De consommateur à auteur de sa santé...
Depuis quelques affaires largement médiatisées, celle du Médiator entre autres, les médicaments ont mauvaise presse. Alors faut-il encore en ajouter une couche ? Oui ! et cela pour plusieurs raisons… D’abord, parce que le scandale du Médiator n'est ni le premier, ni l’unique ! Isoméride, Distilbène, Vioxx, etc... tous ces médicaments ont été retirés de la vente après que l’on ait constaté nombre décès ou de graves conséquences chez les patients. Combien de victimes ont-ils fait ? Les autorités sanitaires commencent seulement à les répertorier.
Ensuite car il s’agit d’une "addiction" bien française : celle de la surconsommation de médicaments ; elle conduit entre autre au « trou » de l’Assurance maladie. Enfin parce que pour nombre de bobos de la vie quotidienne, on pourrait faire autrement. Notre corps quand on en prend conscience possède nombre de potentialités naturelles à favoriser pour éviter les pathologies ou les soigner.
En 2014, le remboursement des médicaments a coûté 23 milliards d'euros à l’assurance maladie. Chaque Français consomme en moyenne 48 boîtes de médicaments par an. 50 % des Français âgés de plus de 65 ans prennent entre 1 et 4 médicaments chaque jour, 38 % de ces Français en prennent de 5 à 10 par jour et 1 % prennent plus de 10 médicaments différents chaque jour ! Est-ce bien raisonnable ?
100 millions d’antibiotiques sont prescrits chaque année, la France détient d’ailleurs le record mondial. Les antibiotiques sont devenus la « potion magique » de notre époque, soignant tout et tout de suite… Ce qui n’est en aucun cas vrai, notamment quand ils sont prescrits en matière de grippe ! Les antibiotiques ne peuvent rien contre les virus… Et on veut ignorer le plus souvent les conséquences sur les reins ou encore les conséquences sociales : les maladies nosocomiales sont en pleine recrudescence. Sous l’influence des antibiotiques, les bactéries mutent et deviennent incontrôlables.
En matière de médicaments antidépresseurs, ces médicaments que l’on prend pour une déprime, favoriser le sommeil ou au contraire pour se stimuler, ce sont plus de 200 millions de boîtes qui sont vendues chaque année. C’est quatre fois plus que la moyenne européenne. Serions-nous plus fragiles ? Etc..
Un médicament n’est pas qu’un bienfait
Ainsi au moindre bobo, un petit rhume, un oeil qui pleure, un état de fatigue, une petite gastro, quelques maux de tête, une moindre déprime due à une mauvaise note de son enfant ou à une dispute avec son conjoint ou son amant(e), vite un médicament !… que l’on s’administre seul ou que l’on attend, voire exige, de son médecin. D’ailleurs, 9 consultations sur 10 en France donnent lieu à une ordonnance contre 1 sur 10 aux Pays-Bas ! Par manque d’éducation à la santé, le médicament est devenu la solution de facilité. Il rassure le patient, évite les efforts ou les changements de comportements et distribue un statut au médecin qui en retour donne l’impression de s’occuper de son patient…
Or un médicament n’est jamais neutre et nombre de leurs effets secondaires sont sous-estimés[1]. Même le paracétamol, le médicament le plus vendu en France, n’est pas sans danger. Cette préparation (noms commerciaux : Doliprane, Dafalgan, Efferalgan), est devenue la référence majeure contre la douleur et la fièvre. En vente libre, le paracétamol est présenté, y compris par les médecins, comme totalement sans danger… Il est décrit comme « bien toléré », y compris pour les enfants et les femmes enceintes et est supposé « présenter peu d'interactions avec les autres médicaments ». Certaines personnes l’ont ainsi en permanence au fond de leur sac par simple précaution. Et elles ne se privent pas de l’offrir dès qu’un collègue ou un ami se plaint d’un mal de tête.
Pourtant, comme tout principe « actif », il n'est pas dénué d'effets collatéraux graves. En effet, une équipe de l'université de Leeds, a rassemblé quelque 1 900 études publiées sur les « effets toxiques du paracétamol »[2]. Elles démontrent que les personnes qui prennent chaque jour une dose habituelle de paracétamol, par exemple 3 comprimés de Doliprane 1000 par jour ou 6 d'Efferalgan 500 -soit 3 grammes par jour- ont un risque de décès prématuré accru jusqu'à plus de 60 %. Elles présentent une probabilité plus élevée de commettre un accident cardio-vasculaire (+ 19 %), une hémorragie intestinale (+11 à 49 %) ou des atteintes rénales. Ce qui conduit le Professeur Philipp Conaghan qui a dirigé cette étude a écrire : « Au vu des résultats présentés, nous pensons que le risque réel associé à la prescription de paracétamol est supérieur à ce qui est perçu par la communauté médicale ».
