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De quelques réflexions d’un déserteur du marché du travail ou les aventures de super super au travail pour la croissance à travers les siècles

« Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front », ォ « tu enfanteras dans la douleur », voilà Adam et Eve chassés du paradis terrestre et associés dans la souffrance du travail, celui de l’homme aux champs et celui de la femme en gésine.

« Alors qu’Adam bêchait

et qu’Eve filait,

Où donc était le gentilhomme ? »

(devise d’un mouvement de paysans anglais du XVー, Les Lollards)

« Supprimer un jour férié pour les personnes âgées a quelque chose de romantique »

Guillaume Sarkozy, vice-président du MEDEF qui a ajouté :

« Pendant trop longtemps, on a entretenu l’illusion qu’on pouvait travailler moins et obtenir davantage. Cette démarche redonne sa noblesse au travail »

« Travail, famille, patrie » , « Achbeit macht frei » 

J.P. Raffarin : « moi, je veux réhabiliter le travail, pas l’impôt »  »

« Les esclaves perdent tout dans les fers, jusqu’au désir d’en sortir ; ils aiment leur servitude comme les compagnons d’Ulysse aimaient leur abrutissement. S’il ya donc des esclaves par nature, c’est parce qu’il y a eu des esclaves contre nature. La force a fait les premiers esclaves, leur lâcheté les a perpétués »

(Rousseau : Du contrat social)

 

De plus en plus, autour de moi, j'entends ce genre de propos qui se banalisent :

« Je travaille pour nourrir des fainéants »

« S'ils n'ont pas de travail, c'est qu'ils ne veulent pas travailler »

« Il faudrait mettre les chômeurs et les Roms dans des camps »

Banalité du mal dirait Hannah Arendt ? Mais nous savons tous où cette banalité nous a déjà conduit !

L'on dresse, les détenteurs des médias dominants, des politiques qui se servent d'un bouc émissaire pour détourner la colère et le mécontentement du peuple, les uns contre les autres dans cette guerre des places où peu de chaises restent vides par rapport au nombre de candidats.

L'on exhorte dans une injonction paradoxale, ceux qui en sont privés, à chercher un travail, devenu aussi mythique que le Saint-Graal, dans une société où celui-ci se raréfie, mais aussi se précarise.

C'est qu'il faut faire croire à celui qui est sans emploi qu'il est le seul responsable de sa situation, comme si celle-ci n'était pas plutôt dépendante de la conjoncture économique (saturation du marché des biens européens alors que ceux-ci sont en pleine expansion dans les pays émergents où la demande de consommation en bien d'équipements est forte), des mutations structurelles économiques (mondialisation, délocalisations, hausse de la productivité liée au machinisme) et de choix politiques (déréglementation et dérégulation des marchés) et économiques (exigences d'actionnaires voraces qui demandent des taux de profit exhorbitants, 15 à 20 %) qui ne sont nullement des fatalités.

Mais la propagande d'Etat, des gouvernements successifs de gauche comme de droite tourne à plein régime pour désigner un coupable et culpabiliser la victime elle-même, le sans emploi, le sans droit, le sans voix, le fainéant qui ne veut pas travailler et qui coûte cher à la société, alors que des milliers d'ayant droit au RSA ne se déclarent pas (ceux qui représente plusieurs milliards non dépensés, mais bugétisés par l'Etat), par honte ou par fierté peut-être et que , contrairement à ce qui est suggéré, très peu de demandeurs d'emplois sont indemnisés, leurs droits n'étant pas éternels, mais dégressifs et que justement, c'est parce qu'ils avaient cotisé, qu'ils ont droit, à juste titre donc, à une indemnité. Et cela alors même que les plus aidés dans ce pays sont les entreprises capitalistes, banquiers et l'industrie agro-alimentaire gavés de centaines de milliards d'euros de subventions, exonérés d'impôts (sans parler de la fraude sociale et fiscale) et de cotisations honteusement pendant que les classes moyennes payent la facture accusant les plus pauvres d'en être les bénéficiaires.

Et pendant ce temps là, les actionnaires et rentiers se gavent de super-profits, les élus se votent des lois d'exception (retraites), cumulent mandats et indemnités sans aucun contrôle citoyen, pendant qu'on martèle, le patronnat surout, cette idée saugrenue que le travail est un coût, alors que c'est lui qui crée la rihesse, et que celui-ci est trop cher en France, que c'est pour ça que les entreprises n'embauchent pas.

Pourtant si notre société a bien un coût exhorbitant à supporter, c'est justement bien cet appétit féroce du capital qui dévore tout jusquà se faire éclater.

Et comble du cynisme, aujourd'hui, voilà que c'est au tour de ce gouvernement soit-disant socialiste, mais qu'a-t-il réellement de socialiste, puisque le socialisme est par définition la socialisation des moyens de production, ce gouvernement de La Deuxième droite, plutôt donc comme les nomme très justement J.P. GARNIER et Louis JANOVER, dans leur livre paru en 2012 chez Agone, qui se prend à faire le sale travail de la droite en « réformant » la protection sociale (retraite), tout en ayant dans son collimateur le CDI et le droit du travail.

Mais là s'en est trop, il faudrait, selon eux, comme si ce n'était pas assez, les faisant passer pour des fraudeurs, que Pôle Emploi, contrôle plus les chômeurs accusés de ne pas rechercher assez activement un emploi.

Or qu'elle est donc cette injonction paradoxale, véritable situation de maltraitance, qui en rendrait fou plus d'un qui exige à plus de 5 millions de chômeurs (sans parler des milliers d'hommes et de femmes qui comme moi ne sont plus inscrits à pôle emploi et qui donc contrairement aux fantasmes véhiculés, n'ont même pas un droit au RSA) de trouver un emploi qui n'existe plus, sachant qu'il ne resterait que 350 000 emplois pourris non pourvus en France.

 

Mais qu'est-ce que le travail ? Comment celui-ci en et-il arrivé à devenir une valeur partagée à la fois par la droite et la gauche jusqu'à n'être plus considéré que sur l'angle très droitier de l'économie, tandis que nos ancêtres réellement de gauche en avaient fait la critique : du travail comme aliénation, comme situation d'exploitation. Les anarchiste sont encore les seuls à évoquer l'idée d'une abolition du salariat.

Car là est bien aussi la question : comment en sommes nous arrivés à désirer notre propre soumission librement consentie par un contrat de travail, soit disant égalitaire, passé entre un employeur en fait en sitation de domination avec un travailleur en sitation de dominé.

Mais allons plus loin encore : comment a-t-on pu accepter que l'économie de marché, ainsi que le souligne Karl POLANY, dans : La grande transformation : aux origines politiques et économiques de notre temps fasse de la terre, de la monnaie et de l'être humain des marchandises ?

Comment sommes nous passés d'une situation où le marché du travail s'est substitué au marché aux esclaves , où le salarié qui non content de travailler pour se nourrir et se loger se fait exploiter avec son consentement, tandis que l'esclave était nourri et loger par son maître, et n'est devenu plus qu'un consommateur qui paie un loyer à son maître et un contribuable qui entretient un Etat qui met à disposition des maîtres les forces d'oppression (police, armée, école) nécessaires à cette même fabrication du consentement ?

Et que penser d'un système qui exclut des millions d'individus, tandis que dans le monde 2 milliards d'individus souffrent de la faim ? Il est certain que La guerre des classes, décrite par François Ruffin, même si elle semble avoir disparu au profit d'une « guerre des places, est toujours bien vivante, mais que nous l'avons perdu :

« La guerre des classes existe, c'est un fait, mais c(est la mienne, la classe des riches, qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la remporter » (dixit le miliardaire Warren BUFFET)

Serions-nous devenus obsolètes du fait du développement de L'esclavage énergétique (voir pour plus de détails l'intéressant essai J.F. Mouhot sur ce sujet), bon à jeter au rebut ou cette libération du temps de travail ouvre-t-elle de nouvelles perspectives pour une autre organisation sociale, économique et politique , Une société à refaire, selon la formule de Murray BOOKCHIN, qui allierait social et écologie et remettrait le travail à sa vraie place, celui d'une activité au service de la communauté ?

Car ne nous trompons pas, le XXI è siècle sera celui de la réconciliation de l'Homme avec la nature, au risque de connaître un Effondrement comme les anciennes civilisations ainsi que nous le rappelle Jared DIAMOND ou BROSWIMMER, dans son livre sur l'écocide.

 

Rien d'original dans l'article qui va suivre donc ou que nous sachions déjà pour qui veut savoir, juste une bibliographie bien remplie à laquelle je dois l'essentiel de ma réflexion (leurs auteurs me pardonneront sûrement de les avoir largement utilisés en espérant ne pas avoir trahi leur pensée) et qui se trouve, pour ceux qui veulent approfondir le sujet, à la fin du texte ci-dessous.

Rien d'original il est vrai, si ce n'est que ce texte mériterait d'être réécrit à l'aune de la réflexion sur la croissance approfondie, alors que je l'avais produit en 2004 pour un débat à ATTAC 54 avec l'espoir un peu fou et bien vite démentie par la levée de boucliers des productivistes de gauche, en espérant donc que cette gauche justement se réapproprirait ce questionnement sur le travail, au risque de courir à sa perte, voire sa disparition de l'échiquier politique ou de se droitiser définitivement en s'enfermant dans un discours économiciste, ce qui n'a pas manqué d'arriver !

Mais je compte bien sur la communauté de lecteurs pour en faire cet ajustement, la critique constructive en apportant de l'eau au moulin, l'important étant que ce débat ce tienne enfin.

Écrit 2 mois environ avant qu'un huluberlu excité ne devienne président en prétendant revaloriser la valeur travail avec ce slogan aberrant : « Travailler plus pour gagner plus »

La gauche a perdu mais n'en a tiré visiblement aucune leçon, et s'apprête à remettre le couvercle pour une droite dont le bleu pourrait bien virer au bleu Marine.

Bonne lecture donc à ceux qui auront la patience de me lire.

 

Travail vient de trepalium, instrument de torture en latin, signifie aussi contractions de l’utérus pendant l’accouchement, ォ mot réservé, au Moyen Age et jusqu’à la Révolution, pour nommer l’activité pénible et méprisée des pauvres, de ceux qui n’avaient que leur bras pour vivre. Le noble qui exerçait le métier des armes, le grand bourgeois qui occupait une charge, l’artiste ou le savant qui se consacrait à son oeuvre prétendaient se livrer de leur plein gré à leur activité favorite. Utiliser pour décrire cette activité le même terme que celui qui servait à désigner le labeur des manants, des domestiques, des gens de basse condition aurait ouvert la voie à des comparaisons inadmissibles : il ne pouvait en être question. サ1

 

  • L’ANTIQUITÉ

 

La production des biens extérieurs à l’existence et à l’activité humaine exige un travail pénible qui en lui-même est incompatible, selon Aristote et Platon, avec la fin véritable de l’homme qui est l’activité de la pensée, un travail qui est proprement inhumain. La solution de ce problème, que Platon cherchait dans la division de la société en classes, dont certaines étaient entretenues par les autres (Eupatrides ou nobles, géomores ou agriculteurs, démiurges ou artisans), Aristote, qui en bon théoricien de l'inégalité naturelle justifiait l'existence de l'esclavage, pensait lui qu’elle était donnée dans une institution déjà existante : l’esclavage.

 

Aristote : " quand des hommes diffèrent entre eux, autant qu’une âme diffère d’un corps et un homme d’une brute (et cette condition inférieure est celle de ceux chez qui tout travail consiste dans l’emploi de la force corporelle, c’est là d’ailleurs le meilleur parti qu’on peut tirer d’eux), ceux-là sont par nature des esclaves pour qui il est préférable de subir l’autorité d’un maître. "2

 

L’esclavage ne peut donc être justifié que par l’infériorité naturelle de certains hommes.

ォ Enfin, Aristote ajoute, il faut toujours assigner un terme au travail des esclaves, il est juste et avantageux, en effet, de poser devant eux la liberté comme prix de leurs peines, car les esclaves acceptent volontiers la fatigue quand ils ont une récompense en vue et que leur temps de servitude est limité. サ3.

 

Cela ne ressemble-t-il pas étrangement à notre RETRAITE ?

