Débattre de l’identité nationale, dont j’ai retenu qu’il n’y en avait pas.
Débattre de la laïcité, dont je crois comprendre qu’elle dérange.
Débattre de l’immigration, pour admettre que c’est une chance. Etc.
D’un côté donc, un gouvernement de droite qui ne sait plus vraiment où il habite, qui du haut de sa grande bonté, autorise des « débats ». De l’autre une opposition de gauche, plus obscurantiste que jamais, qui s’emploie à les étouffer ou à faire semblant de ne pas comprendre. Il est où le problème ? Feint-elle. C’est bien là la seule opposition réelle, car sur le but les deux mouvances se rejoignent dans un marécage intellectuel qui fonctionne comme un piège tendu au discernement, au bon sens et à l’action politique. Oui, pour que nous nous tenions tranquilles, la droite pense que le débat est une soupape nécessaire, un système de refroidissement du réacteur politique populaire pas plus pas moins, et la gauche préfère enfermer la parole et planquer ce qui dépasse sous le tapis, certains sujets sensibles abordés trop librement laisseraient dans l’espace politique de graves rejets toxiques.
Au final tout cela fonctionne comme un rideau de fumée, pour masquer soit un refus, soit une impuissance, soit une peur, ou les trois à la fois, débouchant sur une inaction politique réelle. Tout cela prend la forme d’une avalanche de mots pour ne rien faire dans un cas, pour ne rien laisser faire dans l’autre. Aux « nonosses » lancés au peuple par la droite, la gauche répond en dressant les mots qui paralysent ou font diversion et dissuadent de l’ouvrir.
Laïcité = islamophobie.
Immigration et identité nationale = xénophobie.
Etc.
Ces biens pensants rosissent et jouissent de la honte qu’ils propagent et qu’ils sèment dans l’esprit des gens. Les deux partis, avec la collaboration des médias, ne résistent pas à imposer au peuple, infantilisé et conditionné, des « éléments de langages ». Vous savez ces expressions ou simples mots et ces amalgames repris en boucle dans de véritables campagnes de communication, afin que nous pensions essentiellement avec les mots de nos « coachs », comme on mettrait dans les mains d’un enfant les pièces d’un puzzle savamment triées, qui ne lui permettraient jamais de reconstituer le modèle. Ces éléments de langages, mimant parfois une novlangue orwellienne, sont souvent de véritables slogans publicitaires, qui sont là pour masquer les véritables points faibles du produit.
La République est métisse mais surtout communautarisée, l’immigration nous enrichit, la mondialisation est heureuse, l’islam est tolérant, la modernité est un progrès, un délinquant un jeune, un quartier populaire un ghettos, la laïcité devient "positive", comme la discrimination, etc.
Cette séquence de « débats » initiées pas la droite, a bien le même objectif que la séquence des « tabous » initiée par la gauche. Continuer à nous distraire, tout en nous parlant des sujets interdits (c’est là la novation). Ne rien faire politiquement et démocratiquement qui modifierait le cours des événements, divertir.
Cette séquence de « débats », la droite l’ose, car elle pense, comme Todd, qu’il est « trop tard ». Rendue délibérément confuse, sabotée, elle est là pour nous distraire, nous détourner des enjeux. En quelques sortes ces débats sont à la vie intellectuelle, ce que le X est aux ébats amoureux.
Malgré ces efforts, le peuple commence à renâcler. L’impatience après trente ans « d’à toi à moi », commence à monter parmi les seniors. Quant aux juniors, ils perçoivent de plus en plus le « décalage » entre le réel et le discours politique. Rêvons un peu. Il faudrait passer maintenant à la séquence « démocratique », avec l’utilisation du référendum… De mon point de vue, si le manager national a la prétention de se représenter en 2012, s’il veut éviter une défaite sans précédent, la locomotive de sa campagne (ne parlons pas de programme) sera l’organisation de referendums. Mettons un par an, pour faire bonne mesure. Sur tous les sujets qui fâchent. Quand à la gauche, qu’elle continue à faire si bien l’autruche, en n’oubliant pas toutefois que dans cette position, l’animal est rassuré mais a le postérieur exposé (2).
Si droite et gauche continuent ce petit jeu de duettistes méprisants, les Français, pour paraphraser Audiard, pourraient penser « que deux intellectuels assis vont moins loin qu’une brute qui marche » (3)…
(3) « Un Taxi pour Tobrouk » dialogue d’Audiard (1961)