De la mer à l’assiette... fiscale
Comment un gouvernement qui avoue ne disposer d’aucune marge de manœuvre financière peut-il tenir les promesses du candidat autoproclamé « président du pouvoir d’achat » tout en finançant les urgences sociales, les retraites, les universités, le soutien aux entreprises, la protection de l’environnement ? Et j’en passe !

Pis que cela ! Sans jamais envisager sérieusement de geler les privilèges accordés aux plus puissants, individus ou entreprises, et se résigner à réduire le train de vie, pour ne pas dire la gabegie, de l’Etat. Et bien pis encore ! Comment le faire dans un contexte de ralentissement économique, de marché du travail sinistré, de tensions sur les prix à la consommation et de pression fiscale qui a, depuis longtemps, dépassé la limite du supportable. « Le montant des prélèvements obligatoires a atteint ses limites en proportion du PIB », établissait un rapport du sénat sur le sujet en 2004 et... les prélèvements n’ont cessé de progresser depuis !
Voila une équation à décourager mille savants Cosinus, à mettre une armada de comiques au 36e dessous... A dynamiter la confiance du ménage le plus béatement optimiste : l’indicateur qui mesure celle des Français est en chute libre en novembre, -28 contre -23 en octobre. Et ça peut se comprendre quand on se retrouve, à la veille de Noël, avec aussi peu de grisbi au fond du bas de laine que de moral au fond des chaussettes... Des broquilles ! Moroses et morfondus... Et rien dans la hotte !
Une équation à faire cauchemarder tout être doté d’une parcelle de vision économique... Mais pas Nicolas Sarkozy ! C’est qu’il a une botte secrète, toujours le même ping-pong qui lui trotte derrière la tête : « travailler plus pour gagner plus » et « élargir l’assiette des prélèvements obligatoires »... L’assiette, voila la souveraine panacée. Comment ? En taxant méthodiquement la « dernière vente », bref la consommation, cercle magique où se retrouve l’immense majorité des Français, vous, moi, richards comme smicards, rupins comme purotins, et de plus en plus de pécunieux, miséreux, miteux et autres calamiteux... Nous tous ! 60 millions de gouttes de sacrifice toutes à suinter pour la France et la pérennité de ses élites !
Dernier exemple en date, la taxe (mais non, une « éco contribution »... Dame, pardon ! Ca change tout) d’1 % à 2 % sur le prix de vente final des poissons vendus en poissonnerie, surgelés ou dans la restauration, qu’ils soient pêchés par des navires français ou importés (85 % du poisson consommé en France est importé). Je n’ai rien contre la solidarité, mais je trouve le principe contraire aux attentes et aux intérêts des Français. Et puis comment peut-on créer une nouvelle taxe sur la consommation et, dans le même temps, multiplier les promesses sur la défense du pouvoir d’achat ? Il y a du Majax en Sarkozy !
Officiellement, et notamment pour vaincre les réticences de la Commission européenne qui a déjà prévenu qu’elle serait très vigilante sur tout ce qui pourrait passer pour une aide nationale déguisée, la mesure est présentée par Michel Barnier comme un financement visant à assurer l’avenir d’une pêche durable et préserver les ressources halieutiques. Résonnez conques marines ! Comme c’est providentiel et noble l’écologie à toutes les sauces, y compris armoricaine... Au fond, peu nous importe que Michel Barnier illusionne la commission d’autant de piperies qu’il lui semble nécessaire !