Selon Aristote toujours, il existe trois formes de chrésmatiques condamnables (toute activité qui existe dans l’acquisition des biens et des richesses) :

- le commerce extérieur

- le prêt à intérêt

- le travail salarié, c-à-d le fait de vendre son travail contre de l’argent

" Les citoyens doivent mener une vie qui ne soit ni de travailleur manuel, ni de trafiquant (une telle vie étant sans noblesse et contraire à la vertu) et (...) ceux qui sont appelés à être citoyens ne seront pas davantage laboureurs "4 puisque l’on a besoin de loisir à la fois pour le développement de la vertu et pour l’exercice d’une activité politique = NECESSITE POUR EXERCER UNE ACTIVITE POLITIQUE DE (SE) LIBERER (DU) LE TRAVAIL

 

Tout au long de la domination de l’Empire romain, et même jusqu’à la fin du Moyen Age, la représentation du travail ne connaît pas de bouleversement majeur. L’Empire romain n’accorde en effet aucune place particulière au travail, et persiste au contraire, sur le modèle grec, à le mépriser.

Iーs. av. J.C., Cicéron : selon lui, certains hommes possèdent également une " nature servile ", il soutient que les individus occupés à des travaux manuels sont d’une condition inférieure.

 

  • Le christianisme primitif ou la doctrine de la fraternité universelle

 

Cette doctrine, développée dans le Nouveau Testament, où le Christ a travaillé de ses mains de longues années, implique une attitude nouvelle à l’égard du travail : St Paul pose le principe de l’obligation du travail " Que celui qui ne travaille pas ne mange pas " et s’oppose en cela au texte de la Genèse où le travail était considéré comme une malédiction, une punition (Adam et Eve). On assiste à une condamnation de la richesse et à une exaltation du travail où le moyen Age va être le théâtre d’une lente conversion des esprits et des pratiques.

Plus tard, St Augustin justifiera à nouveau l’esclavage par une doctrine de l’acceptation nécessaire du mal social comme punition du péché.

L’esclavage, dit-il, n’est pas une institution naturelle (les esclaves sont des hommes vaincus à la guerre). " Après avoir créé l’homme raisonnable et l’avoir fait à son image, (Dieu) n’a pas voulu qu’il dominât sur les hommes, mais sur les bêtes. ". Néanmoins, " c’est avec justice que le joug de la servitude a été imposé au pécheur ", c’est pourquoi l’apôtre avertit les esclaves d’être soumis à leurs maîtres et de les servir de bon coeur et de bonne volonté, afin que, ォ s’ils ne peuvent être affranchis de leur servitude, ils sachent y trouver la liberté, en ne servant point par crainte, mais par amour, jusqu’à ce que l’iniquité passe et que toute domination humaine soit anéantie, au jour où Dieu sera tout en tous ".5 = UNE THEORIE DE LA RESIGNATION qui marque le désintéressement de la doctrine chrétienne officielle à l’égard de la vie économique et politique. On pourrait ajouter la célèbre phrase attribuée au Christ de ォ rendre à César ce qui appartient à César サ.

C’est sous St Augustin également que l’Otium, l’état de non travail, sera soudainement condamné et que le travail manuel sera l’objet d’une attention toute particulière, apparaissant comme le meilleur remède contre l’oisiveté :

" La paresse est l’ennemi de l’âme, et c’est pourquoi il faut qu’à certaines heures les frères soient occupés au travail manuel, il faut qu’à d’autres ils soient occupés à la méditation des choses de Dieu "

Mais loin d’être une valorisation du travail, celui-ci souvent loué pour son caractère pénible, prendra alors l’allure d’une pénitence.

Le Moyen age sera marqué par la domination de l’Eglise sur l’Etat, marquant un déclin général de la vie intellectuelle et notamment de la pensée politique, la vie intellectuelle étant entretenue uniquement par les clercs, qui seuls savaient lire, elle se réfugie dans les monastères.

C'est ce qui explique aussi les persécutions de la Sainte Inquisition condamnant comme hérétiques ou sorcièr(es) ceux qui remettaient en cause cette domination par la monopolisation du savoir de l'Eglise, en faisant appel à la raison et au développement des sciences de la vie et qui risquaient ainsi de remettre en question les dogmes de l'Eglise. Lire à ce sujet l'excellent petit livre D'EAUBONNE Françoise : Le Sexocide des sorcières.

 

  • Le Moyen Age

 

- Vー-IXー s. : fin de l’empire romain, invasions barbares : les paysans libres de communautés de villages sont amenés à se mettre sous la protection des nobles (chefs des tribus qui se sont appropriés par le pillage les grands domaines et villas romaines comme les Germains). Ainsi se forme les domaines et manoirs du Moyen Age constituant la hiérarchie féodale. Les paysans ont perdu la liberté et sont devenus des serfs en cultivant les tenures, terres du village, mais aussi celles du seigneur : ce sont les corvées. Dans les régions où le peuplement barbare a été faible (Sud de la Gaule), l’évolution part du domaine romain cultivé par des colons et des esclaves. Avec la décomposition des royautés barbares (monarchie franque et empire de Charlemagne), les maîtres de ces domaines deviennent eux aussi des chefs politiques, des seigneurs. le système d’exploitation par colons et esclaves évolue vers le servage. En même temps l’industrie régresse partout avec la ruine des villes et le recul du commerce. L’esclavage, base de l’industrie antique, recule également de ce fait.

- XIIー- XIIIーs. : avec l’essor des villes et du commerce, notamment du commerce de l’argent et des produits agricoles (le prêt à intérêt interdit par l’Eglise), le servage recule car nécessité de d’augmenter la production et donc la productivité du travail. Le servage recule donc chaque fois que le seigneur pense alors avoir intérêt à donne la liberté aux paysans en transformant les corvées en redevances en argent (l’impôt). Un travailleur libre est plus productif.

Pourtant, St Thomas d’Aquin continue de légitimer l’esclavage : " l’esclavage n’est pas naturellement fondé mais est pratiquement nécessaire "6 D’ailleurs, ォ les représentants des diverses Eglises, soucieux de ne pas mécontenter les classes possédantes, donnèrent par la suite leur appui moral à ce système. On le faisait reposer sur la Bible, en invoquant la rocambolesque histoire de Cham, maudit par son père, Noé, et condamné, ainsi que sa descendance, à être l’esclave de ses frères Sem et Japhet. Nul ne conteste, aujourd’hui, que de telles fables ont été inventées pour les besoins de la cause. Ils invoquèrent aussi les paroles de St Paul :

ォ Esclave, obéis à ton maître comme à J.C. lui-même サ ou de Saint Augustin :

ォ Servez sans murmurer, car les murmures ne vous empêchent pas d’être esclave ; ils font seulement que vous êtes un mauvais esclave 

Ce concours se prolongea pendant de longs siècles puisque Granier de Cassagnac, dans son Voyage aux Antilles, publié en 1844, se prévalait de l’attitude de l’Eglise " qui a toujours prêché, disait-il, et ordonné la soumission aux esclaves "7

Pas étonnant donc que pour la pensée chrétienne du XXー s, mais aussi la pensée humaniste et même marxiste (l’actuelle pensée marxiste, n’en déplaise, quelle que soit sa diversité (Friot) continue de défendre avec vigueur l’idée que le travail est une catégorie centrale et qu’il constitue l’essence de l’homme), le travail soit l’activité fondamentale de l’homme. Ainsi pour Henri Bartoli, le travail humain est la continuation sur terre de la création divine, mais aussi un devoir social que chacun doit remplir au mieux qu’il le peut. Voir tout le charabia sur la dignité dans le travail et sur l’utilité sociale, la réalisation de soi dans le travail. Cette pensée s’appuie également sur une certaine lecture des textes bibliques et recouvre une dimension très spiritualiste en assimilant travail, liberté et effort.

Dans sa théorie du bien commun St Thomas d’Aquin énonce l’idée suivante : " plus grand et plus divers est le bien de la multitude que le bien d’un seul ; c’est pourquoi on accepte parfois le mal d’un particulier s’il tourne au bien de l’ensemble... ", de même, la vie naturelle doit se subordonner à la vie surnaturelle. C’est notamment ce qui est affirmé pour la vie politique : " l’homme n’est pas ordonné à la communauté politique selon tout ce qu’il est et tout ce qu’il a... Mais tout ce que l’homme est en lui-même, tout ce qu’il peut, tout ce qu’il possède, doit être ordonné à Dieu ". Impossible donc de développer véritablement une connaissance rationnelle de la vie politique et économique.

Sa doctrine économique développée dans la seconde partie de la Somme contribuera également à justifier le droit de propriété privée, le commerce et le prêt à intérêt :

-le droit de propriété privée s’accompagnant d’une doctrine de l’usage commun des biens cher à Aristote, c’est le catholicisme social. La charité est envisagée comme une obligation morale alors qu’Aristote préconisait des institutions sociales, l’Etat étant détenteur d’une partie des terres cultivables dont il était chargé de redistribuer le fruit. De même ; pour le pape Léon XIII, la base de l’organisation sociale sera la propriété, l’intervention de l’Etat devant être exceptionnelle, celui-ci n’étant qu’un auxiliaire des initiatives privées. Jean XXIII, dans son encyclique de 1961 maintiendra cette position : " la présence de l’Etat dans le domaine économique, si vaste et si pénétrante qu’elle soit, n’a pas pour but de réduire de plus en plus la sphère de liberté de l’initiative personnelle des particuliers... Le droit de propriété, même des moyens de production, a valeur permanente, pour cette raison précise qu’il est un droit naturel ".8

En soutenant donc que la propriété privée des moyens de production (propriété sacralisée déjà par la Révolution française bourgeoise qui fir-t du droit de propriété un droit naturel et inaliénable) est " de droit naturel ", l’encyclique prend évidemment position contre les partis et groupements divers qui préconisent la socialisation des moyens de production.

- La justification du commerce, ou, est-il permis de vendre une chose plus chère qu’elle ne vaut ? C’est la théorie du " juste prix "

St Thomas d’Aquin : " User de fraude pour vendre une chose au-dessus de son juste prix est certainement un péché, car l’on trompe son prochain à son détriment ".

Rappelons que pour les grecs, les modes naturels de l’acquisition des biens étaient l’agriculture, l’élevage, la pêche, la chasse et même le brigandage qui était considéré comme une sorte de chasse = l’appropriation par l’homme des autres être vivants que la nature leur offrait, tandis que le commerce était une manière non naturelle et donc condamnable d’acquérir des biens, l’échange n’étant pas en lui-même condamnable à partir du moment où il découlait naturellement du fait de la diversification des besoins et de la spécialisation des producteurs.

La notion de prix va donc poser la question du coût du travail, car qu’est-ce qu’un juste prix ?

Posant d’abord l’idée que " vendre une marchandise plus chère ou l’acheter moins chère qu’elle ne vaut est de soi injuste et illicite ", St Thomas va contourner ce problème moral en reconnaissant que si un acheteur a grandement besoin d’un objet, il peut être légitime pour le vendeur de vendre l’objet à un prix supérieur à sa valeur, à la condition que le vendeur subisse un préjudice en se défaisant de l’objet. La valeur de l’objet n’est donc plus à ce moment là déterminée seulement par la quantité de travail fournie et le commerce peut être reconnu légitime si son but est un but moralement valable : " Cependant si le gain, qui est la fin du commerce, n’implique de soi aucun élément honnête ou nécessaire, il n’implique pas non plus quelque chose de mauvais ou de contraire à la vertu. Rien n’empêche donc de l’ordonner à une fin nécessaire ou même honnête. Dès lors le commerce deviendra licite. C’est ce qui a lieu quand un homme se propose d’employer le gain modéré qu’il recherche dans le commerce à soutenir sa famille ou à venir en aide aux indigents ; ou encore quand il fait du commerce pour l’utilité sociale, afin que sa patrie ne manque pas du nécessaire ; sans doute il recherche le gain, mais comme prix de son travail et non comme une fin. "9

- Le prêt à intérêt : bien qu’interdit par l’Eglise, en pratique, celle-ci, qui avait elle-même de grands besoins d’argent, avait fréquemment recours aux prêteurs d’argent et les protégeait. Sur la base même de l’argumentation d’Aristote, St Thomas condamnait le prêt à intérêt : de par sa nature, l’argent ne fait pas de petits. Néanmoins, il est le premier à reconnaître que non seulement le travail mais encore la propriété peuvent fonder le droit à un revenu, ce dernier étant justifier par le fait qu’une compensation soit stipulée dans le contrat de prêt pour un préjudice qui peut être subi par le prêteur du fait de l’opération du prêt :

" Dans son contrat avec l’emprunteur, le prêteur peut, sans aucun péché, stipuler une indemnité à verser pour le préjudice qu’il subit en se privant de ce qui était en sa possession : ce n’est pas là vendre l’usage de l’argent mais recevoir un dédommagement ".10

Ainsi, l’Eglise peut, sans modifier ses principes moraux traditionnels, admettre la multitude des activités financières comportant un prélèvement d’intérêts. Alors que pour l’homme primitif le mobil du profit personnel n’est pas naturel et que le gain ne joue jamais le rôle de stimulant du travail, l’on peut dire que la société de travail naît avec la recherche de gains individuels de cette classe de marchands. Cette nouvelle considération du travail, où l’utilité des travailleurs manuels est désormais reconnue, s’explique donc par l’ascension sociale d’un certains nombre de classes qui se développent et veulent obtenir leur reconnaissance.

