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Accueil du site > Tribune Libre > Élections piège abscons ?

Élections piège abscons ?

Est-il possible d’avoir une action politique déconnectée des enjeux électoraux ? Est-on nécessairement un dangereux activiste antidémocrate si l’on refuse d’aller voter ? Regards sur un impératif discutable.

Je m’adresse aux gens de gauche. Cet article sert sans doute objectivement les intérêts électoraux des gens de droite mais ils peuvent passer leur chemin, ils ne trouveront rien d’intéressant ici.

Tel François Bayrou, je pourrais dire que je ne vois pas beaucoup de différence entre les politiques de gauche et les politiques de droite. Mais contrairement à lui, je pense qu’il y a des valeurs de gauche et des valeurs de droite. Tout est question de définition en la matière, et j’aime assez celle donnée par Bourdieu dans cette vidéo (devenue célèbre pour de mauvaises raisons, utilisée contre Ségolène Royal par ses adversaires, probablement au sein du PS, pathétique) : le rapport à l’ordre. Les ordres, L’ordre établi, les forces de l’ordre, les choses bien en ordre, l’ordre du monde, on aime ou on n’aime pas et quand on n’aime pas on est plutôt de gauche.

Je suis de gauche donc, et pourtant je n’irai pas voter, encore une fois. Je ne peux me reconnaître dans les dérives de cette démocratie médiatique et partisane où les slogans ont remplacé les débats, où les images tiennent lieu de pensée, où la logique des appareils est l’aune de toute chose, où le productivisme n’est jamais questionné.

Je laisse aux labelophiles émérites le soin de me catégoriser : libertaire, anar, gauchiste, alter, décroissant, utopiste... Je n’en ai cure. Mais je prétends que l’on peut refuser le système électoral actuel sans être un jusqu’au-boutiste sanguinaire et antidémocrate.

Du point de vue des valeurs qui me tiennent à coeur, les élections sont un enjeu mineur. Est-ce que l’élection de Sarkozy ou de Royal va changer quelque chose du point de vue des équilibres mondiaux ? Sortir l’Afrique de la mouise ? Questionner la valeur du "travail", ce mot scélérat qui confond l’activité par laquelle certains tirent reconnaissance sociale et richesses d’une part, et l’aliénation ignoble que subit la majorité d’autre part ? Permettre la décolonisation des imaginaires inféodés à la société de consommation ? Évidemment non.

Les différences de programmes sont des différences marginales, sur lesquelles on feint de s’étriper, pour être bien sûr de ne jamais avoir à questionner le système. En augmentant le Smic de 200 € par exemple, on ne va pas diminuer la souffrance des gens qui le touchent, on va la déplacer. Au lieu de souffrir de ne pas avoir de téléphone mobile ou de téléviseur, on souffrira de ne pas avoir le dernier modèle dont on nous a appris à rêver (et on aurait tort de minimiser la réalité de cette souffrance), pub en tête. Il est illusoire de penser que l’on va pouvoir mieux satisfaire des besoins fondamentaux (manger, se loger, s’éduquer, s’émanciper, rire) avec ces 200 €. L’écho médiatique dont ont pu bénéficier les Enfants de Don Quichotte aurait dû s’accompagner d’une prise de conscience du fait que l’argent n’est ni le seul problème, ni la solution.
L’extrême gauche est engluée dans des logiques d’appareil qui l’empêchent d’avoir un candidat unique (ce qui montre bien où sont ses priorités...), les Verts sont productivistes malgré tout, et même Bové, qui a par le passé écrit des choses intéressantes, montre que, sitôt qu’elle devient électorale, la campagne est un domaine dans lequel il ne devrait pas s’aventurer (voir l’excellent papier de Paul Ariès à ce sujet). Bové illustre assez bien, à mes yeux, qu’il est impossible d’entrer dans le jeu électoral actuel sans faire de concessions tellement drastiques qu’on finit par s’asseoir sur des idées fondamentales.

Mais si l’on ne prend pas part au vote, quel rôle peut-on jouer, quelle influence a-t-on sur les choses ? A-t-on juste le droit de fermer sa gueule comme je l’entends depuis des années ? Je ne crois pas. Je crois à l’action quotidienne. Je suis proche à des degrés divers des anti-pub, des décroissants, des mouvements du logiciel et de l’art libre. Je crois à l’efficacité de mouvements anecdotiques comme celui-là (dans la deuxième partie), et à celle d’autres plus structurés comme ce réseau de sociétés (auquel j’appartiens) travaillant sans hiérarchie et sans capital. Ces actions sont plus à l’origine d’implication et ont plus d’impact qu’une carte de parti ou un bulletin de vote à mon sens.

