Dangers du téléphone portable : le doute profite aux opérateurs
La téléphonie portable sera-t-elle la source d’un futur scandale sanitaire mondial sans précédent ? On peut légitimement s’interroger au moment où le ministère de la Santé lance une mise en garde concernant les possibles risques pour la santé d’un usage excessif des téléphones portables, notamment pour les enfants. Ce qui serait mauvais pour les enfants serait-il anodin pour les adultes ?
Dans un communiqué, le ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports s’inquiète aux lendemains des fêtes de Noël des achats massifs de téléphones portables pour enfants : “L’hypothèse d’un risque ne pouvant pas être complètement exclue, une approche de précaution est justifiée. Soufflant le chaud et le froid, le ministère rappelle que les études françaises et internationales établissent certes qu’aucune preuve scientifique ne permet de démontrer que les portables présentent un risque “notable” pour la santé, mais que certaines études récentes font état d’un risque faible d’effet sanitaire dans certaines conditions.
Selon le ministère, le seul risque avéré découle d’un effet thermique en cas d’utilisation prolongée, avec pour conséquences possibles des brûlures. D’autres études non confirmées évoquent un risque de cancer à très long terme. Principalement mise en cause, l’émission d’ondes ultracourtes de très hautes fréquences émises au niveau de l’antenne du mobile qui sont absorbées pour moitié par la tête de l’utilisateur. D’après de nombreux spécialistes, il serait possible, à terme, que l’ADN cellulaire soit lésé, ce qui provoquerait des tumeurs cancéreuses.
Ces risques surviennent “après une utilisation intense et de longue durée”, plus de dix ans. Les enfants seraient plus sensibles aux effets des radiofréquences en cas d’utilisation intense, leur organisme étant en développement. Les conseils sont donc d’utiliser le téléphone avec modération, de ne pas téléphoner dans des conditions de mauvaise réception ou lors de déplacements à grande vitesse et d’éloigner le combiné des parties sensibles du corps en utilisant un kit “mains libres”.
Le ministère assure qu’il tente d’obtenir une synthèse du résultat des études à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et déclare avoir saisi l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail afin qu’elle réalise une “mise à jour de son expertise”.
Inquiétantes informations si l’on tient compte de la durée de vie moyenne d’un individu qui grosso modo dans notre société acquiert son téléphone portable pour adolescence, période pendant laquelle on est souvent très prolixe au téléphone et ne le lâchera plus avant sa tardive vieillesse. On serait donc bien pour la très grande majorité des utilisateurs dans le cas d’une utilisation prolongée et souvent intensive. En fait le problème est encore plus grave qu’on ne le pense et dépasse les seuls téléphones portables. L’inquiétude porte sur la multiplication des ondes de radiofréquence qui nous entourent, fruit d’une mobilité sacralisée.
Le 30 novembre dernier, le Comité hygiène et sécurité de la direction des affaires culturelles de la ville de Paris a voté le principe d’un moratoire sur la wi-fi dans les bibliothèques municipales parisiennes suite à la révélation que des membres du personnel présentaient des troubles (maux de tête, malaises, vertiges, douleurs musculaires). Face aux enjeux financiers colossaux de la technologie du mobile, les grandes sociétés ont fait fi de l’incertitude scientifique qui entoure les conséquences possibles des radiofréquences sur l’homme. Les gouvernements de la planète ont une responsabilité majeure sur cette question, eux qui ont vendu à prix d’or des licences d’exploitation. S’engouffrant dans cette brèche, les grandes sociétés qui ont été contraintes de réaliser des investissements particulièrement lourds ont eu beau jeu d’associer autorisé et innocuité. L’appât du gain a été le plus fort, dans un domaine où ces technologies se sont rapidement et massivement répandues et qu’elles évoluent beaucoup plus vite que les recherches sur leur innocuité.
Dans un article publié le 19 décembre dernier dans les colonnes du quotidien Le Monde, Paul Benkimoun dressait un état objectif de la situation. Le simple titre de l’article donnait le ton : “N’abusons pas des ondes”. L’aveu de méconnaissance des scientifiques y est éclairant. Le journaliste rapporte les propos de Paolo Vecchia, du département technologie et santé de l’Institut national de la santé à Rome : “Nous savons peu de chose sur la wi-fi, les fréquences actuellement utilisées et celles qui le seront demain. Nous n’avons pas eu le temps de les étudier”, mais aussi du Dr Elisabeth Cardis, du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui coordonne l’étude épidémiologique internationale Interphone menée dans treize pays sur les liens éventuels entre téléphonie mobile et tumeurs de la tête. “On ne peut certainement pas dire qu’il n’y a rien chez les gros utilisateurs de la téléphonie mobile”, reconnaît-elle. Même si des biais ne seraient pas à exclure, les résultats de l’étude publiés jusqu’ici montrent en effet une augmentation du risque relatif, parfois jusqu’au doublement, de plusieurs tumeurs de la tête (gliomes, méningiomes, neurinomes de l’acoustique et tumeurs de la glande parotide).
Pas de quoi être rassuré d’autant que selon les scientifiques interrogés, la wi-fi pourrait poser moins de problèmes que le téléphone mobile, qui utilise une fréquence plus basse. “L’énergie électromagnétique pénètre moins profondément au fur et à mesure que la fréquence augmente”, “Plus la fréquence est élevée, plus l’absorption des ondes reste localisée aux couches superficielles de l’organisme”.
Dans ce contexte, le positionnement de Roselyne Bachelot constitue un véritable pavé dans la marre pour les opérateurs de téléphonie mobile français qui jusqu’à présent ont joué le jeu de l’intimidation en traînant en justice pour diffamation tous les lanceurs d’alerte, même journalistes. En 2006, Annie Lobé, journaliste d’investigation scientifique écrivant notamment pour Sciences et avenir, en faisait la triste expérience pour un article “Les gens meurent sous les antennes”. L’opérateur de téléphonie mobile s’est notamment appuyé sur l’Institut de veille sanitaire (InVS), qui estimait “qu’il n’était pas justifié d’étudier une association entre des antennes de téléphonie mobile et l’apparition de pathologies”. Pas justifié. Parce que le décès des enfants “peut être simplement dû au hasard”.
La balle est désormais de nouveau dans le camp des scientifiques. Les ministères de la Santé et de l’Ecologie ont commandé fin 2007 à l’Afsset un rapport sur les rayonnements non ionisants, concernant notamment la wi-fi et l’utilisation des téléphones portables par les enfants. Il devrait être rendu à la fin de 2008. Pourtant comme le relevait avec prémonition Paul Benkimoun un consensus existe pour inciter à ne pas laisser les enfants utiliser les téléphones mobiles. La ministre de la Santé aura eu le courage au nom du gouvernement, d’en faire état.
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