 

  • La Renaissance où quand l'esclavage et l'exploitation coloniale firent la richesse de ce qu'allaient devenir les grandes nations modernes et capitalistes

 

A l’époque de la Renaissance, la philosophie économique, après que St Thomas ait rompu, dans une certaine mesure avec l’attitude d’indifférence à l’égard des questions économiques que l’Eglise du Moyen Age avait adoptée sous l’influence de St Augustin, ne se développera plus à l’intérieur du christianisme mais en dehors de lui et souvent contre lui. Au XIVー et XVー s, le développement commercial s’est poursuivi et l’industrie s’est développée en relation avec le développement des besoins (industrie minière, métallurgie, textile). Une classe capitaliste s’est formée, qui se compose d’industriels faisant travailler des salariés (groupés ou le plus souvent travaillant à domicile), de puissants marchands et de banquiers qui échappent aux réglementations corporatives des métiers et aux autorités municipales (les seigneurs).Cette industrie a souvent partie liée avec le roi à qui elle prête de l’argent. Son activité consiste uniquement dans la recherche de profit. Avec le commerce se développe également la traite des noirs (1510). Or, argent importés en grandes quantités d’Amérique permettent de multiplier la monnaie mise en circulation. Le coût des métaux précieux étant réduit, les prix montent. Entre 1462 et 1602, le pouvoir d’achat de la monnaie en France est réduit de 80%. Cette hausse des prix engendre des changements considérables dans la situation des différentes classes sociales. Dans les métiers urbains, les compagnons réduits maintenant à la condition de simples salariés (ils ne maîtrisent plus les moyens de production) perdent une grande partie de leur pouvoir d’achat. Les travailleurs de l’industrie rurale, employés par les ォ manufacturiers, sont isolés et doivent accepter des conditions de vie de plus en plus misérables. Des grèves et des émeutes populaires éclatent. En 1539, l’édit de Villers-Cotterêts interdit en France les coalitions ouvrières. La bourgeoisie achète des terres, soit pour mettre ses fonds en sûreté, soit dans une intention spéculative (les prix de la terre augmentent), certains s’anoblissent. L’achat de terres communales, jusque là à la disposition des paysans, après obtention du parlement en Angleterre par des capitalistes transformant les terres cultivées en pâturages, chassent de la campagne une grande partie des paysans. En même temps la population augmente. Il y a un excédent considérable de main-d’oeuvre.

En Angleterre, des lois sont promulguées à partir de 1551 pour obliger les pauvres à travailler (= RSA), dans des maisons de travail où ils perdent leur liberté, le vagabondage et la mendicité étant férocement réprimés. En 1572, la reine Elisabeth renouvelle cette législation : " sous le règne de " Queen Bess " on pendit les vagabonds par fournées, rangés en longues files. Il ne se passait pas d’année qu’il n’y en eut trois ou quatre cents d’accrochés à la potence dans un endroit ou dans l’autre ", dit Strype dans ses Annales ; d’après lui, " le Somersetshire seul en compta en une année 40 d’exécutés, 35 marqués au fer rouge, 37 de fouettés et 183 " vauriens incorrigibles " de relâchés... grâce à la nonchalance des juges de paix et à la sotte compassion du peuple ".

En 1597, la " loi sur les pauvres " de la reine met à la charge des paroisses les indigents : " l’assistance des paroisses consista à enfermer les indigents dans des hospices ou ォ workhouses " (maisons de travail), véritables bagnes où ils seront soumis à un travail exténuant et à peine nourris ". Cette loi ne sera abrogée qu’en 1834... mais parce que la bourgeoisie anglaise trouve intolérable d’avoir à payer une taxe pour entretenir des " fainéants ". Les indigents continueront à être envoyés dans des hospices où ils travaillent au minimum 18 heures par jour et où on prend soin de ne leur accorder vêtement et nourriture qu’à un niveau inférieur à celui de l’ouvrier le plus mal payé !11

Discours de l’abbé lyonnais Mayet tenu en 1786 (révolte des canuts que l’on a appelé ォ crise des 2 sous) : " Pour assurer et maintenir la prospérité de nos manufactures, il est nécessaire que l’ouvrier ne s’enrichisse jamais, qu’il n’ait précisément que ce qu’il lui faut pour se bien nourrir et vêtir... Dans une certaine classe du peuple, trop d’aisance assoupit l’industrie, engendre l’oisiveté et tous les vices qui en dépendent. A mesure que l’ouvrier s’enrichit, il devient difficile sur le choix et le salaire du travail. Personne n’ignore que c’est principalement au bas prix de la main-d’oeuvre que les fabriques de Lyon doivent leur étonnante prospérité. Si la nécessité cesse de contraindre l’ouvrier à recevoir de l’occupation quelque salaire qu’on lui offre, s’il parvient à se dégager de cette espèce de servitude, si les profits excèdent les besoins au point qu’il puisse subsister quelque temps sans le secours de ses mains, il emploiera ce temps à former une ligue. Sachant que le marchand ne peut éternellement se passer de lui, il osera à son tour lui prescrire des lois qui mettront celui-ci hors d’état de soutenir toute concurrence avec les manufactures étrangères, et de ce renversement auquel le bien être de l’ouvrier aura donné lieu, proviendra la ruine totale de la fabrique. Il est donc très important aux fabricants de Lyon de retenir l’ouvrier dans un besoin de travail continuel, de ne jamais oublier que le bas prix de la main-d’oeuvre est non seulement avantageux pour lui-même mais qu’il le devient encore en rendant l’ouvrier plus laborieux, plus réglé dans ses moeurs, plus soumis à ses volontés. "12

 

La Réforme

 

En relation étroite avec le développement du commerce et l’essor économique, un puissant mouvement intellectuel se développe en Europe en parallèle de l’humanisme, c’est le mouvement en faveur de la réforme religieuse sur la base de la lecture de la Bible.

- 1381, John Ball soulève les paysans, c’est le mouvement des Lollards, révolte noyée dans le sang. Quelques années auparavant à Florence, c’est la révolte des Ciompis, première révolte ouvrière de l’histoire, écrasée également.

- Jean Huss, prédicateur à Prague donnera naissance à la secte des ォ frères bohèmes サ qui prêchaient un programme social très avancé, comportant notamment l’égalité complète des conditions, etc.

- Luther, 1524, alors que de nombreux paysans allemands se soulèvent, condamne la révolte en disant qu’ " un serf chrétien possède la liberté chrétienne " et qu’il ne faut pas chercher à transformer le règne spirituel du Christ en un royaume terrestre et extérieur. Les révoltés sont massacrés. Luther continuait cependant à condamner le commerce et le prêt à intérêt, tandis que Calvin reprendra les arguments de St Thomas : si la méchanceté d’une action est une affaire d’attention, n’est-il pas possible que le commerce et les activités financières soient acceptables dans certaines conditions ? Il en viendra même à exalter le commerce, faisant du succès commercial un signe de l’élection divine. L’idéologie du travail, qui est essentiellement née de cette doctrine du protestantisme émancipée des conceptions médiévales de la primauté du surnaturel, est la base du système capitaliste.

Max Wéber : " ...Travaillez donc à être riches pour Dieu, non pour la chair et le péché "13

 

  • Les mercantilistes

 

Machiavel : " Dans un gouvernement bien organisé, l’Etat doit être riche et les citoyens pauvres "14

S’opposant à cette conception, le mercantilisme va développer la thèse selon laquelle l’Etat accroît sa force en favorisant l’enrichissement des citoyens. En fait, ce qui défendent cette thèse, marchands, financiers et manufacturiers ont grand souci de la puissance de l’Etat parce qu’ils estiment que la prospérité du commerce est liée à l’expansion de la puissance politique du souverain et au succès de ses campagnes militaires sur terre et surtout sur mer et le but de la vie sociale est un but économique.

- John Hales : selon lui, l’intérêt du roi exige que la population soit nombreuse afin que l’Etat puisse disposer d’une importante armée et il faut que cette population soit occupée pour que la paix sociale soit maintenue. Hales fait donc dépendre le chiffre de la population du nombre des emplois disponibles et l’individu n’est entrevu que comme une donnée économique.

- Bodin : dans République, il développe la thèse selon laquelle la guerre contre l’ennemi extérieur est utile à la paix intérieure, thèse reprise par Montchrestien :

" Ores que la France est détrompée, et ne peut plus, grâce à Dieu, être induite à tremper la pointe de ses armes en son sang... il faut songer à lui donner quelque bon et honnête exercice...car de la laisser croupir en un languide repos ce serait son mal... il faut bien empêcher de laisser éteindre cette générosité naturelle à vos peuples, à laquelle les difficultés sont comme des appâts, les périls comme des amorces. "15

- Montchrestien : il connaît un autre moyen pour maintenir les sujets dans l’obéissance : c’est de leur permettre de vivre mieux : (la société de consommation)

" Car sans doute, c’est une bonne fortune, quand tous les sujets ont des moyens suffisants à leurs nécessités ou ne les ayant point les peuvent acquérir. C’est la plus sûre bride pour retenir ce Typhée (le peuple) à plusieurs bras et plusieurs têtes, lequel, quand il se fâche et ennuie de ne gagner rien, se remue et, en se remuant, excite quelquefois des tremblements de terre. ".

Montchrestien va donc faire l’apologie du travail en prétendant s’appuyer sur Aristote :

" La vie contemplative, à la vérité, est la première et la plus approchante de Dieu ; mais sans l’action elle demeure imparfaite et peut être plus préjudiciable qu’utile aux Républiques... De là s’ensuit que le plus grand trait que l’on puisse pratiquer dans l’Etat, c’est de ne souffrir aucune partie oisive... "

" L’homme est né pour vivre en continuel exercice et occupation "

Et pourquoi travailler : " Le bonheur des hommes, pour en parler à notre mode, consiste principalement en la richesse, et la richesse dans le travail ", ce qui ne l’empêche pas, et ce pour la première fois dans l’Histoire, de mettre au-dessus de tout le marchand, dont le rôle dans le corps social est semblable à celui du cerveau dans le corps de l’individu, que le commerce est une activité supérieure puisque l’industrie travaille pour lui et que le désir de profit du marchand est louable.

Avec Montchrestien, on assiste à la première affirmation de la thèse moderne de l’importance primordiale des activités économiques de production et de distribution des biens où l’Etat doit, avant tout, s’occuper de stimuler la production et les échanges sur la base du développement de l’entreprise privée agricole, industrielle et commerciale. Le rôle de l’Etat devient ainsi de trouver des débouchés à la production capitaliste dans des régions lointaines, compte tenu que la puissance de l’Etat dépend des facilités qui lui sont données de former des armées et de constituer des trésors de guerre. La condition de ce développement est l’abondance de hommes sur le marché du travail et l’abondance de l’argent qui permet d’emprunter aisément pour financer les opérations industrielles et commerciales. Donc, le capital et le travail ne s’opposent pas : le travail est, au contraire, une activité spécifique au capitalisme, il est au coeur du système qui s’auto reproduit sans fin et fait des hommes la ressource humaine de son autoreproduction infinie tant qu’il y aura des hommes... pour travailler, puisque la société capitaliste est une société de travail où l’esclave, puis le serf ont fait place au salarié.

Cette première théorie des " harmonies économiques " pourrait être résumée en disant que le développement de l’industrie et des exportations, source de profits, qui est pour les marchands la fin à atteindre, est le moyen pour l’Etat d’atteindre sa propre fin : l’abondance en hommes et en argent ; tandis que réciproquement l’abondance en hommes et en argent, fin pour l’Etat, est le moyen qui permet de développer l’industrie et le commerce, c-à-d le moyen qui permet aux marchands d’atteindre leur fin. D’où la dérive populationniste des mercantilistes qui donnera naissance au malthusianisme du XVIIIー s.

En effet, les mercantilistes sont favorables à l’augmentation de la population dans un pays car cette augmentation permet d’obtenir aisément de la main-d’oeuvre et favorise le développement de l’industrie et du commerce d’exportation, donc l’augmentation de profits. Mais réciproquement le développement du commerce, de l’industrie, permet d’occuper un plus grand nombre d’hommes, ce qui favorise le développement de la population, avantageux pour l’Etat. Les chefs des nouveaux Etats nationaux se montrèrent très tôt préoccupés d’augmenter le nombre des personnes occupées à produire des biens :

- 1563 à 1813, le statut des artisans (Angleterre) : il comporte l’obligation du travail, réglemente l’apprentissage et les conditions de travail, et pose le principe suivant lequel les salaires doivent être en rapport avec le coût de la vie (rien à voir avec les profits dégagés).