Les changements concernant les choses qui me tiennent à coeur s’inscrivent dans la "longue durée" chère à Fernand Braudel, en tout cas dans un temps qui n’est pas celui de la politique (entendue au sens électoral). C’est pourquoi je doute vraiment qu’il soit possible de changer les choses sans changer profondément le système de représentation, à deux niveaux. En ce qui concerne la façon d’enregistrer les votes tout d’abord, il existe des méthodes comme le vote Condorcet par exemple, susceptibles de mieux restituer la complexité des motivations des votants. En ce qui concerne les "carrières politiques" ensuite. Il faut les rendre impossibles, faire des mandats non renouvelables à tous les niveaux, empêcher que l’on puisse être homme politique professionnel à vie. Bien entendu les hommes politiques doivent être rémunérés mais uniquement quand ils sont aux affaires et cela ne doit durer qu’un temps limité. C’est une façon aussi de diminuer le rôle que jouent les partis. Il y a aujourd’hui la possibilité de mettre en oeuvre des outils de démocratie participative qui vont dans ce sens (et qui n’ont pas grand-chose à voir avec les débats de Royal ou l’ignoble vote électronique que l’on nous propose actuellement). Toutes les initiatives en la matière m’intéressent, comme le projet demexp.

Un proche me disait il y a peu : " Tu t’en fous toi, t’habites en Belgique, mais si tu votes pas tu nous abandonnes avec Sarkozy !". Si je suis honnête, je dois bien avouer que je n’ai aucune envie de voir Sarkozy au pouvoir. Mais je préfère prendre ce risque plutôt que de participer à un évènement dont je considère qu’il nous fait perdre de vue l’essentiel. Éthique de la conviction contre éthique de la responsabilité, c’est indécidable (certains pensent même que le monde dans son ensemble est indécidable, mais c’est une autre histoire).

Peut-être que si les déserteurs sont nombreux, l’armée électorale devra revoir ses positions. Je l’espère sans trop y croire. Les votes blancs et nuls étant évacués sans autre forme de procès et l’abstention analysée uniquement le temps de la soirée électorale, je suis assez pessimiste. Mais je reste un pessimiste actif.


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23 réactions à cet article    


  • BAERTJC 23 avril 2007 16:39

    Puissiez-vous être entendue ?! Mais voilà, au pays de c’est go l’haine, de la frime, de la triche et du fric,on adore les minorités...il paraît que cela rend plus fort. Donc ,toutes les éoliennes politiques de nouvelle génération vont chercher le vent et rien ne dit qu’à ce jeu de « cons » ,les premiers ne seront pas les derniers !


  • La Taverne des Poètes 23 avril 2007 12:54

    Bon titre citoyen ! Il ne pouvait y avoir qu’un belge pour me battre au calembour...


    • Pierre Cros 23 avril 2007 18:04

       :) Je suis français, mais trois années passées à Bruxelles, forcément...


    • Matozzy Matozzy 23 avril 2007 13:50

      Très bon article, je me retrouve complêtement dans les mots de l’auteur.

      Hier soir, j’étais bien embarrassé en regardant les résultats et en me demandant quel était désormais le choix qui me restait. Votez Sarkozy étant exclu... je me demandais si je pouvais trouver du sens et du courage pour aller voter Ségolène. Finalement, c’est Hollande qui m’a convaincu. Son discours en total décalage avec la réalité, son incompréhension totale de ceux qui ont voté Bayrou. Son regard archaïque sur les appareillages de partis... tout cela m’a convaincu : je ne trouverai aucun sens à aider ce PS là.

      A partir de là... il ne me reste plus qu’à prendre du recul et accepter la situation. Chacun fera ses choix et ils seront respectables. Moi aussi je serais sans doute qualifié de « déserteur » mais, tout comme l’auteur, je n’en ai cure. Je préfère déserter que mener un mauvais combat, à mes yeux. Le vote est passé, mais il reste bien d’autres choses à faire, tous les jours à tous niveaux, pour espérer un jour aboutir à d’autres situations.


      • mayb 23 avril 2007 18:29

        non vous n’allez pas être déserteur ....

