Emotion et polémique au cœur de notre société
Notre société est en train depuis plusieurs années de basculer dans un mode de fonctionnement guidé par l’émotion. C’est assez pernicieux comme cheminement, cela pourrait remonter à la campagne sécuritaire de Jacques Chirac en 2002 relayée par les médias. Tranquillement l’affectif, l’émotion, le traitement polémique des sujets dans le médias, s’engouffrent un peu partout dans notre société. Emotion et polémique sont en quelque sorte les nouveaux jeux antiques que l’on livre au peuple pour le satisfaire. Ils deviennent la manière de traiter les sujets et d’en débattre.

Emotion suivante !...
Médias et politiques surfent sur ces sentiments et ce serait se montrer insensible que d’émettre une vue différente.
Je prends quelques exemples : la banderole insultant les gens du Nord, le "suicide" de... (je suis volontairement provocateur), tiens comment s’appelle cette femme au visage déformé par une tumeur, qui demandait à mourir dignement et dont le nom était dans tous les médias... Il y a trois semaines, il me semblait la connaître intimement, aujourd’hui, je n’entends même plus le moindre bruit sur le sujet. Le traitement est axé sur l’émotion, il faut faire naître une empathie chez les gens, pointer le racisme, la violence ou l’inadaptation des lois face à la mort et la souffrance. Le débat de fond est à peine ébauché que l’on passe à autre chose, à l’émotion suivante.
Un peu plus polémique :
Darfour, Ingrid de Betancourt, Tibet, émeutes de la faim, spéculation financière, pouvoir d’achat...
Il faut provoquer l’émotion, jouer sur la corde sensible, montrer, parler de la souffrance pour susciter cette empathie toute temporaire avant de passer à une autre "cause". Il faut aussi que tout le monde puisse comprendre, faire simple donc, privilégier le sentiment sur le fond. Et pourtant... ces sujets sont bien sûr dramatiques et l’émotion somme toute légitime. Mais le traitement par les médias, la superficialité, l’accroche émotionnelle choisie est choquante.
Ce mode de traitement nous cantonne forcément dans la simplification, la superficialité, et nous impose, nous dicte une façon de penser et de réagir tant il serait indécent de ne pas être touché par l’émotion... dictature donc.
Nous traitons des sujets graves comme nous traitons des sujets légers. Nous traitons de la faim dans le monde ou de la détention d’otages comme nous traitons de la vie privée de nos hommes politiques ou de nos stars du show business.
On nous parle de "peoplisation" de la vie politique. Oui. Mais c’est un phénomène beaucoup plus profond, qui touche toute l’information.
Le traitement émotionnel et polémique de tout. Voilà ce qu’est la "peoplisation". C’est une gangrène qui gagne toutes les couches des médias, locaux ou nationaux. Il suffit de passer quelques minutes à l’écoute de Morandini sur Europe 1 pour saisir cela. On cherche à faire vibrer la corde sensible des gens, à mettre face à face dans des débats des personnes opposées non pas pour l’intérêt constructif d’une discussion, mais pour provoquer une polémique. On rajoute là-dessus un invité surprise qui met de l’huile sur le feu afin de raviver le brasier et on reste avec un goût amer de superficialité sans forcément avoir fait avancer l’information, sans donner les différents arguments de fond aux auditeurs, en privilégiant la confrontation au fond, en simplifiant toujours, en s’attachant à la forme, à l’affrontement plutôt qu’au fond.
Les politiques reflètent notre société
... et sans surprise, nous avons élu le président qui symbolise parfaitement cette vague de fond qui dure depuis plusieurs années. Nous avons un président qui a maîtrisé parfaitement l’art de l’émotion et la polémique. Du parler vrai ? En fait c’est du parler simpliste qui réduit le discours politique à une sorte de choix binaire, et sans être évident. "Mais enfin c’est tout de même extraordinaire, il y a des gens qui travaillent et qui ne gagnent pas assez pour vivre dignement, je veux remédier à cela, est-ce mal ?" "Euh... ben... non non..." "Bravo monsieur le candidat, je vote pour vous !"
Voilà comment on se retrouve pour cinq ans avec un président à l’image de notre société et de nos médias... à notre image.
Je ne veux pas faire de l’antisarkozisme, car ce n’est pas Sarko qui est cela, c’est nous, et ce depuis quelques années déjà.
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