Disparition du sorcier aux deux bandes blanches
Il y a des gens, comme ça, qui vous ont marqué votre jeunesse. J'avais déjà évoqué ici Art Arfons, le fêlé qui greffait des réacteurs de Starfighter sur un improbable chassis à quatre roues, cette fois, celui dont je souhaite aujourd'hui célébrer la mémoire est un autre créateur de voitures mythiques. Deux joyaux de l'automobile sont à son actif, et pas des moindres comme vous allez le voir. Hier, on apprenait que Carroll Shelby était décédé. Pour tous les amateurs de voitures de sport et de course, ce dont je fais partie, c'était un géant. Le roi de la greffe lui, aussi, celui qui avait réussi à caser d'énormes moteurs V8 dans un chassis ultra léger, fabriquant l'une des toutes premières bombes routières, l'AC Cobra, réputée.. intenable. Un travail tellement impressionnant que Ford, quand il décidera de s'attaquer au Mans, lui confiera la réalisation de ce qui allait devenir un autre chef d'œuvre absolu : la GT-40, l'une des voitures parmi les plus racées ayant jamais la course mythique sarthoise. Retour sur un hyperdoué de la mécanique, qui, au départ, n'était pas du tout destiné à une semblable carrière.
Débrouillard, c'est le qualificatif que je retiendrais de l'individu. Il y les purs génies, en automobile, tels que par exemple Jim Hall, qui avait révolutionné l'automobile de course en découvrant l'effet de sol avec sa série des Chaparral, aux ailerons parfois monstrueux et au final équipé d'un aspirateur, et les tâcherons garagistes, tels que Arfons et Shelby. En réalité, Jim Hall passait aussi énormément à peaufiner lui-même ses inventions, rivet par rivet. Pour avoir passé une bonne partie de mon enfance dans un garage, ma préférence va bien sûr aux seconds ; et à Shelby, donc. Débrouillard, il l'avait montré tôt : engagé comme aviateur pendant la guerre, qui s'était entraîné à la Lackland Air Force Base près de San Antonio, ce pur texan se lance dès sa démobilisation dans le transport routier, mais sans succés. Il se rabattra alors sur ce qu'on sait faire au Texas : il deviendra exploitant en pétrole... pour se ramasser aussitôt, et se rabattre sur l'autre possibilité locale : l'élevage. Il se lance en effet dans l'élevage industriel de poulets, où là il démarre en flèche... jusqu'à une catastrophe : son exploitation voit toutes ses volailles décimées par une épidémie : il se retrouve du jour au lendemain ruiné.
Il se rabat alors sur la seule chose qu'il sache faire : les courses de voitures, qu'il a démarré jeune, dès janvier 1952 où il remporte sa première course... de dragster, derrière le volant d'un "hot rod" équipé d'un banal V8 Ford. Il se distinguera après sur des MGs, dont une MG-TC, puis sur une Jaguar XK 120 et Cad-Allard, avant d'être repéré par le directeur d'Aston Martin USA, John Wyer, qui lui propose de conduire une Aston-Martin DB3 à Sebring en Floride. Confiant, Wyer l'envoie en Europe ; courir au Mans en 1954 avec comme co-pilote Paul Frére. Revenu au Etats-Unis, on le retrouve sur le lac salé de l'Utah, à Bonneville, au volant d'un Austin-Healey, invité par Donald Healey en personne, désireux d'établir un record dans la nouvelle Class D qui vient de se créer. On trouve aussi à Bonneville des Cad-Allard, comme le modèle ici à droite, dont le moteur Cadillac a été remplacé par un gros Desoto et la carosserie réalisée en fibre de verre par Sorrel. L'engin atteindra 243 km/h. L'année suivante, il gagne la course de Torrey Pines au volant d'une Ferrari de 4,1 litres de cylindrée, battant au passage Phil Hill : un revendeur de Ferrari de Los Angeles, Tony Paravano l'engage aussitôt pour conduire un nouveau modèle en 12 cylindres de 4,9 litres. A la fin de l'année, il est logiquement élu pilote de l'année aux USA !