        Vous serez COMPLICE


      • nisco 23 avril 2007 14:01

        Bon article, ça se tient même si le vote blanc aurait été, dans ce cas encore, bien utile... Je te rejoins dans l’analyse même si je trouve qu’un Besancenot peut amener un changement, ou du moins un début de changement.

        Merci en tout cas pour ces liens qui permettent de mettre en pratiques des idées et agir plus souvent que tous les 5 ans !

        Par contre une remarque concernant ton argument sur les mandats non-renouvelables à tous les niveaux. Si l’on se place à l’échelle communale, plus spécialement au niveau d’un village, le peu d’habitants diminue fortement la probabilité d’avoir le choix entre plusieurs personnes étant à même d’assumer le rôle de représentant politique (ici le maire). Un village ne peut donc pas se « payer le luxe » de changer de maire après chaque mandat.

        Je suis pour ma part partisan de la « démocratie à dimension humaine » car à mon avis, les dérives que tu décris n’en sont que les symptômes, la démocratie ne peut se targuer d’être le « moins pire des systèmes » que pour des communautés de taille réduite. Certains avancent le nombre de 12 comme taille maximum pour débattre démocratiquement. Je pense quant à moi qu’il ne faut pas espérer une démocratie véritable à l’échelle d’un pays grand comme la France. Et donc je te rejoins sur le fait que ce grand « show » démocratique d’hier ne peut être représentatif des aspirations des français.

        Il est donc vraiment important de réformer le système démocratique, qui passe selon moi par une véritable décentralisation, qui va un peu à l’encontre de l’Europe comme pensée actuellement, afin de redonner une vraie force à la volonté de l’individu qui aujourd’hui se voit obligé de voter pour une personne et non pour un projet de société (qui est de toute façon dicté de l’extérieur : Europe, OMC, G8, grandes entreprises, etc.). Il est d’ailleurs flagrant de noter comment le 1ier discours de Sarkozy suite aux résultats ne faisait état que des choses contre lesquelles il allait lutter (en vrac : insécurité, chômage, délocalisations, etc., etc.) mais aucunement de ce qu’il allait construire...

        Merci encore pour ce regard alternatif sur cette actualité politique sans grande saveur.

        Cordialement,

        Nisco


        • Pierre Cros 23 avril 2007 18:10

          Concernant les mandats non-renouvelables, j’ai énoncé un principe brut. La règle doit pouvoir souffrir des exceptions, je suis d’accord avec toi. Mais ce doit être la règle.


        • Alajuela Alajuela 23 avril 2007 15:47

          Bonjour, J’ai trouvé votre article interressant ainsi que les liens indiqués même si je ne partage pas la définition gauche-droite de Pierre Bourdieu. Personnellement je me situe dans le courant de « décroissance » (fidèle lectrice de la revue « Silence ! »)et évidemment j’adhère totalement à vos propos sur la question des 200 euros. Par ailleurs, je crois moi aussi à l’action quotidienne plus qu’en l’action politique officielle... Et pourtant, je voterai le 6 mai pour Ségolène Royal parce que je crois vraiment que les choses vont empirer en France avec l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy. Je crois vraiment que malgré tout il y a une différence entre les deux. Et je crois que plus la France s’installe dans un système de droite et plus elle va y rester (contrairement aux « Che Guevarra en herbe » qui espèrent l’arrivée de N. Sarkozy afin que cela déclenche une révolution, je ne peux m’empecher de penser qu’ils sont un peu naïfs). Cordialement,


          • zeugma 23 avril 2007 17:55

            Bonjour,

            Bon article Pierre. J’en partage bien des points. Notamment ton point de vue via Bourdieu des valeurs de Gauche. M Sarkosy est en cela un homme de Droite trés dur : il ne crois pas en la richesse naturel de l’homme, il est « ahumaniste » et pense que libre l’homme est mauvais et chaotique. Seul la compétition et le controle social consumériste issu d’une vision catastrophique du travail peut maintenir une société en ordre. Selon moi c’est détestable et c’est en train de saigner le monde, l’espace et le service public...

