Eau pour tous, tous pour l’eau !
Réflexion au retour du forum « Quand l’eau révèle le monde » organisé par Libération, samedi 14 janvier 2017.
L’eau est un bien commun hors du commun. Elle est origine et véhicule de toute vie, moyen de purification, puissance de régénération.
Les eaux présentent l’infinité des possibles, elles contiennent tout le virtuel, l’informel, le germe des germes, toutes les promesses de développement, mais aussi toutes les menaces d’extinction.
C’est quand le puits est sec que l’eau devient richesse, dit le proverbe.
Est-il besoin de le rappeler ?
La quantité d’eau globale sur la Terre est fixe, mais sa consommation croissante, sa surexploitation, son gaspillage, associés à la pollution et au changement climatique, entraînent une pénurie hydrique de plus en plus fatale.
La gestion de l’eau, ressource primordiale de plus en plus menacée, suscite, du local au global, différentes problématiques dont la résolution engage l’avenir de la planète bleue et de tous les êtres vivants qu’elle héberge temporairement.
Dès lors, « que faire », « qui fait quoi », « pourquoi », « pour qui » et « comment » ?
Relever le défi de l’eau est avant tout une question de volonté politique pour une meilleure hydro-gouvernance mondiale. Cela dépend aussi beaucoup d’une montée de conscience humanitaire et planétaire en chacun.
« L’eau est le miroir de notre avenir. » Gaston Bachelard

Une fosse abyssale existe entre l’importance vitale du thème de l’eau et le faible niveau de connaissance que les citoyens en ont, y compris dans les sphères politiques, et ce malgré la multiplication depuis une vingtaine d’années de conférences, colloques, publications, expositions, festivals… et autres manifestations telles la Journée Mondiale de l’Eau créée par l’ONU et la Semaine Mondiale de l’Eau de Stockholm. 1
L’eau, grand mystère de la vie, est un sujet à la fois très simple parce qu’inné et d’une haute complexité aux plans géopolitique, juridique et technique. Concernant ses différents usages, domestiques et autres, sa difficulté d’appréhension est accrue par l’existence d’une multiplicité d’acteurs situés à différents échelons institutionnels et fonctionnels.
« Le secteur de l’eau dépend d’une gouvernance à plusieurs niveaux impliquant différents acteurs, privés comme publics, à l’échelle locale, régionale et même planétaire. Complexe et monopolistique (90 % des réseaux de distribution d’eau sont dirigés par de grandes entreprises privées), ce secteur à forte intensité capitalistique conditionne de nombreux autres domaines tels que l’énergie, la santé, l’agriculture et la biodiversité. La demande d’eau concerne tous les secteurs, régions et populations, au-delà des frontières géographiques et temporelles. En premier lieu, il faut s’attaquer au déficit d’information publique, en expliquant comment l’eau est gérée, par qui et à quel coût. » 2
La sensibilisation des citoyens à la crise de l’eau mérite d’être l’un des axes fondamentaux de la politique de formation et d'information de la population en matière d’environnement et de développement durable.
Il importe par exemple que tous les citoyens sachent, comme l’a bien rappelé Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France, que la consommation carnée a un impact écologique néfaste, notamment sur l’eau. En effet, l’élevage industriel, outre le fait d’être la principale cause d’émission de gaz à effet de serre dans le monde, avant l’ensemble du secteur des transports, de favoriser la déforestation, du fait du manque de pâturages et du besoin de cultures fourragères pour nourrir les animaux, est par ailleurs une importante source de pollution des nappes phréatiques, de l’acidification des océans, etc. Enfin, rappelons qu’il faut 15 000 litres d’eau pour produire un seul kilo de viande de bœuf.
C’est pourquoi on peut féliciter le journal Libération d’avoir eu la bonne idée d’organiser un forum sur l’eau samedi dernier, 14 janvier, pour tenter de contribuer à apporter quelques réponses aux multiples questions que pose la crise de l’eau.
Le but ici n’est pas de paraphraser les intervenants et les journalistes car le lecteur peut se reporter directement aux vidéos des débats et textes en ligne 3 mais d’ouvrir un champ de vision personnel, parmi d’autres.
