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De la nature humaine

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 Embourbés dans nos émotions, trompés ou guidés par nos passions, nous traversons la vie avec le fardeau de nos évidences que le temps par bonheur amenuise afin de nous laisser entrevoir un peu de lumière sous la porte de nos tombeaux. Nos vérités éphémères ont la consistance d’un souffle qui décédera à la prochaine inspiration. Nous fabriquons des suites de demandes enfantines sous forme de prières faites à un ciel fantasmé suivi de cette acceptation tacite d’un refus silencieux, quasi systématique. Les années passent, le sablier s’emballe, Saturne déverse ses grains de quartz sur nos certitudes jusqu’à les faire disparaître… La nature ne s’offusque pas des différences, elle s’en nourrit et le concept humain d’égalité n’est pour elle qu’une forme de crétinisation de la création par un besoin stérile d’uniformisation. Certaines créatures sont fragiles de nature et leurs porosités au malheur les promettent à la tragédie. D’autres, traverseront l’existence dans le miel et la soie, allez savoir pourquoi, quel en est le sens, le but, l’origine  ?

 Nous avons érigé des règles et des principes que nous contournons ou appliquons suivant les circonstances ou la puissance économique et matérielle des sujets. Nous justifions nos manquements et nos erreurs derrière la façade des morales préfabriquées pour la circonstance. Puis il y a l’intransigeance des religions, des sectes, où une foultitude de personnes sensées, parfois très cultivées, adhèrent à des lois étranges qui les privant d’un peu près tous les agréments de la vie, interroge et suscite l’admiration des gourous. Cela reste pour l’Homo sapiens réfléchi un mystère. L’évidence est que, quel que soit le fondement des églises celui-ci repose une idolâtrie dogmatique qui n’a rien à voir avec la foi intérieure. Je sais certains me diront qu’est-ce que tu te prends la tête Toto, applique la règle des trois «  B  » (boire, bouffer, baiser) et tu seras heureux. Ainsi nous conseillent les riches têtes pensantes dont la vie se résume à une suite de mondanités d’une affligeante vacuité. Évidemment parfois, dans le but d’essayer de passer une existence confortable, j’ai appris à limiter le nombre de questions. Cependant, devant un problème posé, faire le choix de ne pas faire le choix est une lâcheté dans laquelle les irresponsables excellent. L’ignorance protège comme la fuite évite le contact au réel, mais je doute que cette attitude soit satisfaisante et pérenne pour chacun dans le temps qui lui est accordé, car à l’aulne de sa vie, dans chaque vieillard il y a un enfant qui se demande ce qu’il s’est passé  ? L’humain bugge sur ses horloges, gaspille ses heures et ses jours de fait, il ne lui reste plus guère de temps…

 Par son éducation, son entourage social, la nature marchande se grave dans l’essence même de l’homme. Elle limite son bonheur à des substituts de consommation issus de ses désirs de possession. En cela le capitalisme est le seul et unique système qui règne sans partage. Peu importe l’environnement politique mis en place, communiste, socialiste, gauche, droite, etc., il s’en accommode. Sa force est qu’il est dépourvu de passions, de sentiments, d’empathie. Le concept de bien et de mal lui est totalement étranger. Religion, philosophie, morale, opinion ou solidarité n’ont sur lui aucune adhérence.

 Au contraire, il s’en sert pour faire son business, tout s’achète, tout se vend et c’est sa seule règle, son seul moteur. De la marchandisation des corps en pièces détachées aux ventres et utérus loués, des graines tueuses aux OGM et autres produits phytosanitaires, il atomise et inverse l’ordre naturel des choses, saccage et pille la planète en l’exploitant sans aucune éthique. À ce jour, il a même réussi l’incroyable et indécente performance de privatiser le vivant. Il justifie sa nocivité par de bons sentiments, il donne de la vertu au vice. Ceux qui ne l’ont pas compris, bien que le critiquant, l’alimentent et participent à son essor, tout en pensant le combattre. C’est louable que de lutter contre les injustices générées par ce système, mais comment le faire lorsque nos âmes se vident devant les vitrines putassières que nous avons créées à la gloire de ce même et unique système  ? Il est vrai qu’en ce siècle où le profit passe avant l’humain, il y a moyen d’être malhonnête en toute honnêteté. De ce concept dévastateur, l’individu étant partout sommé de s’aligner sur le rentable, une logique s’installe où se produise et où sont à attendre les pires aliénations anthropologiques.

