A quatorze ans on m’avait orienté, toi t’es plus doué en math qu’en français, alors sans hésitation on m’avait mis en technique, pourquoi pas m’étais-je dit ? Du moins je ne sais même pas si je m’étais réellement posé la question ! La mise en condition ayant déjà fait son effet il me paraissait évident que c’était dans cette direction que s’ouvrait pour moi un avenir professionnel. J’eus été un peu plus intéressé pas les langues, il est probable que l’on m’aurait conseillé fortement l’enseignement ou une carrière dans cet environnement. Connaissait-on réellement mes aptitudes profondes, ça moins que sûr, peu importe, l’obsession était : tu auras un métier, mon fils !
Pris dans les mailles du filet j’étais -pour ne pas être celui qui aurait fait de sa vie un fil ininterrompu de recherches de sensations nouvelles en faisant fi du slogan conscient ou inconscient : « Travail, famille, patrie »- celui qui ne diverge pas et qui établit son plan de carrière comme l’impondérable d’une progression sociale reconnue et admirée. Celui dont on dira : « T’as vu l’exemple… une belle bagnole, une belle baraque, une belle femme, une belle maîtresse, et de beaux enfants ! », tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Le tableau peut paraître idyllique, d’autant que de surcroit ce genre de citoyen ne fait pas de vague dans une société que l’on veut uniformiser…
Pourquoi s’en ferait-il d’ailleurs ? Cette société lui a tout donné, allant du réfrigérateur à l’écran plat dont ses enfants se servent sans discernement pour s’abreuver de jeux vidéo guerriers et mortifères, allant de sa bagnole, qui est la représentation individualiste du monde dans lequel on l’a plongé pour éviter qu’il s’aperçoive qu’il en est l’esclave, allant à la super baraque appartenant à la banque machin, le bonheur quoi !
Que demander de plus ! Pourtant, on prend une maitresse parce que l’on s’ennuie un peu et que ça fait bien sur la carte de visite, ce n’est pas que la vie paraisse réellement monotone mais toutefois un tantinet routinière ; et puis il faut bien se déstresser ; le travail est tellement pénible avec des demandes de rendements des plus exigeantes, avec aussi un petit chef, caricature d’adjudant de service, qui impose une sorte dictature de tous les jours pour que son service soit le meilleur, concurrence oblige, concept incontournable du système ; mais au fait, quel travail fait-on ?
Eh bé oui, le nez enfoncé dans le clavier on a complètement oublié pourquoi on était là, pour quel plaisir… si on sait, c’est pour payer les traites de fin de mois que l’on fait quelques heures sup. Et oui, la bagnole, elle ne roule pas toute seule, et le crédit révolving, il faut bien l’alimenter sinon on va nous piquer la baraque ! Pas question de perdre une heure, le budget est tellement serré si on veut tout acheter, alors la grève n’en parlons pas. Et au bout de tout ça, le spectre du chômage…
La voilà la réalité du plan de carrière auquel on rêvait à vingt ans, c’est simplement avancer dans la vie pour se créer des besoins, encore plus de besoins, car c’est vrai que la maison n’a pas de encore de piscine que l’on utilisera pourtant que cinq fois et demi dans l’année, mais les voisins en ont une, eux !, c’est aussi vrai que la bagnole a déjà 38 000 kilomètres et que le nouveau modèle que la pub télé passe en continu est bien tentante, et la roue tourne, mais qu’est-ce qu’on s’emmerde, et pourtant on sert les fesses pour conserver son emploi….
Lassitude, stress et finalement dégoût sont les maladies du travail les plus courantes. Pourtant celui-ci est la centralité de la vie. Deux heures de route harassante dans les embouteillages, ou en métro, ou en TER bondé pour aller rejoindre un chefaillon qui va mettre la pression d’entrée parce que l’on a deux minutes cinquante trois de retard. Et à midi, en poussant le plateau au « self » de l’entreprise, on parle des turpitudes du garde chiourme de la rentabilité ou du futur match PSG/ OM -ce qui guère plus réjouissant quand on pense qu’on pourrait se faire casser la gueule dans les tribunes par des excités qui viennent là pour se défouler. Le boulot est tellement la centralité de l’existence que l’on on a même dragué sa maitresse parmi les collègues du bureau d’à côté. Et puis le soir, épuisé, rompu de fatigue, on vire les mômes du canapé d’où ils sont en train d’assassiner un ennemi virtuel pour cliquer sur une « staracon » que l’on absorbe sans discernement ; les enfants sont partis rejoindre la bande de la rue, tu les as vus cinq minutes, le temps de les remplacer devant la télé ; la société moderne en somme ; tout un programme en elle-même puisque l’on va même jusqu’à jouer au tennis avec le copain de bureau quand ce n’est pas en vacance que l’on part avec lui, la continuité du boulot moteur unique de l’existence…
Et quel programme, la déshumanisation de l’individu, l’individualisme à outrance engendré par un système qui veut uniformiser et esclavager les individus autour d’une seule alternative : le travail….
