Désinformation au JT de France 2 : les djihadistes Français n’auraient rien à voir avec l’islam, selon Dounia Bouzar !
On a assisté, au JT de France 2 du 17 novembre dernier, à une opération de désinformation qui pourrait constituer un véritable modèle de référence. A la Une, on trouvait la révélation de la présence d’un jeune djihadiste Français parmi les bourreaux de l’Américain Peter Kassing et des 18 soldats Syriens décapités avec lui, un certain Maxime Hauchard, Normand de 22 ans qui se fait appeler Abou Abdallah al Faransi. Dounia Bouzar1, qui s’est spécialisée dans les propositions d’accommodements dits « raisonnables » dans l’entreprise, était en direct pour nous dire « le vrai » sur le sujet. A la tête d’un Centre privé de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam, elle travaille avec les préfets et forme les fonctionnaires à « la détection » de l’islam radical, selon une visée bien particulière. On l’entend aujourd’hui absolument partout pour nous dire que le djihadisme n’aurait rien à voir avec la religion, et donc avec l’islam.
Une présentation du djihadisme qui vise à dédouaner la religion de toute responsabilité
Suite à un reportage sur le sujet, l’invitée est présentée comme ayant recueilli des informations auprès de 160 familles dans ce contexte. Même si David Pujadas, maitre de cérémonie, précise que cela n’est peut-être pas représentatif, il s’engouffre dans la brèche pour souligner que l’on serait bien loin de l’image attendue des djihadistes. Selon un rapport dont elle est à l’initiative2, relevant d’appels de familles qui spontanément l’auraient contactée, pas plus de 5% seraient de petits délinquants, 10% seulement aurait un « grand-père » immigré, 80% seraient de familles athées. Des éléments nécessairement invérifiables et qui ne reflètent aucune réalité d’ensemble, dans un contexte où on ne saurait fournir une liste publique des candidats au djihad encore moins leur origine, impliquant la notion de statistiques ethniques interdites par la loi, côté ministère de l’intérieur. Une situation qui laisse libre cours à la présentation des données de ce rapport très orienté, dans la continuité desquelles, on insiste ensuite sur la présentation d’un jeune Français converti participant à l’exécution, donc non issu de l’immigration, servant à renforcer l’idée que cela n’aurait rien à voir avec l’immigration et donc, ne concernerait pas les musulmans.
Tout tiendrait dans la réussite d’un nouveau discours terroriste relevant d’une dérive sectaire. « La grande force du nouveau discours terroriste » explique-t-elle, « c’est d’arriver à vendre, proposer des mythes, des missions (qui vont de) toucher des jeunes qui ont le profil idéal chevaleresque, Lancelot, sauver les pauvres, le profil humanitaire « mère Teresa » (au) profil « Call of duty » (jeu vidéo violent), la recherche de l’adrénaline, l’aventure (…) le profil « Terminator » qui se fiche de ce que Dieu dit… D’ailleurs, tous ces jeunes ne sont pas du tout dans la spiritualité ou la recherche de Dieu, mais ce qui intéresse ce type de jeune c’est de prendre la place de Dieu et de donner la mort… » affirme-t-elle. Il n’y aurait donc là, rien qui n’ait à voir avec l’islam, avec la religion et donc la croyance, rien à voir avec Dieu ? N’est-ce pas à cette conclusion hâtive à laquelle on veut nous entrainer pour nous faire oublier l’essentiel ? Le fait que cette guerre vienne d’une dérive radicale d’une religion, l’islam, que l’essentiel des guerres de la planète se font au nom de cette religion, qui ne saurait être présentée ainsi comme dédouanée de toute responsabilité ! Elle poursuit sur la prévention concernant cette dérive : « regardez les signes de rupture… Ne pas cherchez les signes religieux, ce ne serait que faire de l’amalgame et prendre ces terroristes pour de simples musulmans (sic !)… »
Ce qui saute aux yeux, derrière des explications en apparence convaincantes qui restent de surface, c’est un discours qui cherche à tout prix à écarter le moindre rapprochement avec la religion musulmane elle-même ! S’il n’est nullement question d’assimiler les musulmans en général avec ces djihadistes, pour autant, traiter la chose de cette façon est totalement contraire à la réalité des risques encourus et c’est donc empêcher de les prévenir, et cela, pour tous, nos compatriotes musulmans inclus. Rappelons qu’il est question de 1200 candidats au djihad aujourd’hui, dont des femmes et des mineurs, chiffre qui ne cesse de grossir.