Parmi les autres médicaments, certains présentent des risques « disproportionnés par rapport aux bénéfices qu'ils apportent » comme l’indique la revue médicale indépendante Prescrire le jeudi 30 janvier 2014, avec sa liste des 68 médicaments « plus dangereux qu'utiles »[3]. Eux également devraient être écartés des prescriptions habituelles. Par exemple, le strontium ranélate (Protelos), utilisé dans le traitement de l'ostéoporose, est suspecté d’être le vecteur de troubles neurologiques et cardiovasculaires graves, voire mortels. Cette revue cite également la quinine (Hexaquine, Okimus, Quinine vitamine C Grand), utilisée pour traiter les crampes mais qui expose à des effets anaphylactiques[4] ou à des troubles hématologiques[5]. De même, l'Izilox (moxifloxacine), un antibiotique de la famille des quinolones, n'est « pas plus efficace que d'autres » mais expose à des syndromes de Lyell[6] et à des hépatites graves. Prescrire conteste pareillement plusieurs médicaments pour l'Alzheimer avec « une efficacité minime et transitoire » ; ils exposent à des effets indésirables graves lorsqu'ils sont prescrits en association avec d'autres médicaments.
Par ailleurs, Patrick Lemoine, un chercheur et un clinicien en psychiatrie très connu, dénonce de son côté les benzodiazépines, ces tranquillisants ou somnifères dont les français abusent. « Les benzodiazépines sont à l’origine de nombreux effets secondaires graves : apnées du sommeil, chutes, maladie d'Alzheimer,..,. Récemment une étude a même montré que la mortalité est presque doublée chez les personnes qui en prennent presque régulièrement. »
L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) de son côté, signale 77 préparations, actuellement « suivis pour leur dangerosité »[7]. Quant aux professeurs Philippe Even et Bernard Debré, dans le Guide des 4 000 médicaments utiles, inutiles et dangereux, ils demandent la suspension immédiate de 56 médicaments commercialisés ; ils sont pour eux « inefficaces », « inutiles » parce qu’il existe des traitements plus efficaces ou moins risqués. Ces 56 produits « sont à retirer dans l'intérêt des malades, sans tenir aucun compte de l'impact industriel ou des chantages à l'emploi », affirment ces cliniciens.
Devenir « auteur » de sa santé
Ne prenons-nous pas des médicaments plutôt pour nous rassurer, parce que c’est l’habitude, parce que cela fait partie du non-pensé en santé français et des largesses non contestées de l’assurance maladie… Le marché pharmaceutique aidant, via les médias, ne nous rend-t-on pas sans s’en nous en apercevoir hypocondriaque ? Dans nombre de situations de la vie, on pourrait réellement s’en passer. Ne soyons pas cependant intégriste, ne tombons pas dans l’excès contraire, gardons les remèdes pour les pathologies graves. Pour les bobos, pensons à faire… autrement !
Au quotidien, il nous faut en tout cas réagir à cette surconsommation néfaste. Il nous faut cesser d’identifier le médicament comme le « sauveur » et reconsidérer le potentiel d’auto-guérison de notre corps. Tout est d’abord affaire de prévention et s’il n’existe pas de panacée, on peut tenir compte de quelques fondamentaux : manger équilibré à travers un régime méditerranéen, bouger chaque jour, éviter les addictions, limiter les stress. Encore faut-il en sus prendre du temps pour soi, écouter notre corps : « il nous parle » ; ensuite apprendre à se relaxer, à se faire masser, ajouter du soleil avec modération, quelques plaisirs au quotidien et la fête de temps à autre. Ne disons pas que nous n’avons pas le temps ! Arrêtons les excuses –le travail, la famille-, Il suffit de laisser de côté le smartphone de temps à autre pour rechercher ce qui nous fait du bien…
Le moral tient également une place considérable dans notre santé, et dans la guérison éventuelle. Un « travail » sur soi est alors à entreprendre pour se donner une direction, un chemin à notre existence. On parle plutôt de sens aujourd’hui. Principalement, notre sérénité ne dépend-t-elle pas de notre capacité à nous traiter avec douceur et bienveillance…
Pour en savoir plus
sur les fondamentaux et les petits « plus » qui nous correspondent :
André Giordan, 30 ans sans médicament, Lattès, 2015
[1] Sans parler des dangers des interactions entre les principes actifs qui les composent.
[2] Paracetamol : not as safe as we thought ? A systematic literature review of observational studies, Annals of the Rheumatic Diseases, 2014, publié 2 mars 2015
[3] Elle se fonde sur des études réalisées entre 2010 et 2013.
[4] Réactions allergiques graves.
[5] Divers troubles du sang.
[6] Une atteinte brutale et grave de la peau, potentiellement mortelle.
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