De Carolis, le « bourgeois » de la future ORTF
Par incompétence et imprévoyance le gouvernement a été incapable (enfin Sarkozy, puisqu’ils sont tous à ses ordres y compris le toutou Copé qui aboie mais laisse passer la caravane (n’a-t-il pas lui-même dit - tout en voulant faire croire à une démocratie parlementaire - qu’à la fin de tout c’était le président qui décidait et que c’était juste et normal. Comprenne qui pourra que cela puisse être compatible avec le pouvoir de l’Assemblée nationale, représentant, il faut le rappeler, le peuple souverain)) de faire voter dans les délais la loi sur l’audiovisuel qui transforme notre télévision publique en télévision d’Etat. Il est vrai que Poutine est un bon ami de notre Kondukator.
L’idée de la suppression de la publicité, sortie tout droit d’un livre blanc de TF1, a pourtant un an. L’Assemblée s’était pourtant réunie en séance extraordinaire avancée en septembre, mais notre petit père des peuples, le timonier de notre liberté médiatique, a tapé du poing pour que cette loi entrât en vigueur le 5 janvier. Or détail juridique et constitutionnel, le Sénat ne se réunira que le 7 janvier, et au délai de vote par le Sénat - si tant est que celui eut voté dans l’extrême urgence cette loi - s’ajoute celui de la publication de la loi. Alors à part retour vers le futur IV, il paraît impossible que cette loi s’applique au 5 janvier.
Il y a deux solutions que l’un des six cerveaux de notre Luminescence a concoctées, aidé par ses conseillers :
- passer par décret pour modifier le cahier des charges de la future ORTF
- et cette seconde qui a été choisie, demander à Carolis de prendre lu-même la décision de ne plus faire de publicité entre 20 h et 6 heures du matin. C’est l’ancienne gardienne de Versailles qui s’y colle. Habituée à la salle des glaces et au roi soleil, elle ne peut qu’obéir à celui qui fait son job de président.
Ainsi Albanel, qui souhaitait que le président de radio France soit également nommé par le lider Massimo, demande par courrier - envoyé par courtoisie dans la presse avant que le destinataire la reçoive et soit comme les cocus le dernier informé ( " Le président de France Télévisions doit recevoir lundi (article dimanche) un courrier du ministère de la Culture " )- à Carolis de tresser la corde qui va le pendre. Lorsque les bourgeois de Calais se sont rendus la corde au cou, en robe de bure blanche et pieds nus c’était pour sauver leur ville. Carolis devrait en faire de même mais pour couler une entreprise qui n’appartient pas au pouvoir mais aux Français, Français qui, avec la publicité bientôt défunte, la payent en partie par la redevance et la donner au pouvoir qui jusqu’à preuve du contraire ne prend pas dans les poches ou les assurances vie du vendeur avec plus-value de l’appartement de l’Île de la Jatte pour faire tourner la boutique.
Notre bon Figaro nous informe donc : L’autre solution, qui a été choisie, est que le président de France Télévisions, « suite à un courrier de son actionnaire (l’Etat, ndlr) décide en tant que président d’entreprise publique d’arrêter la pub entre 20h00 et 6h00 du matin, de sa propre initiative, dans l’attente que la loi soit définitivement promulguée ».
De même source, on a souligné que « cette décision n’a pas de conséquence négative pour l’entreprise », puisque les 450 millions d’euros destinés à compenser la fin de la pub sont assurés, car inscrits dans la loi de finances. « Le 2 janvier au matin, Eric Woerth (le ministre du Budget) peut faire un chèque de 450 millions d’euros au président de France Télévisions », a-t-on ajouté. Si cette compensation n’avait pas été inscrite, Patrick de Carolis « n’aurait pas pu faire lui-même un tel décret car on aurait pu considérer qu’il prenait un risque financier pour son entreprise ».
Le conseil d’administration de France Télévisions se réunit mardi prochain. Le décret instituant la suppression de la publicité que prendrait Patrick de Carolis, étant un acte de gestion, n’appelle pas de vote à ce conseil.
Vous remarquerez que j’ai mis en gras quelques passages savoureux, enfin si l’on veut et si cela peut être savoureux que d’aller vers le bourreau de sa " propre initiative " un fusil dans le dos. Cela fait penser aux séances de weight watchers où chacun fait son auto flagellation publique sous les huées quand un participant a pris 3 grammes ou bien les séances de contrition publique de quelques fonctionnements communistes dans le monde.