            Aussi, je pense que voter blanc dans ce contexte bien précis est une immense bétise qui fera peut-être 20 de Sarkosysme ( car il va plaire aux francais, flatté leur bas instincts et leurs désirs immédiats, leur faire aimer les fers qu’ils se seront eux même appliqués. Commme le Tatcherisme le Sarkosysme va fonctionner et détruire sans qu’on s’en rende compte le lien social, solidarité et interet général ! Il va engraisser la France economiquement , elle qui est encore un peu svelte. Il va continuer l’américanisation de la société ( américanisation : processus anti social et anti culturel, insidieux, sourdant partout et ne s’originant même plus vraiment aux USA et pas américanité, identité que je respecte profondement.)

            Alors STP, soit juste RAISONNABLE et objectif. Une sociale démocratie juste et ferme sur le financier vaut mieux que du Beslusconisme à la Française pendant 20 ans Voter contre Sarko et pour Royal à ces élections est aussi noble et citoyen pour moi que voter pour. Aprés on verra. Mais surtout PAS SARKO. Projet de société CATASTROPHIQUE. Soyez juste réaliste et un peu optimiste (pas facile je sais....)


            • todoynada 23 avril 2007 17:59

              j’ai été moi aussi, très longtemps, abstentionniste. Si je partage une grande part de vos analyses sur les illusions démocratiques et électorales (ne serait ce qu’il faut toujours rappeller que les élections ne sont pas la démocratie, elles n’en sont qu’une condition, peut être nécessaire, en tout cas non suffisante), ainsi que celles sur la nécessité d’envisager frontalement la décroissance plutôt que l’aménagement de la « misère riche » des prolétaires contemporains, je doute de la valeur intellectuelle et humaine de l’abstention ; croyez-vous vraiment que la majorité de vos contemporains soient dupes sur l’importance concrète, politique, des élections présidentielles ?

              Le discours populaire le plus commun, c’est à dire celui que l’on entend quand on parle avec un peu tout le monde un peu partout, et pas celui des médias, et surtout pas celui de blogs et forums qui est très loin d’être représentatif, ce n’est pas « si un tel gagne, nous sommes sauvés », c’est « de toute façon, une fois qu’on aura voté, »ils« feront ce qu’ils voudront, comme d’habitude ». La plupart des gens ne sont pas dupes ; pourtant, ils votent ; pourquoi ? a mon avis,pour des raisons de trois ordres, qui se combinent, car ils recouvrent la totalité de « l’être ensemble » des vrais gens dans la vraie vie :

              1) réel :si je rajoute ma voix à celle des autres et que X passe, ou Y ne passe pas, j’ y trouverais avantage ( moins d’impots, plus de subventions pour mon assoc, ...)

              2) imaginaire : X ou Y permet « le changement » : et si les immigrés, les riches, les pollueurs (rayer les mention inutiles...) en prenaient plein la gueule, je vivrai dans un monde plus juste...

              3) symbolique : je fais partie d’un corps social (« le peuple français »), qui a des rites qui ne sont peut être que des rites, mais les rites SONT le corps social se vivant comme tel ; et : j’accepte de sublimer ma violence et mon désaccord dans une lutte symbolique, de préférer le compromis à la guerre civile.

              S’il ya une grande part d’illusion dans le 2), et souvent mortifère (pour le mauvais autre (pendre les capitalistes ou ratoner les bougnoules), mais aussi pour soi (avoir l’illusion que l’on sera « sauvé », et de plus sans avoir à combattre et à s’impliquer, le 1) rencontre sans doute la mesquinerie, mais pas l’imbécilité : minuscule investissement (aller voter) contre gain aléatoire, mais possible et important : en gros, comme de jouer au loto (sauf que là, on peut gagner sans miser : l’abstentionniste intermittent du spectacle « y gagnera » avec le PS au pouvoir à la place de Sarko ! Mais qui est alors mesquin ?

              quand au 3), c’est celui qui explique pourquoi, perso, je vote (blanc souvent, ou Bové ce dimanche) : je ne me crois pas (plus) « au dessus » ou « à part » des français qui m’entourent ; je pense avoir moins d’illusions , un imaginaire moins simpliste ou bestial, et encore je n’en suis pas sûr, et puis ça dépend des moments.. mais surtout je suis un humain, un citoyen, un héritier de tout un passé, et un parent (j’ai un fils : que vais je lui dire : ricane, fils, tout est bêtise et pourriture ici bas, reste pur -et seul ?) dans un pays réel, ma langue, mes voisins, nos rites idiots, mariages, enterrements, repas de famille,élections... ça fait chier, c’est bête, mais c’est bon de savoir que du « NOUS » existe encore...

