Dominique Strauss-Kahn : « la BCE est surpuissante et n’a pas de contrepoids politique » : Commentaire
Je viens de lire l’interview ci-dessous du patron du FMI, M. Dominique Strauss-Kahn et elle m’inspire tellement que je n’ai pas pu m’empêcher de donner mon avis point par point.
(Extraits de l’article Dominique Strauss-Kahn : "la BCE est surpuissante et n’a pas de contrepoids politique" publié dans Le Monde le 03/03/2008 en italique).
Tout d’abord laissez-moi vous féliciter : bravo Monsieur ! Car après avoir claironné il y a un mois tout juste que la crise des subprimes n’était somme toute qu’une turbulence passagère, votre leçon d’économie me laisse sans voix tant elle est si merveilleusement consensuelle et pleine de non-sens.
(Le Monde) Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI) depuis le 1er novembre 2007, a achevé, le 2 mars, un voyage en Afrique, où l’inflation fait plus de dégâts qu’en Europe. Pour lutter contre ce fléau, il préconise une augmentation des surfaces cultivées, une réduction des taxes sur les produits de base et des subventions temporaires. Une première pour le FMI.
En France, l’inflation à +2,8 % suscite un vif débat sur le contrôle les prix. Au Burkina Faso, elle aurait atteint 67 % en deux mois et a provoqué des émeutes, le 28 février. Pourquoi ce retour global de la hausse des prix ?
Il faut comprendre ce qui s’est passé. L’inflation est partie de la hausse des prix de l’énergie, poussée par une demande de plus en plus forte des pays émergents alors que la production de pétrole peine à suivre. On peut penser que le ralentissement économique en cours amorcera une baisse des prix du pétrole ; le FMI ne prévoit pas d’explosion du prix du baril.
Sur la demande de plus en plus forte du pétrole, petit détour du circuit classique du cercle de production/consommation d’un pays comme le Burkina Faso dont Monsieur parle plus bas : le Burkina Faso est le premier producteur de coton d’Afrique. Le coton est une culture d’exportation dont la culture est largement encouragée par le FMI... Pourquoi ? Pour fournir de la matière première peu chère dont le prix sera négocié sur une bourse spécialisée basée à New York. Lorsque les cours ne sont pas entretenus artificiellement aux profits de quatre ou cinq grandes multinationales qui spéculent dessus, le prix est influencé par l’offre et la demande classique. Ce coton du Burkina Faso sera ensuite acheté par les pays asiatiques qui, en vertu du modèle de taylorisation propre à la théorie libérale dominante actuelle, sera travaillé dans les ateliers du monde chinois, avant d’être revendu en Europe, ou avec des vêtements d’occasion européens échouant finalement dans les pays africains, dont le Burkina Faso. Comme circuit économisant l’énergie, on a connu mieux... Le Burkina Faso pourrait fabriquer lui-même ses tee-shirts en coton diront les gens sensés !? Non justement le FMI et la Banque mondiale préfèrent encourager l’exportation de matière brute au détriment de la mise en place d’une industrie secondaire... Logique n’est-ce pas !? Sans doute que non, mais très logique financièrement pour les multinationales qui contrôlent la production de coton en Afrique et fournissent d’ailleurs les OGM et intrants (engrais et pesticides) pour cultiver ces cultures.
Et ce n’est pas le soi-disant ralentissement économique qui générera une baisse sensible des prix du pétrole, car son prix est doublement indexé sur la spéculation et sa raréfaction... et grande chance pour les écolos, moins pour les autres, la production de pétrole ne sera pas infinie, et en tout cas elle est constante avec une demande qui ne baissera pas à mesure que les pays s’industrialisent...
(Le Monde) La deuxième cause de cette inflation est d’origine agricole. L’offre a été réduite par des phénomènes naturels, comme la sécheresse de 2007. Dans le même temps, la production a été rendue plus onéreuse en raison de la hausse des coûts de l’énergie et des engrais. On a aussi constaté une propension à consommer plus de produits alimentaires en Chine et en Inde, et l’on ne peut que s’en réjouir ! Et puis, il y a eu la ruée sur les biocarburants, qui représentent la moitié de la croissance de la demande de maïs et de soja.
