La dame s’est présentée à moi comme un professeur d’EPS à qui on était en train de retirer trois heures de "décharge" pour s’occuper de sport scolaire le mercredi après-midi au sein de ce qu’on l’on appelait l’ASSU à mon époque et qui a été renommé l’UNSS. Elle semblait souhaiter que je signe rapidement et sans autre forme d’explication une pétition pour faire changer d’avis le ministère de l’Education nationale... (cf. site du SNEPFSU).
Le dialogue suivant s’ensuivit :
JDCh : "Ces 3 heures vont vous être payées tout de même ?"
La sportive : "Heureusement que oui mais on ne sait pas à quoi faire..."
JDCh : "Et si on vous demandait de faire du rattrapage scolaire pour les élèves qui peinent à lire ou à compter ?"
La sportive : "Sûrement pas, on n’a pas été formés pour cela. Moi, ce que je sais faire c’est les activités physiques et sportives... Je vous dis, on ne sait pas ce qu’on fera à la place..."
JDCh : "Désolé, tant que je ne sais pas entre quoi et quoi vous me demandez d’arbitrer, je ne peux pas signer votre pétition."
Notre athlète s’en est ensuite allée, plus surprise que fâchée, recueillir avec une apparente facilité des signatures auprès des amateurs de rugby pour le maintien des fameuses et sympathiques "3 heures d’animation d’AS"...
J’ai depuis effectué quelques recherches sur Internet et j’ai cru comprendre qu’il existait un projet ministériel par lequel les chefs d’établissement se voyaient déléguer l’autorité de maintenir ou de réaffecter ces 3 heures en fonction de la "réalité du terrain". A la lecture de différents forums, il semble, en effet, qu’à côté d’animateurs dévoués et suscitant l’enthousiasme des sportifs en herbe du mercredi après-midi, un certain nombre de leurs confrères s’arrangent pour échapper à cette corvée et sont donc payés à ne rien faire (ou à faire très peu) alors que ce quota d’heures pourraient être utilisé à d’autres fins...
Cette petite anecdote me semble appeler les remarques suivantes :
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Les professeurs font 17 heures de cours par semaine ce qui semble très peu quand on a du mal à imaginer le temps qu’ils passent réellement à préparer leurs cours et à corriger les copies. J’ai même l’impression polémique que les dix minutes passées par les élèves dans le vestiaire et comprises dans ces fameuses 17 heures sont largement suffisantes pour regonfler un ballon de basket ou compter les tapis de sol disponibles... Peut-être pourrait-on maintenir les 3 heures d’AS et leur demander de travailler quelques heures en plus ?...
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Même si l’on peut reconnaître une vertu initiatrice au sport scolaire, j’ai le sentiment que les clubs de sport en France ont une offre pléthorique et très bon marché (voire gratuite pour les moins favorisés) qui permet à tout à chacun de découvrir les joies du football, de l’athlétisme, du tennis (de table ou non) voire du curling... Réduire le sport scolaire à quelques sports "mainstream" ne me paraît nullement mettre en danger ni notre système éducatif, ni nos résultats aux JO de 2020 !
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Je reconnaîtrais volontiers une assez grande légitimité aux professeurs en survêtement pour être auprès des collégiens et lycéens en difficulté scolaire des sortes de "coachs" sur le thème "tu vois, je suis prof d’EPS mais j’ai fait des études aussi bien théoriques que physiques. Sans un travail sérieux et "scolaire", je n’aurais pas pu faire de ma passion mon métier". Des professeurs d’EPS chargés de superviser des sessions de rattrapages scolaires (ou de maintenir une certaine discipline dans les classes d’étude ou de permanence), serait-ce un tabou absolu ?
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Quant à l’argument du "on a pas été formés pour", je me permets de penser que l’immense majorité des salariés du monde entier effectue quotidiennement des tâches pour lesquelles aucune formation ne leur a été dispensée lorsqu’ils étaient étudiants. Les professeurs d’EPS sont, en principe, formés à la pédagogie et à l’encadrement des élèves et c’est bien de cela que nous parlons ici !
De façon plus générale et ceci est effectivement encore plus valable en période électorale, ne réagissons pas instinctivement par sympathie pour telle ou telle bonne intention sous-jacente de notre égalitarisme paupériste franco-gaulois. Toute chose a un coût, bien gérer c’est décider des priorités, des sous il y en a de moins en moins, il nous faut dorénavant savoir arbitrer entre l’absolue nécessité (réduire l’échec scolaire) et le sympathique (permettre aux enfants de découvrir le ping-pong le mercredi après-midi)...
Suis-je dans la polémique et le tabou en écrivant cela ?