- 1601 : la fameuse loi des pauvres qui réprime férocement le vagabondage et oblige les paroisses à secourir les indigents (intéressant d’un point de vue idéologique pour formater les esprits).

Le but inavoué de ces édits royaux est d’obtenir le travail abondant à bon marché, la solution étant d’obliger les gens du peuple à travailler. Montchrestien préconise également que la population soit nombreuse pour que les salaires ne montent pas.

 

- Sir William Petty : selon lui, les bas salaires, la pauvreté des travailleurs ne sont pas seulement un moyen d’abaisser les coûts de production et d’augmenter les profits, c’est aussi le moyen d’obliger le peuple à travailler davantage. Petty propose même de maintenir élevés les prix du blé dans les années de bonnes récoltes afin d’éviter que les travailleurs ne se nourrissent trop facilement et ne rechignent au travail.16. Les mercantilistes se prononcent aussi contre l’éducation du peuple qui risquerait de tarir les sources de main-d’oeuvre.

- Colbert : très caractéristique également est l’attitude adoptée à l’égard du travail des enfants. Colbert déclarait que " l’oisiveté des premières années est la source des désordres du reste de la vie ", et il faisait travailler dans ses manufactures des enfants de six ans. Dans l’un de ses ouvrages d’ailleurs, Barthélemy Laffemas loue les inventions qui permettent de faire travailler les enfants.17

Enfin, l’auteur anonyme d’un opuscule sur Les usages et les abus de la monnaie veut montrer que les hauts prix sont avantageux parce qu’ils abaissent le niveau de vie des travailleurs et les rendent plus industrieux.

 

  • Le XVIIーs et première critique du mercantilisme

 

- Hobbes Thomas (1588-1679) : adoptant des conceptions strictement matérialistes, la société n’étant pas autre chose, conformément à la conception mécaniste de Descartes, qu’un " animal artificiel ", il expose, dans Léviathan (1651), que la liberté du commerce est " une loi de nature ", et admet cependant que le souverain doit veiller à ce que personne ne demeure oisif et limiter les dépenses somptuaires de ses sujets.

- Locke John (1632-1704) : il soutient qu’il existe des droits naturels de l’individu que la société doit respecter : le droit à l’intégrité de la personne et... le droit de propriété. Ce dernier, selon le philosophe, se fonde sur l’obligation du travail et la nécessité de répartir les terres entre les individus pour qu’ils la fassent fructifier... " Toutefois, depuis que les hommes ont inventé la monnaie, ils peuvent accumuler des richesses en quantité illimitée (on est loin de l’ostracisme grec) ; ils ont donc consenti à une possession non proportionnelle et inégale de la terre ". Ainsi, en dépit de sa conception idéaliste des droits de l’homme, Locke développe lui aussi une philosophie sociale profondément naturaliste, philosophie qui sera celle des économistes anglais classiques : Smith, Malthus, Ricardo.

Ainsi, l’idée que se faisait Locke d’un gouvernement populaire allait dans le sens d’une révolution anglaise favorisant le libre développement du capitalisme marchand à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières. Locke regrettait d’ailleurs que le travail des enfants pauvres

" ne bénéficie généralement pas au bien public tant qu’il n’ont pas atteint 12 ou 14 ans " et suggérait que tous les enfants de plus de plus de 3 ans issus de familles vivant de la charité soient placés dans des " écoles d’apprentissage " afin de pouvoir " dès l’enfance... s’aguerrir au travail "18

En 1662, Petty avait avancé l’idée selon laquelle la valeur des choses dépend de la quantité de travail dépensée pour leur production :

" La cherté et le bon marché naturels dépendent du plus ou moins grand nombre de bras requis pour les produits nécessaires à la vie : le blé, par exemple, est meilleur marché là où un homme peut en produire pour dix que là où il ne peut en produire que pour cinq ".

Pourtant Petty n’avait pas toujours aussi nettement affirmé la loi de la valeur-travail, puisque dans un passage antérieur de son Traité des taxes et contributions nous lisons :

" Tout devrait être évalué d’après deux dénominations naturelles qui sont : la terre et le travail. Par exemple nous devrions dire qu’un vaisseau ou un vêtement valent telle mesure de terre ou telle mesure de travail, attendu que vaisseaux et vêtements sont des produits des terres et du travail humain dépensé ".

Il tentait ainsi de démontrer qu’une quantité de terre peut se ramener à une certaine quantité de travail en se basant sur le prix normal des terres et non plus du travail.

Locke entreprendra de justifier la propriété privée en utilisant l’idée de Petty :

" Que le droit de propriété fondé sur le travail l’emporte sur la possession en commun des terres, le fait est moins étrange qu’il ne peut paraître à première vue, car c’est le travail qui établit une différence de valeur entre les choses ".

Comme Petty, il précisera le rôle de la terre dans le processus de création des valeurs, précisant néanmoins que la fraction de valeur des biens créés par le terre est pratiquement négligeable puisque " c’est donc le travail qui donne à une terre la plus grande partie de sa valeur, sans lui elle ne vaudrait à peu près rien ".

Conclusion : pour s’enrichir, il faut posséder les terres et y faire travailler les autres.

 

 

  • Le XVIIIーs : les limites de l’enrichissement par le commerce

 

- Cantillon Richard : auteur d’un Essai sur la nature du commerce en général dans lequel il reprend l’idée de Petty, selon laquelle la valeur des choses dérive de la terre et du travail ; mais alors que son prédécesseur voulait mesurer la valeur par la quantité de travail dépensée pour la production, il s’efforce lui, de la mesurer par la quantité de terre utilisée. Thèse qui mettra en avant la prééminence des propriétaires fonciers et une analyse de leur fonction économique que l’on retrouvera prépondérante chez les physiocrates.

- Hume David : comme pour Locke, pour Hume, le premier fondement de la propriété est le travail, mais il soutient, s’appuyant sur le principe de l’utilité, notre auteur reconnaît qu’un bien n’a pas la même utilité selon qu’il est attribué à tel ou tel individu, il soutient donc, comme Petty, que des mesures égalitaires conduiraient à une telle diminution de la production (disparition du stimulant personnel) qu’il faut absolument les proscrire19. Il formule ainsi, de façon complète, ce qui sera les credo des économistes libéraux au XIXー et XXーs. Il attaque également la thèse centrale du mercantilisme, l’assimilation de la richesse privée à la richesse publique, montrant que la classe riche des marchands et manufacturiers absorbe des ressources qui pourraient être employées pour l’augmentation de la puissance de l’Etat :

" Un Etat n’est jamais plus puissant que lorsqu’il occupe à son service tous les bras en surcroît. Les aises et la commodité des particuliers exigent au contraire que ces bras soient employés à leur service. L’Etat ne peut donc avoir satisfaction qu’aux dépens des particuliers ".

 

  • Les physiocrates

 

- Quesnay François : issu d’une famille de laboureurs, propriétaires de leur petit domaine et d’une relative aisance. Avec Quesnay, c’est l’idée de Locke qui réapparaît, idée selon laquelle la terre serait demeurée inculte sans la propriété, propriété qui serait un droit naturel dont le fondement serait le travail :

" Le droit naturel de chaque homme se réduit dans la réalité à la portion qu’il peut se procurer par son travail "20. Dans son ouvrage, écrit avec le marquis de Mirabeau, Philosophie rurale ou économie générale et politique de l’agriculture, il reprendra ce vieil adage chrétien : " Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front "

Il attribue les inégalités aux desseins de l’Etre Suprême. Pour Quesnay, le salaire correspond toujours à ce qui est nécessaire à l’ouvrier pour subsister, comme le dira également Marx, le capitaliste paie la force de travail à sa valeur qui est la valeur des biens nécessaires à la reproduction de cette force :

" C’est d’ailleurs un grand inconvénient que d’accoutumer le peuple à acheter le blé à trop bas prix, il en devient moins laborieux, il se nourrit de pain à peu de frais et devient paresseux et arrogant : les laboureurs trouvent difficilement des ouvriers et des domestiques, aussi sont-ils fort mal servis dans les années abondantes ".

Il en résulte que seuls les propriétaires fonciers peuvent épargner et donc détenir le capital et les moyens de production, le travailleur ne pouvant jamais s’enrichir par son travail puisque tout son salaire est utilisé pour sa propre subsistance et que le capitalisme repose sur la circulation permanente du capital. Encore faut-il qu’une épargne s’investisse si l’on veut éviter les graves crises de surproduction que l’on connaîtra plus tard.

Dans les ouvrages des disciples de Quesnay, qui niait l’existence du problème des débouchés, toutes réserves concernant les bienfaits de la liberté disparaissent. Liberté du commerce, de la culture : l’idée apparaît que si l’on veut obtenir le maximum de profit, il faut supprimer toutes les servitudes seigneuriales et gouvernementales qui empêchent le paysan d’agir à sa guise ; lui seul est bon juge de ce qui convient à la culture. Et la liberté de l’industrie n’est pas moins nécessaire, car elle permettra de faire baisser le prix des objets fabriqués achetés par les agriculteurs ; rien ne doit l’entraver, même pas les secours du chômage. Dupont de Nemours, pour la première fois, parlera de " la liberté du travail, inséparable de la propriété personnelle, dont elle forme une partie constitutive ".

La libération du travail, thème cher à toute la gauche actuelle qui réclame que la création d’emplois cesse d’être entravée par la spéculation est donc née d’une volonté de certains capitalistes d’en accroître la productivité. Or à l’instar du groupe Krisis, auteur d’un Manifeste contre le travail, je crois qu’il faut, non pas libérer le travail, mais se libérer du travail.

 

  • Adam Smith et l’invention du travail

 

A la simple tolérance accordée au commerce à la fin du Moyen Age a succédé l’idée que le commerce est doux et le travail, quasi absent des oeuvres du début du XVIIIーs, est omniprésent. Encore fallait-il concevoir le travail humain comme une puissance susceptible de créer et d’ajouter de la valeur, ce que les physiocrates, pourtant également à la recherche de la nature de la richesse, n’avaient pas fait, réservant à la seule nature la force capable de créer, ex nihilo, du nouveau.

Smith soutient que l’ordre social repose sur la tendance à admirer les riches et les puissants, et donc à leur obéir, sachant que nous sommes guidés par notre intérêt personnel, mais aussi par le jugement que les autres portent sur nos actions. Il est conscient de l’opposition qui peut exister entre la justice sociale et l’ordre économique réalisé par l’action mécanique des intérêts individuels. Loin d’ignorer l’existence d’un problème de la justice sociale, il défend résolument une position libérale, soutenant que la liberté dans la poursuite de la richesse est la condition de tout progrès :

" Les jouissances de la grandeur et de la richesse frappent l’imagination comme quelque chose de noble, de grand et de beau, qui mérite tous les travaux et toutes les peines nécessaires pour l’obtenir. Il est heureux que la nature même nous en impose... ; l’illusion qu’elle nous donne excite l’industrieuse activité des hommes, et les tient dans un mouvement continuel. C’est cette illusion qui leur fait cultiver la terre de tant de manières diverses, bâtir des maisons au lieu de cabanes, fonder des villes immenses, inventer et perfectionner les sciences et les arts..."21

Mais, en dépit des inégalités sociales, les individus reçoivent à peu près les mêmes satisfactions : " L’estomac du riche n’est pas en proportion avec ses désirs et il ne contient pas plus que celui du villageois grossier. Il est forcé de distribuer ce qu’il ne consomme pas à l’homme qui prépare de la manière la plus délicate le peu de mets dont il a besoin... les seuls riches choisissent, dans la masse commune, ce qu’il y a de plus délicieux et de plus rare. Ils ne consomment guère plus que le pauvre : et en dépit de leur avidité et de leur égoïsme...ils partagent avec le dernier manoeuvre le produit des travaux qu’ils font faire. Une main invisible semble les forcer à concourir à la même distribution des choses nécessaires à la vie qui aurait eu lieu si la terre eût été donné en égale portion à chacun de ses habitants ; et ainsi sans en avoir l’intention, sans même le savoir, le riche sert l’intérêt social et la multiplication de l’espèce humaine. La Providence, en partageant, pour ainsi dire, la terre entre un petit nombre d’hommes riches, n’a pas abandonné ceux à qui elle paraît avoir assigné un lot, et ils ont leur part de tout ce qu’elle produit... "22

Il admet, en bon stoïcien, que les satisfactions morales sont plus importantes que les satisfactions matérielles :

" Pour tout ce qui constitue le véritable bonheur, ils ne sont inférieurs en rien à ceux qui paraissent placés au-dessus d’eux. Tous les rangs de la société sont au même niveau, quant au bien-être du corps et à la sérénité de l’âme, et le mendiant qui se chauffe au soleil le long d’une haie possède ordinairement cette paix et cette tranquillité que les rois poursuivent toujours ".23

Pour lui, l’opulence naît de la division du travail et il propose son célèbre exemple de la manufacture d’épingles : Si un homme devait fabriquer une épingle entièrement seul, en allant chercher lui-même la matière première dans le sol, il lui faudrait bien une année pour fabriquer son épingle. Si maintenant on donne à un artisan le fil de laiton, il fera peut-être vingt épingles par jour. mais dans une manufacture où le travail est divisé, le produit est de 20 000 épingles par travailleur et par jour. Donc, la division du travail, spécialisation, économie de temps et utilisation de machines, augmentent le produit, et le véritable rôle du capital est d’augmenter la productivité. Il faut noter qu’au-delà d’être aliénant, ce type de production fait passer l’artisan à un statut d’ouvrier spécialisé qui n’est plus détenteur d’un savoir-faire important. Difficile de se reconvertir en cas de fermeture de l’usine !