              En fait, et ce que vais dire provient d’une autoanalyse(je ne vous connais pas,je ne me permettrai donc pas de tenter vous analyser !), car je l’ai dit au début, j’ai été abstentionniste longtemps : l’abstention, ne serait ce pas une posture de distinction, au sens de Bourdieu : un luxe intellectuel, symbolique, pour se distinguer , être un peu abscons plutôt qu’un simple con parmi les autres... ? parce qu’au fond , en quoi voter empêcherai en quoi que ce soit d’agir au quotidien des manières, par ailleurs sympatiques, que vous préconisez ?! Alors que votre voix, + d’autres voix, peut être que Sarko sera évité ; pour vous, c’est peut être indifférent, parce que vous avez le capital intellectuel, matériel et/ou symbolique pour supporter cinq ans de Sarkozysme, mais pour beaucoup de vos contemporains (immigrés, sans papiers, prolos de base, petit fonctionnaires, RMIste décroissant...), çà peut faire une différence notable.

              Peut être que vous être très jeune également, je le suis moins... cinq ans, c’est rien, c’est beaucoup... Les petits gestes à la con, aller faire le blaireau au bureau de vote, c’est comme Noêl chez les parents, c’est ringard, c’est la petite compromission, c’est le petit respect des petites valeurs des petits autres, c’est rien, c’est tout...


              • Pierre Cros 23 avril 2007 18:39

                J’aime bien votre commentaire.

                Est-ce que les gens sont dupes de l’importance des élections ? il est de bon ton de dire que les hommes politiques ne servent à rien mais l’engouement reste monumental, c’est pour le moins ambigu vous en conviendrez. On fait quand même des élections un moment paroxystique de la vie et de l’action politique, et vous soulignez bien que la démocratie n’est pas réductible à ce moment là. C’est ce que j’ai voulu dire en premier lieu.

                Ensuite mon prosélytisme concernant le non-vote est quand même bien léger, n’ayant pas de certitudes sur l’efficacité de la chose, vous l’avez certainement compris.

                Profits de distinction me concernant, oui certainement. Mais c’est une effet de bord, pas un objectif premier (je m’auto-socio-analyse quelle gageure...). Je ne crois pas envier ces intellectuels d’autant plus rassurés qu’ils sont moins compris. Je suis sincèrement convaincu que les changements que vous décrivez (si on a Ségo plutôt que Sarko), pour des personnes en situation plus précaire que la mienne, ne sont malheureusement pas décisifs. J’y vois de l’onguent sur une plaie béante. J’ai l’impression que c’est la motivation première de mon non vote : ne pas participer à une imposture qui nous détourne de choses plus fondamentales au nom de mini profits à court terme. Mais j’ai cette discussion de façon récurrente avec plein de votants et je ne suis pas sûr de mon coup. Je demande juste à mes interlocuteurs - avec qui je partage beaucoup d’objectif, souvent - d’admettre que ma position n’est pas plus condamnable que la leur.

                Je ne suis pas tout jeune, hélas, je devrai même déjà être de droite à mon âge... J’ai deux filles, et je ne sais pas si c’est se sentir au-dessus des autres que d’avoir envie d’un monde autre pour elles. Peut-être. Vous écrivez très bien sur nos rites idiots :).


              • BlueTemplar BlueTemplar 24 avril 2007 05:13

                Il me semble que le vote imaginaire « 2) » tel que vous le décrivez peut être divisé en deux types de vote diametralement opposés. D’abord le vote « contre » que vous decrivez (« qu’ils en prennent plein la gueule ! »). Mais il y a aussi le vote « pour » : esperer que le gouvernement en question va essayer de rendre le monde dans lequel on vit « meilleur », ce qui implique, il est vrai, que trés souvent certains vivront moins bien, mais la difference fondamentale est que cela n’aura pas été ni le but, ni le moyen pricipal pour amener le changement, et on cherchera plutôt de faire que nombreux autres vivent mieux. Le fait que vous ne voyiez pas une distinction entre ces deux types de vote, (ainsi que l’importance que vous accordez au « JE », plutôt qu’au « ON », voire au « EUX ») explique en partie pourquoi il y a une sorte de crise de la democratie en ce moment.