Mais dans quel but ? C’est pourtant simple à comprendre… Cependant, le conditionnement, le formatage, la notion de consentement ont construit une nouvelle race d’individu qui ne peut se démarquer physiquement et moralement du système capitaliste, qui, en prime, le contraint encore plus par la consommation ; consommation à tout crin qui est la finalité du système, permettant par ce principe une croissance qui créera des richesses qui feront « re-consommer » pour créer à nouveau des richesses et ainsi de suite…. jusqu’à ce que l’actionnaire s’en ait mis plein les poches ! C’est le seul gagnant.
Le travailleur a aussi des poches, mais sous les yeux trahissant son épuisement et l’angoisse des emprunts à rembourser, et la planète se désagrège de par la suractivité de celui qui a malgré lui les poches sous les yeux. Suractivité dont en réalité il n’est pas le premier responsable car elle est essentiellement voulue pour augmenter la rentabilité du capital.
Pourtant parfois il entend des voix discordantes qui crient : « Halte-là ! ». Des voix qui essaient d’expliquer que la terre est un produit fini, que ses ressources sont limitées, et qu’un jour en dépit d’avancées technologiques parfois utiles il faudra consommer moins, du moins consommer pour l’usage, certains superflus étant des mésusages dévastateurs. Et que pour cela, la première évidence serait de sortir du capitalisme pour redonner une part plus locale à l’économie, en somme un partage de proximité dans lequel le travail retrouverait par exemple la notion de monnaie d’échange et non plus la centralité incontournable de l’existence.
Moi, je sais faire ça, toi tu sais faire ça, comme j’ai besoin de ce que tu sais faire alors échangeons. Par conséquence, cela nous conduit à concevoir des banques coopératives et locales, non spéculatives et qui seraient les aides des activités particulières à la spécificité d’un secteur. On peut ainsi énumérer nombre d’autres solutions à la reconstruction d’une société basée sur plus de liens et à l’évidence moins de biens. On pourrait même imaginer que l’usage nous sortirait du mésusage et par la même occasion d’un écart beaucoup, mais beaucoup trop important dans la disparité des revenus ce qui permettrait de mettre en place -avec la répartition des richesses et la disparition des revenus spéculatifs du capital- une Dotation Inconditionnelle d’Autonomie en concomitance à une prépondérance vers la gratuité de l’usage.
C’est une autre façon de voir notre société qui pour l’instant semble à certains utopique, mais de toute façon, un jour il faudra nécessairement qu’on la conçoive autrement qu’elle n’est actuellement car, autrement, on finira par détruire totalement son naturel et robotiser l’individu…
Alors pourquoi ne commencerait-on pas demain ? Demain, je n’irais donc pas au travail…
Pourriez-vous détailler les modalités de financement du Revenu de Base (Dotation Inconditionnelle d’Autonomie) que vous préconisez ? Ce financement est-il indépendant de toute taxe fiscale ou parafiscale ? S’apparente-t-il à ma proposition de Dividende Universel dont le financement relève d’une phase d’épargne préalable et d’investissement dans l’économie réelle de marché ?
« Demain,je n’irai pas travailler » Comme les rentières et les rentiers de droâââte et de gôôôche, comme les retraité-e-s de droite et de gauche (dont fait partie l’auteur), et comme les chômeur-se-s heureux-se-s
Critiques sur la décolonisation de la
pensée capitaliste.
« Dans les théories marxistes, il existe une fin, après la crise finale
liée à la « baisse tendancielle de la plus-value » et qui doit déboucher sur un
monde post-capitaliste, mais qui resta longtemps dominé par le productivisme….
Une autre caractéristique de l’économie politique classique, c’est la
vision globale à l’échelle d’une Nation qu’elle essaye d’introduire. La
richesse n’est plus considérée du point de vue du souverain, soit qu’il aurait eu
une importante population (« il n’est de richesse que d’homme » de J. Bodin au
15ème siècle) soit qu’il aurait thésaurisé beaucoup de métaux précieux.
Est-ce que la relocalisation n’est pas une tentative d’introduire une
autre façon d’analyser l’économie, en partant du local, en essayant
d’interconnecter toutes les entreprises locales à partir de la satisfaction des
besoins des populations locales, au lieu de partir de la loi du marché ? »
C’est un extrait des critiques
sur la relocalisation, dans lesquels il y a aussi un passage sur la centralité
du travail que j’ai abordé ici sommairement.
