École primaire : une énième réforme
Comme tous les ministres de l’Éducation nationale qui l’ont précédé depuis vingt ans, Xavier Darcos annonce une réforme de l’école primaire. Il a présenté son projet à la presse le 20 février. L’objectif fixé par le président de la République est de diviser par trois, en cinq ans, le nombre d’élèves qui sortent de l’école primaire avec de graves difficultés.

Le projet de Xavier Darcos comporte cinq changements :
1. Les programmes comporteront des horaires plus simples et plus précis, définissant un horaire unique clairement identifié pour chaque discipline.
2. L’enseignement de la grammaire, du vocabulaire et de l’orthographe sera abordé de manière explicite. La récitation et la rédaction seront inscrits dans les programmes officiels. L’enseignement des mathématiques sera renforcé. L’histoire fera l’objet d’un enseignement introduisant des repères chronologiques fondés sur la connaissance des grandes dates de l’histoire de France et l’existence des personnages. La géographie permettra aux élèves de comprendre les caractéristiques de la géographie de la France dans un cadre européen et mondial.
3. Les élèves seront ouverts à d’autres formes de connaissances. Une initiation à l’histoire des arts sera introduite dès le cours préparatoire. Une éducation au développement durable sera intégrée au programme de géographie et au programme de sciences.
4. L’instruction civique et morale remplacera l’éducation civique. Cet enseignement permettra à l’enfant de découvrir progressivement les valeurs, les principes et les règles qui régissent l’organisation des relations sociales, depuis l’observation des règles élémentaires de civilité jusqu’aux règles d’organisation de la vie démocratique.
5. Une très forte cohérence sera donnée aux programmes de l’école maternelle, dont la finalité est de préparer les élèves à l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul tout en conservant sa spécificité propre.
Tout ceci est bien présenté. On reconnaît la patte d’un agrégé de lettres classiques. Mais cette prétendue réforme de l’école primaire n’aura pas plus d’effets que les précédentes, car ce qui est présenté comme un changement dans les programmes existe déjà, à quelques nuances près, dans beaucoup d’écoles. Celui qui prétendrait le contraire serait un menteur. Le ministre se moque du monde.
Une meilleure approche
Je ne conteste pas le fait, annoncé par le ministre, que 15 % des élèves quittent aujourd’hui l’école avec de graves lacunes dans la maîtrise de la lecture, de l’écriture et du calcul. C’est certainement un bon ordre de grandeur, mais il ne s’attaque pas aux causes. Je pense que les deux principales causes d’échec scolaire à l’école primaire sont, d’une part, le comportement des enseignants et, d’autre part, celui des élèves. Une institutrice, Mme Michèle Bailly, a expérimenté pendant plusieurs années une approche très intéressante qui permet d’améliorer l’un et l’autre. Avant de prendre sa retraite, elle l’a présentée dans un livre : La Qualité à l’école.
Au début de l’année scolaire, trois semaines après la rentrée, la classe est soumise à un exercice, composé de six séquences d’environ une heure chacune, dont le but est d’expliciter les idées et les motivations des élèves au sujet de leur scolarité. La maîtresse fait en sorte de comprendre et de faire comprendre les sentiments de tous les élèves. Il s’agit de répondre à six questions :
- Pourquoi êtes-vous ici ?
- Que voulez-vous faire dans cette classe ?
- Bien faire, qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
- Comment savez-vous que vous faites bien ?
- Que doit faire le professeur (le maître ou la maîtresse) pour vous aider à bien faire ?
- Comment aidez-vous le professeur (le maître ou la maîtresse) à bien faire ?
Après la discussion, la maîtresse fixe au tableau une grande feuille où elle a écrit toutes les réponses de la séquence en les regroupant par affinités. Elle suggère des phrases de synthèse. Elle cherche à obtenir un accord aussi large que possible sur quelques phrases qu’elle écrit au tableau. Elle demande à un groupe d’élèves de les recopier sur une affiche.
Les six affiches de synthèse sont visibles sur les murs de la classe pendant toute l’année.
Voici le témoignage d’une institutrice qui a fait cet exercice plusieurs années de suite dans un quartier difficile : « Je ne reconnais plus ma classe, j’ai l’impression de ne pas avoir les mêmes enfants en face de moi. Les enfants me disent aussi qu’ils ne me reconnaissent plus, qu’ils ont l’impression que la leçon est dirigée par une autre maîtresse. »
Le livre ne donne pas de pourcentage de réussite. Bien que l’expérience ait été faite de 1994 à 1998 dans une vingtaine d’écoles primaires des Yvelines, elle n’a pas été suivie par l’Éducation nationale. Je crois qu’elle est finie et oubliée. Dommage.
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