Dans la réalité, cette mesure est bonnement destinée à compenser l’augmentation du prix du gazole payé par les pêcheurs (57 centimes d’euros aujourd’hui) et mieux, à le ramener par le biais de l’aide à 30 centimes d’euro, soit l’objectif de rentabilité fixé par les pêcheurs. C’est une rustine fiscale, une de plus, une mesurette entérinée à court terme pour étouffer la révolte récente. Sur le fond, elle intervient alors qu’aucune réforme structurelle n’a été entreprise depuis le dernier plan de modernisation de la flotte (plan Mellick 1991). Pourtant le contexte était bien connu de tous les professionnels : augmentation de la puissance des navires et donc de leur consommation (+69 % d’augmentation de la puissance moyenne nominale en 20 ans), arrêt progressif des subventions à la modernisation synonyme de vieillissement de la flotte, renchérissement prévisible des coûts de carburant, exigences accrues de qualité des produits et de gestion de la ressource, etc. On a prolongé l’incurie, d’un gouvernement à l’autre... On continue jusqu’à la prochaine crise... Rien que du classique !
Mais concrètement, pour nous autres consommateurs de produits de la mer, cette mesure revient à augmenter la TVA d’1 % à 2 %. Recta ! C’est aussi simple que ça. Quant aux allégements de charges sociales annoncés par Nicolas Sarkozy aux pêcheurs, le conseil d’administration de la CNAV a immédiatement désapprouvé la pirouette de sortie de crise du survitaminé président en faisant valoir que « les cotisations sociales ne doivent pas servir de variable d’ajustement au règlement des conflits sociaux ou des difficultés économiques rencontrées par certaines entreprises ou professions. »
Et demain ? Que nous promet-on ? Les franchises médicales (non remboursement d’une fraction des dépenses sur les médicaments, les actes paramédicaux et les transports sanitaires). C’est fait ! La TVA sociale et la taxe carbone ? Leurs mises en œuvre n’attendent que le moment propice et un habillage marketing séduisant (taxe anti-délocalisations pour l’une, protection de l’environnement pour l’autre). L’Etat est « en situation de faillite », comme l’indiquait François Fillon, le 21 septembre 2007, pour signifier aux agriculteurs corses qu’il ne fallait plus réclamer de subventions. Les entreprises ne vont guerre mieux. Il faut donc prendre la laine directement sur le dos du consommateur.
Dans ces conditions, comment ne pas craindre la propension funeste de notre omni président (qui, soit dit en passant à des idées aussi plates qu’une galette de sarrasin en matière d’économie) à nous emberlificoter dans un fatras de micro-taxes, ventes de bouts d’EDF et autres mesurettes, au hasard des revendications, des crises, des urgences, pour faire face à ses promesses électorales exorbitantes ou, plus prosaïquement, tenter de tempérer les désordres les plus visibles de notre société, acheter la paix sociale... Au moins jusqu’à sa réélection en 2012... Renvoyant ainsi les véritables échéances et tous les règlements derrière l’horizon électoral... Sans vergogne !
D’autant qu’on peut faire confiance à Henri Guaino et aux talents de tribun de son avocaillon de patron pour nous embobeliner d’effrayants bourrages de crânes, systématiques, enjôleurs comme les véroniques du toréador sur la nuque du taureau promis à l’estocade, le plus souvent basés sur une caricature de raisonnement faite d’analyses circonflexes, de simplifications abusives et de transitions illogiques. Je résume :
« Tout a un coût et l’Etat n’a plus d’argent. Il faut protéger l’environnement, aider les pêcheurs, changer les roulettes du fauteuil de mémé, etc. (la liste est longue). Donc, je propose que vous bossiez plus pour contribuer plus ».
Ah l’habile sophisme que voilà ! Partir de deux prémices incontournables pour déboucher sur une pseudo conclusion selon laquelle il n’y aurait qu’une solution à un problème donné alors qu’il en existe évidemment d’autres. Et si vous réfutez la sublime conclusion au prétexte futile qu’elle n’est pas très réaliste, on vous fait passer au mieux pour ignare en économie, ou, plus grave, individualiste étalon de la pire espèce. Si ce n’est les deux à la fois. Pis que scolopendre ! Voilà résumée la méthode Sarkozy... Le reste c’est des mercuriales et beaucoup de communication, du fin discours pur beurre... TF1, la radio, les amis patrons de presse s’en chargent.