Par contre, il n’y a pas de
contre indication au marxisme si lors de la rupture avec le capitalisme il
abandonne la notion de productivité, c’est là-dessus qu’il y a probablement un
long travail de réflexion à faire. De toute façon, la productivité même
contrôlée parait, aussi, difficilement compatible avec une écologie réflexive.
C’est pourquoi, toute forme et
recherche écologique qui ne rompraient pas avec le productivisme seraient
vouées à l’échec à plus ou moins long termes...
Quant à la relocalisation, si
elle peut sembler une forme économique différente, elle ne le sera plus si
justement on la dirige vers des échanges qui pourraient par exemple créer une
monnaie momentanée et non spéculative (comme celle d’André Gorz), ce ne serait
alors qu’un concept sociétal sorti du cadre économique tel qu’étymologiquement
on pourrait l’entendre.
Ce qui implique donc que l’on
doit se décoloniser l’esprit des concepts de l’économie capitaliste, par
conséquence la fiscalité ou la dé-fiscalité, la notion de dividende, etc.
deviennent des principes absconds. Sans doute lorsque un produit construit sa
monnaie pourra-t-on en garder une part destinée à alimenter le DIA.
Néanmoins, si le DIA n’existe
pas, nos sociétés donnent cependant une forme fixe de revenu lors du versement
d’allocations familiales, d’aides au logement, ou autres compléments octroyés
par la collectivité. Compléments souvent inégalitaires qui, de plus, sont basés
sur des principes donnant/donnant n’ouvrant aucunement la porte à la notion de
partage.
Donc le DIA serait n’est pas une
utopie mais une conception plus universelle que des aides allouées de ça de là…
A propos d’aide dans sa forme
actuelle on peut s’apercevoir de la perversité du système avec le passage au
numérique. Passage au numérique qui n’est qu’un service que rend la
techno-science au marché en créant un renouvellement de la technologie
télévisuelle. Car la question que l’on peut se poser c’est : qu’elle est
l’intérêt humain de cette obligation consumériste ?
Pour ma part je n’en vois aucun
si ce n’est de créer un nouveau marché pour enrichir les capitalistes.
Mais où on tombe dans
l’inconcevable c’est lorsqu’il existe un organisme public (www.tousaunumerique.fr)qui
donne des aides aux personnes ayant des problèmes financiers pour changer de
système télévisuel, aide pour l’installation d’antenne, d’équipements comme le
décodeurs pour ceux qui n’ont pas une télé récente. Organisme public où l’état
a 50% de participation, donc ce sont nos impôts, la TVA, qui font vivre, sans
que l’on soit forcément d’accord, des entreprises privées. Mais où c’est encore
plus paradoxal c’est avec la participation de 15% de France Télévision qui est
donc prise en partie dans la redevance, on marche sur la tète. Peut-être pas
complètement pour les multinationales car tous est dirigé pour que le système
capitaliste produise inconsidérément, et détienne de fait toutes les manettes
de l’économie, même s’il faut passer par de la vente forcée comme c’est le cas
avec la TNT.
c’est amusant, j’ai senti tout ça dès le lycée et ai fui ce système non sans m’attirer les foudres de mon milieu. J’ai donc toujours quitté chaque boulot dès la première humiliation et ai ainsi fréquenté une quarantaine d’entreprises. J’y ai constaté tout ce que vous avez décrit et me suis fait moquer et regarder de haut par les pires victimes du système qui complotaient même contre moi et ma différence. J’ai évidemment la chance d’avoir pu hériter, mais seulement de ce qui restait après qu’un coucou se soit installé à la place de chef de famille que j’ai laissée vacante. Évidemment, ma marginalité ne m’a pas permis d’élever ma propre progéniture que sa famille m’a aussi volée...
Votre article est sévère mais permet de comprendre comment est ficelé le système qui permet aussi de noyer sa conscience dans les tranquillisants, exactement comme je le fais gratuitement avec mon petit plant de balcon. Ce qui différencie ces deux produits, est que le premier, entièrement artificiel voile la vérité quand l’autre, entièrement naturel, la dévoile...
Dans la vie, il faut faire un choix, l’officiel ou l’interdit !