Les risques propres à la religion qui doivent tarauder les musulmans et notre République
Pour bien prévenir les risques dont il est question, on se doit de lever l’ombre projetée ici sur des références qui nous disent bien autre chose : L’Etat islamique est en général pour les musulmans, tel que l’ensemble des ouvrages religieux en leur direction le relatent, le modèle de gouvernement islamique qui s’inspire des pratiques instaurées par le Prophète ; Par-delà le Califat dit le « Daech », ils en existent d’autres dans le monde qui pratiquent la charia dont la lapidation et la décapitation publique ; L’islamisme est une doctrine politique qui vise à l'expansion de l'islam, qui s’inscrit dans le prolongement de l'Oummat, la communauté des musulmans, « la Nation islamique », indépendamment de leur nationalité juridique, de leurs liens sanguins et des pouvoirs politiques qui les gouvernent ; Le fondement doctrinal de l'islam est qu’Allah est unique dont l'unicité renvoie à une totale exclusivité pour le fidèle, sous le signe de Al-islam, dont la signification littérale est l’abandon intégral de toute la personne à Dieu, impliquant une soumission absolue ; La charia est la loi islamique qui est incluse dans tout projet d’Etat islamique, qui trouve sa source dans le Coran.
Le Djihâd, loin d’être étranger à l’islam, en fait partie intégrante : Défini par le cœur, par la langue, par la main et par l'épée, il est interprété par une partie des musulmans comme le sixième pilier de l’islam. De fait, le Djihâd par l'épée sert d'argument à différents groupes musulmans pour promouvoir leurs guerres contre des « mécréants » dans quoi ces jeunes djihadistes se reconnaissent. Comment ainsi pouvoir oublier que l’islam, de façon inséparable est, à la fois religion, tradition, règle de vie et projet communautaire, et donc un projet religieux, social et politique, ce qui implique qu’il puisse comprendre le risque de visée expansionnistes graves auxquelles il faut ainsi parer ? Comment négliger que l’islam soit articulé autour du Coran, que le dogme islamique considère comme le recueil de la parole de Dieu, comme vérité révélée non-amendable ? Ce qui comprend toujours le risque du retour à une vision qui est celle du temps du prophète, autrement dit, à une société moyenâgeuse où la foi s’imposait par la violence.
Comment ne pas voir le fait que nous assistons en France à un repli communautaire inquiétant, potentiellement terreau à bien des risques ? Qu’il s’agisse du développement du voile et de tenues vestimentaires inscrites dans un retour à la tradition, d’un refus du mélange au-delà de la communauté de croyance nettement affirmé, accompagné d’une tendance à une relecture littérale du Coran ? Un Coran qui contient quelques exhortations à faire respecter l’islam par la violence la plus brutale : "Ceux qui ne croient pas à Nos versets, Nous les brûlerons bientôt dans le feu. Chaque fois que leur peaux auront été consumées, nous leur donnerons d’autres peaux en échange afin qu’ils goûtent au châtiment…." (Sourate 4 verset 56), "La récompense de ceux qui font la guerre contre Allah et Son messager(…) c’est qu’ils soient tués, ou crucifiés, ou que soient coupées leur main et leur jambe…" (Sourate 5 verset 33). La réalité de l’islam en France, c’est le fait que cette religion régresse par rapport à une intégration qui était en cours il y a quelques années. N’a-t-on vraiment rien sous-estimé ici ?
L’actuel vice-président du Conseil Français du Culte Musulman, Monsieur Chems-eddine Hafiz, avocat, explique dans un ouvrage dont il est le co-auteur que, « le droit est sans prise sur la foi »3 justifiant dans ce prolongement le rejet de la liberté de changer de religion inscrite à l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ? Un encouragement à une conception de la foi supérieure à la loi commune qui en rejette l’autorité avec les institutions Républicaines, jusqu’aux instances internationales comme l’ONU. Cette posture n’est-elle pas en elle-même à haut risque ?
