Elections canadiennes

A l’heure où une victoire des conservateurs au Canada se dessine, je me dois d’exprimer mes opinions et mes craintes d’un tel changement pour le pays. Rappelons brièvement à celles et ceux qui sont peu au courant de la politique canadienne, que les élections fédérales actuelles sont anticipées. Ce sont les partis d’opposition au gouvernement, par un vote de confiance, qui ont fait « tomber » le parti au pouvoir, soit les libéraux de Paul Martin, parti à la tête du pays depuis plusieurs années. Ces partis d’opposition disaient que les libéraux avaient perdu la légitimité de gouverner, consécutivement à la commission Gomery, chargée de faire la lumière sur le scandale des commandites. Ce scandale est en lien avec des agences de communication qui auraient eu un financement « occulte » de la part des libéraux dans le but, notamment, de créer un sentiment d’unité canadienne. Les Québécois(es) souverainistes étaient donc largement les victimes de ce programme opaque... Je pourrais parler de plusieurs autres éléments en lien avec ce scandale, mais ce n’est point le but de mon texte.

Les libéraux ont donc débuté la campagne électorale dans un climat de haute tension, la population étant choquée de voir que le gouvernement les avait trompés. Les conservateurs, premier parti d’opposition, en ont profité, et leur chef, Stephen Harper, a vu ses appuis monter en flèche. A moins de trois jours du vote, les sondages donnent la victoire à ces derniers.

Cependant, je dois ici affirmer mes craintes de voir le Canada basculer vers l’extrême-droite. En effet, ce parti me fait peur. M. Harper dit vouloir le changement... Mais, pour ma part, je me dis : le changement, à quel prix ? Bien qu’il prône entre autres la diminution de la taxe fédérale, la lutte contre la criminalité et l’amélioration de soins de santé, M. Harper reste étrangement vague sur d’autres points bien connus de son propre parti. Cinq points doivent être évoqués, auxquels j’ajoute mes opinions personnelles.

Les conservateurs sont bien connus pour être proches des Etats-Unis et de leur politique. Ainsi, premièrement, je m’inquiète de voir le Canada participer au projet de bouclier anti-missile. Je crois que cette participation ferait entrer un pays considéré sur la scène internationale comme pacifiste dans la « guerre des étoiles ». Un bouclier du genre ne ferait, à mon avis, que créer un esprit de xénophobie sur le monde. Les conservateurs s’approchent des réalistes en voyant le monde extérieur comme une anarchie ; or, avoir un bouclier anti-missile ne changerait absolument rien aux attaques des terroristes, qui agissent plutôt sur le sol, par exemple avec des avions ou des bombes... De plus, on voit leur esprit guerrier lorsqu’ils disent vouloir augmenter la présence militaire en Arctique avec une présence navale, terrestre et aérienne accrue.

Deuxièmement, je me rappelle que les conservateurs constituaient le seul parti au Canada à vouloir partir en guerre en Irak avec la coalition dirigée par l’administration Bush. C’est le seul parti, au pays, pour la guerre. Nous le voyons très bien, la guerre en Irak connaît de nombreuses difficultés et est critiquée de tous côtés. Cette guerre sert en grande partie à des intérêts pro-occidentaux, notamment pro-étasuniens. Je pense qu’aller en guerre pour mettre sur pied une démocratie bidon est un paradoxe. Cette guerre ne fait que préserver la présence et la puissance des Etats-Unis dans cette région du monde. De cette façon, les disparités entre Etats se creusent, et le monde devient de plus en plus inégal et intolérant. Je ne veux pas que le Canada entre dans ce jeu égoïste.

