En finir avec les politiques d’égalité des places
L’égalité est inscrite dans les principes fondateurs de notre République démocratie jusqu’à notre devise nationale : Liberté, Egalité, Fraternité. Pourtant, si le concept parait simple, il a toujours été difficile de le garantir car il existe plusieurs vision de l’égalité : celle de l’égalité des places, et celle de l’égalité des chances. Ce vieux débat est important car il a des conséquences sur la vision d’une société idéale et le rôle de l’Etat. Mon propos est de montre que l’égalité des places est une belle promesse inexorablement vouée à un échec malgré tous les efforts pour la garantir. A sa place, il faut préconiser une véritable égalité des chances
Le sociologue François Dubet, récemment auteur du livre Les places et les chances revient sur les distinctions entre ces 2 visions dans cette vidéo assez synthétique :
Les deux grands modèles de justice sociale. F. Dubet envoyé par larepubliquedesidees
L’impossible égalité des places
L’égalité des places est semblable à la vision du communisme qui voulait anéantir au maximum les inégalités en instaurant une classe sociale unique : le prolétariat. Par ce système, tous les individus d’une société étaient censés avoir une situation égale. (Je grossis volontairement le trait...)
Aujourd’hui le communisme est bel et bien mort, mais cette vision ne l’est pas tant au regard de notre système de protection sociale qui tend à vouloir rétablir un peu d’égalité dans tous les recoins du système. Les niches fiscales, les régimes spéciaux, toutes les petites mesurettes dont notre législation est truffée sont autant de tentatives de compenser telle catégorie d’individu pour tel préjudice subi.
Prises séparément, ces mesures peuvent se justifier : elle visent à établir l’équité. Mais lorsque l’on prend du recul, elles sont néfastes pour l’ensemble du système.
La première raison est qu’il est impossible d’évaluer et donc de comparer les situations de chacun. Trop de paramètres non financiers entrent en ligne de compte, ce qui rend chaque situation unique et donc difficilement comparable... à moins de "standardiser" au maximum les individus, ce qui n’est évidemment pas souhaitable.
Du fait de cette complexité, la recherche de l’équité à tout prix entraine des absurdités et génère de la défiance. A force d’établir des compensations, on crée un système qui avantage certains qui cumulent les avantages tandis que d’autres en sont exclus car ils ne rentrent pas dans les cases du formulaire 1304 B, ou qu’ils ne sont "pas assez pauvres"... C’est ainsi que l’on crée des rentes de situation, des "acquis sociaux" devenus illégitimes mais impossible à supprimer, tandis que le reste de la population qui ne touche rien est spoliée.
Enfin, la culture française des statuts et des privilèges n’explique-t-elle pas le fait que notre pays soit si difficilement réformable ? Si les gens manifestent à chaque réforme, n’est-ce pas au fond parce que la plupart des citoyens ont un sentiment profond d’injustice du fait que tout le monde n’est pas logé à la même enseigne ? Que certains bénéficient d’avantages auxquels ils n’ont pas droit, tandis que d’autres sont mis dans une catégorie à part qui leur confère moins de droits que d’autres ? Ce système censé réduire les inégalités n’est-il pas plutôt en train de les augmenter ?
Vouloir garantir l’égalité des places, c’est un beau principe, mais il aboutit en pratique à une bureaucratie qui rend le système encore plus fou que son objectif initial...
Pour une égalité des chances et des droits
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.
Contrairement à ce que pensent souvent les socialistes, l’égalité des places n’est pas vraiment justifiée par la déclaration des droits de l’Homme et du citoyens, qui tend davantage vers une égalité au regard de la loi. Or, qu’est-ce que l’égalité des chances, si ce n’est l’égalité devant le droit de réussir ?
Vouloir sauver la veuve et l’orphelin est une intention louable, mais elle ne devrait jamais nuire à l’égalité des autres de réussir leur vie. C’est ici le principe même de méritocratie qui est en jeu : le système doit savoir récompenser les efforts produits individuellement ! Or, à chaque fois que l’Etat attribue un avantage exclusif à une minorité, elle prive tout autant les autres des l’action des pouvoirs publics (pour lesquels ils paient...).
Voilà pourquoi je suis favorable à la mise en place d’un revenu de base (revenu garanti sans conditions) car un tel système permet à la fois de garantir une situation digne pour tous, tout en assurant une égalité stricte au regard de la loi. De même, une telle vision amène naturellement à se poser la question de la suppression de tous les régimes spéciaux, de la réforme de notre système d’éducation, ainsi que de la gratuité des transports en commun...
Les inégalités ne sont pas forcément mauvaises, c’est la manière dont elles sont générées (et donc perçues) qui le sont. Ainsi, les partisans de l’égalité des places ne se préoccupent en fait que du résultat final d’un système qui ne fonctionne pas en amont de manière méritocratique. Autrement dit, c’est l’échec de l’égalité des chances qui aboutit aux inégalités que nous connaissons. Mais bien sur, il est toujours plus facile d’embellir les apparences que de vouloir régler le problème à la racine...
CC Image : Dr Case
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