Discours régressifs autour du mariage homo : symptomatiques d’un pouvoir qui perd le contrôle ?
Au-delà de la question du droit des minorités, le mariage des couples de même sexe interroge les éléments de langage d'une opposition qui semble perdre ses moyens intellectuelles. Analyse d’un discours d’émotions, quand la raison ne suffit plus à justifier les prises de position des dominants.
La nature de la demande de la minorité homosexuelle française relève d'un argumentaire juridique simple : Il n’y a pas de raison qu’un citoyen soit discriminé par les textes de loi en raison de son orientation sexuelle. Les différentes luttes sont parvenues à faire reconnaître cette évidence pour la couleur de la peau, pour la religion ou pour le sexe. Il est temps de la reconnaître pour cette autre composante de l’identité.
Les représentants de l’Eglise catholique se sont emparés du débat, ce qui relève d'ailleurs d'une ingérence totale dans le domaine civil qui n'est plus de leur ressort depuis la loi de 1905. Mais les élus locaux, mettent en garde eux aussi contre une loi, à laquelle ils se disent prêts à se soustraire, alors qu'ils devraient être les premiers à l'appliquer.
Ce sont donc les membres de l’élite spirituelle et temporelle, les détenteurs du pouvoir, qui s'opposent à ce qu'ils voient comme le bouleversement de la société et de ses fondements. Pour justifier leur position, ils en appellent à la morale et aux valeurs, à la psychologie et à la biologie, au détriment de la raison institutionnelle.
Tout se passe comme si, acculé intellectuellement, il fallait nécessairement en faire appel à ce qui n’a pas besoin d’être justifié, ce qui est vrai a priori, unilatéral (la nature, la morale), ou ce qui ne peut pas vraiment être vérifié, mais qu'il faut prendre en compte comme un "principe de précaution" (la psychologie).
Une nécessité d’autant plus vraie que les minorités ont pris la parole depuis les années 1980, qu’elles refusent d’être parlées comme elles l’ont été pendant si longtemps par des discours de savoir-pouvoir réservés à une poignée d’ « experts » (le terme est anachronique) ventriloques censés représenter la majorité, les dominants. Ces minorités peuvent se défendre sur le plan de la connaissance donc pour les contrer et les réduire au silence, il faut exercer une pression d’ordre émotionnel.
Il est ainsi courant d'entendre cet argument selon lequel un lobby gay agirait en coulisse pour imposer ses intérêts dans le déni de la volonté générale qui ne coincide pas avec la leur. Un lobby gay auquel on accorde soudain un pouvoir tentaculaire façon franc-maçonnerie.
De même, on assiste à la résurgence d'un discours de type biologisant (la nature est ontologiquement hétérosexuelle, autoriser le mariage homosexuel est donc contraire à la nature), ou encore de type psychologisant, qui fait appel à l’inconnu de l’inconscient pour mettre en garde contre les risques de l’homoparentalité...
Il y a enfin ces discours qui dénoncent la décadence de la société, via l’attribution de droit à des individus qui ont fait un choix et qui doivent l’assumer. Outre qu'il se fait dans la méconnaissance totale de la réalité de l'homosexualité, cet argumentaire fait valoir que les homosexuels sont moralement responsables de leur choix de vie, qui s'est fait égoïstement au bénéfice de leur plaisir personnel, et au détriment de la société qui a besoin d’individus hétérosexuels pour être perpétuée. Or on ne peut pas vouloir être homosexuel, et bénéficier des droits hétérosexuels, autrement dit, « On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre ».
Il est intéressant de constater que ce sont toujours les mêmes discours qui ressuscitent de leurs cendres quand il est question de mettre fin à des privilèges.
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