Derrière l’émotion, l’échec du « creuset républicain »
La solution aux échecs de l’intégration ?
Une mobilité sociale restaurée par une instruction nationale de qualité.
La stupeur, l’incompréhension, l’horreur ont saisi le pays mercredi après le carnage dans un hebdomadaire satirique ; armes de guerre contre plumes et crayons, ultra-violence répondant à la liberté d’expression, revendication vengeresse contre humour grinçant, revendication religieuse contre un journal farouchement antireligieux. Dans un même élan de très nombreux citoyens ont condamné, manifesté silencieusement et placardé des « Je suis Charlie » sur les réseaux sociaux et au sein des foules recueillies . Dans ce contexte glaçant, plus glorieux de s’identifier à des caricaturistes connus qu’à l’anonyme gardien de l’immeuble lui aussi implacablement descendu ou au policier lâchement abattu à bout portant dans l’exercice de son devoir…. Dans une logique narcissique s’identifier aux personnages médiatiques est plus flatteur que se comparer aux héros ordinaires… On pourra objecter à cette remarque que se comparer à Charlie, c’est défendre la liberté d’expression, d’opinion face à une violence tyrannique, c’est brandir l’esprit critique contre l’obscurantisme religieux ; soit, c’est vrai. Néanmoins, les premiers garants de la liberté ne sont-ils pas ceux qui font régner l’ordre pour protéger la sécurité des citoyens, ceux sans lesquels l’état de droit disparaîtrait ?
Les fusillades, la double chasse à l’homme, la prise d’otages et de nouvelles victimes : la journée de vendredi a poussé la tension à un paroxysme jusqu’alors jamais connu. Encore ébranlés par les attentats de l’avant-veille, les Français assistent incrédules à la poursuite des criminels, à la prolongation de leurs tentatives, et à de nouvelles violences revendiquées : l’hydre du terrorisme a donné jour à un nouveau loup prédateur. Climat de psychose entretenu par l’instantanéité de l’information. Le buzz médiatique est un des objectifs des assaillants…
Derrière l’émotion légitime, derrière les condamnations quasi-unanimes, derrière le « savoir-vivre ensemble plein de bons sentiments » manifesté dans de multiples marches citoyennes, il faut aussi savoir questionner l’échec de notre modèle républicain ; car finalement c’est bien de cela qu’il s’agit. On peut discuter politique migratoire, contexte international, montée des fondamentalismes ; on peut aussi simplement se recentrer et s’interroger sur la question de l’exclusion.
En effet, l’exclusion économique, linguistique, culturelle est le lit de la misère et le terreau du fanatisme ; de ce fait, elle porte en germe la violence. Or, seule une politique réellement intégratrice pourra combattre la révolte, fille de la mise au ban.
Et c’est d’abord par l’école que cette politique devrait passer, par une école exigeante qui transmettrait des fondamentaux solides et non des galimatias de vivre ensemble, tri sélectif et autre savoir-être citoyen, noyés dans une orthographe aléatoire et un vocabulaire indigent….
Descartes disait que le langage est le signe de la pensée. Un langage oral et écrit maîtrisé par tous serait un premier garant de réflexion autonome et par là-même un rempart contre la violence. Des études ont en effet montré que plus la langue était pauvre, plus la violence était présente ; a contrario, plus la langue est riche, plus les désaccords peuvent s’exprimer verbalement, les projets s’échafauder intelligemment, les possibilités d’ascension sociale se concrétiser... Or, paradoxalement, tous les projets qui réhabilitent les fondamentaux gagnent les progrès des élèves mais le mépris du ministère (réduction des subventions allouées au groupement interdisciplinaire de réflexion sur les programmes, mouvement à l’initiative du projet SLECC (savoir lire écrire calculer compter) et qui a fait ses preuves, y compris en ZEP).
Cette école exigeante ne pourrait fonctionner sans la casse d’une carte scolaire qui est une véritable machine à ghettoïser certains quartiers. L’établissement scolaire étant aujourd’hui lié à la domiciliation, certains collèges et lycées sont réduits à être les caisses de résonnance des problèmes de zones urbaines sensibles. De plus, le regroupement, entériné par ce système, des classes favorisées au sein des établissements les plus huppés et des populations défavorisées dans les ZEP les plus difficiles favorise un quant-à-soi, une forme de communautarisme (fondé non sur la religion mais sur une communauté de « niveau socio-économique ») délétère pour la cohésion nationale.
Ce constat d’une corrélation entre le niveau des écoles et le prix du foncier en appelle un autre : la victoire de l’argent roi sur celle de la pensée, et donc la faillite de nos valeurs. Dans une société de consommation où les voitures sont considérées comme des signes extérieurs de richesse, où une éducation au rabais prive les plus modestes d’une réflexion affûtée et d’un regard critique mais glorifie les marques, comment s’étonner que les exclus de l’argent et de la culture ne basculent dans une violence qui prend les oripeaux d’une transcendance ?
La renaissance des valeurs républicaines ne peut se faire sur l’argent idole qui obsède notre société et la divise. Diluée dans la société de consommation, notre communauté française s’est délitée. Réhabilitons l’unité nationale par une école où tous seraient vêtus pareil et les différences sociales gommées, où tous jouiraient d’une instruction exigeante et digne de ce nom, où l’évaluation serait honnête (et non noyée dans l’hypocrite imprécision du « voie d’acquisition ») et le mérite personnel et intellectuel reconnu.
Redonnons, grâce au levier d’une instruction émancipatrice dans ses contenus et structurellement irréprochable, sens aux existences et espérance à la société. Alors notre projet commun suscitera une adhésion unanime et n’aura plus à craindre la barbarie.
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