Il court beaucoup autour de Dallas, où très vite il va croiser le second texan du coin, Jim Hall, et un troisième, Gary Laughlin, pétrolier lui aussi, les trois jeunes pilotes s'associant intelligement pour décider ensemble de faire construire des voitures de sport appellées alors des "Scaglietti Corvettes", du nom du constucteur italien Sergio Scaglietti, installé à Modane, à savoir des voitures de General Motors trafiquées à mort destinées à concurrencer.... les Ferrari, qui alors raflaient tout sur les circuits. Sergio Scaglietti, décédé le 24 novembre 2011 à 94 ans était le sorcier de la carosserie derrière les plus belles Ferrari, telle la 250 Testa Rossa, merveille desmerveilles de design qui avait gagné Le Mans en 1958. Leur voiture, ressemblant fort à une Ferrari 250 GT "Tour de France" ne sera construite qu'à trois exemplaires seulement, mais deviendra vite la championne des circuits, même en europe, en gagnant en 1963 les courses de Bridgehampton, Road America, Mosport et Watkins Glen, notamment, et en remportant l'année suivante dans leur catégorie les 12 Heures de Sebring et... les 24 Heures du Mans. Leur coup d'essai avai été un coup de maître. La voiture au look si italien, à la calandre de Zagato, était une pure création américaine pourtant : c'était un chassis de Corvette standard de 1959, équipé d'un V8 de 8 litres de cylindrée développant 315 chevaux, alimenté par une injection signée Rochester, le tout reliée à une boîte à quatre vitesses Borg-Warner T-10 pour un modèle, les deux autres étant en boîte automatique. L'engin pesait 180 kilos de moins que l'original, alors que sa carrosserie était en aluminium !
Mais c'est en 1959 que Carroll Shelby réalise son premier grand coup : associé à Roy Salvadori il remporte le Mans à bord d'une Aston Martin DBR1 (c'est lui qui franchit le drapeau à damiers !), Maurice Trintignant et Paul Frère finissant à la deuxième place. Sur la photo du podium, on a du mal à le reconnaître avec un visage noir de suie.... Comme tenue de course, il porte... une salopette de paysan ! Dans la même épreuve, le même modèle mais portant le N°7 de Bruce McLaren et Graham Whitehead à bord du aura un sérieux accident près de Maison Blanche. Au volant de la même Aston Martin DBR1 numéro 2, il gagnera la même année à Goodwood en compagnie de Fairman et... de Stirling Moss. Shelby est alors parmi les plus grands pilotes au monde L'année suivante, on le retrouve à remporter la course de Riverside pilotant une Maserati "birdcage", ainsi appellée car laissant apparaître à travers son large pare brise une partie de sa structure en tubes. Mais le sort va à nouveau s'acharner sur lui : dans une course, à Laguna Seca, la même année, il respire trop de vapeurs de nitroglycérine injectée dans les moteurs pour les doper et présente de graves problèmes cardiaques. Les médecins lui annoncent que les courses, trop stressantes pour son cœur abimé sont terminées pour lui. Il en effectue une dernière, Carroll Shelby, à bord d'une Scarab, autre monument de l'époque, en finissant premier à la Continental Divide Raceways, battant le record de vitesse de la course et inscrivant son nom au championnat de l'USAC des pilotes. Continuer, c'est en faire et mourir à coup sûr, lui ont dit les docteurs, qui lui ont en fait détecté une angine de poitrine. Il ne lui reste qu'une seule option alors : au lieu de courir à bord de modèles, il va en fabriquer lui même. Sur le modèle (réussi) de la "Scaglietti Corvette". Son premier essai sera un coup de maître qui le propulsera au pinnacle des constructeurs, lui, l'ancien vendeur de poulets.
Intelligent et curieux de nature, Shelby, fort prosaiquement, a reperé un petit roadster qui présente bien des avantages pour des courses : c'est celui des frères Hurlock. Lorsqu'il remporte les 24 Heures du Mans, en 1959, la petite "barquette" anglaise s'est classée 7eme. Son histoire ramène encore une fois à une Ferrari. Au départ en effet, ce ne sont pas les deux frères anglais qui ont créé un modèle performant mais un un britannique d’origine portugaise, John Tojeiro, qui a réalisé un superbe modèle qu'il a appelé "Spéciale" et qui était fort inspiré de la Ferrari 166 Barchetta (ci-contre à droite), un des modèles parmi les moins connus de Ferrari, qui possédait un chassis tubulaire. Construite par Carlo Felice Bianchi Anderloni, de Carrozzeria Touring. La voiture gagnera le Mans en 1949, avec un pilote absolument extraordinaire, et trop souvent oublié, Luigi Chinetti, "l'homme qui a fait Ferrari", qui effectuera 23 heures d'affilée au volant, à bord de sa Barchetta numéro 22 ne laissant qu'une heure de course à son équipier Lord Selsdon, pour rester dans les règles de l'épreuve. La même voiture, équipée du même chassis 0008M gagnera en 1949 la Mille Miglia avec comme pilotees Clemente Biondetti et Ettore Salani.
