Des élites fraternelles ?
Le paternalisme est bien au musée, la fraternité aussi, reste le mépris.
On pourrait, il y a de quoi, d’autre l’on fait et le feront, s’arrêter sur cette déclaration de M. Besson. Ces mots rapportés par un journaliste du Parisien, pris comme cela, resteront un crachat, tombé de la bouche de son auteur. Le problème n’est pas tant que M. Besson, à l’image de son président, change d’opinions, mais qu’il en émet beaucoup, et des bien contradictoires, et des bien opposées. Entretenant la confusion et la duplicité, là où il faudrait assumer la diversité et la complexité. Un exemple ? « Je reste persuadé que si la société française doit intégrer, la Nation française doit assimiler » (2)… C’est le même bonhomme qui parle.
En fait, les discours se succèdent en fonction de la cible. Ici M. Besson était dans le contexte d’une visite « surprise » en banlieue. Alors que là il s’adressait à des lecteurs intéressés par l’identité de leur pays. Lâcheté ? Cynisme ? Clientélisme ? Tout ça à la fois, sans doute, comme d’habitude. M. Besson n’est-il pas un athlète de ces contre-pieds radicaux ? Pour son patron, chef du casting gouvernemental, il avait sans doute, plus que d’autres, le profil pour le job.
Donc j’essaierais de ne pas trop apporter d’importance à cette déclaration, car c’est en fait l’absence de réaction de la part des élites, classes politiques et médiatiques, qui m’a stupéfié et mis mal à l’aise (3). De droite à gauche, les maîtres de l’opinion (toujours sans s) se taisent, consentent, quand au même moment ils font du « buzz » sur telle ou telle petites phrases sans aucune importance. C’est dans l’ordre des choses. Mais qu’aucune réaction forte et libre, ne soit arrivée jusqu’au « micro » pour s’insurger, en dit long sur le verrouillage du débat.
Comment en sommes nous arrivés là ? Comment en sommes nous arrivés à accepter sans broncher d’être gouvernés par une « élite » aussi méprisante à notre égard, aussi attachée à la démolition de notre pays, aussi arrogante dans l’aveu de son dessein, aussi tordue et retordue dans l’accomplissement de sa besogne ? Cela restera une énigme historique. M. Besson représente un gouvernement de droite… et la gauche dans cette histoire ne nous sera d’aucun secours, elle qui veut pour son confort auditif et olfactif que le débat cesse. Entendre couiner la « bête immonde » (la France) ça la dérange. Et l’extrême droite, idiote utile, ne fera pas mieux, médiocre qu’elle est, intellectuellement et politiquement. Passons sur l’extrême gauche qui attend son heure, le grand soir, avec une patience et une foi de charbonnier.
Au travers de ce petit épisode de la vie politique de notre pays et du « débat » sur l’identité nationale, c’est bien la question des élites qui se pose dans sa cruelle « crucialité ».
Tous les peuples, toutes les sociétés, toutes les civilisations ont besoins d’élites. L’école, la sélection des meilleurs, la démocratie, le suffrage universel, sont là pour y pourvoir. Mais que leur a-t-on fourré dans le cerveau à nos grosses têtes ? Du Machiavel survitaminé en intraveineuse, en implant cérébral ? Les grandes écoles seraient tenues par des professeurs qui nous abusent, des adeptes de Descoings, occupés à nous programmer dans leur petit labo une élite « nouvelle », faute d’avoir su créer un homme « nouveau » ?
Lorsque l’élite s’auto reproduit, se coopte, « s’endogamise », lorsqu’elle n’éprouve que mépris et crainte pour ceux d’en bas… la situation est pliée. A terme. Comme en 1789, l’effondrement n’est pas loin. Et ce n’est pas l’instillation de « couleurs » qui changera quoi que ce soit, à cette fracture politique. La communautarisation qui en découle, est simplement un facteur supplémentaire de manipulation. Mais élites des médias, élites politiques, élites financières auront beau se tenir par la barbichette, un jour viendra où le peuple se manifestera. Radicalement. Je rêve d’une dissidence massive, pour rappeler fermement à ces gens là, qu’ils doivent être au service du peuple, de l’Etat, de la Nation, et non s’en servir. Qu’ils doivent être fraternels envers leurs concitoyens… Le libéralisme à l’échelle mondiale est une compétition économique, voire une guerre, nos généraux sont des traîtres et des agents doubles.
Il n’y a plus aucune Fra-ter-ni-té, ni plus aucun respect. Y en a-t-il jamais eu ? Un mépris réciproque s’est installé. Les « gens d’en haut » méprisent les « gens d’en bas » qui le leurs rendent bien. Peut-être pas assez.