Le prix naturel des choses : il est = à ce qui est nécessaire pour rémunérer " normalement " le travail nécessaire à la production :

" Un homme reçoit le prix naturel de son travail quand ce prix est suffisant pour le faire vivre pendant le temps du travail, pour le rembourser des frais de son éducation (considérablement réduits quand un ouvrier devient spécialisé) et pour compenser les risques qu’il court de ne pas vivre assez longtemps (pour rembourser ses frais d’éducation) et de ne pas réussir dans son occupation. Quand un homme obtient cela, il existe un encouragement suffisant pour le travailleur, et la marchandise sera produite dans la mesure nécessaire à la satisfaction de la demande ".24

Le travail, admet donc Smith, est la source de toute richesse. Et pourtant, il fait le constat que les fortunes et les revenus ne sont nullement proportionnels au travail de chacun :

" Dans une société civilisée, bien qu’il y ait une division du travail, ce n’est pas une division égale, car il y a un bon nombre de personnes qui ne font rien du tout. La division de l’opulence ne correspond pas au travail. L’opulence du marchand est plus grande que celle de tous ses employés réunis, bien qu’il travaille moins ; et ceux-ci à leur tour reçoivent six fois plus qu’un nombre égal de d’artisans, qui ont davantage d’occupation. L’artisan qui travaille à son aise chez lui reçoit beaucoup plus que le pauvre journalier qui chemine sans cesse ; Ainsi, celui qui semble supporter le poids de la société reçoit les plus faibles avantages ".25

Nulle solution pour résoudre ces inégalités ne sera proposée, puisque ces inégalités sont le résultat de la Providence, mieux vaut donc se résigner.

 

La théorie des revenus :

 

  • Le salaire : il correspond à ce qui nécessaire pour que l’ouvrier puisse assurer sa subsistance. Il tend à augmenter quand la richesse nationale s’accroît parce que la demande de travail augmente. Toutefois, dit-il, cette augmentation des salaires ne pourra être très considérable car " une récompense plus libérale du travail... mettra les parents à portée de mieux soigner leurs enfants et par conséquent d’en élever un plus grand nombre "26

" La demande d’hommes règle nécessairement la production des hommes, comme fait la demande de toute autre marchandise "

Le travailleur est assimilé à un produit, nous vendons notre force de travail. Vouloir se libérer du travail, c’est affirmer que notre corps n’est pas une marchandise.

 

  • Le profit du capital : La conception qui fait du travail la source unique de la valeur d’échange, dont le prix d’un produit est l’expression, conduit immédiatement à la thèse selon laquelle le profit du capital, qui est une partie du prix, est un prélèvement sur la valeur créée par le travail :

" Aussitôt qu’il y aura des capitaux accumulés dans les mains de quelques particuliers, certains d’entre eux emploieront naturellement ces capitaux à mettre en oeuvre des gens industrieux, auxquels ils fourniront des matériaux et des subsistances, afin de faire un profit sur la vente de leurs produits, ou sur ce que le travail de ces ouvriers ajoute de valeur aux matériaux. Quand l’ouvrage fini est échangé, ou contre de l’argent ou contre du travail, ou contre d’autres marchandises, il faut bien qu’en outre de ce qui pourrait suffire à payer le prix des matériaux et les salaires des ouvriers, il y ait encore quelque chose de donné pour les profits de l’entrepreneur de l’ouvrage, qui hasarde ses capitaux dans cette affaire. Ainsi la valeur que les ouvriers ajoutent à la matière (valeur de la matière créée elle aussi par le travail) se résout alors en deux parties, dont l’une paye les salaires, et l’autre les profits que fait l’entrepreneur... "

 

  • Les salaires des travailleurs non productifs : Smith considère comme travailleurs productifs les individus qui participent à la fabrication d’objets matériels et à leur distribution entre les consommateurs. Toutes les autres personnes qui vivent de leur travail fournissent du travail non productif : les domestiques, les fonctionnaires, les membres des professions libérales, les producteurs de services. Principal reproche : les salaires des fonctionnaires sont payés par les impôts et donc grâce au transfert d’une partie des revenus créés directement par les travailleurs productifs. De même pour les domestiques qui sont payés par les capitalistes et propriétaires fonciers, leur salaire est un transfert de revenu, puisque que c’est redistribution des profits créés par le travail productif.

Est improductif, selon lui, le travail qui " ne fixe ni ne se réalise sur aucun objet ou chose qui puisse se vendre "Il range parmi les travailleurs improductifs, non seulement les domestiques et les fonctionnaires, mais encore :

" les ecclésiastiques, les gens de loi, les médecins et les gens de lettres..., ainsi que les comédiens, les farceurs, les musiciens, les chanteurs, les danseurs d’opéra, etc. ". En effet, dit-il, " leur ouvrage à tous, tel que la déclamation de l’acteur, le débit de l’orateur ou les accords du musicien, s’évanouit au moment même qu’il est produit ".

 

Le marxisme sera essentiellement une critique du capitalisme et donc du travail en tant qu’exploitation, dont la lutte des classes sera le moteur de l’émancipation, mais pas une critique du travail en tant que tel. En cela, le XIXーs socialiste est très ricardien. Dans Des principes de l’économie politique et de l’impôt, Ricardo écrit, dès le premier chapitre, que " la valeur d’une marchandise dépend de la quantité relative de travail nécessaire à sa production ". Un grand nombre de socialistes reprendront ces thèses pour revendiquer en particulier que tout le revenu issu de la production revienne aux travailleurs. Mais à aucun moment, le programme de la gauche sociale-démocrate ou marxiste, ne cherchera à résoudre les contradictions que recelait la pensée socialiste de l’époque : contradiction entre les conditions épouvantables de travail et le discours de valorisation du travail qui accompagne celui-ci ; contradiction entre la haine du travail et la croyance que lui seul est capable de fonder une hiérarchie sociale juste ; contradiction entre un objectif de libération du travail et donc de réduction radicale de la place occupée par le travail dans la vie des individus et des sociétés, et une volonté de libération du travail qui s’opérerait à l’intérieur de celui-ci (la valeur travail n’est pas remise en cause, mais seulement aménagée). L’idéologie sociale-démocrate réussit le tour de force de continuer à croire à une libération future du travail, en fondant néanmoins l’amélioration de la situation de la classe ouvrière sur la reconnaissance du rapport salariale, et donc en renforçant les chaînes du travailleur émérite. Rappelons Montchrestien pour qui un moyen de maintenir les sujets dans l’obéissance était de leur permettre de mieux vivre, mais qui dit mieux ne veut pas dire bien vivre. L’action sociale-démocrate aboutit à consolider le rapport salarial, qui était pourtant au centre des critiques socialistes :

" Le socialisme vulgaire a hérité, selon Marx et Engels, des économistes bourgeois l’habitude de considérer et de traiter la répartition comme une chose indépendante du mode de production et de représenter pour cette raison le socialisme comme tournant essentiellement autour de la répartition ".27

Seule exception à cet unanimisme, la critique radicale de Lafargue, marxiste et guesdiste, en 1883, dans Le droit à la paresse, réfutation du droit au travail de 1848, mais elle n’est pas représentative de la pensée marxiste ni de la pensée sociale-démocrate Lafargue ouvre ainsi son ouvrage :

" une étrange folie possède les classes ouvrières des nations où règne la civilisation capitaliste. Cette folie traîne à sa suite des misères individuelles et sociales qui, depuis deux siècles, torturent la triste humanité. Cette folie est l’amour du travail, la passion moribonde du travail, poussée jusqu’à l’épuisement des forces vitales de l’individu et de la progéniture. Au lieu de réagir contre cette aberration mentale, les prêtres, les économistes, les moralistes ont sacro sanctifié le travail ".

La sociale démocratie persiste aussi à penser positivement l’essence du travail en contribuant néanmoins à l’instrumentaliser, puisque l’intérêt du travail réside désormais dans sa capacité à garantir des revenus décents et donc un pouvoir illusoire de consommation toujours plus grand : productivité et consommation sont les deux mamelles du capitalisme, avec les désastres écologiques que cela suppose. La pensée sociale-démocrate repose donc sur un fondement fragile, puisqu’elle continue à focaliser les énergies utopiques sur la sphère du travail sans remettre en cause le rapport salarial. Elle oblige de ce fait à rendre le plus supportable possible ce rapport en améliorant ses conditions concrètes d’exercice (amélioration des conditions de travail en général) et rend donc obligatoire l’intervention d’un Etat capable de garantir la marche régulière de la grande machine sociale. L’Etat social a réussi à substituer à l’utopie socialiste d’un travail libéré une visée plus simple, qui consiste à fournir au travailleur, en échange de son effort, une somme croissante de bien-être et à lui garantir le plein emploi. Le XXーs n’est plus celui du travail mais de l’emploi, l’emploi étant le travail salarié dans lequel le salaire n’est plus seulement la stricte contrepartie de la prestation de travail, mais aussi le canal par lesquels les salariés accèdent à la formation, à la protection, aux biens sociaux. Mais la véritable limite de la pensée sociale-démocrate est que la garantie du plein-emploi et de l’accroissement indéfini de la richesse ne va pas de soi : en développant la productivité, on finit en effet par avoir de moins en moins besoin de travail humain, on s’oblige alors à inventer toujours plus de travail et toujours plus de besoins. La croissance est maintenue puisqu’elle ne peut jamais satisfaire des " besoins " sans cesse recréés à partir d’une inégalité qu’elle ne corrige pas. Et depuis peu, le système de consommation, pour éviter les phénomènes de surproduction, des biens dont la durabilité serait moindre, voire même médiocre : " La production a augmenté. Il faut donc construire toujours moins solide : c’est le progrès, la survie du capitalisme est à ce prix ".28

 

  • Quelles fins poursuivent nos sociétés : est-ce une toujours plus grande satisfaction des besoins, au prix de toujours plus de travail ? Est-ce un travail plus épanouissant ?

  • Deux siècles d’héritage de l’idéologie du travail ont abouti à des représentations équivoques : quelle est la représentation qui domine parmi toutes celles qui nous ont été transmises ? Est-ce le travail-facteur de production ? Est-ce le travail-liberté créatrice ? Est-ce le travail-emploi, système de distribution des richesses et des places ? Mettre de l’ordre dans ces représentations permettrait sans doute de mieux savoir ce que nous pouvons souhaiter pour nos sociétés. Si le travail est d’abord un facteur de production et si son caractère de liberté créatrice est un mythe, alors nous pourrions collectivement décider de réduire sa place, à moins que nous préférions prendre cette représentation au mot et faire du marché du travail un marché identique aux autres, de manière à fabriquer encore plus de richesses.

  • Si nous continuons de croire que le travail peut-être épanouissant, ne nous faut-il pas énumérer les conditions d’une telle transformation ? qu’est-ce qu’un travail épanouissant ?

  • Si le travail est d’abord un système de distribution des richesses, peut-être le chômage n’est-il lui-même que le signe d’une inadaptation de celui-ci ?