Que nous inspire ce forum sur l’eau ?
Tout d’abord je tiens à exprimer ma fierté d’avoir réussi, du début à la fin des débats, à survivre en milieu hostile, à savoir dans une grande salle surpeuplée, surchauffée, sans une goutte d’eau à boire. (Un contexte surréaliste pour une journée d’échanges axée sur l’eau et le développement durable).
A croire que les organisateurs du forum ont voulu plonger le public dans un stress hydrique intense (les mises en situation expérientielles sont à la mode) afin qu’il assimile parfaitement les tenants et aboutissants des informations délivrées et commence à se préparer physiquement et psychologiquement à l’avenir.
Seuls les intervenants avaient droit à de l’eau, mais de l’eau embouteillée, ce qui n’a pas été du goût de Yannick Jadot. Aucune fontaine à eau en vue. Et Célia Blauel, adjointe à la mairie de Paris en charge du développement durable, très fière de présenter la carafe Eau de Paris créée par le designer Pierre Charpin n’avait pas pensé à en faire cadeau au public ce jour-là, même du modèle le plus simple.
Heureusement samedi, entre gens civilisés, la guerre de l’eau n’a pas eu lieu mais tout de même, à la fin, la maxime citée par Laurent Joffrin dans son édito, « Plus d’eau pour moins de sang » était dans toutes les têtes.
Après cette petite pointe d’humour, passons au résumé de la journée.
Si l’on veut la paix pour l’eau et l’eau pour la paix, il va falloir semble-t-il lutter de plus en plus, car :
- la bataille du droit universel à l’eau n’est pas encore gagnée, même en France,
- la raréfaction de l’eau s’aggrave dans le monde,
- l’eau devient de plus en plus une source de conflits.
La guerre de l’eau
Comme cela a été prédit depuis longtemps, les conflits d’usage autour des ressources naturelles se multiplient en ce 21ème siècle.
Je commence à écrire cet article alors que l’AFP annonce que de violents combats opposent ce dimanche les forces du régime syrien aux rebelles près de Damas, prolongeant ainsi les pénuries d'eau dans la capitale, une semaine avant le lancement de négociations de paix désormais soutenues par l'opposition politique. Malgré l'entrée en vigueur de la trêve le 30 décembre entre régime et rebelles, des combats on lieu depuis plusieurs semaines en Syrie dans la région de Wadi Barada. Cette région abrite la principale structure d'alimentation en eau de la capitale, qui a été endommagée par les combats, faisant subir aux 5,5 millions d'habitants de Damas et de sa région d'importantes pénuries d'eau depuis le 22 décembre.
En 2010, Jacques Chirac voyait que « la tension autour de l’eau devient menaçante dans les bassins du Nil, du Mékong ou de l’Euphrate. La question des fleuves et des nappes aquifères transfrontalières va devenir un thème majeur pour la diplomatie mondiale ». « Tout indique que la question de l’eau dans le monde va s’aggraver. Ce n’est pas tellement la ressource qui manque. C’est la demande qui va augmenter constamment au cours de ce siècle. D’ici 2050, la population mondiale va progresser de 50% et la demande d’eau bien plus encore, pour nourrir ces trois milliards d’êtres humains supplémentaires. Les aléas climatiques ne vont pas faciliter les choses en désorganisant les productions agricoles. » 4
Disons-le clairement, la limitation de la démographie mondiale galopante est l’un des immenses défis à résoudre rapidement par l’humanité.
On comprend mieux, entre autres catastrophes annoncées, pourquoi Barack Obama et le Pape François congratulent Leonardo DiCaprio dans son film documentaire, Avant le déluge, le remerciant chaudement de prévenir l’humanité de ce qui l’attend (à court ou moyen terme ?).
