Cyber-psychologie des cyber-cafés du commerce

Peut-être qu’il faudrait désespérer de voir se rejouer une énième fois une de ces élections comme une course de chevaux, mais il faut reconnaître que c’est bien plus trépidant, même si cela exacerbe les tensions et crispe la réflexion. C’est un réflexe naturel pour une élection démocratique ! Il faut d’abord qu’elle soit capable de fournir un grand spectacle et d’avoir des enjeux qui semblent dramatiques afin de réveiller l’aiguillon politique de chaque citoyen.

Effectivement, on pourrait se désoler de cette indépassable dualité gauche/droite et déplorer que le projet politique ne parvienne à se projeter que sur une seule dimension. De fait, l’opposition est si constitutive de la politique qu’en retirer son aspect partisan, c’est pratiquement la priver de son essence. A ce jeu-là on peut accuser les médias, dénoncer les connivences et les jeux de pouvoir, se complaire dans un "complot médiatique" comme celui que dénonce monsieur Bayrou, mais la réalité n’est peut-être pas aussi simple. Car il suffit d’y réfléchir un instant : le média libre existe, il est même prépondérant dans cette campagne. Il s’agit d’Internet. En effet, il n’existe pas de lobby sur Internet, au pire on l’accuse de communautarisme mais surtout, en ces terres, l’émetteur et le récepteur se confondent presque. A la fin, on constate que le citoyen n’est pas plus original dans sa vision du monde que ne le sont les médias. Internet l’aura démontré à travers un nouvel indicateur : le buzz. (Voir buzz-blog)

Le buzz Internet est en quelque sorte une mesure de popularité que l’on calcule à partir de la présence du nom d’un candidat dans les blogs et les forums, ce résultat est pondéré par une appréciation de son contexte (positif ou négatif), il permet de donner une tendance. Cet indicateur fournit un mix entre présence médiatique et popularité dans les sondages. Le buzz est très intéressant pour les sondeurs qui le considèrent comme étant l’avis des faiseurs d’opinion (entendez ceux auxquels on se fie lorsqu’on doit voter, qu’il s’agisse du gendre, du père, de l’ami...) Les instituts espéraient en tirer une nouvelle information, mais, hélas... rien de neuf, à savoir que la partition binaire Ségo/Sarko est respectée, elle est même accentuée.

On ne peut pas nier que l’affrontement militant se soit déplacé vers le Web pour s’emparer furieusement du débat. Vous pouvez tous le lire dans les commentaires des internautes, que ce soit sur Agora Vox ou dans Le Monde, la modération n’est pas le trait dominant. On est accroc au sondage, il faut avouer : la course a du piment. Entre Sarkozy tout-puissant, Ségolène contre-attaque et Bayrou l’outsider qui remonte au centre, tous les ingrédients sont là pour une nation heureuse : Du pain, des jeux

Jamais dans le passé Internet n’avait été un acteur aussi important dans les médias. Il a ouvert la porte à la démocratie à grande échelle, mais tous ses aspects ne sont pas reluisants : on s’attaque à coup de vidéos et de polémique. Les acteurs se sont mis en place, dans chaque camp, on place ses snippers, ses tirailleurs. De sorte que même si jamais la gauche/le centre/la droite n’ont été aussi proches dans leur programme, l’hypersensibilité à la polémique compense la déception de n’avoir plus d’adversaire.

Aux démocrates convaincus, cette fois, on pourra dire avec plus de certitude qu’il est dans la nature humaine d’aimer la polémique, cette fois on a des preuves. En effet, à l’heure où le petit monde de blogueurs Internet s’autoproclame cinquième pouvoir, c’est surtout la polémique qui fait le buzz dans ce nouveau lieu d’échange qui remplace et modernise le café du commerce.