Ruiné, Tojeiro avait revendu les plans de sa voiture (5 livres !), pourtant fort réussie, à des anglais, les frères Hurlock, William et Charles. A partir des plans de Tojeiro, les frangins vont construire l'AC Ace qui sera la première voiture anglaise à 4 roues indépendantes construite en série. Sa construction était particulière également, avec un châssis fait de tubes de gros diamètre, et une suspension faisant appel à des ressorts à lames transversaux. Après plusieurs mises au point et transformations, la voiture définitive fut réalisée en 1954, équipée d’un moteur plus gros, un Bristol de deux litres de cylindrée à 6 cylindres en ligne, pour devenit l'AC Bristol. Dès sa première apparition en course au Mans, len 1957, pilotée par Ken Rudd et Peter Bolton, elle réalise une prestation fort honorable : elle termine 2éme de sa catégorie et 10éme au classement général. Et tape dans l'œil de Shelby, obligatoirement. En 1958, la voiture n° 28, pilotée par Richard "Dickie" Stoop et Peter Bolton. termine 8e au général, 2e de sa catégorie, juste derrière la Porsche 718 RSK Spyder de Jean Behra et Hans Hermann. A la place suivante c'est l'autre Bristol, de l'écurie suisse Trois Chevrons avec comme pilotes Georges Berger et Hubert Patthey qui se place. En 1959, c'est l'écurie Rudd Racing Ltd avecTed Whiteaway et John Turner qui atteint la 7e place : trois années d'affilée, le petit bolide anglais a montré tous ses talents.
Trois années plus tard, bien décidé à construire un des meilleurs roadsters au monde (il était têtu comme un texan !), Shelby achète une AC Bristol, la démonte entièrement, l'observe sous tous les angles, et tente d'y adapter un gros V8 américain, celui des Corvettes, le plus facile à trouver et l'un des plus répandus. Mettre un tel moteur dans un châssis aussi léger fabrique naturellement une bombe sur roues, qui, au démarrage bondit littéralement. A l'image de l'icône du cheval bondissant de Ferrari, bien sûr. Shelby lui a trouvé un nom, à ce bolide qui bondit pour lui comme un serpent : ce sera l'AC Cobra. Peinte en jaune vif ("pearlescent yellow", peint par Dean Jeffries), elle est présentée au Salon de l’Automobile de New York en Avril 1962. Et fait flasher tout le monde par son allure aggressive et son dessin fort réussi. Son moteur, à l'époque, développe déjà 260 chevaux, via une boîte de vitesse Borg-Warner à 4 rapports seulement, plus que rustique pour une telle puissance déjà. Les américains font des voitures de courses comme ils fabriquent des tracteurs. "Les débuts sont héroïques. Le premier châssis est incapable d’encaisser les chevaux. Une fois le châssis renforcé, AC livre une voiture « de série », à la finition exécrable. Dean Jeffries, un de ces mécanos aux doigt d’or,reconstruit quasiment la voiture. Elle apparait dans un premier essai presse… Puis elle est immédiatement repeinte en rouge, pour un second essai (et faire croire que Shelby a deux Cobra)," raconte l'excellent Blog Auto dans un très bel hommage. Les Cobra se vendront néanmoins tout de suite comme des petits pains, avec leur impressionnants succès en compétition, car elles séduisent d'emblée les amateurs de sensations fortes. Le petit bolide devient vite réputé... surtout pour sa maniabilité plutôt aléatoire et sa conduite particulièrement délicate, notamment pour la version la plus réputée, la 427 (qui développera jusqu'à 425 chevaux) qui est... littéralement intenable ! La réussite est au rendez-vous : en 1963, les AC Cobra (modèle 289) battent à plate couture les reines du moment, les Corvette Stingray en championnat Américain d’endurance, en remportant 6 courses sur 7 !
