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Accueil du site > Tribune Libre > Des mots pour ne rien faire

Des mots pour ne rien faire

« Deux intellectuels assis vont moins loin qu’une brute qui marche. »

Maintenant qu’il est « trop tard » comme le dit sans précaution un Todd (1) satisfait, nous sommes autorisés à débattre sur des sujets longtemps érigés en tabous pour imposer un passage en force. Nous sommes autorisés à débattre un peu comme dans un sketch de Coluche. A son époque il se moquait des milieux autorisés qui s’autorisaient à penser. Aujourd’hui c’est aussi nous, le peuple, qui sommes conviés à écouter. Et à participer, un peu, mais pas trop.

Débattre de l’identité nationale, dont j’ai retenu qu’il n’y en avait pas.
Débattre de la laïcité, dont je crois comprendre qu’elle dérange.
Débattre de l’immigration, pour admettre que c’est une chance. Etc.
 
D’un côté donc, un gouvernement de droite qui ne sait plus vraiment où il habite, qui du haut de sa grande bonté, autorise des « débats ». De l’autre une opposition de gauche, plus obscurantiste que jamais, qui s’emploie à les étouffer ou à faire semblant de ne pas comprendre. Il est où le problème ? Feint-elle. C’est bien là la seule opposition réelle, car sur le but les deux mouvances se rejoignent dans un marécage intellectuel qui fonctionne comme un piège tendu au discernement, au bon sens et à l’action politique. Oui, pour que nous nous tenions tranquilles, la droite pense que le débat est une soupape nécessaire, un système de refroidissement du réacteur politique populaire pas plus pas moins, et la gauche préfère enfermer la parole et planquer ce qui dépasse sous le tapis, certains sujets sensibles abordés trop librement laisseraient dans l’espace politique de graves rejets toxiques.
 
Au final tout cela fonctionne comme un rideau de fumée, pour masquer soit un refus, soit une impuissance, soit une peur, ou les trois à la fois, débouchant sur une inaction politique réelle. Tout cela prend la forme d’une avalanche de mots pour ne rien faire dans un cas, pour ne rien laisser faire dans l’autre. Aux « nonosses » lancés au peuple par la droite, la gauche répond en dressant les mots qui paralysent ou font diversion et dissuadent de l’ouvrir.
Laïcité = islamophobie.
Immigration et identité nationale = xénophobie.
Etc.
 
Ces biens pensants rosissent et jouissent de la honte qu’ils propagent et qu’ils sèment dans l’esprit des gens. Les deux partis, avec la collaboration des médias, ne résistent pas à imposer au peuple, infantilisé et conditionné, des « éléments de langages ». Vous savez ces expressions ou simples mots et ces amalgames repris en boucle dans de véritables campagnes de communication, afin que nous pensions essentiellement avec les mots de nos « coachs », comme on mettrait dans les mains d’un enfant les pièces d’un puzzle savamment triées, qui ne lui permettraient jamais de reconstituer le modèle. Ces éléments de langages, mimant parfois une novlangue orwellienne, sont souvent de véritables slogans publicitaires, qui sont là pour masquer les véritables points faibles du produit.
 
La République est métisse mais surtout communautarisée, l’immigration nous enrichit, la mondialisation est heureuse, l’islam est tolérant, la modernité est un progrès, un délinquant un jeune, un quartier populaire un ghettos, la laïcité devient "positive", comme la discrimination, etc.
 
Cette séquence de « débats » initiées pas la droite, a bien le même objectif que la séquence des « tabous » initiée par la gauche. Continuer à nous distraire, tout en nous parlant des sujets interdits (c’est là la novation). Ne rien faire politiquement et démocratiquement qui modifierait le cours des événements, divertir.
 
Cette séquence de « débats », la droite l’ose, car elle pense, comme Todd, qu’il est « trop tard ». Rendue délibérément confuse, sabotée, elle est là pour nous distraire, nous détourner des enjeux. En quelques sortes ces débats sont à la vie intellectuelle, ce que le X est aux ébats amoureux.
 
