Souvent en politique, les affaires s’emboitent comme des poupées gigognes si nombreuses qu’elles finissent par étouffer la vérité. On le voit, bien sûr, dans l’affaire Clearstream où jamais les juges, s’ils en ont vraiment l’intention, ne parviendront à démêler l’impossible écheveau de la vérité.
Mais il arrive qu’une affaire permette d’en révéler une autre qui jusqu’alors n’aspirait qu’à rester à l’ombre : Suisses et américains eurent le mauvais goût de déterrer une vieille histoire, cette affaire Polanski dont la France aurait souhaité qu’elle restât dans les oubliettes de l’histoire… Elle devint pourtant une boite de Pandore quand notre Ministre des Affaires Etrangères et, surtout, celui de la Culture se précipitèrent au secours d’un délinquant désormais sanctifié comme « victime » ! L’affaire Polanski devint l’Affaire Mitterrand.
Tout a été dit sur ce qui met en lumière l’extraordinaire amoralisme de notre gouvernement mais ne rêvons pas, aurions-nous un ministre assassin, il serait protégé aussi longtemps que César, ne baisserait pas le pouce pour le livrer aux fauves et laisser la dépouille au milieu de l’arène.
Cette Affaire restera pourtant inédite pour l’incroyable cordon sanitaire que l’ensemble des médias, de droite comme de gauche, auront établi pour protéger un Ministre. La vérité brute, et connue, est-elle trop triviale ? Frédéric Mitterrand aimait payer les jeunes garçons comme son prédécesseur à la Villa Medicis, Balthus, aimait les petites filles. Balthus, de Rome à Gsdat, lui aussi, tiens, tiens… Sensibilité d’artistes, me direz-vous….
Cette réalité crue se pare, pour la presse, de bien d’autres mots. Ceux de la désinformation sans complexe. Pour Yves Calvi, ce sont des « fantasmes littéraires », pour Rue 89 on évoquera un « roman autobiographique » dont le doux oxymore voudrait cacher la délectable porosité du vice, pour le Nouvel Obs on parlera d’ « une rumeur persistante sur la toile. » Et en effet, ici et là, on usera de cette inflation de la « rumeur » et des conditionnels quand il suffit de dire que Mitterrand a bien écrit noir sur blanc, quel qu’en soit la qualité du style, un livre qui n’a rien de romanesque.
Mais à trop monter aux créneaux, on s’expose dangereusement et une vérité bien plus grave que celle qu’on voulait taire finit par surgir. Et l’Affaire Mitterrand devient l’Affaire Carla Bruni.
Pourquoi ? Pour disqualifier toutes les attaques contre Mitterrand, on voulut utiliser la charge de Marine Le Pen. Le stratagème eut peut- être fonctionné s’il ne s’était trouvé un homme de gauche, un seul, qui sauva l’honneur de son camp. Hamon, donc, rompit ce pacte du silence qui se susurrait honteusement entre les antichambres des ministères et les décombres de la gauche caviar.
Après tout, dans ces journées où d’éminents membres du gouvernement remettaient la castration chimique à la lumière projecteurs, il eût été dangereux d’évoquer certaines perversions…
Mais voici qu’entre en scène, le porte-parole officieux de Carla Bruni, Christophe Barbier avec cet incroyable titre dans l’Express : « La fachosphère accuse Frédéric Mitterrand de pédophilie ».
Ainsi le Directeur de la Rédaction d’un journal substitue-t-il le mot « fachosphère » à celui de « blogosphère » - ce qui n’a rien d’innocent quant aux menaces qui pèsent désormais sur le Net.
Mais rappelons que, il y a un an, lorsque Christophe Barbier épousa Yamini Kumar-Cohen, Carla Bruni, Notre Première Dame, était aux premières loges pour les noces de l’un de ses proches. Rappelons aussi que, bien avant que cette affaire n’éclatât, on évoquait l’influence de Carla pour la nomination de son ami Mitterrand comme Ministre.
Carla Bruni savait qui était Frédéric Mitterrand. Peut-être alors se plait-elle à errer dans ces marécages comme dans un jardin des délices…
La vie privée et la vie publique sont si intimement liées que personne ne se sera scandalisé en consultant le site internet qu’elle vient d’ouvrir. Entre quelques bonnes actions proclamées sur la culture en prison et la lutte contre le Sida, la plus grande partie du site est consacrée à Jean-Paul Gaultier dont le groupe Hermès détient 45% des parts.
Insupportable mélange des genres.
Que dirait-on si le site de Michèle Obama faisait ostensiblement la promotion d’un groupe privé ? C’est donc bien d’affaires qu’il s’agit, affaires de porte-manteaux dans l’univers anorexique de la mode et du luxe, affaires d’argent et d’influences.
Derrière l’hagiographie officielle de Carla Bruni, derrière sa « sensibilité », ses drames, son talent, quel journaliste osera dénoncer « l’Affaire Carla Bruni » : comment est-elle arrivée là et pourquoi ? Quels sont les réseaux qui l’ont placée dans ce lieu stratégique ? Quel est son rôle exact dans l’Etat ?
Le citoyen a le droit d’obtenir des réponses claires à ces questions. Il a en tout cas le devoir d’interdire ce mélange des genres entre l’affairisme et l’acceptation d’une charge honorifique dans la République.