En 1965, trois ans à peine après l'introduction du modèle, dont se sont emparés des pilotes devenus eux aussi des mythes tels que Bill Krause, Ken Miles, Dan Gurney et Phil Hill, tous rassemblés dans la "Shelby American Team Cobras" l'AC Cobra remporte le FIA International Championship pour les voitures de grand tourisme, mettant fin à la suprématie d'Enzo Ferrari dans la catégorie : le premier essai de Carroll Shelby a été un coup de maître. Les années suivantes seront un peu moins généreuses : tenté de faire un coupé, pour battre les Ferrari en le championnat du monde, Shelby se lance dans la réalisation de ce qui sera appelé la Cobra Daytona, réalisée par l'ingénieur Peter Brock, ayant collaboré à la Sting Ray de Corvette. Il n'a que 26 ans ! Après être apparue au Mans en 1965, elle est revenue aux USA, elle effectue des tentatives de record à Bonneville, piloté par un certain Craig Breedlove, qui se lançait alors au défit du record du monde de vitesse sur terre, avec sa série de "Spirit Of America". L'engin sera racheté plus tard par Phil Spector (son -incroyable- histoire est racontée ici) !
Shelby se lie davantage en 1967 avec Ford, dont il a obtenu le droit de commercialiser une version "boostée" de sa Mustang, appelée GT 350 toujours munie d'un V8 "dopé" version Cobra. Insatiable, Shelby profite d'un changement de gamme de la Mustang de Ford, dont il a évalué le bon potentiel avec la GT 350, pour en faire un autre bolide réussi : la GT 500. La recette est toujours la même : sur un chassis hyper classique, le sorcier texan a casé une monstre, le V8 Ford "Police Interceptor" de 428 chevaux (qui fait allégrement ses 7 litres de cylindrée, toujours couplé à une archaïque boite manuelle à quatre rapports. Au démarrage, elle "gratte" tout le monde avec son zéro à cent km/h effectué en 6,21 secondes seulement. Mais ce rapprochement n'est encore rien avec ce qui va suivre. Shelby a toujours des comptes à régler semble-t-il avec Ferrari, et l'occasion va se présenter de façon plutôt inattendue. Ferrari, en 1963, est au plus mal, et le constructeur italien a approché en secret Ford pour être... racheté.
Mais l'affaire ne va se présenter du tout comme prévu. Lors des négociations, au moment même où on pense qu'elles pourraient aboutir, le terrible Enzo fait part d'une exigeance de dernière minute, à savoir de garder la main sur le secteur des courses, et notamment de pouvoir participer à Indianapolis. Les américains refusent, et s'apercoivent que le sorcier italien n'a fait que jouer aux enchères avec eux pour pouvoir faire monter celles de Fiat, qiui va devenir majoritaire chez Ferrari. Pour se venger de cette attitude qu'ils jugent lamentable, ils décident de tout faire pour que l'hégémonie des Ferrari soit brisée, notamment dans le domaine des voitures de grand tourisme où la firme règne depuis longtemps en maître. Elle, et les firmes anglaises à qui LeMans réussit depuis quelques années : Ford approche donc Lola, Lotus et Cooper comme possibles fabriquants de prototypes. Lotus, qui possède une Lotus 29 propulsée par un moteur Ford qui court à Indiniapolis et Colin Chapman se montrent trop gourmands en tarifs. C'est Lola qui réagit au mieux, avec un prototype appelé MK6, dont le chassis est signé Ted Cutting, qui travaille sous les ordres de John Wyer, l'ancien directeur d'Aston Martin USA, celui qui avait engagé Shelby en Floride ! L'engin proposé ressemble en effet beaucoup à celui que Ford va proposer au Mans en 1964... il est très bas : il fait 40 pouces de hauteur (1 m pile !), d'où son nom. A l'intérieur, un gros V8 de 350 cv tournant à 7200 tours/minute, issu de la série des Fairlane, mais réalisé en aluminium au lieu d'être en fonte, alimenté par quatre carburateurs Weber double corps. "Pas de carcasse tubulaire pour la GT40, la coque est en tôle d’alliage léger rivée et collée. La fibre de verre et la résine polyester font également leur apparition. A l’origine, la GT40 devait être dotée de pores pavillon (comme sur la Mercedes 300 SL). Mais pour des raison des sécurité (risque d’emprisonner le pilote en cas d’accident) on leur préfèrera des portières à ouverture classique… C’est ce qui explique que la GT40 possède une découpe de porte si particulière" peut-on lire ici.