La marchandisation de l’eau
Dans sa lettre encyclique sur la sauvegarde de la maison commune, Laudato Si, que le pape François remet à Leonardo DiCaprio en remerciement de son livre sur Jérôme Bosch (échange de bons procédés), on peut lire ceci :
« Tandis que la qualité de l’eau disponible se détériore constamment, il y a une tendance croissante, à certains endroits, à privatiser cette ressource limitée, transformée en marchandise sujette aux lois du marché. En réalité, l’accès à l’eau potable et sûre est un droit humain primordial, fondamental et universel, parce qu’il détermine la survie des personnes, et par conséquent il est une condition pour l’exercice des autres droits humains. Ce monde a une grave dette sociale envers les pauvres qui n’ont pas accès à l’eau potable, parce que c’est leur nier le droit à la vie, enraciné dans leur dignité inaliénable. Cette dette se règle en partie par des apports économiques conséquents pour fournir l’eau potable et l’hygiène aux plus pauvres. Mais on observe le gaspillage d’eau, non seulement dans les pays développés, mais aussi dans les pays les moins développés qui possèdent de grandes réserves. Cela montre que le problème de l’eau est en partie une question éducative et culturelle, parce que la conscience de la gravité de ces conduites, dans un contexte de grande injustice, manque. »
Et ceci :
« Une grande pénurie d’eau provoquera l’augmentation du coût des aliments comme celle du coût de différents produits qui dépendent de son utilisation. Certaines études ont alerté sur la possibilité de souffrir d’une pénurie aiguë d’eau dans quelques décennies, si on n’agit pas en urgence. Les impacts sur l’environnement pourraient affecter des milliers de millions de personnes, et il est prévisible que le contrôle de l’eau par de grandes entreprises mondiales deviendra l’une des principales sources de conflits de ce siècle. » 5
Ainsi, en Italie, Don Camillo et Peppone sont encouragés par le Pape à s’allier pour lutter contre la main mise capitaliste sur l’eau par les multinationales, à s’engager dans les luttes pour la republicisation de l’eau, et en France, Libération affiche Véolia comme le partenaire de son Forum « Quand l’eau révèle le monde ». Hallucination ? Sans doute les effets de la déshydratation qui commence à se faire sentir dans mon cerveau.
Finalement le seul point de vue positif à retenir du forum n’est-il pas celui d’Antoine Frérot, le PDG de Véolia, qui nous assure que « La manière de gérer l'eau en France est le meilleur rapport qualité prix au monde » et qui nous apprend que Véolia émet 35 millions de factures par an (facture moyenne pour une famille française : 300 euros). Cette information a fait du bien à tout le monde. Au fond, de quoi se plaint-on sur cette planète bleue ?
Dans le dernier débat, l’océanographe Laurent Labeyrie, a rebondi sur ces propos et rappelé que la France est très bien pourvue en eau et que la gestion de l’eau n’est pas meilleure dans notre pays mais simplement beaucoup plus facile qu’ailleurs.
Antoine Frérot vante la haute technologie de Véolia, sa grande technicité, certes réelles. Il faut dire que c’est possible d’avoir un service Recherche et Développement de pointe quand on brasse environ 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an dont 3 milliards d'euros réalisés par la branche Eau France de Véolia (Chiffres clés 2015).
Il n’en demeure pas moins que l’octroi à des entreprises privées d’un tel pouvoir sur l’eau est risqué. C’est la porte ouverte à la corruption et à d’autres dérives.
Pensons par exemple aux deux hauts cadres de l'activité Eau de Veolia en France qui ont été mis à pied fin novembre 2016 après la révélation par Mediapart qu'ils étaient devenus actionnaires d'une petite société ayant obtenu un important contrat du groupe français. L'affaire remonte à la fin 2014. Veolia signe alors un contrat avec la société Olky Payment Service Provider, basée au Luxembourg, pour la gestion pendant sept ans de la facturation de la plupart de ses services d'eau en France. En 2015, cette société lance une augmentation de capital, à laquelle ont souscrit les deux hauts responsables de Véolia, l’un via une société qu'il dirige, et l’autre, grâce à un mécanisme plus complexe, détaille Mediapart. 6
« Lorsqu’il a été informé de cette affaire, Antoine Frérot, le PDG de Veolia, n’y a pas cru. Puis devant l’accumulation des preuves, il a bien fallu se rendre à l’évidence : Veolia Eau était victime d’une fraude massive de la part de certains de ses dirigeants. »
Néanmoins, Véolia ou ses homologues n’ont pas à s’en faire. « Notre plan stratégique 2016-2018 nous permettra d’amplifier notre croissance tout en renforçant notre profitabilité » annonce Antoine Frérot dans le Rapport d’activité et de développement durable de Véolia 2015. A noter, le slogan de Véolia est : « Ressourcer le monde ».