Ces pressions ont provoqué une inflation forte qui atteint, dans les pays du Sahel, un taux à deux chiffres. Je ne suis pas surpris qu’il y ait des réactions dans les pays développés, et plus encore dans les pays pauvres où la survie des populations est en question.
L’offre a été réduite par des phénomènes naturels, comme la sécheresse de 2007. Eh oui si les sécheresses étaient des phénomènes naturels voici encore pas longtemps de cela, il semblerait que le réchauffement climatique soit moins naturel que vous pourriez le penser, et les sécheresses plus fréquentes, de quoi s’inquiéter en effet sur le phénomène d’inflation des matières premières...
Et la production rendue plus onéreuse par la hausse des coûts de l’énergie et des engrais. Sur les engrais tous les producteurs s’approvisionnent auprès de la poignée de multinationales oligopolistiques qui leur vendent les semences, dont les OGM, et les prix ne vont généralement pas dans le sens de la baisse lorsqu’il n’y a plus de concurrence réelle... Leçon économique élémentaire. Et pourtant qui a encouragé ces concentrations sinon les politiques zélées des théoriciens de la mondialisation du FMI et de la Banque mondiale !?
Et le resserrement du crédit au niveau mondial et donc la baisse des liquidités sur fond d’effondrement du dollar, monnaie de cotation des ressources d’exportation de ces pays n’ont pas fini de leur faire supporter le poids de l’inflation. Explications : si le dollar baisse, les cultures d’exportation, par exemple le coton du Burkina Faso rapportent moins aux producteurs locaux, qui sont obligés de payer plus cher des produits alimentaires importés d’Asie ou d’Europe, où les monnaies sont plus chères...
Que faire ?
(Le Monde) A long terme, développer les surfaces agricoles. Dans certains pays comme le Nigeria, jadis exportateur de produits agricoles, mais qui les a délaissés au profit du seul pétrole, il faut réfléchir à une nouvelle diversification dans l’agriculture.
A court terme, il faut éviter deux écueils : le contrôle des prix qui oblige à vendre sur la base d’un faux prix, ce qui décourage les producteurs quand il faudrait les inciter à produire ; le credo selon lequel on pourrait lutter contre des hausses de prix de ce type uniquement par une politique monétaire restrictive.
C’est ça, évitons l’écueil du contrôle des prix, par exemple vendre plus cher en produisant un peu moins, ce qui réduirait d’autant l’offre et ferait remonter les prix... et permettrait aux producteurs burkinabés de gagner un peu plus d’argent ! Tout en diversifiant leurs productions agricoles vers des cultures vivrières ou l’élevage, et leur permettrait d’abord d’être moins dépendants des engrais, semences et intrants inflationnistes des multinationales et d’éviter d’acheter du lait en poudre d’importation par exemple (voir ci-dessous). Logique !?
(Le Monde) En revanche, les gouvernements peuvent accepter des pertes de recettes temporaires pour rendre la situation plus supportable. Par exemple, le Burkina Faso a suspendu, le 27 février, les droits de douane sur le riz et le lait en poudre. Quant aux pays développés, ils peuvent créer un impôt "flottant" sur les hydrocarbures pour que l’Etat ne contribue pas à augmenter leur prix par sa fiscalité.
La subvention peut même être légitime en période de crise : le FMI a conseillé au gouvernement sénégalais d’accorder des subventions pour le riz et de créer un filet de sécurité alimentaire en faveur des plus pauvres. Mais accorder des subventions, c’est sacrifier le futur au présent, parce que c’est autant de moins pour l’investissement.