La presse européenne n'est pas tendre quand Ford, le "fabricant de tracteurs" annonce son arrivée au Mans pour cette année-là. Ignorante des tractations, restées secrètes, elle entonne le couplet du "géant" Ford contre le petit poucet Ferrari. David Ferrari contre Goliath Ford. Et les américains lui donnent tout de suite raison, hélas. Le modèle dérivé de la Lola MK6 et baptisé Ford GT 40 est encore loin d'être au point lorsqu'ils lui font faire les essais préliminaires du Mans les 16 et 17 avril 1964. Le premier jour, Jo Schlesser échappe de peu à la mort lors d'une terrible embardée qui détruit le premier prototype, le lendemain son cooéquipier Roy Salvadori emboutit un concurrent. Les débuts ne sont pas glorieux. En mai, ça s'améliore aux 1000 kilomètres du Nürburgring : on a découvert les raisons du "décollage" de Schlesser. Le museau trop relevé de la GT 40 (au départ elle devait avoir des phares basculant !) enfourne l'air et la bloque sous le châssis, pendant que le train arrrière ne s'appuie pas assez sur la route, faute d'un bon aérodynamisme. On ajoute à la hâte des déflecteurs avant et un becquet arrière, et la voiture de Phil Hill et Bruce Mac Laren arrive à faire bonne figure face à la Ferrari 275 P qui mène la course... jusqu'au bris de sa boîte de vitesse. Mais Ford n'a que trois voitures à présenter pour la course, en juin, là ou Ferrari présente pas moins de huit équipages, répartis en deux modèles performants : la très élégante 330P, en trois exemplaires, et la 275 LM, en cinq représentantes. Malgré les déboires des mois précédents, les Ford feront bonne figure, l'équipage Richie Ginther-Masten Gregory s'emparant dès le 2eme tour de la tête de la course, jusqu'au moment de la casse de sa boîte de vitesse. Celui de Jo Schlesser-Richard Attwood verra son véhicule prendre feu, sur rupture de canalisation d'essence, le dernier (Phil Hill-Bruce Mac Laren) réussissant à tenir jusqu"au matin du dimanche, pour casser lui aussi sa boîte de vitesse, point faible de la voiture, donc. La première apparition de Ford au Mans se solde par un échec. En revanche, Shelby a gagné cette année-là son pari contre Ferrari : sa Cobra Daytona N°5 est arrivée 4eme au général, derrière trois prototypes Ferrari : une 275 de Guichet-Vacarella, arrivée première, et deux 330 P (de Graham Hill/Jo Bonnier et de John Surtees/Lorenzo Bandini) mais première des GT devant deux 250 GTO (Lucien Bianchi/Jean Blaton et Innes Ireland et Tonny Maggs).
Mais dès janvier 1965, Ford reprend des couleurs... aux USA. Aux 2 000 km de Daytona la Ford GT40 Mk II gonflée à 7 litres (?) de cylindrée remporte la première place, et la seconde place aux 12 Heures de Sebring. Particularité : elle a été "préparée" par... Carroll Shelby qui va prendre en mains les modèles suivants, appelé par Ford à transformer un échec en réussite. Raisonnable, il convainc facilement la direction de ne pas participer au Mans 1965, et y glisse plutôt un de ces propres modèles ; le fameux coupé "Cobra-Daytona", dont un exemplaire s'empare d'une fort honorable 8eme place, piloté par Jack Sears et Dick Thompson, juste derrière deux Ferrari, une 250LM (6eme) et une 365P Spyder (5eme). Les trois premières voitures étant... des Ferrari (250 LM et 275 GTB) devant 2 Porsche (904). La Cobra-Daytona atteignait les 305 km/h... on la reverra jusqu'en 1968 au Mans ! La méthode appliquée par Shelby sur les Ford a été simple : il a refait le coup de la Cobra, en imposant un bloc moteur gigantesque, le modèle 427 de la gamme Falcon... qui au début va souffrir de problèmes de transmission, au point que Ford devra imaginer une boîte de vitesse tout neuve, baptisée Kar Kraft T44 pour founir à l'essieu arrière la puissance du moteur (central) de ce qui est déjà la GT 40 Mk II. A l'arrière, désormais, la GT 40 ressemble davantage à un cauchemar de plombier qu'à autre chose. A partir de ce modèle, toutes les variantes suivantes (Mk III et MK IV) seront radicalement différentes les unes des autres et non des extrapolations des modèles existants : à la fin de la série, ça n'a plus rien à voir avec le premier modèle, et ça ressemble plutôt... à des Ferrari, en plus "carré"..
