement de revaloriser les produits du « travail » (valorisation des salaires issus du travail, allègement proportionnés de charges, de l’employeur comme du salarié), la solution de facilité consiste bien évidemment à produire une nouvelle coquille vide, dont les résultats ne seront mesurés qu’une fois les dégâts subis.
Du point de vue de la mise en œuvre, il serait intéressant de savoir comment une entreprise recherchant un CDI pourra le transformer en CPE à la tête du client sans créer un certain malaise dès l’embauche. De manière connexe, quels seront les outils qui permettront de juger à la carte la période d’essai en prenant en compte les différents stages ou expériences professionnelles du candidat ? Quels seront les moyens de personnels alloués au suivi de la période de 3 ans d’exonération de charges et au suivi du parcours des individus ? En passant plusieurs fois par la case chômage, les jeunes ne risquent-ils pas d’engluer encore un peu plus des administrations débordées par la charge des demandes ?
Par ailleurs, sur le contenu, ce type de contrat ne fait que conforter un rapport de force déséquilibré en faveur de l’employeur. Rapport de force tel que l’employeur peut licencier sans même avoir à se justifier, créant pour l’occasion une pression permanente et insidieuse sur le personnel. Cette pression peut très vite déraper dans les rapports entre les membres du personnel opérant la même tâche mais n’ayant pas le même statut. Un titulaire pourra se permettre des choses que certains CPE ou CNE ne pourront se permettre, faussant les relations au travail, les remarques et suggestions, occasionnant par conséquent une forte baisse d’initiative et de prise de risques.
Cette situation délétère pourrait très rapidement fragiliser les entreprises dans leur capacité à innover, mais aussi crisper la consommation des jeunes, ce qui n’est pas sans impact sur la société. La précarité occasionnant une peur mécanique, fort est à parier que ce dispositif fort coûteux pour l’État (et donc pour l’ensemble des contribuables et salariés via leurs cotisations) ne soit qu’un feu de paille en faveur des chiffres de l’emploi, mais nullement favorable aux qualités de travail, et plus globalement à l’économie française.
Enfin, il ne faudra pas s’étonner de hausse surprenante des impôts divers et variés, du fait du coût intrinsèque de ces mesures, sous forme d’allégements fiscaux multiples (un CAE étant financé à hauteur de 90% par l’État, un CPE exonérant l’entreprise de charges pendant 3 ans pour l’employé... et après ?). Ce dispositif imposé par la force du 49-3 risque donc de condamner les jeunes à une nouvelle peine, celle de ne pas avoir eu le droit de s’exprimer sur un sujet qui les concerne directement.
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