Malgré ces efforts, le peuple commence à renâcler. L’impatience après trente ans « d’à toi à moi », commence à monter parmi les seniors. Quant aux juniors, ils perçoivent de plus en plus le « décalage » entre le réel et le discours politique. Rêvons un peu. Il faudrait passer maintenant à la séquence « démocratique », avec l’utilisation du référendum… De mon point de vue, si le manager national a la prétention de se représenter en 2012, s’il veut éviter une défaite sans précédent, la locomotive de sa campagne (ne parlons pas de programme) sera l’organisation de referendums. Mettons un par an, pour faire bonne mesure. Sur tous les sujets qui fâchent. Quand à la gauche, qu’elle continue à faire si bien l’autruche, en n’oubliant pas toutefois que dans cette position, l’animal est rassuré mais a le postérieur exposé (2).
 
Si droite et gauche continuent ce petit jeu de duettistes méprisants, les Français, pour paraphraser Audiard, pourraient penser « que deux intellectuels assis vont moins loin qu’une brute qui marche » (3)…
 
(1) Emmanuel Todd le jeudi 10 mars sur le plateau de Ce Soir ou Jamais. http://www.dailymotion.com/video/xhm0y0_c-est-trop-tard-todd-vs-goldnadel_webcam
(2) Je rends à César ce qui est à « isly » sur le blog d’Ivan Rioufol. http://blog.lefigaro.fr/rioufol/2011/03/ce-que-le-ps-ne-veut-pas-voir.html#comments
(3) « Un Taxi pour Tobrouk » dialogue d’Audiard (1961)

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14 réactions à cet article    


  • Robert GIL ROBERT GIL 1er avril 2011 07:54

    Si les mots ont un sens, leur mauvaise utilisation peut nuire gravement à la démocratie. La manipulation du langage est une constante de tous les régimes totalitaires. Cela leur permet de changer le monde à leur avantage. Aucun mot n’est anodin, surtout utilisé par des spécialistes en communication. Lire :
    http://2ccr.unblog.fr/2010/10/20/la-fraude-des-mots/


    • Alpo47 Alpo47 1er avril 2011 08:24

      Créer la polémique ... Détourner l’attention ... Occuper les esprits ...
      Comme toujours ...

      Mais ... que peut il donc y avoir qu’ils ne veulent surtout pas que nous regardions ?
      L’enfoncement de notre société dans la crise et la paupérisation générale ? Les grandes incertitudes écologiques ? Le fait que la France soit en guerre dans deux pays, sans que l’on ait été consulté ???
      Sans doute, oui, mais il y a bien plus important pour « eux ».

      Tout simplement, la structure sociale de notre pays, qui voit une « élite » ultra réduite tirer toutes les ficelles, imposer des décisions à son seul avantage. Louis XIV, en plus cupide .

      Si les peuples prenaient vraiment conscience de ce qui se passe, aucun doute que tout le monde serait dans la rue dans l’heure qui suit et mettrait le feu à tout ce qui représente le « Système ».


      • gaijin gaijin 1er avril 2011 10:03

        "Si les peuples prenaient vraiment conscience de ce qui se passe, aucun doute que tout le monde serait dans la rue dans l’heure qui suit et mettrait le feu à tout ce qui représente le « Système ».
        Et bien non justement pas. Et c’est là ou c’est très fort, le système repose sur le fait d’avoir réussit a faire croire au gens qu’il n’y avait pas d’alternative. Toute autre forme de pensée a été savamment étouffée ridiculisée rasée au bulldozer.
        Dans leur fort intérieur les gens savent pour la plupart comment marche le système il font simplement semblant de pas voir un peu comme vous ou moi devant la personne qui mendiait et qui sentait pas bon l’autre jour.
        Simplement ils ne savent pas qu’il est possible de se révolter.
        Hamburger et coca cola pour tout le monde. Ces gens ont taillé le monde a leur image par la force et ils nous disent : regardez le monde est comme ça, il n’y a pas d’alternative


      • frugeky 1er avril 2011 10:43

        Une seule goutte d’eau peut faire déborder le vase, une seule étincelle peut faire exploser le gaz.
         smiley


        • Albar Albar 1er avril 2011 11:37

          Désolé noop, il n’est jamais « Trop tard », la lutte continue, c’est toujours les mots qui, aprés avoir désigné les maux, précédent l’action, la résistance suit.


