Défense des victimes, Rachida Dati présente son projet
Le 9 octobre 2007, le Garde des Sceaux a présenté les mesures qu’elle entend mettre en place afin de renforcer les droits des victimes d’infractions pénales.
En premier lieu, elle a indiqué adresser ce jour une circulaire aux juridictions afin que les dispositions déjà en vigueur à l’égard des victimes soient effectivement mis en œuvre.
Il s’agit là de bon sens dans la mesure ou contrairement à ce que certains peuvent laisser penser les dispositifs en faveur des victimes d’infraction existent et ont été renforcé depuis une dizaine d’années au point qu’on peut se demander s’il est nécessaire de les réformer en profondeur.
En second lieu, la ministre a confirmé la création d’un juge délégué aux victimes (JUDEVI) qui devra "assurer la coordination de tous ceux qui travaillent dans l’intérêt des victimes". Il sera chargé d’informer toutes les victimes, même celles qui ne se sont pas constituées parties civiles et il présidera la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions.
En attendant d’avoir plus de précision sur le rôle exact de ce JUDEVI et les modalités de son intervention, quelques observations.
Lorsqu’une infraction est commise et qu’une victime est identifiée, les services de police ou le parquet ont déjà l’obligation de l’informer des possibilités pour elle de se constituer partie civile et de solliciter une indemnisation, de solliciter la désignation d’un avocat au titre de l’aide juridictionnelle (sous condition de ressources), de bénéficier de consultations gratuites données par des avocats dans les mairies ou au palais de justice.
L’avis à victime contient déjà les informations essentielles notamment pour aiguiller les victimes vers un avocat ou une association de défense des victimes.
Il semble donc que le projet ait pour but de donner pour prérogative au JUDEVI de remplir ce rôle d’information. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué.
Curiosité, le Garde des Sceaux a évoqué toutes les victimes même celles qui ne sont pas constituées parties civiles. Or une victime dument informée de ses droits peut toutefois ne pas souhaiter participer à la procédure pénale et au procès pour des raisons diverses et qui lui sont propres.
Ainsi du propriétaire d’un véhicule victime de dégradations qui aura été pleinement indemnisé par son assureur par exemple.
Mais surtout il est question de confier au JUDEVI la mission d’assurer la coordination de tous ceux qui défendent les intérêts de la victime.
Comme l’a rappelé le Conseil national des barreaux, le défenseur naturel d’une victime c’est l’avocat. D’abord et avant tout parce qu’une victime est une partie au procès et qu’elle peut se faire assister ou représenter par un avocat.
L’avocat aura-t-il des comptes à rendre au JUDEVI quant à l’action qu’il mène pour défendre les intérêts de son client ?
Voilà encore une curiosité.
D’une part, l’avocat n’a de comptes à rendre qu’à son client qui le rémunère pour défendre au mieux ses intérêts. Il s’agit d’une relation contractuelle totalement privée dans laquelle l’Etat n’a pas à s’immiscer.
A ce titre d’ailleurs, il existe déjà une autorité devant laquelle l’avocat peut répondre de son comportement en matière disciplinaire ou en cas de contestation d’honoraires, sans compter l’assurance responsabilité qui couvre les éventuelles fautes accomplies dans le cadre de sa mission.
Un client mécontent du service rendu peut à tout moment faire choix d’un autre conseil.
D’autre part, si l’avocat devait avoir des comptes à rendre au JUDEVI, cela aboutirait à une remise en cause de la compétence et de l’indépendance de toute une profession. Profession dont il convient de rappeler qu’elle est réglementée.
Ceci n’est pas tolérable.
Je me permets d’ailleurs de renvoyer Mme Dati à la lecture de la brochure éditée par le ministère de la Justice en février 2007 intitulée "Les droits des victimes" qui outre qu’elle est accessible à tous et bien documentée met en avant la place primordiale de l’avocat (et des associations) dans la défense des victimes.
Certes le Garde des Sceaux et le président de la République ne sont plus ceux de février 2007, mais tout de même.
Autre question importante qui se pose à la lecture des propos de la ministre, le JUDEVI sera le président de la Commission d’indemnisation des victimes (CIVI).
Pour résumer, la CIVI est une juridiction civile dont l’objectif est d’examiner les demandes d’indemnisation de victimes d’infractions lorsque l’auteur de l’infraction est inconnu, introuvable ou insolvable. Les sommes allouées par cette juridiction aux victimes sont réglées par le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) au nom de la solidarité nationale. Le FGTI se substitue à l’auteur de l’infraction et dispose d’un recours contre celui-ci après indemnisation de la victime.
Le président de la CIVI a donc pour mission de juger du bien fondé d’une demande d’indemnisation d’une victime lequel peut-être contesté par le FGTI. Comment peut-il être parallèlement celui qui assurera la coordination des moyens mis en œuvre pour assurer la défense des intérêts de la victime ? Il ne peut être juge et partie.
Au surplus, ce magistrat risque d’être rapidement surchargé de travail. Outre son activité juridictionnelle, il lui appartiendra d’intervenir dans toutes les procédures pénales dans lesquelles existe une victime. Je lui souhaite bien du courage.
Attendons désormais de connaître les détails de ces mesures en espérant qu’une réflexion ait lieu impliquant également la profession d’avocat et les associations de défense des victimes.
Cette réflexion est nécessaire car elle ne semble pas avoir été un préalable à l’annonce de ces mesures. Mais cela devient une habitude.
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