                J’ai lu à propos du vote Condorcet... c’est impressionnant à quel point la methode du vôte actuelle est archaique ! Je ne crois pas que la methode Condorcet puisse vraiment être mise en place sans celle d’un vôte électronique obligatoire, ce qui pose d’autres problèmes, mais j’ai reflechi à une solution plus simple : et si chaque élécteur avait un certain nombre de points à répartir sélon les candidats au premier tour (par exemple 100) ? Ensuite les points de chaque candidat sont comptabilisés... probablement il ne faudrait pas de second tour pour ne pas annuler les plus que cette methode apporte par rapport à la methode traditionnelle. Cette methode aurait le merite de faire disparaitre les indécis, et de permettre les réactions du genre « Ah tiens, j’aime/j’aime pas unpeu/beaucoup sa dernière proposition, /5/25 points pour lui ! »

                Mais bon, pour moi le problème principal reste l’utilisation des medias qui contrôlent agressivement l’opinion de la majorité des votants... je ne vois pas comment une élection réellement démocratique est possible tant qu’on a pas reglé ce problème !


              • Le Bordelleur Le Bordelleur 23 avril 2007 18:58

                Les abstentionnistes sont des fleimards, on peut toujours voter blanc !

                Moi je vote blanc, et je suis persuadé qu’un vote blanc massif aurait un effet bien plus important qu’une abstention massive qui a déjà existé par le passé.

                VOTEZ BLANC !


                • Pierre Cros 23 avril 2007 19:06

                  Votez blanc, c’est accepter le système électoral tel qu’il est, et ne pas trouver de candidat adéquat. Je ne me trouve pas dans cette situation, je pensais que c’était clair.


                • richard 23 avril 2007 19:02

                  Je suis tout a fait d’accord avec le tout sauf sarko même si il vat falloir que que je me fasse violence pour voter pour SR mais j’ai un fils mobilisable et vu l’atlantisme de sarko nous n’aurons pas une deuxieme foi un Chirac pour être « arrogant »


                  • mayb 23 avril 2007 19:02

                    Oui l’élection ne va pas changer la face du monde, mais votre choix par défaut (car ne pas voter c’est voter Sarko) va beaucoup changer votre avenir et l’avenir de vos filles.

                    Comment pouvez-vous croire que le candidat du MEDEF, l’ami des hyper milliardaires en EURO, le fossoyeur du droit du travail, le nettoyeur de la sécurité sociale,l’admirateur de BUSCH,et je crains fort le futur responsable d’une possible guerre civile, ne va pas changer la vie de vos filles.

                    Il vous restera la grève et les manifestations de rue pour essayer de modifier les décisions irrémédiables qui s’annoncent.

                    Alors qu’aujourd’hui !!! un bulletin de vote suffit !!!

                    et pour ce qui est de l’Ethique et de la philosophie .... Croyez moi Sarko lui n’en fait pas ....


                    • nisco 23 avril 2007 20:37

                      Quel optimisme ! Ségolène représente-t-elle à ce point le changement radical par rapport à Sarko ? Posons la question différemment : Ségolène aura-t-elle les moyens, si du moins elle en a déjà l’ambition ce qui est lion d’être prouvé, de mener une politique diamétralement opposé à celle de Sarkozy ?

                      Je rejoins totalement l’auteur qui ne voit en Ségolène qu’une version « soft » d’une politique déshumanisante et à la solde des actionnaires de tous horizons. Au fait, ségolène a-t-elle voté non au traité ultra-libéral de l’europe ? Non, bien sur, elle est pro-européenne donc accepte tout sans broncher. Que fera-t-elle contre l’OMC et le G8 qui ne réfléchissent qu’en terme de croissance du PIB et hausse du court de la bourse ?

                      Si la méthode sera plus douce, les résultats seront les mêmes. N’est-ce pas le système dans son entier qui est à changer ? C’est mon avis, mais comme l’auteur, je dois être dans une situation bien plus confortable pour regarder à moyen et long terme plutôt qu’à court terme. Est-ce un défaut ?

                      Nisco


                    • ExSam 23 avril 2007 21:08

                      Un bon candidat José serait un candidat qui donnerait à penser en faisant dissensus.

                      Je crois que c’est le cas de Bové, l’omerta médiatique qu’il a subit en fait assez preuve.

                      Par ailleurs, les 125 propositions me semblent un socle citoyen contre le capitalisme, qui peut servir de plate-forme à une politique décroissante.

                      Vouloir changer les choses implique de peser, en gardant son âme et ses idées.