Citée par Yannick Jadot dans sa tribune, Danielle Mitterrand, fondatrice de la Fondation France Libertés, résumait bien la situation : « La marchandisation signifie que lorsque nous mettons sur une table deux verres pleins d’eau, l’un géré par une multinationale et l’autre par le service public, 1/3 du verre de la multinationale sert à rétribuer des actionnaires, alors que le service public consacre les trois tiers au service de l’eau, sans profit ».
Il y a 9 ans, en février 2008, j’avais eu le bonheur d’assister à une conférence de Danielle Mitterrand organisée par la mairie du 2ème arrondissement de Paris dont Jacques Boutault était déjà aux manettes. La conférence avait pour thème « L’eau en partage : un enjeu planétaire ». Etaient présents également Catherine Legna, Directrice de la fondation France Libertés, et Riccardo Pettrela, alors président de l’université européenne de l’environnement, initiateur de la Charte mondiale de l’eau. Impressionnée par ce que j’avais appris ce soir-là, j’ai toujours conservé mes notes. Je trouve utile aujourd’hui d’en exhumer quelques unes pour les porter à la connaissance des lecteurs de cette chronique :
Le combat de l’eau est encore plus dramatique aujourd’hui qu’il y a 20 ans. Plus l’eau devient rare, plus elle devient rentable pour ceux qui veulent en tirer profit.
Les fleuves étaient les reins, les nettoyeurs de la Terre, la planète entière va maintenant être mise en dialyse. De fait, trois seules solutions sont proposées par les « Dominants » : dessalement de l’eau de mer, nouveaux types de barrage, dépuration, en ayant recours aux finances privées car l’argent public est insuffisant. On arrive à un monde qui attribue son salut aux capitaux privés.
Le droit à l’eau n’est pas un droit économique et social, c’est un droit humain, préalable à la réalisation de tous les autres droits.
Il faudrait passer du droit à l’eau au droit de l’eau.
Il faut un statut juridique international de l’eau pour mettre l’eau hors des conditions et règles du marché. C’est le premier combat à mener.
Aujourd’hui Emmanuel Poilane, directeur de la fondation France Libertés, continue le combat, réfute l'argument économique et propose une approche sociale de l'eau. « Comment un pays peut-il faire société s’il ne partage pas l’eau ? » s’interroge-t-il. « Derrière cette question se cache une dimension économique hégémonique ».
Yannick Jadot, qui appelle à renforcer le service public de l'eau, dit que, malgré les avancées du droit international et du droit français sur ce sujet, l’eau est très rarement prioritaire dans la réalité des arbitrages politiques. « L’eau est toujours délaissée au profit des intérêts économiques ».
Pour lui en tout cas c’est clair : « L'eau est un bien commun, sa gestion privée ne correspond pas toujours à l'intérêt général, la reprise en gestion publique est légitime ».
Le droit universel à l’eau
Un des grands enjeux reste la démocratie de l’eau. Le droit humain universel d’accès à l’eau potable et domestique, n’est pas garanti aujourd’hui.
La question du droit à l’eau, partout dans le monde, même pour les populations non solvables, est une question clé pour l’avenir de l’humanité.
Michel Lesage et la Fondation France Libertés nous rappellent qu’il y a urgence pour le droit d’accès à l’eau potable et à l’assainissement pour tous. Le 14 juin dernier, la proposition de loi de « mise en œuvre effective du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement » a été examinée et adoptée en 1ère lecture à l’Assemblée nationale. Elle propose notamment la mise en œuvre par les collectivités territoriales d’équipements sanitaires pour les personnes les plus vulnérables non raccordées au réseau, et la création et le financement d’une aide préventive pour l’eau pour les personnes en situation de précarité.7
C’est le premier texte déposé à l’Assemblée nationale venant d’une proposition d’un collectif de 40 associations et d’ONG dont le chef de file est la Fondation France Libertés de Danielle Mitterrand. Le texte va faire son arrivée au Sénat le 22 février prochain. Michel Lesage espère une mobilisation de la société civile pour le faire passer.
