DROIT DE VOTE un pas en avant, deux pas en arrière
Il y a pire que ne pas tenir ses promesses : faire des promesses en sachant qu'on ne les tiendra pas. Avec ses dernières déclarations sur le droit de vote des résidents étrangers aux élections municipales, François Hollande semble l'avoir compris. C'est pourquoi, il n'a rien promis sur le droit de vote des résidents étrangers non communautaires.
En 1981, dans la 80ème proposition de François Mitterrand pour la France, il y avait : « Droit de vote aux élections municipales après cinq ans de présence sur le territoire français ». François Mitterrand n'a pas mené à bien cette réforme en déplorant « personnellement que l’état de nos mœurs ne nous la permette pas ».
Depuis « l'état des mœurs » a bien changé : lors des sondages réalisés depuis 1999 par la Lettre de la citoyenneté, les personnes interrogées se sont déclarées favorables, 9 fois sur 12 , y compris ce mois-ci - sondage à paraître - à l'extension du droit de vote pour les élections municipales et européennes aux résidents étrangers non communautaires,. Et ce, malgré la xénophobie entretenue, depuis 10 ans au moins, par les gouvernements.
Dans son 50ème engagement, le candidat François Hollande a mis : « J’accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans ». Avec un double abus de langage ! Car la formulation suggère l'attribution du droit de vote, à tous les étrangers, communautaires et extra-communautaires, pour les élections locales donc municipales, cantonales, régionales... Quand l'intention était beaucoup plus limitée : l'extension aux étrangers non communautaires du droit de vote pour les seules élections municipales qu'ont déjà les communautaires.
Pour mener à bien une telle réforme, il faut une modification de la Constitution soit par un référendum, soit par un projet de loi constitutionnelle voté dans les mêmes termes à l'Assemblée nationale et au Sénat et, en plus, adopté par une une majorité des 3/5èmes de ces 2 assemblées réunies en Congrès.
Cette réforme avait annoncée pour 2013 et les 2 procédures avaient été envisagées. Faute d'une majorité qualifiée assurée au Congrès, le Premier ministre a été chargé de sonder les parlementaires de droite ou du centre qui pourraient fournir le complément de voix nécessaires. Il n'était pas sorcier de prévoir son échec après le vote d'une proposition de loi sur la question au Sénat : aucun sénateur centriste ou de droite n'a voté en faveur de ce texte.
En novembre, le président déclarait : « Présenter un texte avec le risque de diviser les Français pour au bout du compte ne pas le faire passer : je m’y refuse. ». Division qu'il n'a pas refusée, avec succès il est vrai, pour le « mariage pour tous » car « la France est capable d’assumer de grands débats sur des questions de société. » La promesse du droit de vote semblait enterrée.
Lors de la dernière conférence de presse, François Hollande, reprenant la question, a voulu montrer que l'idée, sinon le projet, n'était pas abandonnée. Mais il a avancé un nouveau prétexte pour reculer : « Je ne veux pas donner l’impression que nous chercherions avant les municipales à utiliser cette question du droit de vote des étrangers pour entretenir je ne sais quel malentendu ». Après les municipales de 2014, « comme il n’y aura plus d’enjeu », un texte « sera soumis au Parlement et le Parlement en fera l’adoption s’il le souhaite ». Les circonstances, le rapport de forces seront-ils plus favorables pour autant ?
De l'engagement « j'accorderai... » du candidat, le président de la République se défausse sur le Parlement et n'engagera cette réforme que s'il est assuré d'avoir une majorité suffisante au Parlement : "Ce n'est pas le président de la République qui décide du droit de vote. Aujourd'hui, cette majorité n'est pas constituée, et donc j'ai dit au gouvernement qu'il travaille pour constituer cette majorité".
Comment espérer que cette majorité sera constituée après les élections municipales du printemps et surtout des sénatoriales de septembre 2014 ? Car il sera toujours nécessaire d'avoir une majorité qualifiée pour modifier la Constitution par voie parlementaire.
La dernière élection des sénateurs a été un succès plus fort que prévu pour la gauche, ce qui lui a permis, pour la première fois sous la Vème République, d'avoir la majorité au Sénat. Il est fort probable que la majorité gouvernementale n'améliorera pas sa représentation au Sénat à cette occasion, loin de là.
Comment obtenir une majorité qualifiée au Congrès ? Comment obtenir un appui significatif des élus centristes ou de droite favorables au droit de vote ?
Cet ajournement ressemble beaucoup à un renoncement. A moins que François Hollande envisage, à l'occasion d'un important remaniement, un grand marchandage avec le centre ! Dont certains éléments, dans le passé, ont déclaré être favorables à cette réforme.
La voie parlementaire étant pour le moins incertaine, reste le référendum et, 30 ans après Mitterrand, « l'état des moeurs ». "Si nous n'aboutissons pas par la voie parlementaire, je verrai dans quel état est la société pour éventuellement aller dans cette direction...Mais aujourd'hui, ce n'est pas mon intention ». François Hollande n'a pas cédé sur le « mariage pour tous » malgré une opposition virulente mais qui n'a pas réussi à entraîner l'opinion publique. Osera-t-il demain faire pour le droit de vote ce qu'il ne fait pas aujourd'hui « présenter un texte avec le risque de diviser les Français » ? Ou pense-t-il ne faire passer que des réformes qui ne divisent pas les Français ?
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