Si le mépris est réciproque, il n’a pas le même carburant, et la responsabilité de cette situation n’est pas partagée.
Le mépris du peuple se nourrit à l’incompréhension, c’est une posture de protection, comme le rire qui met à distance. Mais l’incompréhension est aussi génératrice de frustration, elle pourrait bien se transformer en colère. Colère d’avoir été envoyé dans le mur pour d’obscurs motifs par une élite sûre d’elle-même.
Le mépris des élites c’est celui de s’arroger l’arrogant privilège de penser à la place du peuple, sans jamais l’écouter, allant même jusqu’à donner des interprétations délibérément fausses à ses « écarts électoraux », ou à sélectionner des sondages qui arrangent pour justifier des choix immoraux. Ce mépris se nourrit d’un complexe de supériorité semblable à un racisme. Il se nourrit d’un « étonnement » de voir le peuple imbécile se soumettre docilement. De Besancenot à Le Pen, en passant par l’ensemble du spectre, il y a cette tentation de penser avoir raison contre tous, contre la masse « inculte », qui pourtant assume seule, de plus en plus seule. Lorsque Attali nous vend le nomadisme, ou la mobilité économique, il ignore volontairement le besoin d’enracinement du peuple, il ignore son besoin de solidarité identitaire pour se valoriser dans le collectif. Tout le monde à besoin de s’estimer, certains ont plus besoin du collectif pour cela, d’autres se suffisent à eux même. Lorsque les élites érigent en modèle des règles qui sont inadaptées (ou antinomiques) au peuple, qui ne sont que l’expression de ses désirs spécifiques, alors ces élites sont dans le déni de réalité. L’élite par nature vit sa réussite, elle en tire sa force illusoire et ses certitudes obtuses. Cette confiance lui permet d’envisager, sans trop de difficulté, ni d’appréhension, les bouleversements de la France et du monde, certaine d’avoir les clefs pour « s’en sortir ». Là où cela devient malhonnête, c’est quand elle feint de s’étonner, voire qu’elle s’exaspère, que le peuple ne soit pas si sur de lui…
L’échec de l’école, du collège unique, ces dernières dizaines d’années, n’a fait qu’accroître le fossé entre peuple et élite. Et quand l’élite ignore volontairement le peuple, et fait de cette attitude un mode de gouvernance, elle mène le peuple vers la seule issue possible à terme, la révolte.
Il y a beaucoup de détails et de nuances à apporter à ce constat. Il y a des distinctions à faire entre élites visibles et invisibles. Entre les rois du spectacle et les rois des coulisses (les vrais). Mais lorsque le système contraint M. Besson à nier l’existence de la nation et de son peuple, il pousse le bouchon du mépris un peu loin. Son seul but est de continuer à bien diviser pour « bien » gouverner. Le communautarisme dans lequel beaucoup de mouvements s’engouffrent est un piège, un miroir aux alouettes, qui permettra aux élites de continuer à distribuer des miettes, comme M. Descoings des places réservées aux méritants des Zep, faisant ainsi l’économie d’une vraie prise en compte du réel, d’un peuple, d’une nation, d’un destin, faisant l’économie du courage politique et de l’honnêteté intellectuelle.
Faire de la politique ou réfléchir honnêtement, il faut choisir. Ce sont bien devenues deux choses différentes. Nous sommes gouvernés par des voyous d’opinions. Reste au peuple à réagir, à exiger un système qui garantirait mieux l’émergence d’une élite au service du peuple et de la nation.
Le système de votation suisse est un modèle intéressant, mais chacun aura observé le mépris, encore et toujours, que lui porte nos élites censées nous représenter. Il faudrait faire preuve de détermination pour le conquérir ce système de votation. Les Français y sont-ils prêts ? Et est-il adapté à la France, ou faut-il envisager autre chose ? Cette réflexion amène à s’interroger sur la bonne échelle politique, sur la bonne organisation, géographiquement, démographiquement parlant. Elle aboutit dans tous les cas au refus de toute gouvernance mondiale.
(1) Interview de M. Besson dans Le Parisien du 5 janvier 2010
(2) In « Pour la Nation » Eric Besson chez Grasset.
(3) Si l’on excepte un billet par ci par là, trop confidentiel, comme celui d’Ivan Rioufol sur son blog, ou de Christine Tasin sur le site Riposte laïque le 8 janvier, ou d’André Bercoff, ou encore du site Causeur.
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