Démographie : une exclusion dommageable de l’imaginaire des candidats ?
« Si nous continuons dans cette voie, si nous ne faisons rien pour enrayer l'accroissement de la population, nous allons en payer le prix, nous allons nous retrouver dans un monde surpeuplé. La démographie a un impact sur le développement économique, sur l'environnement et sur les ressources de la Terre qui sont limitées. »
Kofi ANNAN (Secrétaire général des Nations Unies de 1997 à 2006)
Les problèmes de surpopulation et les déséquilibres démographiques à l’échelle mondiale affectent de plus en plus gravement les rapports culturels, sociaux, environnementaux et économiques des sociétés humaines. Alors qu’en France il serait urgent de profiter de l’élection Présidentielle pour aborder la problématique démographique et y formuler des propositions, les postulant(e)s à la fonction suprême l’ont totalement exclu de leur imaginaire politique, y compris le candidat des Verts. Avec l’avènement de la quatrième révolution industrielle dans laquelle nous entrons à marche forcée et qui va impacter encore plus fortement nos sociétés, les problèmes de surpopulation vont incontestablement aggraver une situation déjà complexe. Faute d’avoir intégrer cette thématique dans leur projet politique et donc l‘impossibilité de percevoir les effets à terme par une réflexion et une projection de mesures à prendre, cela débouchera inévitablement sur des conflits et des violences aux conséquences catastrophiques jusqu’à compromettre la survie même des sociétés humaines …
Depuis les débuts de l’humanité, la démographie se caractérisait généralement par un taux de mortalité et un taux de natalité élevés qui s’équilibraient à peu près, avec toutefois un léger avantage pour le dernier. Avec l’arrivée de la première révolution industrielle, un nouveau régime se met en place, un régime dans lequel les pays qui se développent voient leur natalité et leur mortalité faiblir, mais la transition passe par une augmentation importante de la population. Elle passe ainsi de 1 milliard d'hommes au temps de Malthus jusqu'à 7,4 aujourd'hui. Bien que l’on puisse émettre des doutes, les démographes estiment qu'en 2050 elle cessera d'augmenter, toutefois, ils concèdent qu’au rythme actuel de croissance démographique d'ici là elle comptera de 2 à 2,5 milliards d'hommes supplémentaires (environ 800 millions d’habitants en plus par décennies) pour atteindre entre 8,5 et 9 milliards.
La plupart des candidats aux Présidentielles semblent ignorer que depuis les années 1950, nous assistons à une série d’explosions de la bombe démographique, aux effets toujours plus désastreux.
A partir des années 1950, nous assistons à une accélération extrêmement importante de la croissance démographique. Alors qu’il a fallu plusieurs millénaires pour atteindre le premier milliard d’humains (1830), ensuite un siècle pour atteindre 2 milliards (1930), 30 ans pour atteindre les 3 milliards (1960), 25 ans pour atteindre 4 milliards (1975), 13 ans pour atteindre 5 milliards (1988), 12 ans pour atteindre 6 milliards (2000) et 11 ans de plus en Octobre 2011 pour atteindre et dépasser les 7 milliards (7,467 milliards au 1er Novembre 2016). Actuellement, c’est 1 million d’humains qui s'ajoutent à la population mondiale, tous les 4½ jours.
En 1975 la population Française était de 53 millions d’habitants. En 2015 (40 ans après) elle est de 66 millions d’habitants, soit une progression de près de 25%. Pendant la même période la population mondiale est passée de 4 milliards à 7,3 milliards, soit une augmentation de plus de 80%.
Pendant la même période, en se référant à l’étude de B. SUNDQUIST de l’institut du Minesota, publiée en 2000 (Topsoil loss - Causes, effects and implications : a global perspective), où il estimait que plus de 100 000 km2 de terres arables disparaissaient annuellement, autrement dit entre 1975 et 2015 (40 ans) c’est plus de 4 millions de km2, cela correspond à la superficie des 28 pays de l’Union Européenne (4,5 millions de km2). Depuis 2000, date de la publication de l’étude, la situation n’a guère évoluée dans le sens d’une amélioration et les chiffres les plus récents fournis par les experts confirment que les données de B. SUNDQUIT sont toujours valables aujourd’hui,
En France, chaque jour c’est plus de 220 hectares, ou l’équivalent de 4 exploitations agricoles qui disparaissent chaque jour. Cette destruction des terres agricoles est essentiellement due à une forte urbanisation qui s’accompagne souvent de projets routiers et autoroutiers non utiles destructeurs de milliers d’hectares agricoles, tel le projet A 45 entre St. Etienne et Lyon, sans compter l’impact énergétique et en rejet de gaz à effet de serre. La densification des centres urbains, loin de le préserver contribue encore davantage à l’étalement urbain vers les zones rurales de périphérie. Entre 1960 et 2010, les surfaces urbanisées sont passées de 2,5 à 5 millions d’hectares, soit le double.
