Economie - La rupture court à sa perte
Etrange réflexion de M. Attali et consorts : pour augmenter le pouvoir d’achat des Français, il faut baisser les prix dans les grandes surfaces. La rupture passe en effet par une libération de la croissance, celle-ci étant donc empêchée par des freins.
En fait, quand il parle de croissance, l’ancien sherpa de François Mitterrand veut dire économie, et quand on parle économie quel secteur le plus évocateur, le plus révélateur, le plus globalisateur que la grande distribution ?
Il nous faudrait donc croire que de la grande
distribution viendra notre salut, elle pourtant à l’origine de biens
des maux puisque principal canal de diffusion de produits issus de pays
lointains concurrençant nos propres productions.
Il nous faudrait
donc accepter que les pleins pouvoirs lui soit remis tant en termes de
fixation des prix qu’en termes de choix d’implantation.
Pour notre bien à tous, notre pouvoir d’achat et nos emplois.
Honnêtement
j’avoue que j’attendais autre chose de ce major de Polytechnique, passé
ensuite par Science Po et l’ENA que cette idée simpliste dont lui-même
ne doit pas trop savoir comment l’appliquer...
Peut-être la lui a-t-on
soufflée, me direz vous, tant il est vrai qu’Attali écrivain s’est souvent
plus qu’inspiré d’écrits existants...
Naïvement j’avais tendance à penser que, pour améliorer la croissance, il fallait redonner du pouvoir d’achat donc accroître les revenus ou baisser les charges des Français. C’est en ce sens d’ailleurs, ou ai-je mal compris, que les mieux lotis d’entre nous bénéficient du paquet fiscal. En payant moins d’impôts, ils conservent plus d’argent qu’ils vont réinjecter dans notre économie en consommant plus. J’ai déjà donné quelques résultats édifiants de ce calcul mais enfin... Pas de bol pour moi, lorsque vient mon tour de Français moyen, la donne change. Mes revenus ne croîtront pas, ce sont les prix qui vont baisser. Par quel miracle ?
Autoriser de vendre à perte créera donc de la croissance. J’ai peine à le croire. Car vendre à perte n’a d’intérêt que pour ceux qui pourront durer, durer plus que les autres, ceux qui devront mettre la clé sous la porte. Une fois seul, le vainqueur n’aura plus d’intérêt à vendre à perte et les prix... remonteront ! Où est le bénéfice ? Quel est le coût social d’une telle mesure pour un petit commerce voué à disparaître ? Et pour les villes et leur centre-ville futur désert ? Pour les fournisseurs et producteurs des GMS pressurisés ? Pour les personnels de ces entreprises payés à perte également ?
Non content de ces superbes répercussions à venir, la commission pour la libération de la croissance française ajoute un deuxième niveau de concurrence sauvage, la mise en concurrence des enseignes entre elles en libéralisant leur implantation.
Aujourd’hui les CDEC, Commission départementale d’équipement commercial, statuent sur les implantations et agrandissements avec pour credo d’anticiper l’impact sur l’économie locale et donc sont en mesure de refuser un projet qui mettrait en danger l’équilibre économique d’une zone de chalandise. Abandonner ce principe, c’est remettre en cause tout notre environnement commercial. Avec cette disparition, place à la jungle, à la guerre économique partout, avec ses vainqueurs certes mais combien de vaincus ? Jacques Delpla, membre de cette honorable commission explique que cette réforme "donnerait du pouvoir d’achat aux ménages par des baisses de prix et accroîtrait l’emploi par la création de nouveaux commerces". Pas un mot détaillant le mécanisme ni sur les conséquences, les risques, les victimes, le coût de cet ultra-libéralisme. Car après les fermetures d’usines et de petits commerces, nous aurons donc bientôt le privilège d’assister à des liquidations de GMS, secteur jusque-là préservé.
C’est vrai que nous sommes dans une société de winner
gouvernée par des winners qui veulent l’être toujours plus. Mais
faut-il donc se voiler la face encore longtemps de l’imposture et de
l’inégalité de ces mesurettes ?
"Tricher sans gagner est d’un sot", disait Voltaire, une voix sage, mais une voie à ne pas suivre !
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