Depardieu, la procureure et la bonne conscience
La télé suisse romande proposait avant-hier un débat sur Infrarouge : faut-il effacer Gérard Depardieu ? Six invités sur le plateau : trois pour l’effacement, trois contre. Sans surprise deux féministes sont dans le camp des pour. L’une est Anne Bisang, directrice du Théâtre populaire romand. On aurait dit un procureur enragé.
Séquences
La violence et la haine, ou la prétention de prendre autorité sur la chose, voire la satisfaction ou la suffisance de la dominante, sont visibles sur son visage taillé à la hache. Elle affirme que seulement 1% de viols sont sanctionnés en France. « La presse le dit », ajoute-t-elle. Oui, oui, la presse dit beaucoup de choses, qu’il faudrait vérifier.
1% ? Ce n’est pas si simple, comme le détaille cet article.
L’autre défend si bien la position de la direction de la chaîne suisse qu’on dirait que c’est elle qui l’a soufflée au chef.
Heureusement l’avocate Yaël Hayat a remis du bon sens dans la charge anti-Depardieu., accompagnée de Matthieu Béguelin et Jonas Follonier.
Je n’ai pas envie de défendre Depardieu, il n’est pas condamné, et ses propos graveleux ne m’intéressent pas. Mais ils me posent question : pourquoi avoir filmé ces séquences ? Pourquoi France 2 les a-t-elle publiées sans explication ? GD parlait-il pour lui-même ?
Flasque
Il y a à l’évidence un manque de clarté. Pourquoi personne n’a questionné cela ?
Ne pouvant y répondre je laisse tomber. Mais je conteste le retrait des films de l’acteur. Je suis un grand garçon, je pense par moi-même, et je n’aime pas que l’on m’infantilise. Je peux décider si je veux §regarder un film ou non. Ce n’est pas à la direction de décider pour moi.
De même je veux qu’on continue à passer des chansons de Cantat. Ou que l’on cite La Fontaine, dont la vulgarité ne pose pas de problèmes pour la censure :
« Aimer sans foutre est peu de chose,
Foutre sans aimer ce n’est rien. »
Ou Ronsard :
« Ô petit trou, trou mignard, trou velu,
D’un poil folet mollement crespelu,
Qui à ton gré domptes les plus rebelles ».
Ou Mallarmé :
« Je sais que près de toi je bande
Vertement, et je n’appréhende
Aucun malheur, sinon de voir,
Entre mes cuisses engourdies,
Ma pine flasque et molle choir !… »
Mineures
Apollinaire aussi :
« Je sais que près de toi je bande
Vertement, et je n’appréhende
Aucun malheur, sinon de voir,
Entre mes cuisses engourdies,
Ma pine flasque et molle choir !… »
Maupassant en rajoute.
« Salut, grosse Putain, dont les larges gargouilles
Ont fait éjaculer trois générations,
Et dont la vieille main tripota plus de couilles
Qu’il n’est d’étoiles d’or aux constellations !
J’aime tes gros tétons, ton gros cul, ton gros ventre, »
Même Jules Vernes et son poème intitulé :
« Lamentation d’un poli de cul de femme ».
Boris Vian n’était pas de reste :
« AMIS je veux éjaculer
Tout le vieux foutre accumulé
Dans la boutique de mes couilles
Je sens se roidir mon andouille
Il n’est plus temps de reculer
Mâle, femelle, âne ou citrouille
Ce soir je vais tout enculer. »
Et Hugo, et bien d’autres, ont taquiné la muse les doigts collants de sperme. Faut-il tous les effacer pour chasser cette vulgarité salace ?
Enfin faut-il chasser Simone de Beauvoir, qui attirait des jeunes filles mineures dans son lit avant de les refiler à Jean-Paul Sartre ?
Déshabiller
« Simone de Beauvoir fut exclue de l’Éducation nationale en 1943 après une plainte pour détournement de mineure portée par la mère de l’une de ses victimes, qui estimait aussi que Beauvoir servait de rabatteuse de « chair fraîche » pour Sartre. (Après quoi Sartre lui trouva un emploi de chroniqueuse à Radio Vichy – « il fallait bien vivre », commente-t-elle seulement dans ses Mémoires). »
Peut-on dissocier l’œuvre de Beauvoir de certains détails de sa vie privée ? Oui, puisque certaines le font. Elle jouit d’impunité, c’est tout.
Pourtant :
« En 2008, la Britannique Carole Seymour-Jones, auteure du livre A Dangerous Liaison, décrivait le comportement de Beauvoir comme un « abus d’enfant » se rapprochant de la « pédophilie ». En 2015, dans Simone de Beauvoir et les femmes, Marie-Jo Bonnet qualifiait de « contrat pervers » le modus operandi entre Beauvoir et Sartre. Le blogueur du Journal de Montréal Normand Lester accuse quant à lui Beauvoir d’être une « prédatrice sexuelle ». »
Bah, si Cohn-Bendit a pu évoquer le sexe avec des enfants et son trouble à ce sujet, pourquoi la Simone s’en serait privée ?
« Quand une petite fille de cinq ans et demi commence à vous déshabiller, c’est fantastique. »
Tribune
Comme il le dit lui-même, ses propos n’auraient été que provocation :
« L’intéressé s’était alors défendu en invoquant le contexte de l’époque, comme il l’affirmait alors au Monde : « Je peux facilement m’expliquer là-dessus. Ce passage, ce n’est pas quelque chose qui a été fait, c’était une provocation. »
M’ouais…
À une époque c’était bien vu. Petite piqûre de rappel :
« Jean-Paul Sartre, Roland Barthes, Simone de Beauvoir, Gilles et Fanny Deleuze, Francis Ponge, Philippe Sollers, Jack Lang, Bernard Kouchner, Louis Aragon, André Glucksmann, François Châtelet et bien d’autres encore, de Félix Guattari à Patrice Chéreau ou Daniel Guérin ; tous font partie des 69 intellectuels français qui, aux côtés de l’écrivain Gabriel Matzneff et du romancier, journaliste à Libération et membre fondateur du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) Guy Hocquenghem ont signé une tribune publiée le 26 janvier 1977. D’abord dans Le Monde puis dans Libération pour défendre trois hommes incarcérés depuis plus de trois ans pour avoir abusé sexuellement de mineurs de moins de 15 ans. »
Quant à Lio, elle s’est faite connaître avec Banana split, éloge caché du phallus en érection et de la fellation. À l’époque cela lui plaisait-il de faire bander les hommes ? Pas impossible. Mais elle a changé. Peut-être. Aujourd’hui elle regrette d’avoir « ouverte la porte aux pédocriminels ». Elle s’est trompée ? Ok, cela arrive.
Mais voilà, à l’époque cela ne choquait pas vraiment. Faut-il activer la machine à fabriquer une bonne conscience et effacer Lio ? Faut-il juger ses choix anciens, qu’elle regrette, à l’aune de la croisade morale en cours ?
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