C’est tout à fait cela : on incite les gens à consommer toujours et toujours plus et ils sont pris dans l’engrenage des emprunts à rembourser qui les feront esclaves de leur travail toute leur vie. C’est pour cela qu’on voit des gens qui se battent pour ne pas être licenciés d’un emploi abrutissant. Moi, je dis aux jeunes qui ne sont pas encore entrés dans cet engrenage de se méfier et de garder les mains libres. Et il faut le leur redire car il y a trop de voix, à l’opposé, qui essaient de les faire rentrer dans le rang : les voix de ceux qui n’ont pas pu éviter l’engrenage et qui ne supportent pas que d’autres réussissent là où ils ont échoué. Consommer le moins possible tout ce qui est payant, profiter au maximum de tout ce qui est gratuit (la nature, les relations vraies...), vivre et travailler au pays, redécouvrir l’artisanat, faire les choses soi-même ou s’entraider sans avoir recours aux services marchands, être indifférent aux pubs et aux gadgets... Bref, vivre dans la « simplicité volontaire ».
Ha ? C’est parce qu’ils ne travaillent pas que le tiers monde meurt de faim ? Ne serait-ce pas plutôt parce que ceux qui vénèrent le culte du travail (et surtout du profit qu’on peut en tirer) pillent leurs richesses ? Le néocolonialisme économique crée la famine et entretient la persistance du tiers-monde ; le travail n’est pas bon pour la santé des pauvres ...
Bonsoir Mengneau Michel votre commentaire me plait bien ,mais l’article est un réveil formidable Oui en parcourant votre commentaire je me suis dit et si les 35 heures était simplement une avancé avent l’heure et bien sur complètement incomprise parce-que mal expliqué a toutes ses personnes qui cherche simplement a encore plus s’équiper de matériels qu’ils n’ont absolument pas besoins et qui ne fait d’eux que des esclaves !!!! s’est vraiment la que Georges avait raison quand il disait (Dite moi ce que vous voulez et je vous montrerais comment vous en passer)encore un précurseur ce Marchais Pourquoi ne pas enseigner que le travail n’ai pas une finalité dans la vie ,il y a un temps pour tout !
...ne pas aller au taf pour un retraité c’est un peu normal.. .. ..ouais et apres.. ??..,il vous a fallut tout ce temps pour faire ce constat.. ..a ce rytme la c’est sur peu de choses risque de changer.. ;mais finalement les gens le veulent t’ils vraiment.. ??..,c’est finalement si comfortable comme situation...non ?
A mon avis,il est trop tard pour faire machine arriere...je suis peut etre pessimiste diront certains,mais je ne vois pas vraiment comment tout ne va pas s’effondrer,mathematiquement leur histoire de croissance +...+...et encore + ne peut que s’ecrouler. Le probleme c’est que le changement risque d’etre brutale pour pas mal de gens... Perso,j’habite en province,je connais des agriculteurs,et ca me rassure...je me dis qu’en cas de gros effondrement,au moins on a de quoi bouffer,deja ici pas mal de gens s’arrangent entre eux pour la bouffe,ca devient de plus en plus choquant de voir nos paysans endéttés a 100% ne pas pouvoir choisir leurs prix...et quand on voit le resultat en grande surface,c’est plus qu’ecoeurant. Si un jour tout s’effondre pour de bon,les personnes qui vivent luxueusement dans des grandes villes,des banquiers des assurreurs ect...,quand il n’y aura plus de viande ni de legumes dans LEURS grandes surfaces...comment feront ils pour se nourrir ?ils viendront mendier ?chez nous...le seul truc qui me rassure c’est qu’ici,sans EDF,sans gazoil,sans TV ni internet...on aura toujours de quoi se nourrir et c’est comme même le plus important,non ? En tout cas moi demain je bosse....mais chez moi...avec mes mains....j’ai arreté de bosser avec tous ces gens en competition permanente,des fois même pour allez a la machine a café(pour vous dire),des gens toujours en train de critiquer le petit chef dictateur,puis qui au final avec le meme poste pour 50 euros de plus se comportent aussi comme des tyrans... Apres,les gens de la ville qui vivent a 100 a l’heure,y font bien se qu’ils veulent,mais je pense qu’ils passent a coté de beaucoup de choses...gratuites...Meme en vacances ils n’arrivent pas a débrayer de leur travail...ils se foutent des locaux qui ne connaissent pas la derniere expression a la mode ou je ne sais quoi....mais ils ne sont même pas foutus de pecher un poisson,ou de reconnaitre un arbre... Au final,je dis pas qu’il faut vivre comme des hippies,mais prendre un peu de recul sur toute cette consomation qui ne sert a rien ca fait pas de mal...surtout que les credits pour les trucs qui brillent ca se signe en 10 secondes...mais apres...J’entend encore l’autre la en 2007 dire :« il faut que tout le monde puisse etre proprietaire de son logement... »lol,au final c’est toujours la banque qui est proprietaire de la maison...