Des solutions simples et complexes comme une goutte d’eau
Ces dernières années, on note des avancées significatives des applications et des technologies disponibles pour le traitement de l’eau et la réutilisation des eaux.
On parle de plus en plus du dessalement de l’eau de mer (coûteux), de la récupération des eaux pluviales et de la limitation de l’imperméabilisation des sols (car l’imperméabilisation des sols par les constructions et la voirie entraîne de nombreuses perturbations du cycle de l’eau : augmentation du ruissellement et donc du risque d’inondations). Cependant ces projets sont encore relativement peu déployés en France. Selon Julie Lions, cheffe de projet hydrogéologue au BRGM, « le seul frein est économique. Un industriel ne participera pas si ça lui coûte trop cher ».
Jean-Claude Carrière, que j’ai eu le bonheur de rencontrer récemment, m’a relaté ceci : « J’ai été l’un des tout premiers écologistes en France et l’un des fondateurs de Terre des Hommes. J’ai soutenu Brice Lalonde qui fut le premier candidat écologiste à la présidentielle. Avec des amis, il y a déjà 20 ou 30 ans, nous avions des tas de projets, par exemple celui de créer une mer en Afrique. Le lac Tchad est desséché. Il est menacé de disparition à court terme. On n’a pas idée de la misère qui règne en Afrique centrale tant qu’on n’y est pas allé. Reconstituer une mer très agrandie, avec une part du Niger, de l’Algérie, du Tchad, créer un fleuve qui traverserait l’Afrique, pour agir sur le cycle de l’eau, transformer toute la production d’électricité africaine grâce à l’énergie solaire, transformer l’eau salée en eau douce... tout cela est techniquement possible. Mais en parler à qui ? J’ai eu l’occasion d’en toucher un mot à François Hollande mais les hommes politiques ont des préoccupations de court terme. Il manque un organisme mondial au-dessus des partis politiques. La COP 21 ou 22 ne suffit pas. Si on veut déposer un projet écologique et obtenir des partenariats, il faut qu’il rapporte de l’argent. C’est toujours l’intérêt qui prime. »
Notons au passage que l’Académie de l’Eau, dont Brice Lalonde est l’actuel président, dit qu’il faudrait créer un GIEC de la contamination du cycle de l’eau.
La mise en œuvre de systèmes de recyclage performant des eaux usées (dites eaux grises) permettant de grandes économies d'eau est de plus en plus évoquée. On verra si les grandes compagnies type Véolia et Suez poussent ces idées qui impliquent une diminution de leurs ventes (mais c’est aussi un marché qu'elles peuvent développer).
Quelle est la capacité des villes à gérer durablement l’eau ? Bruxelles et Singapour ont été citées samedi comme des modèles internationaux.
C’est à Singapour que Veolia est venu tester il y a 20 ans la première grosse usine de retraitement des eaux usées. Par ailleurs, en 2005, Singapour a mis en service une grande usine de dessalement d’eau de mer. Ainsi, 30% des besoins actuels en eau du pays sont assurés par le retraitement des eaux usées. La collecte des eaux pluviales en représente 20% et la désalinisation d'eau de mer 10%. Le reste (40%) est importé de Malaisie.
Saskia Sassen est une sociologue américaine, spécialiste de la mondialisation, qui donne des pistes pleines d’espoir pour construire de nouvelles formes de villes « liquides » à l’ère numérique. Elle nous invite en effet à considérer les villes comme de grandes productrices de « liquides » : « Quantité de liquides circulent dans les villes. Eaux de pluie, eaux qui inondent, eaux de nettoyage, dans les cuisines, les salles de bains, les restaurants… Chacun de ces usages, et bien d’autres, utilise de l’eau potable et génère des eaux usées. Ces dernières devraient être réutilisées, assignées à plusieurs utilisations in situ ou réparties dans la ville. »
Il y a un champ d’innovations extraordinaires à appliquer dans les villes, affirme-t-elle. Mais nous sommes encore trop étriqués dans notre conception de l’eau. Entre eau propre et eau sale, il faut apprendre à considérer l’eau comme une variable.