Les besoins croissants de loger les nouvelles populations qui résulte de la croissance démographique, auxquels s’ajoute les vagues de migrants et des politiques d’urbanisme souvent désordonnées entraîne La pression de la hausse du prix du foncier, contribuant ainsi avec la vente des terres par les agriculteurs à l’abandon de l’activité agricole, phénomène qui s’est accéléré ces dernières années.
Croissance de la population, synonyme de croissance des besoins en produits agricoles et en eau
Suivant les projections faites par les experts, en 2050, l’augmentation de la population devrait se traduire par un accroissement de 70 % de la demande mondiale en produits agricoles. Au rythme actuel de destruction des terres arables, il y aura plus de 3 millions de km2 qui auront disparu, soit 5 fois la superficie la France. Si la croissance démographique se traduit par des besoins accrus en produits agricoles cela s’accompagne également par des besoins croissants en eau. L’agriculture demeure le secteur le plus gourmand en eau puisqu’il représente à lui seul 70% de l’ensemble de la consommation (contre 20% pour l’industrie et 10% pour les besoins domestiques). Si rien n’est fait pour rationnaliser son utilisation dans l’agriculture, les besoins en eau devraient augmenter de 70 à 90% d’ici 2050 alors même qu’un certain nombre de pays atteignent déjà les limites de leurs ressources en eau.
Parallèlement, ces dernières années ont été marquées par une évolution des modes de consommation alimentaire, qui s’est traduite notamment par une plus forte demande en viande et en produits laitiers dans les pays émergents. Or, si la production d’un kilo de blé nécessite de 800 à 4000 litres d’eau, un kilo de viande de bœuf en demande entre 2000 et 16 000 litres. On estime que le consommateur chinois qui mangeait 20 kilos de viande par an en 1985 en consommera 50 kilos en 2009. A titre de comparaison, en 2002, la consommation de viande/habitant était de 76 kilos en Suède et de 125 kilos aux Etats-Unis.
La production de « biocarburant », qui s’est intensifiée ces dernières années, a également pesé de manière significative sur la demande en eau. La production d’éthanol, soit 77 milliards de litres en 2008, a triplé entre 2000 et 2007 et devrait atteindre 127 milliards de litres en 2017. Le Brésil et les Etats-Unis, qui assurent 77% de la demande mondiale, en sont les principaux producteurs. En 2007, 23% de la production de maïs des Etats-Unis et 54% de la récolte de canne à sucre au Brésil ont été utilisés pour produire de l’éthanol. Dans l’Union européenne, 47% de la production d’huile végétale a servi à produire du biodiesel en 2008.Source : http://www.notre-lanete.info/actualites/actu_1919_demande_eau_forte.php
Dans moins de 15 ans, 47% de la population vivra dans des régions déjà soumises à un fort stress hydrique. En Afrique, entre 75 et 250 millions de personnes seront confrontées en 2020 à des pénuries croissantes liées au changement climatique. La pénurie que connaîtront certaines régions arides et semi-arides aura un impact décisif sur les migrations. On estime de 24 à 700 millions de personnes qui pourraient être forcées de migrer pour des raisons uniquement liées à l’eau.
Autre impact sur l’énergie, avec les nouveaux besoins liées à la quatrième révolution industrielle
Les véhicules sans chauffeur ou les drones taxi et ceux pour les livraisons, ainsi que des robots pour toutes les opérations de manutention qui sont en cours d’expérimentation ne sont qu’un début annonciateur des profonds changements sociétaux que cela va entrainer avec des conséquences qu’il nous ait encore difficile d’apprécier … Comme il nous est aujourd’hui impossible de prévoir la nature et le type de nouvelles activités que générera forcément la 4ème Révolution industrielle d’ici les 15/20 prochaines années. Il était impossible à la fin des années 80 d’imaginer le bond du virtuel et du numérique qui contribue aujourd’hui à l’émergence de nouvelles formes d’emploi. Toutefois Sachant que la 4ème révolution industrielle va avoir de très gros besoins énergétiques, en particulier en terres rares et en électricité, au rythme actuel de la croissance démographique les moyens et capacité de production vont à terme être confrontés à d’importantes difficultés.
Pour rappel, concernant la consommation électrique : Bien qu’il existe de grandes disparités dans l’accès à l’électricité selon les régions du monde, si certains pays souffrent encore de pénurie électrique, la consommation électrique globale connaît pourtant une croissance constante depuis 1971 qui a été multipliée par 3,2, alors que la population mondiale a été multipliée par un peu moins de 2, ce qui est considérable et ne semble pas prête de s’arrêter. Pas un pays n’a connu une stagnation de la consommation entre 1971 et 2013. Tous, sans exception, ont eu une consommation annuelle en progression constante par habitants, qui va s’amplifier à cause des besoins légitimes des populations du tiers monde, de la croissance démographique et les exigences des nouvelles applications de l’intelligence artificielle inhérent à la quatrième révolution industrielle. La consommation d’électricité par habitant n’a cessé d’augmenter dans le monde depuis 1971, passant ainsi de 1201 kwh à 3104 kwh en 2013 avec, par exemple, une importante progression entre 2009 et 2013, (4 ans) passant de 2798 kwh à 3104 kwh. Le développement de nouveaux usages, notamment informatiques, explique également cette croissance.