 Pourtant la merveille existe encore, elle se révèle parfois dans l’attitude envers l’autre. Il me revient en mémoire une petite histoire qui m’en apprit beaucoup sur la définition de grandeur chez l’homme. C’était une chaude journée de juillet. Sur la table basse du salon au milieu des revues diverses, il y avait deux photos prises la semaine précédente. Son œil artistique les capta. Il les ramassa et calmement les étudia. J’étais gêné, car honnêtement elles étaient techniquement minables. Puis, il les reposa et me tint ce commentaire : «  Bien, pas mal du tout…  » Déstabilisé, je ne sus quelle attitude adopter, j’étais soufflé et je me suis dit en moi-même il plaisante, il se moque. Le soir, nous sommes allés au restaurant et, en prenant l’apéritif, je ne pus me retenir et lui dis : «  Vous vous êtes foutu de moi tout à l’heure, vous avez dit des conneries ces photos étaient nulles, ratés…  » Et là, il m’a regardé avec étonnement et après un long silence il m’a dit : «  L’expression qui se dégageait de ta première image était émouvante quant à la seconde, j’ai trouvé la lumière vraiment éclatante…  » Et là, j’ai entrevu quelque chose d’extraordinaire. J’ai compris qu’il ne voyait que ce qui était réussi, ce qui était bien. Il occultait les défauts, il ne voyait que ce qu’il y avait de beau chez l’autre. Il n’y avait que ça qui l’intéressait, qui le motivait. Il laissait les jugements négatifs, les remarques sur les erreurs, les loupés aux petits, aux frustrés, aux critiques et à leurs besoins primaires de défoulement sur autrui pour exister. L’amour est un concept abstrait, mais avait pour lui une réelle importance, c’était son carburant naturel. Et là, quelle leçon  ! quelle claque  ! Ainsi sont les uniques, les grands, les anges, les véridiques… 

 La souffrance et la mort, que nous cherchons à vaincre et à faire reculer, ne sont qu’une autre face de la vie et le sombre reflet d’un avenir inconnu. Nous acceptons nos peines, nos chagrins, jusqu’au malheur qui nous frappe, car il nous est impossible, du fond de nos ténèbres, de discerner le bien et le mal et de les distinguer l’un de l’autre dans une vérité fluctuante au fil des horloges. L’homme est assoiffé d’amour, de reconnaissance. Malgré les apparences, au plus profond de nos âmes, nous nous aimons les uns les autres à notre propre insu, même quand nous donnons aux autres et peut-être à nous-mêmes le sentiment de nous haïr et de vouloir nous détruire. Il nous faudra demander pardon pour les fautes et les erreurs qui attirent sur nos têtes la colère d’une nature dont nous avons fini par oublier la puissance. Nous nous sommes comportés en enfants gâtés, immatures et stupides et Gaia sanctionnera ses enfants. 

 Ce monde est à l’agonie et il est urgent de voir et de comprendre ce qu’il y a de physiologique et de pathologique dans cette humanité. À quel instant ça a merdé  ? Les différents dirigeants partent du principe que tous les êtres humains appliquent cette même règle nocive et figée comme quoi : «  Tout ce qui arrive est la faute des autres  ». L’attitude que nous adoptons envers autrui est le fondement de notre destinée commune. Le problème en ce bas monde est que les imbéciles qui sont les plus nombreux sont sûrs d’eux alors que les gens intelligents sont pleins de doute. À ce niveau, l’espoir n’est plus une option. Pour terminer, je constate qu’on peut mentir en politique, se tromper de philosophie, manipuler en religion, mais l’avenir se révèle dans la science exacte des mathématiques. La démographie fait l’histoire, l’arithmétique ne ment pas, le nombre fera la chute.


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16 réactions à cet article    


  • Clocel Clocel 12 juillet 2022 13:27

    « Deviens qui tu es »... Sacré défi aujourd’hui, quand tout est fait pour ne pas se rencontrer.


    • Gabriel Gabriel 12 juillet 2022 13:42

      @Clocel
      Nous sommes ce que nous faisons... le résultat de nos actions est issu de nos choix individuels et c’est cela qui nous construit ou nous détruit.


    • Clocel Clocel 12 juillet 2022 14:17

      @Gabriel

      Pas aussi simple, le cadre est de plus en plus contraint, nous sommes des animaux sociaux...


    • SilentArrow 12 juillet 2022 15:02

      @Clocel

      « Deviens qui tu es »
      ou
      « Deviens de moins en moins ce que tu n’es pas »


    • Furax Furax 12 juillet 2022 16:09

      @ auteur

      Vous posez un diagnostic lucide sur les interrogations qui nous traversent tous.

      La réponse qui vient de votre observateur des deux photos est, bien sûr très intéressante.

      Pour ma part, je m’accroche à la réponse d’un homme politique (oui, oui !!!) qui est , dans mon classement personnel, la plus grande personnalité du XXème siècle

      Le jour où il a été investi Président de son pays il a déclaré dans son discours :

      « Nous venons au monde pour révéler la gloire de Dieu qui est en chacun de nous »

      Cet homme, c’est Nelson Mandela.

      On est assez loin du charabia de nos « riches têtes pensants » sur la « start up nation » et autres balivernes


      • ZenZoe ZenZoe 13 juillet 2022 11:14

        À quel instant ça a merdé  ?

        Personnellement, je pense que ça a commencé a merder quand l’homme a voulu prendre la place de dieu dans tous les domaines, y compris la spiritualité, on va dire quelque part au 20ème siècle, ou fin du 19ème.