Lamya Essemlali dit très justement que la sensibilisation des autres passe par l’exemple. Il faut faire ce que l’on estime être juste et se comporter comme si l’issue du combat écologique ne dépendait que de soi.
Nous avons le pouvoir de changer la société et notre environnement par ce que nous choisissons de mettre ou non dans notre assiette, et tout simplement aussi par l’adoption d’éco-gestes, très banals mais essentiels.
Sunita Narain, directrice du Centre pour la Science et l'Environnement de New Delhi, a très clairement expliqué, il y a déjà plusieurs années, le dernier grand enjeu à relever pour réussir une gestion en commun des ressources en eau : celui de la volonté politique. A ce niveau, seul un travail pédagogique pourra être efficace. Il faut, a-t-elle dit, « construire une société qui comprenne l’importance de chaque goutte d’eau » et accepter le fait « qu’être puissant, ce n’est pas dépenser l’eau plus que de raison mais au contraire l’utiliser avec modération ».
Pascale Mottura
16 janvier 2017
« Une goutte d’eau puissante suffit pour créer un monde et pour dissoudre la nuit. Pour rêver la puissance, il n’est besoin que d’une goutte imaginée en profondeur. L’eau ainsi dynamisée est un germe ; elle donne à la vie un essor inépuisable. » Gaston Bachelard, L’eau et les rêves. Essai sur l’imagination de la matière. (1942)
Sources et pistes de réflexion
1- http://www.worldwaterforum6.org/fr/accueil/
Cf. aussi le dossier spécial réalisé par Altermondes à l’occasion du forum 2012 : « Eau : revenir aux sources du problème » : http://base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-9067.html
Le 7ème forum de l’eau a eu lieu en 2015 en Corée du Sud.
Le 8ème Forum mondial de l'eau 2018 sera organisé en 2018 par Brasilia, Brésil.
Que penser de ces forums mondiaux ?
« L’événement, qui a lieu tous les trois ans, tient à la fois du sommet politique, du salon professionnel, du rendez-vous citoyen où se retrouvent les ONG spécialisées, des rencontres scientifiques et même du festival culturel ». Martine Valo, Le Monde, 13/04/2015.
Pour consulter et télécharger le Rapport mondial 2015 de l’ONU sur la mise en valeur des ressources en eau, L’eau pour un monde durable :
2- Aziza Akhmouch, Direction de la gouvernance publique et du développement territorial de l'OCDE. Cf. « Le défi de l’eau : la réponse de l’OCDE » : http://www.oecd.org/fr/environnement/ressources/ledefideleaulareponsedelocde.htm
3- Vidéos et tribunes en ligne : http://www.liberation.fr/quand-l-eau-revele-le-monde,100685
4- Discours du Président Jacques Chirac « Eau pour tous : pour en finir avec l’inacceptable », Institut de France, Lundi 8 novembre 2010.
5- Encyclique Laudato Si : http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-si.html
6- "Chez Veolia, le banquet des fauves", par Martine Orange, 24 novembre 2016
http://data.over-blog-kiwi.com/1/48/90/59/20161124/ob_728d80_veolia-mediapart-pdf.pdf
7- Cf. proposition de loi visant à la mise en œuvre effective du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement : http://www.assembleenationale.fr/14/propositions/pion2715.asp
Michel Lesage est l’auteur du rapport sur l’évaluation de la politique de l’eau en France publié en juin 2013. Dans ce rapport il envisageait trois pistes pour répondre aux enjeux quantitatifs et qualitatifs qui se posent en France sur l’eau - décloisonner la politique de l’eau en France ;
- mieux structurer et ouvrir à l’ensemble des parties prenantes la gouvernance de l’eau ;
- mettre en place une gestion véritablement intégrée de l’eau en France.
« Nous partageons avec lui l’idée que l’eau n’est pas un élément, elle est un bien commun et nécessite « une vision politique » peut-on lire sur le site de France Libertés.
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