          • noop noop 1er avril 2011 12:58

            Effectivement, il est juste trop tard pour que les choses se passent « en douceur ».
            C’est ça que veut dire Todd.
            Et fort de ce constat et de la certitude que le peuple ne risquera pas le peu qu’il a dans une aventure politique telle que le Fn le propose, le système (une partie, en l’occurence la droite) accepte de mettre des sujets jusque là tabou sur la table. Non pas parce qu’il espère voire le débat déboucher sur une quelconque action politique, mais plutôt sur une acceptation, une prise de conscience par le peuple que la situation est pliée.


          • Emmanuel Aguéra LeManu 1er avril 2011 14:33
            Donc, à vous lire, la gauche, c’est :
            Laïcité = islamophobie + Immigration/identité nationale = xénophobie.
            D’où ma question : « Vous prenez les gens pour des cons à ce point ? »
            La réponse m’intéresse, car elle pourrait bien expliquer ce que j’ai failli prendre pour une opinion.
            Vous en avez d’autres ?
            (c’est pour une collection à l’intention de nos enfants, plus tard...)

            • noop noop 1er avril 2011 15:00

              Bé oui.
              Après s’être spécialisée dans la diabolisation des personnes pour les disqualifier, la gauche s’attaque maintenant aux concept, aux idées, afin d’étouffer les débats qui la dérange.
              Si vous ne l’avez pas perçu, félicitation, vous un êtes un des rares.
              Tenez voici un propos de Taguieff qu expliquait cela il y a déjà quelques années.
              http://www.dailymotion.com/video/x1kyrd_la-diabolisation-par-taguieff_news


            • Fabienm 1er avril 2011 16:14

              Génial, un article qui explique que l’on pervertir les mots, donc un débat sur la forme... et pour quoi ? pour rien. Il n’y a pas l’ombre d’une idée dans cet article.

              Allez, 10 fois plus intelligents, et constructif, je vous conseille LQR de Eric Hazan sur strictement le même thème :
              http://fr.wikipedia.org/wiki/LQR


              • Annie 1er avril 2011 16:33

                La droite se sert de ces débats comme soupape !!!! C’est un poisson d’avril. La droite ne s’est jamais servi de ces débats comme soupape mais pour ratisser des voix. Si la gauche a tort, c’est parce qu’elle est justement incapable pour le moment de recentrer et d’encadrer le débat, et qu’elle se contente de l’éviter. On peut la comprendre dans une certaine mesure parce que s’il est possible de discuter de la laïcité et de l’immigration sans tomber dans l’islamophie ou la xénophobie, mais il se trouve que c’est actuellemement l’aboutissement de chaque débat. Je ne pense pas que la gauche veuille supprimer les débats, mais qu’elle veuille les placer sur un autre terrain. Seulement ce n’est pas elle qui décide des règles du jeu.