Comment peut-on réguler, voire amorcer une décroissance démographique de façon la plus équitable possible dans les pays riches, mais aussi dans les pays pauvres et est-ce possible avec le consentement des populations ?
Aujourd’hui, un enfant qui nait en France est potentiellement un sur-consommateur par rapport aux ressources de la planète. La France doit montrer l’exemple au niveau international. Comment pourrait-on condamner l’explosion démographique mondiale et favoriser une politique nataliste chez soi ? Une totale neutralité de l’Etat en matière de fécondité implique l’abrogation de toutes les mesures qui visent à augmenter toujours plus le nombre de Français. Un débat national doit s’ouvrir sur les mesures à prendre.
Par exemple, parmi les propositions à débattre : - Ne faut-il pas supprimer les prestations familiales et dans ce cas pourquoi ne mettre en place un système de solidarité exclusivement réservés, pas aux familles, mais aux enfants jusqu’à 16 ans, notamment par le biais de bons d’achat (comme pour les chèques restaurants) valable uniquement sur l’alimentation, l’accès au sport à la culture (théâtre, musique, cinémas…) les vêtements et les fournitures scolaires ?
- Ne faut-il pas supprimer le quotient familial qui est une exception dans le monde et une aberration, dès lors que pour la retraite les salariés qui ont eu trois enfants bénéficient d’une majoration de 15% de la retraite et 5% par enfants supplémentaire, sans compter les avantages fiscaux auxquels ils ont droit, ainsi que des réductions diverses, notamment pour les transports (SNCF) ?…
- Ne faut-il pas revoir les « spots » publicitaires qui en font avec des familles à trois enfants les principaux supports…Etc. etc.
Parmi les candidats actuellement déclarés à l’élection Présidentielle, excepté l’écologistes Antoine WAECHTER, dont on connait les positions Malthusiennes et Gérard CHAROLLOIS ou Nicolas DUPONT-AIGNAN, ainsi qu’Alexandre JARDIN qui ont déclaré à l’association « Démographie Responsable » partager ses préoccupations sur les problèmes de surpopulation, certes ces candidats n’on guère, sinon aucune chance d’être présent au second tour de l’élection Présidentielle, mais c’est un engagement minimal que devrait prendre tous les candidats et à fortiori le candidat très médiatisé des Verts qui se dit « écologiste » alors qu’il se comporte comme un candidat de gauche, qu’il est par ailleurs.
Lors d’une réunion, quand il est interpelé par un militant écologiste sur la question démographique, M. JADOT candidat d’EELV répond :« La transition démographique repose surtout sur l’éducation des filles et le développement. Aller plus loin pose problème ; si on estime qu'il y a surpopulation, où faut-il agir, qui faut-il supprimer ? Attention à des discours comme celui de Sarkozy qui estime que le vrai problème, c'est la démographie africaine. » On pouvait espérer mieux comme réponse. Si l’éducation et la culture sont une priorité, ainsi que l’organisation de systèmes de solidarité sociale mieux adaptés dans les pays pauvres, il faut avoir à l’esprit que dans des sociétés encore fortement rurales et très pauvres, comme le sont la plupart des sociétés Africaines, l’aspect cultuel et des enfants en plus grand nombre, compte tenu aussi des taux de mortalité infantile, est un besoin pour la solidarité familiale inter générationnelle. On peut, par ailleurs, imaginer et comprendre que les populations de ces pays aspirent à vivre selon le modèle Occidental, ce qui est légitime, d’autant que ce sont les pays riches qui, grâce à des « kleptocraties « locales mises en place par leurs soins, pillent leur ressources fossiles, pratiques auxquelles il serait urgent de mettre fin. Mais il faut que ces populations sachent qu’il est désormais impossible d’espérer vivre, consommer et gaspiller comme le modèle Occidental actuel qui a atteint ses limites. Pour eux, comme pour toutes les sociétés humaines pour espérer vivre plus heureux ou beaucoup moins malheureux, il faut surtout être moins nombreux
Pour conclure
L’élection Présidentielle est une tribune où la problématique démographique devrait faire l’objet d’une réflexion des candidat(e)s, de manière à formuler des propositions qui permettent de dynamiser des débats sur cette question et de façon irréversible mettre les deux candidats qui seront arrivés au premier tour dans l’obligation de se prononcer clairement.
Ne nous y trompons pas, ne pas considérer la question démographique comme une priorité, c’est forcément apporter de mauvaises réponses aux problèmes culturels, sociétaux, économiques, environnementaux et, climatiques qui découlent de l’activité humaine, donc du nombre…
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