C’est quand même incroyable que ces pays soient ainsi contraints de réduire leurs droits de douane avec toutes les rentrées en moins générées pour le pays pour pouvoir corriger les excès d’un système que Monsieur ne dénonce même pas... Evidemment, il est au coeur de ce gâchis. Et sur le fait d’accorder des subventions, quand on connaît l’importance qu’elles représentent pour la France uniquement (50 % du budget de la PAC), ça serait risible si la situation dans ces pays n’était pas dramatique !!? Chapeau Monsieur le directeur.
Peut-on corriger le désordre monétaire actuel ?
(Le Monde) Nous observons de grandes distorsions entre les monnaies. Le yuan et le yen sont sous-évalués, l’euro est surévalué et le dollar est entre les deux. Nous alertons les gouvernements pour qu’ils corrigent ces déséquilibres, et nous voyons avec plaisir que les autorités chinoises acceptent progressivement un taux de change plus réaliste, dans leur propre intérêt. Mais le retour à l’équilibre ne relève pas d’une seule monnaie.
Le problème de l’euro est que la Banque centrale européenne (BCE), qui fait bien son travail pour contenir l’inflation, est surpuissante : elle n’a pas de contre-poids politique en la personne d’un vrai ministre européen des Finances qui serait en charge de la croissance.
Ah la sacro-sainte croissance, ça faisait longtemps... pour la BCE aussi d’ailleurs, il semblerait que Monsieur veuille ici faire plaisir à ses mécènes, les Etats-Unis et Sarkozy. Il est vrai que depuis que la BCE a refusé d’aller dans le sens de la Fed elle est pas mal critiquée de l’autre côté de l’Altlantique ! Refuser de payer les erreurs des autres c’est une réaction plutôt logique quand on est celui qui n’a pas commis l’erreur... C’est peut-être pour ça d’ailleurs qu’il y a des émeutes au Burkina Faso en ce moment...
Pourquoi avez-vous préconisé une relance budgétaire mondiale ?
(Le Monde) La situation est sérieuse. Si la crise des subprimes et les difficultés potentielles des réassureurs américains contaminent encore plus gravement l’économie réelle en faisant chuter la confiance et la consommation aux Etats-Unis, tous les pays du monde en feront les frais. Une première ligne de défense a été mise en place par la Réserve fédérale américaine et la BCE : elles ont apporté des liquidités pour éviter une crise. Je propose une deuxième ligne de défense : les pays qui ont des finances publiques saines pourraient favoriser et décider la mise en place de stimulations budgétaires, au moment opportun et de façon ciblée et temporaire.
Ah enfin on reconnaît que la situation est grave..., pardon sérieuse, ça passe mieux !?
Quels sont les pays qui pourraient participer à une telle relance ?
(Le Monde) L’Inde a dit y être prête. La Chine, qui mise de plus en plus sur sa consommation intérieure et moins sur ses exportations et les Etats pétroliers, bien sûr. Le FMI a calculé que les pays ayant les moyens de cet effort représentaient entre 20 % et 25 % de la richesse mondiale. Avec le plan de relance de 153 milliards de dollars (100 milliards d’euros) décidé par les Etats-Unis, cette stimulation pourrait concerner près de la moitié de la planète. Aux crises mondiales qu’entraîne la mondialisation, il faut des réponses planétaires.
On s’étonne de ma proposition, car on persiste à voir dans le FMI un organisme qui ne prêche que des sacrifices. Notre approbation des subventions au Sénégal - ce n’est pas une première - et ce projet de stimulation mondiale prouvent que le FMI ne demande pas systématiquement de se serrer la ceinture !
Bravo !!! 153 milliards de $, soit 100 milliards d’€ (bientôt 75 si ça continue comme ça...) évidemment il fallait y penser !!? Combien représente le montant des échanges mondiaux déjà, 10, 100, 1000 fois plus... ? Combien de dizaine de milliers de milliards de dollars uniquement pour la dette américaine déjà ???
Eh oui, je m’étonne de vos propositions... mais pour être honnête plus vraiment en fait !
Membre de Newropeans
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