                      Sauf à penser un grand soir immédiat, la décroissance, pour l’heure, sans parler des critiques qu’on pourrait lui objecter, ne rassemble pas les citoyens comme l’a fait Bové. Bové qui ne capitalise pas électoralement, compte-tenu, notamment, de la guerre que nous livre le complexe médiatico-politique.

                      Et encore moins le mouvement décroissant. Alors à mon sens il faut construire une force de lutte collective contre le capitalisme, qui rassemble déjà en nombre, et faire vivre les idéaux maximaux que vous portez. Sans se tromper d’étapes, pour réussir un petit quelque chose. Au présent.


                      • caro 23 avril 2007 23:39

                        par curiosité allé regarder les chaines arabes si sarkosy passe je vous garantie que nous allons subire des attentats les banlieu seront en feu la france serat parallisée et vous serez complice de tout cela alors allez voter et votez bien


                        • moebius 24 avril 2007 04:56

                          Ex sam. Pour construire une force anti-capitalisme, c’est combien de cliks ? ESt ce que tu as la moindre idéee de la force et de l’investissement en temps et en vies que cela représente ? Et bien le bilan de ce deuxiéme tour est que cette force est nulle, mais il faudrait... il faudrait... il faudrait trouver la formule magique qui nous donne la force, as tu essayer la camomille ou peut etre la verveine avec un peu de salse-pareille et deux doigts de bicarbonate...Quand nous disons il faut qui nous suit ?


                          • moebius 24 avril 2007 05:00

                            pardon, il faut lire premier tour mais le deuxieme ne nous sauvera pas...


                          • lpetit 24 avril 2007 23:07

                            Bonsoir Pierre,

                            J’ai vraiment apprécié ton article. J’appartiens au même réseau structuré que toi, « travaillant sans hiérarchie et sans capital » smiley

                            Je me retrouve dans plusieurs des références que tu évoques, et c’est Paul Ariès qui va me permettre d’aborder le fond de ton article. J’ai donc ressorti le numéro de décembre dernier de La Décroissance et son article « Pourquoi nous sommes démocrates » (pas d’URL à communiquer : l’article n’est pas en ligne).

                            Quelques points soulevés par Paul Ariès :
                            - C’est vrai que les objecteurs de croissance se divisent sur la nécessité de participer ou pas aux élections.
                            - La démocratie représentative est malade de la télévision et du marketing électoral qui tuent toute délibération.
                            - Pour autant, le peuple a besoin d’être représenté.
                            - C’est tout le sens des élections : choisir ses représentants, à l’issue d’un rituel de délibération (et non pas les tirer au sort, ou les désigner pour leur expertise).
                            - C’est un axe fort pour les objecteurs de croissance : redonner tout son sens au politique, y compris toute leur place et tout leur rôle aux partis politiques.
                            - Certes, la démocratie représentative suppose d’élire des représentants qui ne nous représentent jamais tout à fait.
                            - C’est tout le sens de son pendant : la démocratie participative, directe, autogestionnaire, qui est ainsi une contrepartie au fait que l’on n’est jamais complètement représenté.

                            Concernant le rôle que l’on peut jouer : tu évoques, et ça nous rapproche également, tes divers engagements (Lapetiteradio, LE, demexp...). Ceci étant, je m’en réfère encore à Ariès, puisqu’il ne t’est pas indifférent :
                            - Les expérimentations collectives (que tu revendiques : « Ces actions sont plus à l’origine d’implication et ont plus d’impact qu’une carte de parti ou un bulletin de vote à mon sens ») doivent éviter le piège de la marginalité et une banalisation de la dualité de la société.
                            - Il importe de ne pas négliger un projet politique plus global.

                            Amitiés

                            Lucien


                            • Pierre Cros 26 avril 2007 18:29

                              Il aurait été étonnant qu’on ne s’entende pas sur l’essentiel smiley

                              Sur la représentation, je crois aussi en sa nécessité bien sûr, nous divergeons juste (mais notablement) sur le rôle des partis. Je les souhaite faibles, parce que forts, ils finissent par être autocentrés.

                              Je ne recherche pas la marginalité, j’aimerai que des projets comme demexp ou le réseau deviennent plus populaires, en inspirent d’autres et je pense que c’est possible. En tout cas je les vois comme des projets ayant une portée globale car je suis tout à fait d’accord sur la nécessité de penser l’action globalement (je vais pas ressortir la tarte à la crème du penser global agir local... oops je l’ai fait).

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