Exemple : le chômage volontaire pour les néo-classiques : c’est celui qui résulte du refus d’accepter un emploi parce que le niveau de rémunération correspondant est jugé trop faible. Ainsi nombre de néo-classiques voient aujourd’hui dans les indemnités de chômage l’origine d’une partie du sous-emploi, certaines personnes préférant être au chômage plutôt que d’accepter un travail dont le revenu différentiel par rapport à ces indemnités serait faible. Dans cette conception, le niveau de l’emploi résulte donc de la confrontation entre offre et demande, on peut donc parler de marché du travail. Le chômage peut être considéré également comme un investissement : pour trouver un emploi mieux rémunéré, se former, etc.

 

  • L’utopie du travail libéré :

 

Si pour certaines catégories, fondées sur le modèle de professions intellectuelles, chercheurs, professeurs, journalistes, écrivains, artistes, qui organisent leurs activité eux-mêmes, le travail peut être considéré comme un moyen de l’accomplissement personnel et de l’expression de soi, le lieu de l’autonomie retrouvée que penser des 4,6 millions de personnes qui, en France ont un emploi non qualifié ?

  • Le travail est un moyen au service de la logique capitaliste :

En effet, le travail n’est pas apparu comme une fin, poursuivie pour elle-même par des individus cherchant à se réaliser. Dans le discours comme dans la réalité, il a été dès l’origine un moyen, pour la nation d’augmenter les richesses produites, pour l’individu d’acquérir un revenu, pour la classe capitaliste de faire du profit, et il a dès l’origine été soumis à une logique d’efficacité, dont le principe est la rentabilité en matière d’accroissement du capital investi. Le travail apparaît donc comme un pur moyen pour le capitaliste d’atteindre ses fins, la production d’un surplus, et il n’est d’ailleurs exercé par les individus que sous l’aiguillon de la faim, forcés de vendre leur force de travail pour survivre, le travailleur étant devenu une marchandise comme les autres, sur un marché comme les autres. Aujourd’hui, la mondialisation de la production le confirme : le processus de travail est régi, de l’extérieur, par des processus qui n’ont rien à voir avec la libre expression du travailleur. La logique capitaliste attire le travail pour sa propre reproduction : elle a étendu le marché aux dimensions du monde, divisé le travail d’une manière qui n’avait jamais été atteinte et fait de l’homme un simple appendice, d’ailleurs parfois superflu, du capital.29 (voir le taylorisme).

  • La subordination, coeur du travail salarié :

La seconde logique sous la pression de laquelle continue de se développer le travail salarié, consiste en l’échange d’une prestation contre un salaire, cet échange faisant l’objet d’un contrat. Autrement dit, à partir du moment où l’on considère que le travail humain peut faire l’objet d’un négoce, cet achat a pour conséquence la libre disposition de ce qui a été acheté, c-à-d sa direction (directeur des ressources humaines), dans le double sens de donner des objectifs et de conduire. Le travail, étant considéré comme une marchandise, aucune définition jusqu’à aujourd’hui du contrat de travail n’est venue interdire une telle interprétation. En France, c’est la jurisprudence qui a fini par faire de la subordination le critère du travail salarié, le contrat de travail étant dès lors analysé par la doctrine comme ォ la convention par laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre, sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant une rémunération. サ30 En pratique, le travailleur peut difficilement moduler sa demande d’emploi, car c’est l’entreprise qui fixe horaires, durée des congés payés et rares sont les emplois où l’on peut prendre un mois de congés supplémentaires parce que les revenus dont on dispose sont suffisants. Cette subordination, nous dit-on, constitue la contrepartie logique de l’absence de tout risque économique assumé par le salarié dans son activité. Justification difficile à défendre à une époque où 90% des embauches se font sous CDD ou en intérim, et où le risque majeur est celui du chômage et les conséquences sociales qui peuvent en résulter. Et si à cela, l’on ajoute : plus de morts au et du travail chaque année que d’accidents de voitures, harcèlement moral, harcèlement sexuel, brimades sociales, soumission à des ordres et à des situations absurdes, dégradation de l’image de soi, etc.

 La notion de travail implique généralement une mainmise sur une personne ou sur une chose. Lorsqu’on a en main une canne à pêche ou un fusil, une charrue ou une faux, on exerce un contrôle sur des choses. Lorsqu’on ォ a en main サ un enfant, un malade ou un criminel, on exerce un contrôle sur une personne. Cependant, dans nos sociétés complexes et industrialisées, nombreuses sont les situations où cet état des choses n’est plus ressenti. Elles supposent au contraire que l’on exerce un contrôle sur soi-même, et que l’on délègue une partie de son pouvoir à d’autres, en général contre de l’argent. Cela est particulièrement vrai du travail professionnel. On dit bien de la prostitution que c’est le plus vieux métier du monde ; c’est en effet le modèle de tout travail professionnel : le travailleur abandonne le contrôle de lui-même, d’une manière généralement très précise et clairement définie, contre de l’argent. En raison de la passivité qu’il implique, c’est là un rôle difficile, et que beaucoup répugnent à tenir. Ne mords pas la main qui te nourrit , dit le proverbe. Il faudrait peut-être ajouter : mords- la, si elle t’empêche de te nourrir. »31

Le concept de contrat de travail ne devrait-il pas plutôt se fonder sur l’idée de contrat social, c-à-d : sur l’idée de réciprocité et d’utilité sociale appellant l’usage commun des biens ?

Tout travail mérite salaire " : encore une de ces expressions qu’on dit ォ toutes faites " mais qui, en réalité, ne sont pas nées du hasard et qui expriment dans le langage courant ce que la société nous impose de penser : qu’il y a un lien obligatoire entre le travail et l’argent qui le rémunère. Le travail est alors une marchandise comme une autre : il ne vaut que parce qu’on peut le vendre, il n’est estimé qu’à la mesure de son coût. Or, dans une société où toute l’activité humaine n’est plus considérée que sous l’angle de l’achat et de la vente, il paraît impossible de toucher à la hiérarchie des salaires, de mettre en cause les privilèges de telle ou telle catégorie, de supprimer les primes qui fonctionnent comme la carotte pour faire avancer l’âne. Et encore, il devient inconcevable que des gens puissent travailler sans en tirer aucun bénéfice matériel, c’est la logique de profit une nouvelle fois justifiée au nom d’une mesure dite juste. Pourtant 3/5 du travail fait dans nos sociétés n’est pas rémunéré et échappe donc à l’économie de marché. Pendant des générations, de bons pères de familles ont trouvé tout naturel, qu’en rentrant chez eux, les enfants soient soignés, que la maison soit en ordre, la table mise et le dîner servi.

 

Le véritable coût du travail est un coût social et écologique :

 

Dans une société où chacun aurait son temps, où chacun aurait pris l’habitude de mettre la main à la pâte, ces activités ménagères seraient partagées par tous. Elles reprendraient leur sens : symbole d’échange mutuel d’affection ; prise en charge collective des aspects concrets de la communauté à laquelle on appartient ; occasion de faire plaisamment ensemble des tâches qui, accomplies tous les jours par une seule personne, deviennent profondément ennuyeuses.

Dans cette gabegie de travail pour gagner une soit disant liberté (de consommer), une indépendance, symbolisée par l’achat d’une voiture et de plats cuisinés, mais a-t-on mesuré le coût social, culturel et économique de :

- Par exemple, le prix de revient des centres d’hébergement et de réinsertion sociale qui est d’environ 12 000 F (ces chiffres datent des années 1990, depuis personne n'a fait ce genre de calcus, c'est pourquoi ils sont en francs) mensuels pour chaque personne prise en charge, alors que ces personnes n’en touchent pas un centime et qu’il existe plus de logements vides dans les grandes villes que de personnes à la rue, car avec on paye l’hôtel social qui les héberge, l’association sociale qui les prend en charge, les travailleurs sociaux qui les encadrent. Avec la moitié de cette somme, sous forme par exemple de revenu d'existence, ils seraient simplement libres de décider de leur vie.

- La lutte contre le chômage, coût estimé à 9500 F par mois et par chômeur pour les indemnités, le fonctionnement des services, les salaires des employés, etc. (chiffres du ministère de 1994 : 286 milliards de francs pour 3 millions de chômeurs dépensés en prix de revient pas distribués, l’équivalent de 6 millions de SMIC). on peut faire le même calcul pour le RMI et pour toutes les actions sociales en faveur des plus démunis : indemnités, coûts de gestion des dossiers, des services, des dispositifs d’accompagnement, des assos, des travailleurs sociaux. Mais tous ces dispositifs, au lieu de donner un revenu, un salaire permettent le contrôle... sans parler des primes de la CEE allouées aux paysans pour maintenir les terres en jachères... Des milliards dépensés pour maintenir les gens dans la dépendance.

Selon l’UNESCO, 0,1% du revenu mondial brut suffirait pour couvrir les besoins sanitaires et alimentaires de la planète et de tous ses habitants, soit une heure et demie de travail par an, une journée tous les 5 ans de travail par personne 32 ;

- l’abrutissement devant la TV et du déclin intellectuel des masses qui n’ont pas le temps de lire, d’apprendre, de réfléchir, et donc de construire un autre monde,

- de la pollution liée à la possession d’une voiture pour aller travailler et du temps perdu dans les transports, des aliments que l’on ne produit plus soi-même et sans saveur et donc la production pollue nos nappes phréatiques, notre environnement

- le temps perdu à aller à son travail,

- le coût de la santé lié au stress, les heures sup trop nombreuses, la mal bouffe, les consommations abusives de drogues légales ou illégales pour être plus performants ou se détendre, etc. ;

- du clivage entre ceux qui ont ォ réussi サ et les autres et de la dégradation des rapports sociaux, de la violence sociale, des inégalités sociales,

- du temps qui pourrait être consacré à la recherche, aux arts, aux plaisirs, ou simplement à la paresse

- la culture de la violence liée à la peur, la concurrence, l’apprentissage de la compétition, le racisme (idée que les étrangers mangent le pain des français)

- de la perte de convivialité faute de temps et donc d’envie,

- de la baisse de l’appétit sexuel,

- de ne plus avoir le temps de connaître et de s‘occuper de ses enfants,

- de la perte d’autonomie liée à la perte de savoir-faire innombrables : la cuisine, la couture, le jardin, réparer sa voiture, construire sa maison, l’automédication

- de l’uniformisation des cultures, des goûts, des vêtements que l’on porte,

- de la perte de liberté quant aux choix de cadres de vie, de gestion de sa commune, de son quartier, car il faut du temps pour construire la démocratie participative, etc.

Rappelons que si l’on supprimait les emballages (le packaging), les plastiques pour transporter nos marchandises, la publicité (le marketing), de nombreux besoins superflus créés pour relancer la consommation, maintenir la croissance et le plein-emploi, un nombre incalculable d’heures de travail aliénant, abrutissant, harassant pourrait être supprimé.

Toutefois, si un travail pénible et ennuyeux demeure nécessaire pour faire fonctionner la société dans son ensemble, dans la société actuelle, ces tâches sont confiées aux travailleurs les plus défavorisés, aux femmes et aux immigrés notamment : c’est la version moderne de l’esclavage. Qu’au contraire elles soient partagées par tous : ce serait la plus sûre garantie pour qu’elles soient rendues moins pénibles. En échange de ce travail " lié " que l’individu donne à la collectivité, celle-ci lui donne de quoi subvenir à ces besoins :

  • Est-ce à dire qu’à tout travail de ce type on doive attacher un salaire ? ou bien qu’au contraire, ce travail lié puisse être considéré comme un service dû à la société (comme on l’a fait avec le service militaire), les besoins de chacun étant couverts par des allocations sans rapport avec le travail ?

  • Faut-il payer davantage les travaux selon qu’ils sont plus pénibles ou ennuyeux que d’autres ? Ou bien fixer des horaires de travail d’autant plus réduits que le travail est plus pénible ou ennuyeux que d’autres ?

  • Y a-t-il un moyen terme entre le système du salariat avec l’inégalité et la compétition qu’il entraîne, et l’organisation du travail obligatoire qui, en l’absence de contrepartie matérielle immédiatement tangible, risque de se transformer en travail forcé ?

  • N’y a-t-il pas contradiction entre l’utilisation rationnelle des compétences, des goûts et des aptitudes et la rotation des tâches qui semble nécessaire si on veut éviter le retour à une société hiérarchisée comme la nôtre ?

 

Ces questions sont aussi vieilles que le socialisme. A nous de tenter de commencer à y donner un début de réponses puisque la libération du travail, thème cher à toute la gauche actuelle qui réclame que la création d’emplois cesse d’être entravée par la spéculation est donc née d’une volonté de certains capitalistes d’en accroître la productivité. Or à l’instar du groupe Krisis, auteur d’un Manifeste contre le travail, je crois qu’il faut, non pas libérer le travail, mais se libérer du travail.