Ford est prêt à attaquer Le Mans en 1966 : lorsqu'il revient, après une année d'absence, c'est manifestement pour y gagner : il aligne 8 GT 40. Ce sera une large victoire. Avec ces monstres de 7 litres et 475 ch, les Mark KII, la marque au logo bleu franchit la ligne d'arrivée triomphalement, avec trois modèles (ici lors d'un anniversaire !), ce qui provoque une discussion au sein des organistateurs : "La solution qui est retenue est de faire franchir la ligne d’arrivée aux trois équipages en même temps. L’automobile Club de L’Ouest, qui à eut vent de cette décision, informe Ford peu avant l’arrivée que la position des voitures sur la grille de départ sera prise en compte pour déterminer le classement final de l’épreuve. Miles, pilote de la troisième voiture, n’accepte pas cette solution et ralenti quelques mètres avant l’arrivée en signe de protestation, laissant le sacre à l’équipage McLaren/Amon". A noter que cette année là, c'est Porsche qui pointe le museau derrière, et non plus Ferrari, qui ont renoncé à la participation officielle, avec des 906 qui prennent les 4 places suivantes. 15 voitures seulement finissent la course ! Et 13 Ford figurent parmi des 20 premières places !L'autre problème est le danger encouru avec de telles puissances : "Les vitesses atteintes sont alors si élevées qu’elles provoquent une modification des règles de course en 1968. Les prototypes devront désormais se limiter à des moteur 3.0 L, comme en F1. Cette modification touche entres autres, les Ferrari 330P V12, la Chaparral et la Ford GT Mk IV. Une dérogation est autorisée pour les véhicules déjà construits à plus de 50 exemplaires (GT 40 et Lola T70 par exemple) qui sont autorisés à un maximum de 5.0 L". Résultat, Ford revient en 1967 avec un modèle totalement différent, toujours chapeauté par Shelby.
Pour 1967, ou les monstres de 7 litres ont encore le droit de concourir, le danger Ferrari est loin d'être écarté : la firme de Modène a montré un prototype P4 qui promet beaucoup : on s'achemine vers la "course du siècle" pour cette édition où les deux grand rivaux seront présents en masse. Résultat, les lourdes Mk II sont à mettre au rencart. Ford va essayer un modèle bien particulier, fortement allégé, le modèle J, qui semblait assez extraordinaire sur le papier avec une aérodynamique fort léchée. La revue Mécanique Populaire la propose en maquette en annonçant en même temps la Mustang de Shelby. Elle est monocoque en nid d'abeille, et rompt avec tout ce que Ford a fait auparavant. Elle pèse 140 kg de moins que le modèle précédent.
Mais la "J" va beaucoup décevoir. "Lors d’une séance d’essai à Riverside en aout 1966, une de ces voitures sort brutalement de la piste, le châssis se brise lors du choc, l’ensemble de la voiture prend feu en tuant Ken Miles qui était au volant. C’est un problème aérodynamique qui est mis en cause, l’absence de spoiler conjugué avec une mauvaise conception du fond plat ayant entrainé le soulèvement de la voiture à l’origine de la sortie de piste" . Un tel échec, un an avant le Mans, oblige Ford a revoir tous ses plans. Le projet J, dont les déboires rappellent trop ceux de la Mark I, est purement et simplement abandonné. Résultat, Ford se retrouve au Mans avec un "mix" de trois modèles différents engagés : quatre Mk IV, trois Mk II et trois Mk I. la Mark IV est du pur bricolage à la Shelby : elle a gardé le châssis en nid d'abeille, mais on lui a rajouté une armature tubulaire censée protéger le pilote en cas de crash. L'aérodynamique est repensée et l'engin, toujours doté de son 7 litres fonce à plus de 340 km/h dans les Hunaudières, où elle avale toutes ses concurrentes. Le renforcement de la cellule sauvera la vie de Mario Andretti, victime d'une très violente sortie de route lors de la course. La GT40 Mk IV numéro 1 d'A. J. Foyt, vétéran dess courses 'Indy", et Dan Gurney tuera la course, car elle sera en tête de bout en bout, pendant toute l'épreuve, et gagnera même avec quatre tours d'avance sur le second, une Ferrari pilotée par Scarfiotti et Parkes... dont le nouveau moteur V12 a été limité en puissance pure pour tenir les 24 heures. La course est aussi marquée par les Chaparral de Jim Hall, dont l'énorme aileron intrigue les spectateurs.
http://www.carrollshelby.com/#/1923-1951
histoire de Shelby jusque 1992 ici :
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