Troisièmement, à l’instar des Etats-Unis, je me rappelle aussi l’opposition pure et dure des conservateurs au protocole de Kyoto au profit, notamment, de l’exploitation de pétrole et autres ressources énergétiques. Le réchauffement climatique est selon eux bénéfique, car il devrait ouvrir au Nord, vers 2050, (d’où le souhait d’une présence militaire accrue) un canal maritime pour le commerce entre l’Europe et l’Asie. Même si le protocole peine à donner des résultats, je crois qu’il est indispensable d’aller dans sa direction, si nous ne voulons pas faire de notre Terre une mer... Je suis prêt à restreindre la logique d’économie libérale et capitaliste pour un développement durable prenant en compte l’environnement.

Quatrièmement, les Conservateurs accumulent les gains dans un pays qui se dit souvent progressiste ! En effet, ils sont entre autres contre le mariage entre personnes de même sexe, et certains (dont M. Martin) laissent sous-entendre leurs réserves sur le droit des femmes... Le mariage entre conjoints de même sexe divise bien sûr les gens, et nous conduit à nous questionner, mais le Canada a déjà accepté cela, et ces mariages gais sont acceptés au pays depuis environ un an. Les conservateurs restent en ce moment vagues sur le sujet, mais je crois qu’un parti progressiste en politique est fort mieux qu’un parti de tradition. En restant fermé sur l’évolution des sociétés, on risque d’avoir à la tête du pays un parti prônant une idéologie stagnante, soit une idéologie condamnant la liberté de chacun (car cette liberté évolue).

Enfin, cinquièmement, j’ai peur de voir, en plus d’un dédain de la question environnementale, une baisse des fonds alloués au social et à la culture. L’économie me semble être la pierre angulaire des conservateurs. Ils disent vouloir améliorer le système de santé, or je vois à l’horizon le spectre de la privatisation. Trop « focuser » sur l’économie augmente les inégalités et alors les plus riches, monétairement mais pas nécessairement intelligemment, occuperont, le sourire aux lèvres, le sommet de la pyramide. Je ne dis pas que ces gens ne méritent pas les fruits de leur travail, loin de là, mais je trouverais injuste que la sphère économique soit la seule pouvant permettre la fierté de soi. Le capital social et le capital culturel sont, d’après moi, aussi importants, et notre gouvernement doit s’en occuper, pour ainsi avoir une société saine.

Tout cela constitue des opinions bien personnelles, et je ne doute pas que je serai critiqué. Je ne me suis fondé sur aucune documentation spécifique, quoique je lise quotidiennement les journaux. Alors, s’il y a des choses approximatives, veuillez m’en excuser, mais ce n’était pas le but de ma réflexion. C’est plutôt mon état d’âme actuel qui guide ce message, et je remercie AgoraVox de me laisser m’exprimer ainsi.

En guise de conclusion, je dois dire que les libéraux méritent sûrement cette baisse dans les intentions de vote. Lorsque nous sommes au pouvoir, il est dangereux d’agir dans le dos de sa population. Ces élections sont légitimes, et maintenant les libéraux risquent fort de perdre les rênes du pays...

De son côté, le Bloc québécois, parti fédéral luttant pour les droits des Québécois(es), reste très puissant au Québec, et devrait remporter une majorité de voix dans la province. Ce parti progressiste risque de montrer la différence entre les électeurs du reste du Canada et ceux du Québec. En effet, les Québécois(es) étaient majoritairement contre le bouclier anti-missile, contre la guerre en Irak, pour le protocole de Kyoto, pour le mariage entre conjoints de même sexe, et sont toujours fiers d’être défenseurs de causes sociales, outre leur souci de l’épanouissement de leur culture, si chère à leurs yeux.

Alors, une victoire conservatrice ne risquerait-elle pas d’éloigner encore plus le Québec du Canada ? Le Parti québécois (parti provincial et souverainiste au Québec) paraît de mieux en mieux se porter, et certains sondages ont même récemment montré qu’un oui à la souveraineté l’emporterait, si un référendum avait lieu prochainement... M. Harper parle d’unité du Canada, mais il devra donner une meilleure image de son parti, sinon les Québécois(es) lui en feront payer le prix...