Mais tout n’est pas noir. Parfois je dois avouer que les occasions de rire ne manquent pas. Tel Henri Guaino, parti à la pêche aux symboles de défense du pouvoir d’achat qui avait imaginé « geler le prix du gaz »... L’hilarant ou le moutarde, Henri ? Sérieux... Tous à vos masques ! Là on croche carrément le fond. C’est plus fort que centripète... Guaino, fougueux magistère au chevet de la France... L’invention de la thérapeutique d’outre-tombe... La chirurgie orthopédique sur jambe de bois par l’homme tronc des pauvres... Une farce à faire mourir de rire une vache du Brahmapoutre exilée dans un âshram de La Villette... A quand la tombola des panacées, Henri ? Aux abris ! Tous aux girolles ! Et presto !
Nicolas Sarkozy himself ne se sentait pas d’annoncer cette bombe. D’un autre côté, relancer la consommation par l’assouplissement du crédit ? Dans l’état où sont les banques, pas question ! Alors il a préféré s’en tenir au sujet qu’il maîtrise mieux, sa marotte : « pour défendre son pouvoir d’achat, il faut gagner plus en travaillant plus ». On y a eu droit sous toutes coutures.
Mais la réalité ? Tout d’abord certaines catégories ne peuvent pas statutairement travailler plus et d’autres ne travaillent pas tels les étudiants, les chômeurs ou les retraités. Ca fait un paquet de sinistrés en perspective. Et pour les autres c’est vite dit de travailler plus, mais quand on voit le marché du travail. Bon, vous me direz : Nicolas est là pour créer la dynamique et la méthode Coué en vaut une autre. Certes, et si quelques-uns travaillent plus, ça fera toujours un surplus de salaire pour eux, de recettes fiscales pour l’Etat et de consommation pour les entreprises. Par les temps qui courent, on ne crache pas sur les petits bénéfices.
Jeudi soir, à défaut d’être nouveau, le discours était brillant, comme à l’accoutumée... Une fois de plus on a vu Nicolas Sarkozy en parangon du « volontarisme politique », maître illusionniste dans l’art de faire passer « ce qu’il promet » pour « ce qui est »... Prestidigitateur des finances, l’homme par qui la galette renaît.... Le champion des transferts de charges, des passe-passe vertigineux ! Capable de fourguer Gilbert Montagné en moniteur d’auto-école... Rachida Dati en garde des Sceaux... Rama Yade limites à ne pas dépasser tout de même ! Des muscades ! Des girofles ! Des entourloupinages toujours plus étincelants ! Des arches de Noé... Des clous !
En attendant ces temps meilleurs et des mers plus clémentes, il ne nous reste plus qu’à prier, pauvres pêcheurs et les autres, pour le chalut de nos âmes et de nos bourses, la rédemption par le travail et le fisc. Mais si d’aventure les améliorations promises n’étaient pas au rendez-vous, que les attentes virent en frustrations et les municipales de mars en vinaigre. Alors gare à la réaction de l’UMP !
C’en serait fini des supports. Sueurs... Fièvres... Apostasie de Nicolas par tous les pores... Baudruches ceux qui ont voté comme il fallait (pour celui qui a été élu) ou lui ont vendu leur âme et à défaut, plus communément, leurs convictions, leur presse... Politicailleurs madrés... Pschitt ! Petits et grands mandarins... Pschitt ! Chatoyants sponsors... Pschitt ! Folliculaires stipendiés... Pschitt ! Spumes ! Cabriolez pontifes, Manitou explose. Epectase de l’omni président. Sauve qui peut ministres... Courage, Fillon ! Retour du succube Ségolène et de l’incube François (Fillon ou Hollande comme il vous plaira), démons mineurs composant l’épouvantable avant-garde des légions infernales... Suivis de l’archange Dominique, qui rêve toujours d’être calife à la place du calife et n’en finit plus d’astiquer ses cuivres... Casseroles aujourd’hui et trompettes demain ! Confusion et vengeance... Babylone et Jéricho ! Adieu féeries !
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