        Avoir une loi divine au-dessus de nos têtes était contraignant, souvent injuste, mais servait à ’’tenir’’ les instincts humains les moins reluisants et pouvait servir de moyen de cohésion sociale. Aujourd’hui, puisque l’homme décide de tout, y compris des modalités de création de la vie, il n’a plus de frein salutaire pour l’arrêter dans ses délires. Il n’a plus d’objectif au-delà de sa vie non plus, et se fourvoie en substituts factices.


        • xenozoid Xenozoid 13 juillet 2022 11:51

          @ZenZoe

          on va dire quelque part au 20ème siècle, ou fin du 19ème.

          d’apres moi , c’est plus vieux que ça,avec le néolitique pour faire cour 6/7000 ans avant notre conte de la croix


        • Gabriel Gabriel 13 juillet 2022 12:57

          @ZenZoe
          Marchandisation, tout se vends tout s’achète même le spirituel... Le capitaliste triomphant est devenu la seule et unique religion. la seule échappatoire est en nous même, vers cette particule de vie, cette étincelle de lumière que la nature ou Dieu nous a donné. Il suffit peut-être de prendre le temps de l’écouter...


        • ZenZoe ZenZoe 13 juillet 2022 17:20

          @Gabriel
          la seule échappatoire est en nous même,

          Justement je dis le contraire, j’ai du mal m’exprimer. Il me semble qu’autrefois la croyance d’avoir quelqu’un au-dessus de soi, créateur et maître de l’univers et de nos destinées, qui nous dictait un comportement avec des lois tombées littéralement du ciel, nous protégeait contre nos excès, nous fournissait des réponses à nos angoisses existentielles, et nous donnait notre place dans la marche du monde, en cohésion avec d’autres humains.
          Nous sommes aujourd’hui victimes de notre hubris, nous pensons que toutes les réponses, tous les choix peuvent venir de nous personnellement. C’est une erreur je pense. Le monde n’est pas notre nombril. Le salut est avant tout dans une communion avec l’univers, avec un extérieur à soi. Appelez ça comme vous voulez, spiritualité, foi...
          Quant au capitalisme triomphant comme vous dites, il a toujours existé sous une forme ou une autre (rappelez-vous les marchands du temple et Jésus qui fait le ménage), mais ne se voit plus imposer de limites aujourd’hui, puisque le dieu qui nous surveille a bel et bien été viré de nos vies et de nos esprits.
          Bref, avec notre nouvelle religion l’humanisme, nous avons gagné sur certains points, mais perdu sur d’autres. On ne peut pas tout avoir n’est-ce pas...


        • Gabriel Gabriel 13 juillet 2022 18:21

          @ZenZoe
          Je parlais du Christ intérieur en chacun de nous. Appelez cela conscience ou âme peu importe. Je pense que nous sommes tous relié à une force spirituelle qui nous dépasse et nous anime. A nous de l’écouter, de l’entendre.


        • Sandro Ferretti Sandro Ferretti 13 juillet 2022 12:27

          @Gabriel

          Pour ceux que la prose rebute, « la grande bellezza », à mon sens le plus beau film de ces 10 dernières années, dit la même chose que vous, avec un acteur superbe ( Toni Servillo) et une bande son de très haut niveau

          https://www.youtube.com/watch?v=PA_eiQRppOY

          https://www.youtube.com/watch?v=3Vn7N6_MGZE

          https://www.youtube.com/watch?v=SOBnCMsBnt4


          • Gabriel Gabriel 13 juillet 2022 13:02

            @Sandro Ferretti
            Bonjour Sandro,
            L’homme est un prisonnier dont la seule liberté est d’avoir pu choisir sa prison faite de barreaux qu’il peut limer. Mais s’en souviendra t-il ? Aura t-il le courage de tourner son regard vers les étoiles ?
            Cordialement


          • Oncl’Sagamore 13 juillet 2022 15:16

            ... Le capitalisme spéculatif, tel qu’on le subit actuellement, ne date que de 3 siècles. Le « conflit intérieur » qui meut chaque individu, est apparu avec la Conscience d’un Soi inhérent à notre espèce. (Euh, ça déjà fait... longtemps !)

            [ A chacun de faire avec, ou de le faire évoluer selon son « héritage culturel », son éducation, son environnement humain, ses aptitudes personnelles : C’est ce qu’on appelle le libre-arbitre, héhé ! ]


            • Gabriel Gabriel 13 juillet 2022 18:23

              @Oncl’Sagamore
              Le libre arbitre exact, j’ai l’impression que dans ce monde de zombis celui ci n’est plus audible, ne fonctionne plus...


            • Oncl’Sagamore 13 juillet 2022 19:49

              @Gabriel
              ... avec un libre-arbitre en désuétude, on devient (collectivement ?) la proie du « premier Jésus-Christ qui passe »...

              [... opinions préfabriquées, publicité, fakes et post-vérités... Et on n’a sûrement pas encore tout vu ! ]


            • Oncl’Sagamore 13 juillet 2022 19:53

              @Gabriel
              Avec un libre-arbitre en déroute, on devient (collectivement ?) la victime de "premier Jésus-Christ qui passe...

              [... opinions préfabriquées, publicité et marketing, fakes et post-vérités... ]

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