Le travailleur étant assimilé à un produit, nous vendons notre force de travail, vouloir se libérer du travail, c’est affirmer que notre corps n’est pas une marchandise :

" Aliéner c’est donner ou vendre. Or un homme qui se fait esclave d’un autre ne se donne pas, il se vend, tout au moins pour sa subsistance...Renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs "33

 

  • Quelles solutions pour se libérer du travail ? revenu d’existence, auto réduction du travail, grève générale, autogestion et réappropriation des moyens de production, hausse des cotisations patronales, arrêter d’accepter massivement des emplois mal rémunérés, sachant que l’idée de contrat de travail doit se fonder sur celles de réciprocité, de contrat social et d’utilité sociale appellant l’usage commun des biens ?

    Affirmer avec force que le contrat de travail n'est pas un vrai contrat social impliquant une véritable égalité entre contractants.

 

Quelques propositions :

 

Trouver une autre représentation commune du monde, en sortant de la sacralisation du travail pénible inscrite dans la conscience collective ouvrière par l’idéologie chrétienne (voire St Paul), comme seul moyen d’affirmer la dignité de l’homme. Le libéralisme et le capitalisme ne sont pas des déterminismes socio-économiques insurmontables, un fatalisme et nous ne naissons pas avec des outils dans la main.

Se rappeler qu'avant tout la dignité est dans la lutte, pas dans le travail !

L’ordre social et son système de règles abstraites auxquelles nous nous soumettons par une forte capacité d’obéissance (voir les expériences de Milgram) sont le produit et les caractéristiques d’une culture (éducation, religion, ordre social dominant composé d’élites et de prétendus experts, qu'ils faut remettre en question, car les vrais experts du chômage et du temps libéré, c'est nous.

A l’école, c’est Voltaire, fervent défenseur du libéralisme et esclavagiste contre Rousseau, partisan du contrat social, disourant sur l(origine des inégalités.

A la faculté, c’est Ricardo, Walras, Smith (le darwinisme social et l’individualisme) contre Marx (le communisme et la communauté des biens) passant complétement sous silence la pensée anarchiste qui est pourtant d'une grande richesse.

C’est aussi Freud, croyance que nous descendons d’une société patriarcale (fondement même du capitalisme) et politique de l’aveu (la confession psy), de la sublimation et des tabous sexuels contre Reich qui défend l’idée d’une société primitive (les Trobriandais) matriarcale plus communautaire où régnait la démocratie du travail et la liberté sexuelle. Mais peut-^tre se trompait-il, car cette société matriarcale semble bien introuvable.

Pour SZASZ, " Les hôpitaux psychiatriques sont les camps de concentration de nos guerres civiles informulées, car ... de grands psychiatres, tels que Rusch, Kraepelin, Alexander, Menninger, et même Pinel et Freud, doivent être considérés en tant que chefs de file, plutôt qu’en bienfaiteurs de l’humanité. En effet, s’ils ont beaucoup servi les intérêts de leurs collègues (création d’une morale bourgeoise stigmatisant ce qu’ils ont appelés les déviances sexuelles inexistantes auparavant et création de tabous sexuels importants) ainsi que ceux des classes dirigeantes, ils ont desservi la cause des fous et de tous les souffre-douleur de la société " en créant de nouveaux boucs émissaires34.

C’est aussi l’Histoire de la monarchie contre l’Histoire du peuple. Si refuser, désobéir, savoir dire non peut apparaître comme un acte citoyen, c'est surtout le meilleur moyen d se réapproprier son humanité, car la dignité n'est pas dans le travail, mais dans la lutte.

Autres solutions possibles : " Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de l’associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant "35

Ralentir sa consommation, développer les SEL (échanges non monétaires), développer l’autoproduction, l’autogestion, l’automédication, car celui qui a plus de maîtrise de son temps, a plus de pouvoir, car il a plus de savoirs et donc davantage d’autonomie et de liberté.

Changer son rapport au travail, c’est changer la société.

Nécessité de mettre en place des luttes transversales, chômeurs/salariés avec comme revendications de partager le travail et les richesses. Diminuer le temps de travail de chacun, mais aussi le temps de travail salarié en général.

Au début du XXーsiècle, le mouvement ouvrier avait pour objectif de diminuer le temps de travail. Sous l’influence des anarcho-syndicalistes, la CGT décida au congrès de Bourges en 1904, la limitation à 8h de la journée de travail. Le 1 mai 1906, les travailleurs cessèrent d’eux-mêmes de travailler plus de 8h. C’est ce que l’on appellera l’auto réduction du temps de travail (Emile Pouget, syndicaliste que l’on surnommait le père Peinard).

En juillet 1906 est promulguée une loi instituant le principe d’un repos hebdo de 24h consécutives :

" Le plus fort n’est jamais assez pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir...Or qu’est-ce qu’un droit qui périt quand la force cesse ?... Convenons donc que force ne fait pas droit, et qu’on n’est obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes "36 サ

Doit-on rétablir cette ancienne coutume grecque, l’ostracisme ? : " durant la campagne de 1776 pour l’élection d’une convention chargée d’élaborer une constitution pour la Pennsylvanie, un comité de soldats appela les électeurs à s’opposer aux " intérêts des individus immensément et exagérément riches... qui sont tout à fait décidés à ériger des barrières entre les classes sociales ". Ce comité de soldats rédigea, pour la convention, une Déclaration des droits qui proclamait :

" Abandonner une part excessive des richesses aux mains d’une poignée d’individus représente un danger pour les Droits et nuit à l’intérêt général et à l’humanité toute entière. Aussi, tout Etat doit-il se donner le pouvoir légal d’empêcher l’édification de telles fortunes ". "37

Se réapproprier les moyens de production par une grève générale expropriatrice avec les appuis de ceux qui sont privés de travail.

Déserter massivement le marché du travail pour faire son jardin.... et échanger entre nous, en-dehors de tout rapport marchand.

Faire sécession afin de construire une société parallèle, ou contre-société à la manière de Les En-dehors : Anarchiste individualistes et illégalistes à la Belle Époque.

Désobéir, désobéir, désobéir massivement à cette injonction paradoxale de travailler plus.

Instaurer un revenu, ou salaire d’existence inconditionnel, égal pour tous, cumulable avec tous autres revenus d’activité financé par la taxe Tobin ou socialiser l'intégralité des salaires comme le propose Bernard Friot38 ou abolir le salariat comme le revendique les anarchistes.

 

Je n'ai pas de solutions toutes faites et il en existe certainement plein d'autres, c'est à la communauté toute entière de s'emparer de ce débat et de trouver ensemble des solutions, mais une chose est sûre :

 

TRAVAILLEURS ET CHOMEURS DE TOUS LES PAYS, UNISSEZ-VOUS POUR UNE SOCIÉTÉ DÉCROISSANTE ET LIBERTAIRE CAR C'EST LÀ QUE RÉSIDE L'ESPOIR ET QU'IL N'Y A PAS DE FATALITÉ MAIS C'EST À NOUS DE CONSTRUIRE UN AUTRE FUTUR SANS RIEN ATTENDRE DES POLITIQUES !

 

En attendant, un petit travail à faire sur le vocabulaire pour décoloniser son imaginaire :

- RMI, RMA, STO, RE : on supprime le minimum et le côté obligatoire du travail

  • " le travail c’est la santé, ne rien faire c’est la conserver " : Inverser le vocabulaire sur l’insécurité et affirmer que l'insécurité, c’est le travail, combien de morts chaque année ? Et donc une autre idée de slogan : Limitons les excès de vitesse au travail ! Faisons la grève du zèle !

Pleins d'idées à redécouvrir chez Emile POUGET (VOIR BIBLIO)

- Plutôt qu'une fête du travail (en fait ds travailleurs, devenue fête du travail avec Pétain) inventons une fête de la paresse

- le temps c’est de l’argent : alors pourquoi perdre son temps à gagner sa vie ?

- Un slogan : le travail c’est le propre de l’homme : il nous lessive !

- libérer le travail : ah ! C’est plutôt le travailleur qui est enchaîné = libérons-nous du travail !

- je veux un travail signifie en fait j'ai besoin d’argent

- droit du travail, droit au travail, code du travail, inspection du travail et non pas : droit du travailleur.

- travailler = se déformer, se disjoindre quand on parle du bois, = fermenter quand on parle du vin, = causer de la souffrance, du trouble (ça me travaille), etc.

- en psychanalyse : travail du deuil, travail du rêve

- C’est un travail d’arabe, travailler pourquoi ne pas plutôt dire c'est un travail de député pour dire que le travail est mal fait

- Effet euphorisant du travail : se défoncer au travail. " Mieux que les analgésiques, soporifiques, stimulants, tranquillisants, narcotiques, et, jusqu’à un certain point, mieux encore que les antibiotiques

-bref, la seule ォ panacée universelle サ connue de la science médicale c’est... le travail "39

 

BIBLIOGRAPHIE :

 

- Groupe KRISIS : Manifeste contre le travail, Ed. Léo Scheer, avril 2002, 107 p.

- BRESSON Yoland : Le revenu d’existence ou la métamorphose de l’être social, l’Esprit Frappeur, 2000, 102 pages.

- MEDA Dominique : Le travail : une valeur en voie de disparition, Alto Aubier, 1996, 359 p.

- RIFKIN Jeremy : La Fin du travail, La découverte, réédition de 2006, 460 p.

- ADRET : Travailler deux heures par jour, Seuil Actuel, 1977, 188 p.

- REICH Wilhem, L’irruption de la morale sexuelle, Payot, trad frse de 1972, 240 p.

- ROUSSEAU, Du Contrat social

- LAFARGUE Paul, en 1883, Le droit à la paresse, réfutation du droit au travail de 1848

- DENIS Henri : Histoire de la pensée économique, P.U.F., 1966, 743 p.

- VERLINDE Jean-Victor, L’ordre mon cul ! La liberté m’habite , L’Esprit Frappeur, 2000

- JOIN-LAMBERT, BOLOT-GITTLER, C.DANIEL, D.LENOIR, D.MEDA, Politiques sociales, FNSP/DALLOZ, 1994

- BAVEREZ, SALAIS, REYNAUD, L’invention du chômage, Paris, PUF, 1986

- GORZ A., Métamorphoses du travail. Quête de sens, Galilée, 1988

- VINCENT J.M., Critique du travail, PUF ォ pratiques théoriques サ, 1987

- COTTA A., L’Homme au travail, Fayard, 1987

- STEVENSON, Une Apologie des oisifs, Allia, 1877

- JOHNSON S., Le Paresseux

- MALEVITCH Kazimir, La Paresse comme vérité effective de l’homme

- PANSAERS Clément, L’Apologie de la paresse

- LACAZE-DUTHIERS G., La Torture à travers les âges, L’idée libre

- ZINN Howard, Une histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours, Agone, 2002

Le livre noir du capitalisme, Le temps des cerises éditeur, 2001

  • SZASZ Th, Le Péché second, petite biblio Payot, 1973

  • GARNIER J.P. Et JANOVER Louis :La Deuxième droite, Agone, 2012

  • FRIOT Bernard : L'enjeu de salaires

  • POLANYI Karl, : La grande transformation : aux origines politiques et économiques de notre temps, éditions Gallimard, 1944.

  • POUGET Emile : Le Sabotage, aux 1001 nuits et L'Action directe, chez Agone

  • LIEGEY Vincent, MADELAINE Stéphane, ONDET Christophe, VEILLOT Anne-Isabelle : Manifeste pour une Dotation Inconditionnelle d'Autonomie, Utopia, 2013, à mettre en parallèle avec le livre de FRIOT sur l'enjeu des salaires et celui plus ancien de Yoland BRESSON.

    C'est en tout cas une idée qui fait son chemin que celui d'un salaire ou revenu universel.

  • D'EAUBONNE Françoise : Le Sexocide des sorcières, L'Esprit frappeur, 1999.

  • MOUHOT J.F. : Des Esclaves énergétiques : réflexion sur le changement climatique, Champ vallon, 2011

  • BROSWIMMER Franz : Ecocide : Une brève histoire de l'extinction en masse des espèces, Agone, réédition de 2010

  • DIAMOND Jared : Effondrement : Comment le sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Folio, 2005

  • BOOKCHIN Murray ; Une société à refaire : Vers une écologie de la liberté, Ecosociété, réédition 2010

  • RUFFIN François : La guerre de classes, Fayard, 2008

  • STEINER Anne, Les En-dehors : Anarchiste individualistes et illégalistes à la Belle Époque, l'Echappée, 2008

 

De nombreux films sur le sujet, mais je conseille surtout ceux de Pierre CARLES : Attention danger travail et No Volem rien foutre el païs

1 ADRET, Travailler deux heuress par jour, Points seuil Actuels, 1977, 188 pages, p.113.

2 ARISTOTE, Politique, liv. I, chap V, l. 16-20

3 ARISTOTE, Economique, L. I, chap. 5, 1344b

4 ARISTOTE, Politique, L. 7, chap. 9, 1328b

5 SAINT AUGUSTIN, Ephésiens, VI,5)

6 SAINT THOMAS D’AQUIN, Somme théologique

7 LACAZE-DUTHIERS Gérard de, La Torture à travers les âges, L’idée Libre, p.212-213

8 JEAN XXIII, Les récents développements de la question sociale à la lumière de la doctrine chrétienne, paris, Ed ? Bonne Presse, 1961, p.20.

