De l’impérieuse nécessité de médias citoyens
Réflexions à partir d’un exemple
Les lecteurs d’AgoraVox auront accueilli sans trop grande surprise l’appel à dons qui vient d’être lancé. Ils savent pour la plupart qu’un journal même sur la toile, a un coût surtout lorsqu’il est à jour en permanence et qu’il couvre l’ensemble de l’actualité comme la diversité des opinions et même des états d’âme.
Le principe même ne peut plus être mis en cause et c’est une magnifique opportunité qu’offre le développement des technologies du « net ».
Alors non, l’appel à contribution n’est pas une perte d’indépendance, c’est au contraire en assurer la pérennité. Qu’y aurait-il à redouter de mécènes éventuels très puissants, si le principe fondateur reste intangible ?
C’est donc, avant tout, la nature et la forme du contenu qu’il s’agit de sauvegarder et de développer.
Pour avoir été journaliste quelque temps, je ne sais que trop combien le formatage en adéquation avec les propriétaires ou les autorités (en cas de « bien public ») est prégnant et contraint les journalistes en obérant souvent leurs choix intimes. Dès lors, certains sujets sont traités de manière disproportionnée tandis que d’autres sont à peine esquissés voire oubliés. C’est d’ailleurs souvent la sanction arbitraire d’un « audimat » imaginaire et erroné et, du coup, on en arrive parfois à considérer AgoraVox comme une agence de presse, alimentée par des citoyens conscients et responsables, au demeurant comme une référence relayée par d’autres médias. Que souhaiter alors au journalisme d’investigation citoyenne qui se dessine à l’horizon ? Entre autres qualités, de la liberté dans la pertinence et le sérieux.
Evénement ou pas à Strasbourg ? Un exemple de ratage sans peine à la clé
Dans le Bas-Rhin, le quotidien régional (les DNA) est tout-puissant, comme d’ailleurs la PQR( presse quotidienne régionale) dans la majeure partie de l’hexagone. Comme ailleurs sur le territoire, il est en situation de quasi-monopole. Comme ailleurs, il n’a de concurrent que dans l’interface entre deux zones de diffusion voisines. Jadis, dans un pluralisme perdu, pesait encore la redoutable menace du « ratage » : qu’ici on ait omis, raté, l’information la plus anodine, que là le concurrent avait développé à loisir, était considéré comme une faute passible sinon de sanctions directes du moins de déconsidération pénalisante. Aujourd’hui, plus rien de tout cela. Seul critère, seul aiguillon : ne pas déplaire, voire plaire aux annonceurs et aux pouvoirs en place.
Quid alors de la liberté, la vraie ?
Ainsi « l’appel de Strasbourg » lancé solennellement lors de l’Université d’Automne du Mouvement Européen France (MEF) à la fin d’octobre dernier, a-t-il laissé sourd ou au moins peu entendant le rédacteur des Dernières Nouvelles d’Alsace, à STRASBOURG, capitale européenne*.
Il s’agissait pourtant d’une déclaration importante dans le temple de l’UE et à un moment particulier de la construction européenne. La présidente du MEF, l’eurodéputée Sylvie Goulard, avait obtenu des quelque centaines de militants venus de tout le pays, qu’ils adhèrent à cet appel selon lequel, en substance, ne devrait, en aucun cas, être désigné comme futur président du Conseil Européen un ressortissant d’un Etat qui n’aurait pas adhéré à la Charte des Droits Fondamentaux, annexée au traité. Pris au débotté dans l’enthousiasme grégaire, le sénateur-maire de Strasbourg, Roland Ries, avec d’autres invités trônant sur la tribune, y avait sincèrement souscrit.
L’anecdote (pour les Alsaciens) et une analyse plus subtile de cet Appel auraient permis d’y voir une manoeuvre habile de la présidente pour exclure d’emblée la candidature (la seule connue à ce moment-là) de Tony Blair, citoyen du Royaume-Uni, pays dispensé (opting out inadmissible) d’adhérer à ladite Charte.
Rien à ce sujet ou si peu dans la Capitale Parlementaire de l’Europe, dans Strasbourg qui revendique l’AOC, si je puis dire, de « Strasbourg de l’Europe ».
Désinvolture, négligence, erreur d’appréciation, incompétence ? Je ne sais.
Je répare ici sommairement cette lacune, ce que j’aurais dû faire bien plus tôt, car je sais cette fois que les congressistes ont guetté longtemps et en vain une couverture plus approfondie de ce qui constituait à leurs yeux un événement.
Voilà donc un exemple qui montre qu’un papier-citoyen sur AgoraVox aurait pu circuler et être repris.
Voilà aussi pourquoi je soutiens notre média avec mes deniers et mes contributions et que j’invite d’autres à le faire.
Antoine Spohr
*Puis-je me permettre d’apporter un petit bémol au papier de présentation de la Fondation dont le siège est à Bruxelles « capitale de l’Europe »(sic) ?
L’Europe est polycentrique et Strasbourg est de manière intangible le siège du Conseil de l’Europe (47), de la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui y est associée et du Parlement Européen (27).
Oserais-je suggérer aussi que, pour ces raisons, Agoravox y ait une représentation même symbolique ?
Avis à Carlo Revelli et à Joël de Rosnay
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