Tant qu’il n’y aura pas de modernisation du rapport de l’islam à ses propres références, le danger existera d’une dérive radicale. Le sentiment religieux n’est pas rationnel, et si des limites ne lui sont pas fixées politiquement et socialement et reconnues par tous, il a tendance à tout envahir par sa nature même, pouvant aller jusqu’aux violences les plus aveugles, comme nous l’avons vu en France lors des Guerres de religion. Comment dans ces conditions ne pas se questionner, quant au refus de reconnaître les agissements de l'Etat islamique comme un problème concernant l'islam et un risque pour les musulmans de France qui doivent en être prioritairement alertés ?
Moderniser les fondements religieux sur lesquels l’endoctrinement prend racine
En ce qui concerne l’origine des djihadistes, sans s’étaler sur les Mohamed Merah et autres Mehdi Nemmouche, il suffit de lire les témoignages que rapporte la presse comme l’Obs enquête4 pour voir ce qu’il en est, où on nous parle de « Yacine, Mohammed et Mourad, les copains de la Meinau, une cité de Strasbourg (…) et leur complice, Miloud, les frères niçois Marc et Jordan » avec des intentions qui n’ont rien à voir avec la destinée d’une « mère Teresa » ou les « jeux vidéo », comme en témoigne le mot laissé par l’un d’entre eux : "Je vais mener une vie qui ait un vrai but et un vrai sens (….) On se bat pour Allah (…) pour l'instauration de la charia [sic]." Des centaines de jeunes Français, exaltés, fanatisés, sont déjà partis pour la "guerre sainte" en Syrie, que l’article nomme « les fous d’Allah » !
Alors ? Les jeunes Français convertis représenteraient-ils l’essentiel des troupes djihadistes, montrant que ce phénomène n’aurait rien à voir avec l’immigration d’origine arabo-musulmane et donc, l’islam de France ? Faux ! S’il existe bien un véritable phénomène de radicalisation qui a à voir avec les nouveaux convertis, dont on sait que, pour prouver leur allégeance à Allah, ils se doivent d’en rajouter encore par rapport aux autres musulmans, cela sert d’argument ici pour faire écran au ressort puissant qui y est sous-jacent : Les fondements religieux sur lesquels malheureusement un discours d’endoctrinement prend racine. Plutôt que, comme le prétend Dounia Bouzar, il serait question de « jeunes voulant prendre la place de Dieu et de donner la mort », ne s’agirait-il pas plutôt, de servir leur Dieu en donnant en son nom la mort ? Il ne faut pas jouer à fabriquer des faux-nez en la matière, mais poser la réalité des problèmes, pour que les musulmans eux-mêmes soient en situation de faire les bons choix, participent de désamorcer l’islamisme.
On peut s’étonner du manque d’analyse de trop de médias et des milieux gouvernementaux, qui ferment les yeux sur certains enjeux essentiels et les références qui s’y rapportent, qui engagent une certaine responsabilité de l’islam comme religion. Pointer ce fait n’a rien à voir avec la volonté d’une stigmatisation des musulmans, mais posent le problème de l’accommodement d’une religion avec la modernité qui est la nôtre, celle d’une société de liberté précieuse et fragile qui doit être défendue par tous et pour tous.
1-Madame Dounia Bouzar est membre de l’Observatoire national de la laïcité. Son président, Monsieur Jean-Louis Bianco, expliquait à la suite de sa création, qu’il n’y avait aucun problème avec la laïcité en France.
2- Le profil inattendu des djihadistes français, Figarovox. http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/11/18/01016-20141118ARTFIG00158-le-profil-inattendu-des-djihadistes-francais.php
3-Chems-eddine Hafiz et Gilles Devers, Droit et religion musulmane, Dalloz, 2005, Pages 34 à 36
4-Djihadistes français : qui sont les nouveaux fous d'Allah, L’Obs enquête, 22-04-2014. http://tempsreel.nouvelobs.com/l-enquete-de-l-obs/20140422.OBS4697/djihadistes-francais-qui-sont-les-nouveaux-fous-d-allah.html
Guylain Chevrier
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