9 SAINT THOMAS D’AQUIN, Somme théologique : la justice, t.III, p.205.

10 Id, II,II, question 78, art. 2, p.222.

11 SURET-CANALE Jean, Le livre noir du capitalisme, Le temps des cerises éditeur, 2001, p.16-17

12 Id, p. 52-53

13 WEBER MAX, L’ethique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, 1964, p.215

14 MACHIAVEL, Le Prince et autres textes : Discours sur Tite Live, Paris, Union générale d’Editions, 1962, p.151

15 MONCHRESTIEN, Traité de l’économie politique, paris, 1889, p.298-300

16 PETTY SIR WILLIAM, Traité des taxes et contributions, 1662, Paris, 1905

17 Les indications relatives à l’attitude des mercantilistes en face du travail sont tirées de l’ouvrage de ELI F. HECKSCHER, Mercantilism, Stockholm, 1931.

18 ZINN H., Une Histoire populaire des Etats-unis, Agone, 2002, p.91

19 HUME DAVID, Recherche sur les principes de la morale, 1751.

20 QUESNAY, Journal de l’agriculture, du commerce et des finances, 1765.

21 SMITH Adam, Théorie des sentiments moraux, Paris, 1830, t.1, p.338-339

22 Id, p.340-341

23 Id, p.341

24 Id, p.163

25 Id, p.162-163

26 SMITH Adam, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Paris, 1843, p.110

27 MARX et ENGELS, Critique des programmes de Gotha et d’Erfurt, p.33

28 ADRET, Travailler deux heures par jour, Points Actuels, 1977, Augmenter la durabilité des biens, p.156-162

29 A ce propos, lire WEIL Simone, Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale, Gallimard, 1955 et La condition ouvrière, Gallimard, 1951, FRIEDMANN G., Où va le travail humain ? , Gallimard, coll.Idées, 1978

30 CAMERLYNCK G.H., Le contrat de travail, p.52

31 SZASZ Th, Le Péché second, petite biblio Payot, 1973, p.70

32 VERLINDE Jean -Victor, L’ordre mon cul ! La liberté m’habite , L’Esprit Frappeur, 2000, p.39-40

33 ROUSSEAU, Du Contrat social, chap IV De l’esclavage, p. 45-46

34 SZASZ Th, Le Péché second, petite biblio Payot, 1973, p. 107

35 ROUSSEAU, Du Contrat social, chap VI Du pacte social, p. 51

36 ROUSSEAU, Du Contrat social, chap III Du droit du plus fort, p. 44-45

37 ZINN Howard, Une Histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours, Agone, 2002, p. 77

38 BRESSON Yoland, Le revenu d’existence ou la métamorphose de l’être social, l’Esprit Frappeur, 102 pages

et FRIOT Bernard : L'enjeu du salaire, 2012.

39 SZASZ Th, Le Péché second, petite biblio Payot, 1973, p.91

 


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13 réactions à cet article    


  • devphil30 devphil30 8 septembre 2014 13:53

    Excellent article sur un sujet important quand le peuple ne comprend pas ce qui se trame contre lui par les milieux financiers et politiques.


    Il est bon de rappeler l’histoire , « Celui qui ne connait pas l’histoire est condamnée à la revivre » K.Marx 

    L’histoire est faite d’esclavage dont la forme moderne laisse penser que nous sommes libres mais bien au contraire nous sommes esclaves d’un système qui à pour finalité de nous broyer.

    Opposer les peuples , les castes sociales , les salariés et le public , constamment opposés pour mieux contrôler , opposer pour maintenir un pouvoir basé sur l’asservissement d’une multitude au profit que quelques uns qui ne seraient rien sans l’argent qui permet de tout acheter.

    Dans un semblant de démocratie , le pouvoir des pseudos élus est énorme car ils se disent comme émanant de la volonté populaire , c’est le danger de la démocratie.

    Philippe 

     
     

    • Frédéric BOYER Frédéric BOYER 8 septembre 2014 14:07

      Excellent article. Mais quel travail !


      • Hérisson 8 septembre 2014 16:16

        Merci, de vos réaction et mille excuses pour les fautes commises, il est difficile de se relire avec une attention soutenue lorsque l’écrit est aussi long.

        Néanmoins, je dois dire qu’il faut avant tout remercier les auteurs de la bibliographie qui ont alimenté ma réflexion et que j’encourage donc à lire, notamment les ouvrages de Dominique Méda, auteure d’un autre livre passionnant également intitulé « Qu’est-ce que la richesse ? » et Jeremy Rifkin très complets sur le sujet, de même que le livre d’histoire des doctrines signalé au PUF.
        Grand merci à eux et merci de vos réactions enthousiastes qui démontrent, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, qu’une partie de la population (que j’espère la plus large possible-) possède encore cet esprit critique nécessaire à une transformation sociale plus juste et égalitaire, mais que pour cela il va falloir recréer des liens, s’organiser et sortir de notre sentiment d’impuissance.
        salutations 

      • foufouille foufouille 8 septembre 2014 14:09

        « Smith soutient que l’ordre social repose sur la tendance à admirer les riches et les puissants, et donc à leur obéir »

        c’est l’effet du troupeau, le faible obéit au mâle dominant

        « Selon l’UNESCO, 0,1% du revenu mondial brut suffirait pour couvrir les besoins sanitaires et alimentaires de la planète et de tous ses habitants, soit une heure et demie de travail par an »

        beaucoup de mal à y croire


        • howahkan Hotah 8 septembre 2014 14:22

          Le produit du vol des riches..ben oui essayez donc d’être riche sur votre travail seul, vous serez mort depuis longtemps avant d’accumuler quoique ce soit...d’ou bien sur le vol du travail des autres, c’est une evidence, ce produit doit etre en parti redistribué, bien que ça leur fasse mal au cul..mais si ils veulent rester vivant ils n’ont pas le choix...

          alors puisque leur monde est celui du profit, profitons en pour en faire le moins possible pour eux, de toutes façons ils sont obligés de casquer..sinon, le bon bourgeois recevra de la visite...et pas pour l’apéro !!

          elle est pas belle la vie neo con..profitons en.....relax, cool, amical, entre voisin on s’aide gentiment sans non plus tomber dans l’exact inverse...mais le juste mileiu d’entre aide se trouve tout seul des que collectif volontaire il y a.....bien dans ce lot il y aura les 10 % de psychopathes fainant qui deviennent des dirigeants et qui se repèrent très vite....il faudra les mater ........les rendre inopérants...

          c’est ce que ,juste qu’a un certain peint, ils essayent de faire en Russie,certes à une échelle encore modeste mais la voie est ouverte....

          voila le monde nouveau commence a se dessiner., pour le moment il s’agit d’effondrement,pas de panique c’est logique et normal......

          nos belles machines nous ont rendu encore pire,enfin pareil au pire....la machine n’est donc pas un sujet....c’est l’humain qui déconne, tout ça parce que il ne veut pas mourir,cela implique qu’il refuse la vie qui lui est prêtée, or nous ne sommes pas en position de refuser cela bien sur........le con, il n’a pas le choix...alors il en devient chèvre forcement ..

          bon tout ça pour dire,globalement on ne comprends quasiment rien, ni au monde, ni a nous, ni à l’univers..et pourtant ça joue au kéké le jours, mais la nuit on joue « le port de l’angoisse »".....

          que cela soit écrit et que cela se produise..aléa jacta est...comme disait Jules..


          • howahkan Hotah 8 septembre 2014 14:26

            j’oubliais, merci à l’auteur, j’ai parcouru très vite, trop vite et des que j’ai un moment je m’y remets
            car çà me semble très fouillé....

            salutations..


            • Nicolas_M bibou1324 8 septembre 2014 15:23

              Merci pour cet article très complet, avec beaucoup de références que je n’ai pas encore eu le temps d’explorer.


              • Alain Astouric Alain Astouric 9 septembre 2014 09:09

                Il existe une liste des causes de non-qualité de vie, de stress et de souffrance au travail. On la trouve gratuitement sur le site « meslivres2. com » à cette adresse http://astouric.icioula.org/ Une adresse à laquelle on trouve aussi des info sur l’apprentissage de la Conduite des hommes (Encadrer une équipe).


                • Diogène diogène 9 septembre 2014 09:20

                  « En libérant l’Esclave de la Nature, le travail le libère aussi de lui-même, de sa nature d’Esclave : il le libère du Maître. Dans le Monde naturel, donné, brut, l’Esclave est esclave du Maître. Dans le Monde technique, transformé par son travail, il règne – ou, du moins, régnera un jour – en Maître absolu. Et cette Maîtrise qui naît du travail, de la transformation progressive du Monde donné et de l’homme donné dans ce Monde, sera tout autre chose que la Maîtrise immédiate du Maître. L’avenir et l’Histoire appartiennent donc non pas au Maître guerrier, qui ou bien meurt ou bien se maintient indéfiniment dans l’identité avec soi-même, mais à l’Esclave travailleur. Celui-ci, en transformant le Monde donné par son travail, transcende le donné et ce qui est déterminé en lui-même par ce donné ; il se dépasse donc, en dépassant aussi le Maître qui est lié au donné qu’il laisse – ne travaillant pas – intact. Si l’angoisse de la mort incarnée pour l’Esclave dans la personne du Maître guerrier est la condition sine qua non du progrès historique, c’est uniquement le travail de l’Esclave qui le réalise et le parfait ».

                    Alexandre Kojève, Introduction à la lecture de Hegel


                  • miha 9 septembre 2014 12:27

                    Bravo pour cet article ! Beau travail ! Si j’ose dire  smiley

                    Le plus grave coût du travail, ce sont les travailleurs qui le paient : fatigue, accidents, burn-out, ...

                    Chaque 1er mai, depuis quatre années, je rends hommage à toutes les victimes du travail en déposant un bouquet au pied du monument aux morts de ma ville. J’espère que cela se répandra partout un jour ; après tout, on rend bien hommage aux victimes des guerres chaque 11 novembre, les victimes du travail seraient-elles moins respectables ?
                    Et cela peut aider à faire prendre conscience que le travail ne vaut pas le sacrifice de sa santé et encore moins de sa vie.
                    http://www.dailymotion.com/video/xzkz5p_1er-mai-2013-hommage-aux-victimes-du-travail_news


                    • Yurf_coco Yurf_coco 9 septembre 2014 13:05

                      J’aime bien cette vision globale de l’approche du travail.

                      Hélas, je n’aurais pas assez de temps pour le finir dans ma pause déjeuner.

                      Je vais l’imprimer je crois ! :)

                      Et merci pour les références, ça me donnera des idées !

                      • Jean Keim Jean Keim 9 septembre 2014 18:56

                        Merci pour ce volumineux et intéressant article avec une petite faute de frappe, toute activité qui existe dans l’acquisition des biens et des richesses est la chrématistique et non pas la chrésmatique.

                        Il faudrait en effet redéfinir ce qu’est un travail utile et le répartir entre tous dans le cadre d’un « service national » et comprendre que l’on ne peut être propriétaire de rien, ni par une habilité naturelle, ni par la naissance. Si nous les humains nous ne voulons pas disparaître, nous devons créer une société où l’entraide, le partage et la coopération seront un art de vivre. 

                        • Alain Astouric Alain Astouric 15 octobre 2014 08:53


                          Le stress, c’est la vie, le moteur de nos pensées et actions !

                          Mais si les stresseurs perdurent ou sont trop violents ils peuvent occasionner des menaces ingérables, des douleurs subjectives, voire des humiliations.

                          Cf. "Encadrer une équipe", livre 160p. édité à la Chronique Socialeet dont la deuxième partie fournit le kit complet d’animation d’une Formation à la conduite des hommes. En vente dans toutes les librairies et sur le site meslivres2.com à cette adresse http://astouric.icioula.org/

                          A cette même adresse on trouve (Gratuitement) la liste des 100 principales causes de souffrance au travail.

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