Comme toujours en sciences économiques, la solution du problème est triviale. Personne ne l’évoque clairement. Pourtant elle est dans l’air, on la pressent entre les lignes : la solution au problème grec, finalement,
tout le monde l’a sur le bout de la langue.
Si, si, vous l’avez bien sur le bout de la langue. La solution au problème grec nous vient à l’esprit inconsciemment comme le doute s’empare toujours, pendant quelques instants, du pigeon sur le point de se faire escroquer. La victime sent bien que quelque chose cloche, le tour passe par un point d’inflexion, puis le prestidigitateur reprend le dessus, in-extremis.
Nous frémissons pendant que les chamans du néo-libéralisme maraboutent les taux directeurs. Pendant que certains s’efforcent d’évaluer la nouvelle TVA grecque, d’autres s’escriment à calculer leur nouvel âge de départ à la retraite et les derniers s’ingénient à privatiser en urgence. Quel culot ! Privatiser la Grèce pour sauver les grecs, c’est-à-dire déposséder les grecs pour les sauver de la ruine. Un vrai slogan publicitaire. La dictature marchande a ceci de particulier qu’elle n’a plus peur de rien, et sûrement pas du non-sens : elle connait trop bien la publicité pour ça.
Le seul problème de la science économique, c’est que ce n’est pas une science, pas plus que vendre des aspirateurs au porte à porte n’est une théorie. Mr Camdessus n’est pas sans l’ignorer, lui qui annonçait en 1996 que "l’Argentine entre dans le nouveau siècle avec des bases très très très solides". (1)
La solution au problème grec donc, est évidente. Pour la voir, il suffit de prendre un peu de recul. De quoi s’agit-il ici ? On nous dit que la Grèce doit adopter un plan d’austérité pour sauver sa note de crédit auprès des agences de notation.
La solution, un gamin de dix ans la trouverait. Que la Grèce ne paye pas ses dettes, et qu’elle envoie ses créanciers et les agences de notation se faire voir !
Et alors si sa note est mauvaise ? la belle affaire. Faut-il rappeler que la Grèce n’est pas un particulier, ni une entreprise ? Le néo-libéralisme veut tout mélanger, mais on l’apprend au CE1, on n’additionne pas les choux et les carottes. Les états ne sont pas et ne doivent pas être au même niveau que les autres acteurs de l’économie.
Que se passera-t-il si la Grèce ne paye pas ? RIEN ! C’est évident. Aux privés à qui elle doit de l’argent elle ne doit rien payer, qu’ils fassent faillite, le sort de quelques actionnaires ne peut pas être mis en balance avec le sort d’un pays. Aux états à qui elle doit de l’argent, eh bien la diplomatie en a vu d’autres !
Pourquoi veut on nous faire croire que la Grèce DOIT payer ?
On nous dit que sinon elle ne pourra plus emprunter. C’est un argument fallacieux. Elle ne pourra plus emprunter aux privés peut-être. Mais quelle importance ? Le schéma des états qui empruntent aux privés est un processus débile et aliénant de la finance moderne.
La vérité est que si elle ne paye pas, les mêmes privés qui ont hâte de sucer le sang grec, et qui ont souvent les manettes des médias qui nous vendent un faux débat, ne pourront rien faire. Si la Grèce n’obtempère pas, ils feront ce qu’ils font toujours dans ce genre de cas : ils repartiront la queue entre les jambes.
Car il faut bien comprendre que la crise est seulement virtuelle. Une illusion. Un sac de noeuds créé par l’enchevêtrement de droits de propriétés caduques et indignes de notre niveau de civilisation. "Vous êtes vous fou" diront les bien-pensants. "Et le risque systémique alors ? Vous voulez l’anarchie et les files d’attente à la soupe populaire ?". Quelle blague. L’anarchie nous l’avons déjà, avec une poignée de milliardaires-surhommes aux pouvoirs plus grands que les seigneurs au Moyen-Âge. La soupe populaire nous y sommes tous déjà. Nous n’avons pas peur de l’écroulement du système. Les milliardaires si. Et avec eux les idiots utiles qui pensent à tort que leur situation est avantageuse.
Alors oui, que les grecs manifestent inlassablement contre leur gouvernement scélérat qui veut les vendre, que la Grèce sorte de l’euro et reprenne son droit régalien à émettre sa monnaie, que ces créanciers privés aillent au diable et que le système s’écroule. Le néo-libéralisme est obsolète et indigne de notre évolution technique, c’est un mort-vivant et seul le désarmement financier nous délestera du cadavre.
(1) Discours de Mr Camdessus, à 5mn25s de la vidéo ci-dessous, le documentaire "the take".