Emmanuel Macron : quand le président sublime l’homme
Il y a quelques jours à peine, je publiais une tribune critique à l’encontre de l’indigne débat présidentiel ayant mis aux prises, lors de l’entre-deux-tours des élections françaises, les deux derniers candidats, Marine Le Pen et Emmanuel Macron. En voici, par ailleurs, le lien électronique : https://www.rtbf.be/info/opinions/detail_le-pen-macron-un-indigne-debat-presidentiel?id=9598284
Certes était-ce tout d’abord la représentante du Front National, Marine Le Pen, que je fustigeais là. J’y stigmatisais, notamment, son incompétence manifeste dans la plupart des dossiers qu’elle prétendait maîtriser, sa médiocrité intellectuelle, son agressivité verbale, son esprit vindicatif, sa bassesse morale, ses mensonges éhontés, ses outrances comme sa vulgarité et, chose peut-être plus grave encore sur le plan éthique, son obsessionnelle manie de la délation (l’un des travers les plus abjects de la droite fascisante, comme le démontrèrent, de sinistre mémoire, la milice et autres collabos de Vichy, au temps de Pétain, lorsqu’ils livraient juifs, communistes ou résistants aux nazis).
Mais, en un effort de lucidité tout autant que d’impartialité, j’y dénonçais aussi, sans toutefois m’y adonné certes au moindre amalgame, le fondateur d’En Marche, Emmanuel Macron, en qui je déplorais, entre autres carences, le manque de fond dans ses analyses, la superficialité de la vision politique, la sécheresse du raisonnement, sinon la pauvreté des idées, l’oubli des véritables préoccupations sociales, l’absence de toute dimension humaine au profit (c’est, en cette très matérialiste circonstance, le cas de le dire !) de critères exclusivement économiques, voire utilitaristes (dans la lignée du pragmatisme anglo-saxon, façon John Stuart Mill), comme si l’homme n’était, dans une perspective essentiellement financière, qu’une machine à produire de l’argent plutôt que de la réflexion : le paradoxal comble pour un individu, tel Emmanuel Macron précisément, qui se dit « philosophe », élevé à l’école de Paul Ricœur, lui-même penseur chrétien, d’obédience protestante et, comme tel, l’un des meilleurs exégètes du piétisme comme du jugement kantiens. Bref : un flagrant, consternant et même mortifère manque de hauteur de vues, sinon de grandeur d’âme, chez Macron !
Ainsi cette politique de bas étage, indigne d’un pays tel que la France, de sa culture comme de son histoire, en concluais-je encore, n’était-elle, somme toute, que le signe le plus tangible, le plus symptomatique et le plus regrettable à la fois, de notre propre faillite intellectuelle, sinon, sans vouloir être là en rien rétrograde, encore moins réactionnaire, de notre propre décadence morale. Dont acte !
DES LUMIERES DE VOLTAIRE AU SOCIALISME DE JAURES
Et pourtant : force est de constater, en toute objectivité, que ce même Emmanuel Macron, à peine élu Président de la République, a su redonner, en quelques heures à peine, souffle et éclat à cette belle et grande France. Quel plus somptueux écrin, en effet, que celui du Louvre, ancien palais monarchique avant de devenir bastion révolutionnaire puis sanctuaire artistique, pour prononcer un discours faisant l’éloge, en outre, du Siècle des Lumières, ce temps où naquirent, portées par Voltaire, Rousseau, Diderot ou Montesquieu, ces magnifiques idées, véritables phares pour l’humanité tout entière, que sont celles de la tolérance, de la démocratie, de la laïcité et des droits de l’homme ! Macron, du reste, a eu là l’intelligence, devant cette splendide pyramide de verre qui plaisait tant à Mitterrand, d’invoquer, devant une foule en liesse, composée en grande partie de jeunes, l’immortelle devise de cette France que nous aimons tant et que, malgré l’adversité, la morosité ambiante et l’individualisme généralisé, nous continuons à appeler de nos vœux : « liberté, égalité, fraternité », valeurs suprêmes que tout humaniste digne de ce nom se doit de porter fièrement, chevillées à son cœur comme à sa raison, haut dans le ciel des idées.
Oui : là, en cet instant magique, en cet historique dimanche soir du joli mois de mai, constellé d’un savant dosage de solennité et de sobriété, Emmanuel Macron s’est transcendé, dépassé, comme sublimé ! Il a été – je le reconnais ici humblement mais volontiers – grand, à la hauteur de la fonction présidentielle, semblable, dans sa solitaire mais triomphale marche au son de l’Ode à la Joie de l’immense Beethoven (classique dans sa forme mais romantique dans son fond), à François Mitterrand entrant, une rose à la main, dans l’éternelle demeure des grands hommes - le Panthéon - pour aller finalement s’incliner, tel le plus respectueux des hommages, devant la tombe de Jaurès.
Certes, ce décorum, très habilement choisi par-delà son apparente grandiloquence, était-il un peu facile. Et toutes les promesses, en-deçà de cette image de façade, restent, bien sûr, à tenir, à l’avenir, par un engagement, sur un terrain bien plus modeste mais néanmoins beaucoup plus concret, de tous les jours. Mais il n’empêche : à Emmanuel Macron donc, au présent, la patrie reconnaissante - et non seulement la France, mais aussi l’Europe en son ensemble - pour avoir su écarter ainsi, en ayant enfin relégué Marine Le Pen à son obscur et triste sort, le péril de l’extrémisme, sinon le spectre du fascisme !
DANIEL SALVATORE SCHIFFER*
*Philosophe, auteur, notamment, de « La Philosophie d’Emmanuel Levinas – Métaphysique, esthétique, éthique » et « Philosophie du dandysme – Une esthétique de l’âme et du corps » (Presses Universitaires de France) ; « Oscar Wilde » et « Lord Byron » (Gallimard – Folio Biographies) ; « Le Testament du Kosovo – Journal de guerre » (Editions du Rocher).
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