Le cynique est à son maximum quand - il faut que je prenne mes précautions car je ne sais si ce sont des paroles officielles, ce qui serait assez grave d’incompétence, mais en cela on est habitué, ou la transcription journalistique. Comme il y a des guillemets j’en conclus que c’est officiel - une lettre émanant du pouvoir ordonne à un président qu’elle n’a pas nommé (nous sommes encore dans le régime du CSA et non dans celui de l’ORTF reconstituée) qui agira donc " de sa propre initiative ". Je ne crois jamais avoir vu de ma vie que l’obéissance à un ordre était une initiative propre à celui qui obéit.
Le second point m’inquiéterait lourdement si j’étais Carolis d’une part car il n’est pas indiqué que Woerth fera un chèque, mais seulement peut faire, ce qui veut dire en français, qu’il peut ne pas le faire et comme les caisses sont vides, je vous laisse imaginer ce que l’on peut en penser et d’autre part c’est que ce chèque ne serait pas fait à la future ORTF mais à Carolis lui-même. Comme on apprend qu’au-delà de l’Atlantique on escroque à coup de 50 milliards de dollars, il pourrait partir avec 450 millions d’euros, personne ne verrait à y redire.
Le troisième point - là aussi je me méfie, car je ne suis pas féru de droit public et ou commercial - est qu’il me semble qu’il n’existe pas de décret dans une entreprise fût-elle publique. Ainsi ce morceau de phrase qui indique que Carolis n’aurait pas pu faire lui-même un tel décret sans l’inscription au budget de 450 millions, n’a aucun sens car il n’existe pas de décret à faire ou non. De plus on ne fait pas un décret, on le promulgue.
Le dernier me paraît être un point qui permettrait d’attaquer juridiquement une telle décision. Et l’on voit que le gouvernement n’est pas si sûr. Et si j’étais l’opposition je crois que j’attaquerais bille en tête. Puisque selon les bons vouloirs de Sarkoko, ce serait Carolis qui prendrait ce fameux décret et ce faisant cela étant un acte de gestion, n’appelle pas de vote à ce conseil [d’adminsitration qui se réunit jeudi]. Or un acte de gestion qui modifie de façon si considérable le fonctionnement d’une entreprise nécessite forcément un vote du conseil. Il ne s’agit pas de changer le papier toilette, ou de modifier le prochain menu de la cantine. Il s’agit tout simplement de bouleverser le mode économique de l’entreprise. A mon sens, une telle décision ne peut pas se prendre du propre chef du président de France télévision. Et même si Sarkozy a l’habitude de se passer de toutes règles comme se marier sans publier les bans et de façon non publique, de faire venir le juge pour son divorce, s’inscrire sur les listes électorales quand elles sont closes, ne pas faire sa déclaration d’impôts dans les délais... , même une entreprise publique a un conseil d’administration et celui-ci doit respecter les règles inscrites dans la loi qui impose que certaines décisions soient votées par ce même conseil. On pourrait rappeler l’affaire Tapie où c’est bien le conseil qui a voté la décision et non le président du CDR qui a pris seul sa décision de passer par un tribunal arbitral. Le cas est similaire. Ensuite il faut revenir sur la déclaration péremptoire que la simple inscription de 450 millions d’euros au budget signifierait que cela ne fait pas prendre un risque financier à l’entreprise. Or ceci est totalement faux. Les estimations penchent entre 750 et 800 millions d’euros qui seraient nécessaires. C’est donc à la fois une modification radicale de la gestion de l’entreprise et un risque financier important pour celle-ci. On demande à Carolis, la corde au cou, de prendre une décision qui a de forte chance d’être irrecevable, qui va à l’encontre de l’intérêt de l’entreprise qu’il dirige et qui va contre ses estimations. Or si on lui attribue la compétence et le pouvoir pour sa gestion c’est qu’il devrait être mieux placé que ses actionnaires, en l’occurrence l’Etat, pour savoir ce qu’il faut.
C’est donc une nouvelle fois la démonstration de l’impréparation de ce gouvernement, les déclarations à tort et à travers, l’obligation de l’obéissance aveugle aux caprices du Prince, tout en même temps que la mise en place d’un pouvoir qui se croit tout permis. Cela serait à mourir de rire, si ce n’était grave, d’avoir entendu Copé qui déclamait que le parlement avait un pouvoir fort lorsque l’on voit que les préconisations de sa commissions pour la future ORTF ont été enterrées, que les débats sont court-circuités et que ce n’est que le désir du Pacha du haut de son diwan qui fait force de loi, qui est plus fort que la représentation du peuple. Il décide et si cela ne peut se faire dans les délais qu’il a décidés, et même si cela est de sa faute ou de celle de sa majorité, il passe outre la représentativité nationale et le fonctionnement démocratique normal et républicain, et recherche tous moyens à sa disposition, toute carambouille qui ait un vernis de vraisemblance pour imposer en force ses lubies ou celles de ses amis à yacht et bétonnières.
Vignette : Bourgeois de Calais, Rodin, source Wikipédia
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