                • Hieronymus Hieronymus 1er avril 2011 17:58

                  On reste sur sa faim avec cet article Noop
                  oui bon on sait que depuis Mitterrand le debat sur le triptyque Immigration Identite Insecurite a ete interdit au nom de la bonne conscience de « goche »
                  quoique Mitterrand le florentin n’est pas seul en cause, la meme derive ideologique impliquant comme diktat le deni de realite et la sacralisation du politiquement correct s’est exercee quasiment en meme temps ds ts les autres pays occidentaux, parfois un peu plus parfois un peu moins mais de facon etonnament similaire au global
                  encore plus troublant, cette dictature de la pensee unique « droit de l’hommiste » est independante de la couleur des partis, droite ou gauche, a ce niveau Chirac (dont on connait certes le clientelisme et le nihilisme) a presque ete encore pire que Mitterrand en reprenant a son compte et amplifiant cette posture ideologique « anti-populiste », opposee au principe de realite en fait

                  les degats aujourd’hui sont desastreux, effrayants meme, au point parfois de desesperer de la politique mais votre article fait l’impasse sur 2 questions qui auraient pu etre developpees ;

                  - a t on le droit de dire qu’il est trop tard ? non bien sur que non !
                  meme s’il ne reste qu’un epsilon de chance d’eviter la catastrophe, il faut bien sur tout mettre en oeuvre pour tacher de redresser la barre ou en tout cas « limiter la casse »
                  alors pourquoi disent ils qu’il est trop tard ?
                  facon detournee d’enteriner definitivement le processus tout en s’en lavant les mains ..

                  - ce que j’evoquais plus haut, on evoque toujours et sans doute a tort la responsabilite de Mitterrand ds ce processus de dictature du politiquement correct et de deni progressif de la realite alors que ce phenomene de pourrissement de la liberte d’expression s’est impose a tout le monde occidental en meme temps
                  c’est donc un phenomene commun a toute une civilisation, une sorte d’auto-suicide
                  voulu par qui et pourquoi ?
                  parce que certains groupes de gens qui tiennent le pouvoir financier et mediatique y ont interet !
                  en generant de l’insecurite et de la precarite, en faisant s’opposer les groupes sociaux d’en bas, ils tiennent le peuple en laisse qui sera trop occupe ds de vaines querelles contre de faux ennemis, tandis que de leur cote cette classe de gens deja detentrice du pouvoir pourra continuer a renforcer sa puissance et son emprise sur la societe ..


                  • noop noop 1er avril 2011 18:36

                    Merci quand même pour votre commentaire Hieronymus.
                    Mon article orginal était trop long. J’ai allégé. Peut-être trop.
                    Mais je n’ai pas évoqué le politiquement correct à l’étranger car je ne connais pas vraiment ce qui s’y passe, sinon par les médias...
                    Et surtout plus que le politiquement correct qui a servi à ne pas débattre, c’est le trop plein de débat d’aujourd’hui (qui se télescope avec le politiquement correct) qui masque en fait qu’in fine rien ne change. <b>La même politique est conduite, seule la communication change et quelques mesures électoralistes par-ci par-là.</b>

                    Pour ce qui est du « trod tard » je le trouve très intéressant. Car le problème n’est pas de savoir si il a raison, en théorie c’est peu probable, mais factuellement Todd et d’autres se sentent de plus en plus en confiance, le forfait, le mauvais coup étant à leurs yeux accompli.


                  • noop noop 1er avril 2011 19:40

                    Désolé de ne pas être à la hauteur de vos brillantes reflexions.


                  • pastori 1er avril 2011 21:29

                    les désirs des uns et des autres , leur carrière ou leur sort intéressent peu les gens.


                    les non-nantis, c’est à dire 90% de la population n’ont qu’un souci : le porte monnaie, le pouvoir d’achat, le travail. 

                    aussi qu’attendons nous pour lancer le débat de façon permanente 
                    -sur le juste partage des richesses entre ceux qui les produisent, 
                    -la suppression de toutes les niches fiscales,
                    - l’interdiction des délocalisation,
                     -le contrôle des prix de certains produits tels les carburants, 
                    -la baisse des marges de la grande distribution...............

                    si chaque jour sur tout le net on avait des articles sur ces sujets au lieu de se gaver des arabes, de lepen et autre sarkosy, cela finirait  peser sur les programmes des candidats .

                    rendons ces sujets l’objet incontournable du débat. on verra bien quels seront ceux qui s’engageront à agir dans ce sens une fois élus.

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